1681

BERNARD COLLIGNON CITATIONS

Juillet 1973
1681. Arrière toutes ces vieilleries de ma vie ! J'en deviendrais fou à force de ruines: parlons du présent.
CHATEAUBRIAND
« Mémoires d'Outre-Tombe » XL, 5

1682. May, écoutez : il ne faut pas neuf mois, il faut soixante ans pour faire un homme, soixante ans de sacrifices, de volonté, de... de tant de choses !... Et quand cet homme est fait, quand il n'y a plus en lui rien de l'enfance, ni de l'adolescence, quand vraiment, il est un homme, il n'est plus bon qu'à mourir.
André MALRAUX
« La Condition humaine »
1683. Marxiste ou capitaliste, l'industrie ne pourra pas se développer infiniment. Il arrive un moment où les soldats de n'importe quelle Grande Armée commencent à avoir mal aux pieds. Les soldats de l'industrie ne feront pas exception.
Emmanuel BERL
1684. Si la mort n'était pas, il n'y aurait au monde rien de plus misérable que l'homme.
LE TASSE
cité par CHATEAUBRIAND « Mémoires d'Outre-Tombe » XLI, 2
1685. Mon déjeuner solitaire en société des voyageurs repus, couchés sous ma fenêtre, aurait été selon mes goûts si une mort trop récente ne m'eût affligé: j'avais entendu crier la geline servie à mon festin. Pauvre poussin ! Il était si heureux avant mon arrivée ! Il se promenait parmi les herbes, les légumes et les fleurs ; il courait au milieu des troupeaux de chèvres descendues de la montagne ; ce soir il se serait couché avec le soleil, et il était encore assez petit pour dormir sous l'aile de sa mère.
CHATEAUBRIAND
« Mémoires d'Outre-Tombe » XLII, 1
1686. Carrel n'était pas aussi irréligieux qu'on l'a supposé : il avait des doutes ; quand de la ferme incrédulité on passe à l'indécision, on est bien près d'arriver à la certitude.
id. ibid. XLIII, 4

BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 31

1687. Prêt à terminer mes recueils et faisant la revue autour de moi, j'aperçois des femmes que j'ai involontairement oubliées ; anges groupés au bas de mon tableau, elles sont appuyées sur la bordure pour regarder la fin de ma vie..........................................................................
CHATEAUBRIAND
« Mémoires d'Outre-Tombe » XLIII, 5

1688. L'homme n'a pas besoin de voyager pour s'agrandir ; il porte avec lui l'immensité. Tel accent échappé de votre sein ne se mesure pas et trouve un écho dans des milliers d'âme : qui n'a point en soi cette mélodie la demandera en vain à l'univers. Asseyez-vous sur le tronc de l'arbre abattu au fond des bois : si dans l'oubli profond de vous-même, dans votre immobilité, dasn votre silence, vous ne trouvez pas l'infini, il est inutile de vous égarer aux rivages du Gange.
id. ibid. XLIV, 5

1689. L'homme est aujourd'hui broyé, nivelé par la société : il n'est plus qu'un rouage, un numéro dans la masse de ses semblables. Mais pour son chien, il est unique. Il y a au moins un être au monde pour qui il existe, avec son odeur, sa voix, sa présence irremplaçables. Voilà pourquoi tant d'hommes ont besoin d'un chien : pour être quelqu'un.
Isabelle RIVIERE
« Un monde sans tendresse » - Article de « l'Echo de chez nous » - n° 184 -
juillet-août 1973 – Journal interparoissial de 15 Champs-sur-Tarentaise

1690. Ne prenez jamais la vie trop au sérieux : de toute façon, vous n'en sortirez pas vivant.
Elbert HUBBARD

1691. Je me suis détesté, je me suis adoré ; - puis nous avons vieilli ensemble.
Paul VALERY

1692. Mme Peloux n'avait pas déménagé depuis vingt-cinq ans et maintenait en leur place toutes les erreurs successives de son goût saugrenu et thésaurisateur.
COLETTE
« Chéri »



1693. A tout moment il faut choisir entre la santé, la sagesse d'une part, et de l'autre les plaisir spirituels. J'ai toujours eu la lâcheté de choisir la première part.
Marcel PROUST
« la Prisonnière » p. 125

1694. Pisser, c'est la jouissance du chaste.
Louis JOUVET

1695. Au fur et à mesure qu'elle croyait moins à la réalité du monde extérieur, elle mettait plus d'acharnement à chercher à s'y faire, avant de mourir, une belle position.
Marcel PROUST
« A la Recherche du temps perdu » - « Sodome et Gomorrhe » p. 624

