Une grosse bouchée de Maïmonide
Ainsi
donc, Léo Strauss, après m'avoir fait chier des pages durant-dupont,
voilà que tu me lâches, que tu disparais parmi des références
évanouies, alors que je me suis maintes fois battu les flancs à
extraire la moindre pensée claire de ton sac de boue ? Ce que je
voulais moi, c'était un "Maïmonide" dans la collection
"Grands Penseurs". Tu dis que Maïmonide n'est pas pour le
dernier des cons mais pour l'élite, qu'il cache soigneusement,
ésotériquement, sa doctrine, et que, pour cela, nous devons
comprendre le contraire de ce qu'il nous dit ? Ne peut-on faire alors
dire à qui l'on veut n'importe quoi, sous de telles fumées
sémantiques ?
Tu
as repris de trop haut les choses. Tu as semé le trouble en tout,
tel un tireur de tarots qui vend son jeu de cartes et les mondes qui
vont avec, A la fin seulement intervient le plan révélé enfin de
son Guide pour les Perplexes (ou "les Egarés"). Que nous
sommes alourdis. "Il est maintenant obligé d'être
passionnément concerné par la démonstration, par la démonstration
non seulement de l'Unité de Dieu, mais de Son être même dans un
sens d' "être" qui ne peut pas être entièrement
homonyme". Nousd voyons donc ce papillon de nuit, cet humain
tournoyant autour d'une flamme qui ne luit que pour lui.
Cet
humain qui suppose aux mots un sens double, un sens triple. "Etre"
n'est pas le verbe copulatif, inexistant pour l'Arabe et le Russe.
Mais il est très différent d' "être"
pour Dieu et pour nous autres... Que ne fait-on pas dire aux textes
en se dérobant sans cesse, en se retranchant derrière l'
"ineffable", l' "inconcevable" ? Joker!
encore
et toujours Joker
! Tenez,
"Dieu est Un" : mais ses actions, ses attributs, sont
innombrables ! et si souvent contradictoires ! Donc, nosu parlerons
non pas de l'Unité, mais de l'Unicité d Dieu, à quoi rien ni
personne ne se puisse comparer ! "Car il sait maintenant que
l'être de Dieu est douteux aussi longtemps qu'il n'est pas établi
par démonstration" (I, 71, très important, ce I, 71 !) Là est
le progrès : nous avons dépassé le formalisme de la Torah !
Le
juivisme est naturellement progressiste ! pour le vulgaire, le
vulgare
pecus, Dieu
est, c'est écrit là, dans la Torah. Mais pour l'initié, il faut
une "démonstration" ! Et ce "plus" n'efface pas
le "moins", n'en est qu'un bourgeonnement : l'automobile
n'abolit pas les pieds ! "Il a été maintenant mené jusqu'au
point où il lui faut décider s'il va ou non se tourner complètement
vers la voie de la démonstration". Nul doute qu'il ne la mêlera
de considérations aberrantes, qui la fera dévier de sa trajectoire
comme une brouillasse. Et c'est lui, par le progrès de son
déroulement, qui en parvient à ce point-là : n'est-ce pas
insoutenable ?
Et
Maïmonide de lui montrer trois voies (qui mènent à démontrer
l'incorporéité de Dieu" ( à qui ?) : la voie du Kalâm,
la
voie des philosophes, et la propre voie de Maïmonide" - je nous
épargne les références. Le Kalâm
renvoie
au calame, à la plume grecque. Et ma foi, par mon absence de foi,
j'arrête là.
(09
19)
Rien
n'amuse plus que ces contraintes posées par ces ouvragistes de
l'Oulipo, souvent estimées "des enfantillages" : lire
ainsi les Index réserve des surprises, de contraignants "retours
en arrière". Mendelssohn le père, le rabbin, surgit-il en 47e
position, il fut nous reporter à toutes ses références dans le
livre de Léo Strauss, Maïmonide,
"le
fils du singe". Mendelssohn Groszvater suivait ainsi certains "théoriciens
du droit naturel moderne" : nous étions en pleine haskalah,
forme
juive de l'Aufklärung ou Siècles des Lumières. Or, notre
autodidacte comment une erreur : il traduit, à la suite de ces
théoriciens, hanhagat
ham-medinah par
"Polizei".
C'est
plus exactement "la bonne organisation de la cité", la
"politéïa" de la "polis", de la ville.
L'expression "la bonne police de la cité" ne saurait être
extraite de son contexte postplatonicien.
Le
rabbin Moses Mendelssohn apparaît enfin pages 179 et suivante du
livre de Leo Strauss (1899-1973). Un rapide coup d'oeil diagonal
d'enfant n'ayant pas permis de déceler la présence du nom
mentionné, nous reprendrons chacune des phrases : Il
[Platon]
prouve
ensuite que Dieu ne s'occupe pas moins des choses petites (humaines)
que des grandes (cosmiques). A
rétorquer à ceux qui estiment à tort qu'il "a autre chose à
faire" pour ne pas dire "à foutre" là-haut dans les
cieux, ce qui est proprement faire de l'épicurisme (à deux balles).
L'infini des fourmis que nous sommes ne saurait arrêter Dieu, qui
est au-delà de tous les nombres.
Dieu
s'occupe du dernier de nos cheveux sans qu'il en puisse être
diminué. Paton part des
prémisses suivantes : 1/ Dieu connaît toutes choses, 2/ il peut
s'occuper des choses petites aussi bien que des grandes, 3/ étant
parfaitement vertueux, il veut s'en occuper (Lois, [X], 899d ss ("et
suivants"). Ici, mélange impie (platoniciennement parlant) avec
Wealsh : la "vertu" (arétê
?) ne
semble pas définir ici l'opération de Dieu à notre humble avis. Il
paraît plus approprié d'évoquer la plénitude dudit Dieu, qui ne
saurait exclure, par définition, la moindre parcelle du tout, y
compris la plénitude apportée par l'expérience, die Erfahrung.
Aristote
(apparemment) distinguait entre la
connaissance, la puissance et la volonté divines, préfiguration
pour les chrétiens de la Trinité ; mais c'est trop
anthropomorphiser les choses, qui se sont mêlées et confondues dans
l'éternité ou la nanoseconde, qui sont synonymes. Le but de ce
raisonnement sur les petites choses arrivant à chacun d'entre nous
était de prouver
la providence particulière. Et
c'est alors que la suite échappe à notre entendement : Alexandre
aurait avancé des disjonctions,
sans
doute des contradictions, tirées du syllogisme d'Aristote, en
vue de réfuter cette croyance (de
la Providence appliquée à chacun de nous).
Alexandre,
disciple d'Aristote, voulait-il dire qu'il y avait, dans les
prémisses de ce dernier, des contradictions ? Nous peinons à le
concevoir, mais nous ne sommes pas Alexandre. Alexandre se voulait
"hors destin", "hors prédestination" : c'est
ainsi qu'il trancha le noeud gordien. Nous aurions voulu connaître
ces "disjonctions", car les déductions d'Aristote nous
semblent irréfutables. Tandis que Chrysippe (280-206) confirmait
l'existence d'une destinée préétablie.
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