Quelques mots sur Pessah

Le soir du repas de séder (qui signifie “ordre”, à savoir celui du déroulement de la cérémonie familiale, au premier soir de Pessah), tout le monde consommera de la matsa, c'est-à-dire du pain sans levain, ce qui est le contraire du hamets. Il faut en manger au moins trente grammes. Quelques produits alimentaires sont aussi consommés : fruits et légumes frais, poissons, eau minérale naturelle. On boit aussi quatre coupes de vin (ou de jus de raisin casher), à différentes étapes de la célébration, pour indiquer les quatre étapes de la libération du peuple juif (Ex. 6, 6-7) – à moins qu'il ne s'agisse là encore d'un rappel du sang versé des nouveaux-nés d'Egypte. Le Maggid est le Récit de la libération. Le plus jeune des enfants pose “les quatre questions” : “En quoi cette nuit est-elle différente de toutes les autres nuits ? Pourquoi cette nuit ne mange-t-on que des azymes ? Pourquoi cette nuit ne mange-t-on que des herbes amères ? Pourquoi cette nuit, alors que toutes les autres nous mangeons soit asssis soit couchés, sommes-nous accoudés pour manger ?” (sur le coude gauche, comme des hommes libres...) Alors, le père de famille répond aux questions, en rappelant les circonstances de la sortie d'Egypte : par exemple si l'on mange du maror (de la laitue, du chèvrefeuille, de la chicorée), c'est en souvenir de l'amertume de l'esclavage – mais le harosset (rappelant le mortier d'où l'on tirait les briques) en atténue l'amertume : on trempe les herbes dans une pâte de fruits ou une compote ; en Orient, le harosset se compose d'amandes, de dattes ou de figues – en Europe, de pommes et de noix – chez les Portugais, d'amandes, de pommes, de raisins, d'épices et de vin. Les judéo-espagnols ajoutent du raisin sec trempé dans le vin ; au Surinam, on ajoute même de la noix de coco ! On mange aussi parfois un œuf dur, commémorant le deuil de la destruction du temple. Autrefois, le commandement essentiel était de faire le sacrifice de l'agneau pascal, le 14 (Pleine Lune) du mois de Nissan, et de le consommer le soir-même ; un os grillé d'agneau figure sur la table du séder. Le père de famille rappelle ensuite le sacrifice de Pessah en souvenir du “saut”, du “passage” que l'ange de la mort accomplit au-dessus des maisons juives (au jeu, on dit : “je passe !”) - dont les premiers-nés, eux, furent épargnés. Après le repas, qui fait partie intégrante de la cérémonie, le séder se conclut autour de chants symboliques. Chacun loue l'Eternel “qui nous a sortis de l'esclavage d'Egypte, nous a donné la Torah et nous a offert la terre d'Israël”, et l'on prononce la formule immémoriale “L'an prochain à Jérusalem” - la chana ha baa bi Yérouchalaïm – en Israël on ajoute ha benouhay, “qui a été reconstruite”. Notons que d'après les Évangiles, c'est pendant la commémoration de cette fête juive par Jésus et ses disciples (la Cène ressemble fortement au premier soir du Séder) qu'eurent lieu la mort et la résurrection de Jésus. L'agneau, le sang associé au vin, le pain, l'Eucharistie, figurent au centre des célébrations chrétiennes. En 2006, pour la première fois, les juifs marocains de Paris ont célébré la mimouna (peut-être que ce mot provient du mot arabe “mimoun”, “la chance) : c'est la permission de faire cuire du pain avec levain, lorsque la semaine de Pessah est terminée. Parfois, c'étaient les musulmans qui apportaient leur propre pain dans la maison de leurs amis juifs. A l'origine, on célébrait la fin des pèlerinages par un grand repas. Et c'est à partir du XVIIIe siècle de notre ère que les communautés juives d'Afrique du Nord l'ont célébrée. Le couscous, défendu en temps de Pessah bien entendu, retrouve la place d'honneur, ainsi que la pâte appelée “moufleta”. Ajoutons à cela un poisson (symbolisant la fertilité), du lait, du miel, de la farine, des épis de blé – et des billets de banque ou des pièces de monnaie. En Algérie, parfois, la famille se rend au cimetière, ou en forêt.
