Ni le jour ni l'heure

62 05 09
    Ni le jour ni l'heure de mentionner Simone Veil et Loubianka. D'abord parce que je mets les vrais noms sur les vraies personnes. A ne pas montrer à ma femme quand je serai mort. Mais alors tout sera pardonne. Ou  ne le sera pas ? Simone Veil fut aimée par une femme en un camp de Pologne. Mais que voulait dire "aimer" en de telles circonstances ? J'entends, physiquement . Avait-on encore les lubrifications nécessaires ? Loubianka m'aimait en me chevauchant. Je n'avais pas la longueur de bite nécessaire, son homme était une épée.  Séif al Islam. Rouquin berbère, ou normand ? J'ai revu ses photos : la morphologie d'un roux. La rousseur s'atténue, disparaît avec l'âge.
    Certainement très sympa, du moins après boire. Aurait constitué un excellent ami. Mais j'ai baisé sa femme. N'a plus pu me blairer. "Je vais le déboîter" disait-il de moi. Mais sans jamais chercher à me nuire. Ces mots trouvent encore leur place ici, sans qu'il soit nécessaire de les inclure dans L'intrusif, oeuvre prétentieuse. Où je me gonfle, où j'outre. Une grenouille mâle gonflée comme une outre. Loubianka fut la révélation sexuelle, amoureuse de ma vie. Pour moi, pas pour elle. "Il ne sait pas faire grand-chose étant donné son âge, ce fut surtout platonique entre nous". Irène m'a tout révélé. "Bien sûr qu'ils sont venus dîner ici, et plusieurs fois".
    Je radote. Depuis, elle me hante, à mes moments perdus, mais il faut toujours que j'ironise C'est pus fort que moi. Que je me dévalue, et tout ce que je dis. Elle aurait vécu avec moi en pleine fusion. Nous ne nous serions jamais quittés. Nous nous serions acompagnés partout. Et baiser avec ma femme me semblerait honteux, non seulement comme entre frère et soeur, mais comme ne nous entendant pas du tout, par mensonge perpétuel de décennies de vie commune. M'avouer que je l'aime serait me dégrader, car nous nous sommes sans cesse opposés, et j'ai toujours, toujours cédé?     Du moins dans les premiers temps, ceux qui comptent. Ceux où nous dépensions l'argent, le père ou la grand-mère étant censés nous renflouer sans cesse. Il s'agissait d'une statue de Civa, aujourd'hui bien perdue, ou cassée-jetée. C'était 88 francs, une somme énorme en 66. Comment vivions-nous en ces temps reculés ? Je crèverais de malaise à faire confiance à cette femme, qui m'a sauvé pourtant des prostituées, de l'alcool et de ma mère. Nous nous consolions toujours l'un l'autre des malheurs et des avanies que nous subissions, que nous avions subies. "Ce que vous êtes enfant !" j'avais aussitôt tourné les talons. Jamais Annie ne m'aurait parlé ainsi.
    Nous étions enfants tous les deux. Nous nous le disions tous les deux. Les autres, c'étaient les méchants, les adultes, et nous faisions front. Mais dès qu'elle avait le dos tourné, je disais du mal d'elle, jusqu'à détruire sa réputation avant même qu'elle n'arrivât à Vienne, trois mois     après moi. "Je ne veux pas de cette fille-là chez moi", avait dit Vichon, proviseur du Lycée Français. Paix à son âme, il avait 59 ans d'âge en 1981, il a désormais, peut-être, 93 ans, et son fils habitait au sommet d'un col des Alpes, aussi con que son père disait un ami de Bernard, à Valréas. Poscar venait aussi de Carpentras, une belle juive descendante de fourreurs.
 
    J'avais honte de l'amour. Je ne sais pas d'où c'est venu. Déjà tout enfant, je hurlais au nom d' "amour" dans les chansons : "Même dans la Marseillaise !" disais-je. "Amour sacré de la Patrie" ! Et je ne comprenais pas pourquoi, dans L'appel de la forêt, ce jeune homme et cette jeune fille restaient ensemble, ne pouvaient pas se quitter, alors qu'ils  ne cessaient de se quereller. Ils étaient amoureux, petit con. Et tu ne le soupçonnais pas, et même s'ils se le disaient, tu n'y croyais pas. Tous tes sentiments de haine pour ta femme sont faux.

  Si je disais "je t'aime" à ma femme, si je m'abandonnais entre ses bras, il me semble que ce serait trahir toute la haine que j'ai pu éprouver pour elle, en raison des nombreuses contrariétés, des nombreux obstacles qu'elle a dressés entre mes désirs et moi. Pourtant elle m'a aidée, à Ankara, quand  j'étais chassé, ou après la mort de mon père. J'ai eu pour elle des haines apprises, extérieures. Nous formions bloc contre nos parents, tous ceux qui voulaient nous réduire. Nous transformer en eux-mêmes. C'étaient les principes des vieux cons qui nous dressaient l'un contre l'autre. Les jeunes s'engueulent pour les principes ou au nom des conneries de leurs parents.

Commentaires

Articles les plus consultés