Fottorino, Le dos crawlé

    Le dos crawlé n'est pas un bon titre pour le non-nageur. Fottorino, ex-directeur du Monde, n'a pas eu trop de mal à faire éditer son "dos crawlé", surtout après l'excellent succès de L'homme qui m'aimait tout bas, c'est-à-dire son père. Poursuivons dans le bémol comme dirait Salamé : ce roman m'a d'abord déplu, en raison de l'infantilisme de la langue, supprimant automatiquement la négation "ne" : "on peut pas", "il faut pas", "tu voulais pas". Il est très difficile, après La vie devant soi par Ajar, de prétendre retranscrire le langage d'un enfant, treize ans tout de même, sans se faire taxer de niaiserie. C'est pourtant ce que j'ai écrit en tête d'un chapitre. D'autre part, j'aime pas la plage, et tout se passe à la pointe de la Coubre.
    D'autre part, le garçon de treize ans qui dis "je" en rajoute dans la naïveté, au point de ne pas savoir qu'on dit "l'Algérie" et non pas "l'Adjérie", et qui massacre la française langue, n'a pas eu la même expérience que moi pour le dépucelage. Rappelons que le thermomètre à imbéciles, détecté par Jung, fonctionne à coup sûr, lorsqu'un indiviu s'insurge contre les expériences qui n'ont ps été exactement les siennes. Il semble à cet individu (je cite de mémoire) que toutes les lois non seulement de la vraisemblance, mais encore de l'univers lui-même, se trouvent monstrueusement, sacrilègement, foulées aux pieds. Car il existe d'autres hommes, eh oui, qui ont vécu autre chose que vous, eh oui.
    Donc, foulant aux pieds ma propre connerie (elle s'en remettra), j'ai poursuivi cette histoire voluptueuse. Oui, c'est l'été, c'est la plage, les parents sont restés en Corrèze et l'on vit chez tonton. La petite amie s'appelle Lisa, elle a dix ans, elle voudrait apprendre le dos crawlé mais c'est difficile, et les deux enfants, le grand et la petite, jouent et discutent un peut de tout sur le sable et dans les rochers (on en trouvera). Et s'intéressent à tout, aux températures, à l'eau, au ciel, aux adultes qui racontent des conneries surtout quand ils ont un peu forcé sur le rosé trétréfré. La maman de Lisa, ex-miss Pontaillac, reçoit le garçon de 13 ans, Marin, en tenue plus que légère, se met à cheval sur sa bouche et lui demande des choses qui mèneraient stupidement au tribunal.
 
    Les enfants voulaient rejoindre l'Afrique, le Congo; le Gabon, chasser le lion et manger des noix de coco. Ils y seraient allés à la nage, même en dos crawlé, mais à la place, ils vivront le voyage de l'existence, ta-daaah, ils ne reviendront plus jamais là, ils ne se reverront jamais plus ailleurs, que sont devenues nos amours d'enfant etc. Nos premiers émois sexuels, re-etc. Une fille pour l'âme et le coeur, une femme pour le cul, re-re-etc. Tout est frais, ingénu, innocent, puis ça se faisande. Nombreuses observations, phrases simples qui se juxtaposent, grande justesse de ton à la longue, et puis la mer, les os de seiche, les coquillages, le sel, la marée, grand brassage de belles choses et d'adultes, les frais et les  moins frais.
    Une lecture agréable, un grand coup de chaleur, une amertume diffuse, l'adolescence qui se pointe, et M. Machin s'envole vers un avenir banalement radieux, un moment de joie de misère / et puis on t'enterre / et puis c'est fini, tout l'optimisme mesuré de la condition humaine qui vaut tellement la peine n'est-ce pas d'être vécue. C'est tout ce que j'arrive à extirper de mon éponge et de ma poire à jus, mille excuses, vous prendrez bien un peu de texte ?
  Le jeune Marin en redemande, car on n'est pas des gonzesses, puis un jour elle le chasse en le traitant carrément de petit merdeux, parce qu'un calibre supérieur vient la voir et se l'envoie quand elle est sur le dos. Jamais Marin ne va le révéler à la fille, encore moins au mari en instance de divorce qui se garde bien de monter à  l'étage où se perpètre le coït. Seulement, voici que l'oncle vend sa maison sans prévenir qui que ce soit, et d'autres traitrises se révèlent : on ne peut pas compter sur les adultes, qui mentent comme ils respirent. Lisa n'apprécie pas non plus sa mère, non plus que sa petite soeur mongolienne, la première songeant surtout à s'envoyer en l'air, ce qu'elle fera à la fin en tombant sur les rochers : en effet, elle recherche lze petit couple à sa mémère en gambadant, et se casse sanglantement la gueule.

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