HISPANIOLADES



C O L L I G N O N 


H I S P A N I O L A D E S

Éditions de la Merde en tube
Collection de mes Deux


Cette année-là, en plein été, tandis que pèse sur les abdomens l'implacable potée des bâfreries et autres tablées caniculaires, je décide de fuir : España por favor. Plutôt crever de chaud que de connerie humaine. Plein sud, tracer, foncer, la Grande Lande et la Chalosse entre eux et moi, mais avec moi tout seul, mes rites à moi et ma liturgie, tout calculé, tout chronométré. Prochaine à droite à 300 mètres et ne plus revenir : la France a le réseau routier le plus dense d'Europe, en Espagne on en verra plus que des autopistas et des drailles à moutons, caminos nacionales y de ovejas. C’est un pays comme ça. Arrêt en sortie de G., sale village, pas de panneaux, y a que moi de beau, des toits partout, des soues à porcs abandonnées qui puent, y a que moi de propre, y a que moi d’intelligent.
Je tourne le dos à l’église Napoléon III Véritable, au volant je crie et chante et rate de peu le cul d’une bétaillère qui tourne et je me fous de ma propre gueule. Puis je descends. Sur la route toute droite, je m’assois pour lire : feuillage clair, vue limitée sur des broussailles. Le Rite me dit de tirer le Sophocle de ma poche, édition Budé bilingue, en prononciation démotique ça donne un pépiement d’oiseaux, et sous le texte, tout l’apparat critique : quinze cents vers d’Électre, « cett. » ceteri, « dett. » deteriores, « d’autres (manuscrits) », « défectueux », quand les syllabes me sautent en langue je rectifie, repartir à pied sur le bas-côté en sens inverse, bien à gauche pour voir en face. Toute une famille en pique-nique sur un sentier rouge entre les pins, pas de papiers gras ; plus tard plus loin petite allure un couple aventurier sexagénaire devant sa porte de caravane, vue sur la télé qui gueule, cinquante-et-un, Marne. À Pau je bouffe des pêches sur un banc près d’un sportif que je bêche. Fromage. À Laruns pour changer sa thune c’est file de gauche avec les frontaliers du cru, fesses qui transpirent et qui tombent comme les miennes, direction Pourtalet, Val Gallego, marché le long d’un lac de retenue sans photographier le petit village en pyramide rive gauche ne pas oublier que je fuis. Que je roule. Que je pense à moi. Que je marche en me trouvant le plus beau, la mère et la fille appuyées au parapet je remonte sur mon siège sans rien apprendre, juste un autre vallon 2km plus loin plus beau pas le temps de tout voir, comme le géologue qui carotte au pif. Sabiñanigo, contourner Huesca, repérer à l’écart de la ville – brique rouge et fenêtres à carreaux – l’Asile Psychiatrique Asilo Psiquiátrico et comment soigne-t-on les fous en Espagne ?
Route de Sariñena. Tombée de la nuit. Déjà ces pans de ciels jaunes sur les pentes. La Almolda.

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