Conques-Hérault

Qu'est-ce qu'ils ont été inventer ? On me demande un "URL" pour mes images, à présent ! Comment faire pour importer depuis mon appareil photo numérique ? J'ai remplacé les URL par un titre personnel ! Enfin, voici toujours un texte, de voyage...


Nous ne faisons Anne et moi que de petits voyages, à la mesure de nos inexistants budgets de cigales (pour moi se déplacer représente la seule activité humaine véritable ; dans le piétinement des hommes, je ne distingue nulle variété, rien de constructif, aucune espèce de communication. Nous emportons ce qu'il faut pour le pique-nique, traversons Le Vigan, le Larzac Il souffle à La Cavalerie un tel vent que nous nous abritons sur un chemin sale, bouffé d'emballages, de Tampax et de merdes sèches. Le village est payant : ici-même, en rase campagne, à sept cents mètres à pied des murs de pierres sèches sous le vent, un parking à tant de l'heure. Et sur place, des restau chers.
Pauvre fauché, contemple donc à tes pieds les herbes malades, les flaques infectées, le caniveau s'il y en a : tous les paysages se valent. Pont de Millau. Je conduis sans voir. Etape à St-Zins, Aveyron. Accueil chez Sainzaste, couple filiforme, vaste propriété, charcutailles rouergates. Ils bouffent, font bouffer, sans prendre un gramme, Giacometti homme et femme, bavards, prolixes, dix chambres et vingt-six salons, tous sales, tous déglingués, pas un larbin. L'église au centre de St-Zins porte un avis gravé sur pierre, interdisant aux ménagères de 1536 de nettoyer ou battre leur linge devant le porche. La Sainaste, née Baudrillat, m'entretient de toute la généalogie du bourg : l'essentiel est de disposer de sujets de conversation. Boustifaillique en terrasse extérieure, saucisses, merguez. Foie gras, mortadelle, boudin. La nuit la chiasse, culs hésitants tartinant les escargots sur les lunettes à chiottes, et le cabot nocturne, tandis que j'évacue, venant s'ébrouer sur mes couilles, écris avec ton sang, Bernard, avec ton sang.
Ce château croulera sur ses propriétaires. Plus que vingt ans. Nous nous promenons sur des chemins creux, jouissons de l'immense et sanglant coucher de soleil sur 40 km de bocage sec, avec les silhouettes d'arbres détachées sur les crêtes rouges, en silence, dans le bien-être des gens maigres bien remplis de porc : cervelas, boyaux gargouillant, confondus. Les deux voisins l'an dernier se sont viandés en dépassant la bétaillère. Un écart à 110, deux morts. Devant leur porte en fond de cour une tenture noire contre la chaleur ou le froid. Sur le retour nous visitons Conques, où nous avons cru de haut que les abat-sons étaient en travaux, obstrués de planches en bois – hélas : ce sont les vitraux de Soulages.
Sur le livre d'or j'écris d'une main tremblante : « Priez pour l'âme de Soulages, qui souille irrémédiablement l'un des plus beaux sites romans de France ». Ma laide écriture fera passer mon cri pour l'impuissante vocifération d'un vieillard. Mais je reviendrai. Peut-être aurai-je la satisfaction de voir cela brisé et jeté aux orties, comme les pots de yaourt soudés de Cornillac, pissotières à chiens dont on a vidangé le porche. A Conques, parking payant, WC payants, sandwiches au prix de menus, brochures sur papier glacé où l'on démontre (ax + b) le génie du gâteux ; quant aux splendides sculptures expressives de la nef, elles n'ont pas de nom d'auteur - en tout petit, sur le socle, tandis que d'autres massacres ligneux, rudimentaires, empilements d'écuelles et autres conneries, s'accompagnent de tout un cours à l'usage de Bouvard et de Pécuchet : ceci symbolise, et cela suggère, évoque et convoque.
Le jeu de cartes saint Norbert : 8 euros, n'oubliez pas le guide. Je me souviens de l'architecte honnête impressionné par telle bourse accordée à quelque barbouilleur insane, suite à trois pages de cuistreries lues ailleurs plus de cent fois : « Ces taches rouges, mes pauvres cons, ce sont des des muqueuses sexuelles. » Et mon brave homme de conclure : « Une bourse de cette importance ! ce ne sont tout de même pas des imbéciles, aux Beaux-Arts ! » Si.

  • Le marché de Capestang
    • Le chevalier de Capestang : c'était Jean Marais. Pourfendant de son épée « tout chacal », ce pédé. Le marchand de chaussures au marché connaît cette histoire. Il s'étonne que nous parlions de « notre génération » : Jean Marais ? nous ne faisons pas si vieux que cela. Mais nous parlons de lui, de Jean, de Bakst, comme d'une famille. Les instruits ont leur famille, plus tous les grands hommes. Ricanez, barbares. La mort de Maurice Béjart,accueillie avec des sarcasmes («Tu vas passer une mauvaise soirée chez toi, Bernard ! Béjart est mort ! » - le collègue d'à côté d'en rajouter dans la rigolade - pauvres taches, Béjart, Terzieff, Pina Bausch, sont des membres de notre famille.
      • Nous parlons d'eux très souvent, cousins éloignés, très proches. Lorsque Laurent mourra, ce sera pour nous jour de deuil. J'espère ne pas l'apprendre d'un écervelé qui trouve « moche » et « décalée » l'expression vieille France, nostalgique et médiévale, de « Docteur ès Lettres ». Ou qui demande quel rapport le Berry peut avoir avec Claude Berry (« Ouais oh ! je savais pas, moi, qu'y avait une province appelée « le Berry » ! on a le droit de pas savoir, non ? » - ben non. Sur la place de Capestang (« la tête de l'étang », ça gâche tout) une inscription gravée, en mémoire de tous ceux qui ne sont pas revenus de déportation.
      • Tout le monde s'en fout mais comme ça c'est fait. Des gens vivent là, des Capestanguais, fenêtres ouvertes, dans un décor si différent du nôtre. Anne, trop forte et désormais guérie, a gravi la pente avec beaucoup de peine, nous sommes chez un autre peuple, nous ignorons s'ils vivent et comment quand nous ne sommes plus là. Comme l'a noté Flaubert : « Que viennent-ils donc chercher ici, où il n'y a rien à voir ? » « Voulez-vous bien sortir du chœur ? » criait le bedeau hindigné. Humiliations reçues des ploucs. Les plus ignobles.
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