SIGNIFICATION DE PESSAH Pessah signifie “le passage”, au double sens du terme : d'une part, lorsque les Hébreux s'enfuirent d'Egypte, le “passage” leur aurait été accordé par le retrait de la mer Rouge. C'est “le temps de notre libération”, “zémane hérouténou”. Mais il s'agissait aussi à l'origine de célébrer le retour du printemps : on sacrifiait un agneau, dont le sang recouvrait le pourtour des portes de la tente ou de la cabane afin de protéger les familles. Or, ce sacrifice n'est plus possible depuis la destruction du temple par l'empereur Titus, en 70. La fête du pain azyme, déjà mentionnée par Aaron frère de Moïse, renvoie non plus au nomadisme, mais au sédentarisme, nécessaire afin de récolter une moisson. Et ce n'est que par la suite que ces fêtes auraient célébré l'exode, la délivrance du peuple hébreu. Une partie de ce peuple en effet, nous dit la Bible, vivait en esclavage en Egypte. Dieu annonce la dixième et dernière plaie d'Egypte, la plus terrible : “Le sang vous servira de signe, sur BERNARD COLLIGNON FETES RELIGIEUSES 27 LES FETES JUIVES les maisons où vous serez. Je verrai le sang, je passerai par-dessus vous, et le fléau destructeur ne vous atteindra pas, quand je frapperai le pays d'Egypte. Ce jour-là vous servira de mémorial.” (Exode 12, 13). Tous les premiers-nés furent tués par l'ange de la mort, Azraël, à l'exception des premiers-nés d'Israël- tel est donc le second sens du terme “ passage” : l'ange avait “passé”, “sauté” les portes signalées par un badigeon de sang sur leur linteau. La Pâque représente donc la célébration du “passage” de l'esclavage à la liberté, le printemps du peuple sauvé, la renaissance de la nation hébraïque, par la survie, justement, de ses premiers-nés. Pessah, comme Roch Hachana, est donc l'occasion de fêter un recommencement, une remise en ordre (le “séder”) : l'homme n'est pas l'esclave de l'homme, mais le serviteur de Dieu, libérateur des opprimés. Libération politique et sociale, certes, mais aussi « réembrayement » du monde, remise en état de la dimension juive – en terre d'Israël, selon les derniers mots du séder. Car il a été mis fin à un grand désordre. " Chaque génération doit se considérer comme sortie d'Egypte" – la marche ne sera jamais achevée, c'est à la nouvelle génération, à nous-mêmes, de poursuivre l'immortelle aventure du peuple d'Israël, qui se poursuit à travers nous, incarnation même de l'identité juive. 1. Revenons en effet sur l'assimilation du peuple juif, qu'il ait été ou non historiquement dans une condition d'esclavage : il semble qu'une partie du peuple se soit laissé entraîné à une brillante collaboration avec l'aristocratie pharaonique : Moïse avait accès au Pharaon, et les juifs purent même emprunter des vases précieux avant de fuir dans le désert. Il fut assurément difficile, pour ceux qui n'étaient pas esclaves, de s'arracher à ces liens, et les films d'Hollywood pèchent assurément par excès de simplification ! Et nous aussi, à notre époque, nous avons vécu l'impossibilité d'une assimilation pourtant estimée profonde des citoyens juifs, aussi bien d'ailleurs qu'un rejet profond, allant jusqu'aux meurtres, et ce dans un laps de temps très court... Qui peut se dire totalement assimilé, même après des siècles ? Et c'est alors que nous devons nous émerveiller de ce sursaut de foi qui a conduit jadis le peuple hébreu dans le désert, à la recherche non pas d'une perfection, mais de racines, de valeurs ataviques, d'une fidélité, d'un choix, du désir de sans fin transmettre le flambeau – sursaut qui se poursuit jusqu'à nos jours de façon parfois irrépressible.

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