1696. Personne ne peut savoir ce dont il est capable avant d'être (var. « d'avoir été ») mis devant les faits.
Lettre sans signature révélée parue dans « Tribune libre » sous le titre
« Et finalement j'ai choisi de laisser vivre » in « La Vie catholique » n° 1459
du 25 au 31 juillet 1973

1697. Il n'est pas, en effet, d'exil au Pôle Sud, ou au sommet du Mont-Blanc, qui nous éloigne autant des autres qu'un séjour prolongé au sein d'un vice intérieur, c'est-à-dire d'une pensée différente de la leur.
Marcel PROUST
« A la Recherche du temps perdu » - « La Prisonnière » p. 211

1698. La puissance d'un écrivain réside dans sa vérité.
Jean ROUSSELOT
« Edgar Allan Poe » - « Parmi les féroces Calibans »
1699. [le] philosophe qui, Lautréamont nous le rappelle après Montaigne, ne fait jamais qu'expliquer et exploiter ce que le poète a découvert sans le chercher.
Jean ROUSSELOT
« Edgar Allan Poe » - « Des histoires extraordinaires »

BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 33
1700. Prends pour maître n'importe qui, mais pas l'amour.
Dialogue français de « Cléopâtre »
film de MANCKEWICZ
Réplique de Marc-Antoine

1701. Faire l'amour c'est se caresser jusqu'à la jouissance (et même au-delà). La pénétration du pénis dans le vagin est une caresse comme une autre.
Michel MEIGNANT Ou Danièle DEZARD
« Union vous donne ses conseils » - « Plusieurs mains »
« Union » n° 14 d'août 1973

1702. La rue, c'est pratiquement le seul endroit, à part l'usine parfois, où il peut se passer quelque chose, où d'ailleurs il se passe toujours un événement qui concerne tout le monde. C'est le seul endroit où les gens se rencontrent et sont à la fois anonymes, emprisonnés dans des tas de sustèmes et d'interdits mais, en même temps, où ils ont les possibilitésde toutes les libertés. Partout ailleurs, c'est-à-dire dans les maisons, les immeubles, les appartements, c'est la parcellisation totale, la famille, les règles strictes, les secrets. Tout cela ne m'intéresse pas. Ne m'intéresse que tout ce qui vient au grand jour.
Il n'y a que dans la rue qu'il y a une situation constamment sur le qui-vive. IL n'y a que dans la rue qu'à chaque seconde le monde peut, pourrait, et parfois cela arrive, se transformer. Si tu fermes une rue, n'importe quelle rue au monde, sur dix mètres, tout un pays s'arrête. On l'a vu. On l'a expérimenté. On le sait. Si trente mecs décident de tout stopper (cette espèce de vis sans fin, de fluidité assez incompréhensible, assez magique) tout un mécanisme est stoppé net. Une société, toute une collectivité s'arrêtent parce que, en dix minutes, la rue d'à côté est bloquée : en un quart d'heure l'Etat envoie quinze cars de CRS, en deux heures on n'a pas encore pris de décision, en trois heures des barricades sont construites, en cinq heures les taxis se mobilisent pour aller sauver les blessés s'il y a des bagarres, les radios sont toutes sur place, les reporters et les auditeurs s'en emparent, l'ordre qui règne dans le pays et dans les têtes est tout à coup fêlé. Pour dix mètres de rue, tout un pays se pose la question de son existence, de sa vie, de ses illusions, de sa démarche, de son travail, de la domination qu'il subit ou qu'au contraire il fait subir, et pour moi, en moi, constamment, toute l'année, la rue provoque toutes ces questions et même toutes les questions.

