Mayröcker, "Brütt"

Que du mal, puis prendre les rames. Friederike m'a passé la main dans les cheveux qund j'engloutissait un steack au restaurant. Elle met en ordre ce tissu diffus de pensées associatives que nous trimballons tous au bout de notre moëlle. Voir On est foutu, on pense trop. De mille pages en retenir cent. "Les Français n'ont pas  besoin de connaître Mayröcker", me trompettait un éditeur ignare (pléonasme). Parfois, "je me demande". Elle a 91 ans, ne se souvient plus de moi que par vastes intervalles. "Nous avons connu de ces surréalistes" disait Frau Bülow que je fixais intensément par-delà son bureau. Mayröcker de chercher donc en rond comme un chien sur le sol, fignolant la forme, par longues longues phrases.
    Je traduis comme j'ai déjà fait, traduction publiée (Editions de l'Agneau) : "moi aussi je m'interromps", auch ich breche ab, envoie-nous dans tes zigzags, nous avons la même chose chez nous. Tu parlais des jardins d'Amalfi, suspendus aux rochers, les maisons bariolées que j'ai vues en photos, "encore et en plein milieu," ("dans le tas"), "dans mes pensées, dans mes actes" (ou "intrigues"), considérations, tentatives, impressions" - chaque mot doit passer par les balances du dictionnaire. Nous étions assis côte à côte à Mulhouse, nous tournant le dos, le téléphone noir de service entre nous sur le mur, nous croyant en communication mais séparés, irrémédiablement séparés.
    Ainsi parlait celle qui nous avait photographiés. J'étais bourré. Je ne maîtrisais pas l'allemand, prétendais le traduire comme on fait du latin ou du grec privés d'oralité, mais les autres secouaient la tête : "Nein... Nein..." "..si bien que la feuille où j'écris forme des vagues comme ta mer" - ou "ta mère" ? misère du français, "une mer de ceci, de cela", c'est sa mère, "la mère de", partout cette merde persécutrice, "ta mer qui s'étend là-bas sur le dessus de ta table luisante sur laquelle un pot d'eau bouillante (pour l'inhalation) se tient, j'ai sous la main deux orthophonistes affectionnés pour guérir mon enrouement,etc, j'ai maintenant ton nom étroitement fixé d'un X (Wilhelm ou Ferdinand), et comme dit Flaubert, il est important de donner à la prose l'épaisseur du lyrique, "1 bonne page de prose doit être aussi INALTERABLE qu'un bon vers" : la traduction elle-même donne l'impression d'un incessant aquaplaning, d'un flottement épars d'un sens à l'autre.     Nous nageons dans le vague, passant d'un sens à l'autre, d'un enrouement à l'art poétique, ainsi le cygne agonisant, et tout cela venait d'Amalfi, c'est un flux impressionnant impressionniste au sein d'une vaste lassitude, car enfin, nous n'aurions pas, nous autres, suivi cette route, emprunté ce même chemin de traverse - "...aussi bien rythmé, ebenso rhythmisch, aussi bien sonore, les phrases dans mon livre doivent trembler comme des feuilles dans la forêt" - je ne sais où trouver le véritable texte de Flaubert. A propos d'inhalations, d'enrouement, de "gueuloir" puisqu'il faut associer ; parlons de symphonie, de rhapsodie, (feuilles) "qui se distinguent tous dans leur ressemblance etc.".
    Eclairs dans le brouillard, traduction chancelante équivalente d'un commentaire, dans l'ignorance de ce dont on parlera dès la page tournée : Guerre Quatorze, cours de la Bourse, émotions d'une jeune fille devant un cheval ? "Je fais des signes d'un côté du verre, et le lecteur répond par d'autres signes" disait-elle, rare personnalité quej'aie rencontrée, pressentie pour le Nobel mais à qui l'on a salopement préféré une Autrichienne plus jeune (pensez donc! 60 ans ! ...Nous eussions profité de tant de traductions, reléguant la mienne, élevant au pinacle les pires prosaïsmes d'un Le Rider... "D'ailleurs la situation est récalcitrante-feuilletée" - laissons là ces pâtisseries.
  

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