Nicomède, qui ne fut pas un nicodème

Ici, l'ambassadeur gronde avec l'arrogance de la toute-puissance.

C'est donc une tragédie politique, ainsi que les affectionnaient les contemporains de Corneille. Les intrications en sont toujours assez difficiles à suivre, il s'y mêle bien aussi quelque "intérêt d'amour", en français "love interest", mais la femme dont Nicomède est amoureuse tient elle aussi un langage viril, ironise vis-à-vis de ce grand benêt d'ambassadeur romain. Ce qu'il y a de nouveau dans cette tragédie, c'est l'ironie en effet. De la part du grand et généreux Nicomède, de sa femme, contre les Romains et son propre père, ce bâtard, qui veut livrer son royaume entre les mains de Rome et qui proteste de ce que son fils ne lui obéisse plus.

Certaines scènes effectivement présentent quelques ingrédients de comédie, comme la colère d'un père qui ne parvient plus et pour cause à se faire respecter. Mais le plus extraordinaire est qu'il n'y a pas moyen pour le spectateur d'éprouver de la peur ou de la pitié qui sont pourtant les éléments indispensables pour la catharsis ou purgation des passions chez le public. Le dépassement ici se fait par le haut, par un sentiment purement romain, l'admiration.
Nous éprouvons en effet tant d'admiration pour le couple principal, qui conserve sa grandeur d'âme, sa superbe et son panache face à toutes les laides embûches qui lui sont tendues -un instant de recueillement pour la galerie des traîtres - que nous sommes gagnés à sa cause, et d'autant plus qu'il se raidit en refusant ironiquement toute compromission.

Mieux encore : les traîtres eux-mêmes, contre toute vraisemblance a-t-on dit, se retournent et se mettent à tomber aux genoux de ceux qu'ils ont offensés, tentés ou souillés, le vilain frère adore son aîné patriote, tout le monde se repent et tout est bien qui finit bien. Il serait original effectivement de reprendre dans la mise en scène que vous voudrez, mais en évitant à tout prix l'éternel Depardieu, "Nicomède", de Corneille, qui enchanta le public du temps.

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