Gérard FROMANGER
Interview du 23-8-1972 parue dans « Chorus » n° 10 de mai 1973
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 34




1704. Une tentation avouée : Céline ; une nostalgie tue : Proust.

Richard ZREHEN
« San-Antonio, une figure de désir »
dans « La Quinzaine littéraire » n° 169 d'août 1973

1705. Calomnier un grand homme est, pour les médiocres, le plus prompt moyen d'arriver, à leur tour, à la grandeur. Il est probable que le scorpion ne serait jamais devenu une constellation , s'il n'avait eu le courage de mordre Hercule au talon.
Edgar POË « Marginalia » Traduction Victor Orban

1706. C'est ainsi qu'un jour des milliers de couples quitteront les villes, c'est ainsi qu'ils s'envoleront plus légers que des spores, plus légers que des bulles de savon vers les paradis qu'ils portaient en eux. Ils aborderont dans des vallons en forme de coquille où les dépressions du sol seront tout à fait semblable aux lignes de leurs paumes accolées. Certains vivront dans de minuscules maisons enfouies sous les arbres et écriront des livres absurdes, d'autres peindront des tableaux inutiles, d'autres encore composeront des opéras indéchiffrables. Certains s'installeront au bord de la mer pour écrire des poèmes sur le sable humide à la frange de la dernière vague, poèmes aussitôt effacés et chaque jour récrits pour être effacés à nouveau. Déjà ils profèrent des phrases ardentes auxquelles ils ne comprennent rien encore, ils avancent à la traîne de leurs hallucinations au milieu de ce zoo où radotent les perroquets et où gesticulent les singes. Ce zoo où les flics canalisent les peuples vers les musées et les bibliothèques, les obligeant à absorber des mots morts et à contempler des visions fanées.

REZVANI
«Les années Lula »

En dessous, ces mots : « Le garder ? »

BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 35




1707. Ha ha ! Non, regarde-les ! Est-ce qu'ils ont une tête à avoir des enfants ? Pour avoir des gosses il faut être d'accord avec la société dans laquelle on vir, oui mon vieux.
REZVANI
«Les années Lula »

1708. Un polémiste ne doit jamais selon moi chercher les occasions de se mettre en colère, parce qu'à ce moment-là on devient un spécialiste du courroux ce qui fait qu'on ne vous croit plus.

Maurice CLAVEL
Entretien, mars 1973 paru dans «Parapluie » de mai-juin-juillet-août 1973

1709. Je veux avoir des ralation avec un homme pour sa nature, non pour ses idées.

André MALRAUX
« L'Espoir » 

1710. Plus les sociétés sont répressives, plus ceux que l'argent ou la puissance mettent au-dessus des lois risquent de devenir déséquilibrés ou cruels.
Ce n'est donc pas la liberté, américaine ou autre, qui doit, une fois de plus, être mise en accusation. C'est cette perversion fondamentale plantée dans le cœur humain par la civilisation imbécile du plaisir. Ceux qui, dès la prime enfance, ont été persuadés que leur joie, ou leur jouissance, au sens noble du mot, est un crime et met Dieu en colère, risquent de tomber un jour dans la monstrueuse confusion entre plaisir et souffrance qui a donné le sadisme, le masochisme et toutes les déviations de notre humanité tordue.

Claude MANCERON
« Barbe-Bleue » - « Morale du fait-divers »
« Sud-Ouest Dimanche » n° 1254 du 26-08-73
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 36
1711. La duchesse :
Que Dieu te bénisse et mette dans ton cœur la douceur, l'amour, la charité, l'obéissance et la fidélité au devoir !
Gloucester, à part :
Amen ! Et qu'il me fasse mourir vieux bonhomme ! C'est la conclusion de toute bénédiction maternelle. Je m'étonne que Sa Grâce l'ait oubliée.

William SHAKESPEARE
« Richard III » II, 12 – Trad. F.V. Hugo

1712. Tu es comme les camarades, tu cherches ton paradis, hein, le paradis qu'on vous devait, après la guerre ? Votre victoire, votre jeunesse, vos belles femmes. On vous devait tout, on vous a tout promis, ma foi c'était bien juste... Et vous trouvez quoi ? Une bonne vie ordinaire. Alors vous faites de la nostalgie, de la langueur, de la déception, de la neurasthénie... Je me trompe ?

COLETTE
« La Fin de Chéri »

1713. Nous avons tant abusé du microscope pour étudier les hideuses excroissances et les honteuses verrues dont notre cœur est couvert, et que nous grossissons à plaisir, qu'il est impossible que nous parlions le langage des autres hommes. Ils vivent pour vivre, et nous, hélas, nous vivons pour SAVOIR.

