Une grosse bouchée de Maïmonide

Ainsi donc, Léo Strauss, après m'avoir fait chier des pages durant-dupont, voilà que tu me lâches, que tu disparais parmi des références évanouies, alors que je me suis maintes fois battu les flancs à extraire la moindre pensée claire de ton sac de boue ? Ce que je voulais moi, c'était un "Maïmonide" dans la collection "Grands Penseurs". Tu dis que Maïmonide n'est pas pour le dernier des cons mais pour l'élite, qu'il cache soigneusement, ésotériquement, sa doctrine, et que, pour cela, nous devons comprendre le contraire de ce qu'il nous dit ? Ne peut-on faire alors dire à qui l'on veut n'importe quoi, sous de telles fumées sémantiques ?
Ou bien ne suis-je qu'un éternel apprenti dans le pilpoul ? l'exégèse ? le sentiment de judéité ? La connaissance de Dieu, qui reste insondable fut-ce au milieu de ses qualités, de ses "attributs" ? Pourquoi nous sommes-nous échinés? ...sommes-nous des échidnés ? C'est à la toute fin que l'on te comprend : après quelles traversées de déserts ? L'essentiel n'est pas que Dieu soit Un, à la Plotin, mais u'il soit immatériel, et que du respect qu'on lui témoigne dépende notre éternité ? Les sabéens niaient toute vie après la mort : à quoi bon Dieu ? n'existe-t-il que par son nom, Hachem, Le Nom ?
Tu as repris de trop haut les choses. Tu as semé le trouble en tout, tel un tireur de tarots qui vend son jeu de cartes et les mondes qui vont avec, A la fin seulement intervient le plan révélé enfin de son Guide pour les Perplexes (ou "les Egarés"). Que nous sommes alourdis. "Il est maintenant obligé d'être passionnément concerné par la démonstration, par la démonstration non seulement de l'Unité de Dieu, mais de Son être même dans un sens d' "être" qui ne peut pas être entièrement homonyme". Nousd voyons donc ce papillon de nuit, cet humain tournoyant autour d'une flamme qui ne luit que pour lui.
Cet humain qui suppose aux mots un sens double, un sens triple. "Etre" n'est pas le verbe copulatif, inexistant pour l'Arabe et le Russe. Mais il est très différent d' "être" pour Dieu et pour nous autres... Que ne fait-on pas dire aux textes en se dérobant sans cesse, en se retranchant derrière l' "ineffable", l' "inconcevable" ? Joker!
encore et toujours Joker ! Tenez, "Dieu est Un" : mais ses actions, ses attributs, sont innombrables ! et si souvent contradictoires ! Donc, nosu parlerons non pas de l'Unité, mais de l'Unicité d Dieu, à quoi rien ni personne ne se puisse comparer ! "Car il sait maintenant que l'être de Dieu est douteux aussi longtemps qu'il n'est pas établi par démonstration" (I, 71, très important, ce I, 71 !) Là est le progrès : nous avons dépassé le formalisme de la Torah !
Le juivisme est naturellement progressiste ! pour le vulgaire, le vulgare pecus, Dieu est, c'est écrit là, dans la Torah. Mais pour l'initié, il faut une "démonstration" ! Et ce "plus" n'efface pas le "moins", n'en est qu'un bourgeonnement : l'automobile n'abolit pas les pieds ! "Il a été maintenant mené jusqu'au point où il lui faut décider s'il va ou non se tourner complètement vers la voie de la démonstration". Nul doute qu'il ne la mêlera de considérations aberrantes, qui la fera dévier de sa trajectoire comme une brouillasse. Et c'est lui, par le progrès de son déroulement, qui en parvient à ce point-là : n'est-ce pas insoutenable ?
Et Maïmonide de lui montrer trois voies (qui mènent à démontrer l'incorporéité de Dieu" ( à qui ?) : la voie du Kalâm, la voie des philosophes, et la propre voie de Maïmonide" - je nous épargne les références. Le Kalâm renvoie au calame, à la plume grecque. Et ma foi, par mon absence de foi, j'arrête là.
(09 19)
Rien n'amuse plus que ces contraintes posées par ces ouvragistes de l'Oulipo, souvent estimées "des enfantillages" : lire ainsi les Index réserve des surprises, de contraignants "retours en arrière". Mendelssohn le père, le rabbin, surgit-il en 47e position, il fut nous reporter à toutes ses références dans le livre de Léo Strauss, Maïmonide, "le fils du singe". Mendelssohn Groszvater suivait ainsi certains "théoriciens du droit naturel moderne" : nous étions en pleine haskalah, forme juive de l'Aufklärung ou Siècles des Lumières. Or, notre autodidacte comment une erreur : il traduit, à la suite de ces théoriciens, hanhagat ham-medinah par "Polizei".
C'est plus exactement "la bonne organisation de la cité", la "politéïa" de la "polis", de la ville. L'expression "la bonne police de la cité" ne saurait être extraite de son contexte postplatonicien.
Le rabbin Moses Mendelssohn apparaît enfin pages 179 et suivante du livre de Leo Strauss (1899-1973). Un rapide coup d'oeil diagonal d'enfant n'ayant pas permis de déceler la présence du nom mentionné, nous reprendrons chacune des phrases : Il [Platon] prouve ensuite que Dieu ne s'occupe pas moins des choses petites (humaines) que des grandes (cosmiques). A rétorquer à ceux qui estiment à tort qu'il "a autre chose à faire" pour ne pas dire "à foutre" là-haut dans les cieux, ce qui est proprement faire de l'épicurisme (à deux balles). L'infini des fourmis que nous sommes ne saurait arrêter Dieu, qui est au-delà de tous les nombres.
Dieu s'occupe du dernier de nos cheveux sans qu'il en puisse être diminué. Paton part des prémisses suivantes : 1/ Dieu connaît toutes choses, 2/ il peut s'occuper des choses petites aussi bien que des grandes, 3/ étant parfaitement vertueux, il veut s'en occuper (Lois, [X], 899d ss ("et suivants"). Ici, mélange impie (platoniciennement parlant) avec Wealsh : la "vertu" (arétê ?) ne semble pas définir ici l'opération de Dieu à notre humble avis. Il paraît plus approprié d'évoquer la plénitude dudit Dieu, qui ne saurait exclure, par définition, la moindre parcelle du tout, y compris la plénitude apportée par l'expérience, die Erfahrung.
Aristote (apparemment) distinguait entre la connaissance, la puissance et la volonté divines, préfiguration pour les chrétiens de la Trinité ; mais c'est trop anthropomorphiser les choses, qui se sont mêlées et confondues dans l'éternité ou la nanoseconde, qui sont synonymes. Le but de ce raisonnement sur les petites choses arrivant à chacun d'entre nous était de prouver la providence particulière. Et c'est alors que la suite échappe à notre entendement : Alexandre aurait avancé des disjonctions, sans doute des contradictions, tirées du syllogisme d'Aristote, en vue de réfuter cette croyance (de la Providence appliquée à chacun de nous).
Alexandre, disciple d'Aristote, voulait-il dire qu'il y avait, dans les prémisses de ce dernier, des contradictions ? Nous peinons à le concevoir, mais nous ne sommes pas Alexandre. Alexandre se voulait "hors destin", "hors prédestination" : c'est ainsi qu'il trancha le noeud gordien. Nous aurions voulu connaître ces "disjonctions", car les déductions d'Aristote nous semblent irréfutables. Tandis que Chrysippe (280-206) confirmait l'existence d'une destinée préétablie.

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