Charles BAUDELAIRE
« La Fanfarlo »

Septembre 1973

1714. Les créateurs sont d'immenses angoissés qui doutent d'eux-mêmes et, quand je crée, je doute un peu de moi-même.

Claude MANCERON
« Claude Manceron qui êtes-vous ? » Entretien du Sud-Ouest Dimanche n° 1255 du 02-09-1973

BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 37




1715. La culture pour moi c'est la curiosité.

Claude MANCERON
« Claude Manceron qui êtes-vous ? » Entretien du Sud-Ouest Dimanche n° 1255 du 02-09-1973

1716. Aphorisme : il n'y a pas de héros, il n'y a que des bourreaux feignants [sic] . Quand un bourreau le veut vraiment, le supplicié parle. Et ne crève qu'après, s'il doit crever.
CAVANNA
« Je l'ai pas lu, je l'ai pas vu... mais j'en ai entendu causer » - « Les capitulards »
Article de Charlie-Hebdo n° 147 du 10-09-1973

1717. Et Yakir ? Oh ben, celui-là... Il avait qu'à pas y aller. Quand on est lâche, faut pas jouer les héros. D'abord, on n'y a aucun plaisir parce qu'on a tout le temps tellement peur, ensuite c'est toujours vous que les flics ramassent parce que justement ils vous savent lâche et ça sera moins fatigant, troisièmement les coups ça fait vraiment aussi mal qu'on l'avait imaginé et même encor eplus, quatrièmement après ça t'as honte parce que t'as parlé, et pour finir tout le monde te traite de lâche et c'est justement parce que tu en avais marre de ça que tu t'étais lancé dans l'héroïsme. Bien fait pour lui.
id. ibid.
1718. Il est désastreux de constater que dans ce monde le fusil mitrailleur l'emporte sur le bulletin de vote. C'est u peu de l'honneur de l'humanité qui est mort, mardi, dans les rues de Santiago.
Christian CASTERAN
Journaliste de « La Croix »
1719. L'homme est périssable. Il se peut ; mais périssons en résistant, et, si le néant nous est réservé, ne faisons pas que ce soit une justice.
SENANCOUR
« Oberman » (?) « Supplément de 1833 » - Lettre XC – Imenstròm, 28 juin, X [27-08-1985]


BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 38




1720. La démocratie n'existe pas. Menteurs, sales menteurs qui nous l'enseignez, vous nous la faites révérer comme le suprême idéal pour lequel il faut vivre et mourir ! La démocratie n'existe pas. N'a jamais existé. Ne peut pas exister. Le peuple du Chili a cru à la démocratie. A joué le jeu. Loyalement. A choisi. Ceux qu'il a choisis, démocratiquement, ne sont pas ceux qu'il aurait dû choisir, que ses maîtres attendaient de lui qu'il choisît. L'armée lui rentre la démocratie dans la gueule à coups de baïonnettes. La démocratie n'existe pas, ne peut aps exister, là où il y a l'armée. N'importe quelle armée. N'importe quelle police armée. A partir du moment où l'armée existe, où l'armée est là, pesant de toute son énorme masse noire, sinistre et noire, tout est foutu.

CAVANNA
« je l'ai pas lu, je l'ai pas vu... mais j'en ai entendu causer » - « Loyale » -
Charlie-Hebdo n° 148 du 17-09-1973

1721. Il n'y a pas la nature et l'Homme, ennemis ou alliés ou quels que soient les rapports qu'on leur prête. Il y a la nature DONT l'homme.
C. [AVANNA ?]
« Si c'est pas vrai je suis un menteur » Article de Charlie-Hebdo n° 148 du 17-09-1973

1722. Que s'est-il passé ?
Où va-t-il ?
Tout a craqué !
Il est fou !
Il en a assez !
Il est parti.
Il part où son imagination
Son imagination d'enfant
Le pousse.
Il n'y va pas
Il y court
Il y galope
Le visage au vent.
Il crie
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 39




Il souffle
Dans son cœur
Un trou béant
Il s'arrête mort.
Mort de quoi ?
Mort de vie ?
Son enfance est morte !
Il est homme
On lui dira Monsieur
Les « petits » ça fait jeune hommes
Les « jeunes hommes » c'est fini
C'est comme les petits.
Il repart.
Il va où son imagination
Son imagination d'adolescent
Son imagination d'homme
Le pousse.

GREGOIRE D.
14 ans ½, 3è de CEG - « Que s'est-il passé ? » - Poésie
Roger Beaumont – Nouvelle Revue Pédagogiquen° 1 de septembre 1973

1723. Je ne veux pas que vous sachiez
Que j'ai la flemme, monsieur,
La flemme d'écrire, de travailler
Je vous jure que ça me peine, monsieur,
Je ne veux pas que vous sachiez
Que je suis malheureux, madame,
Malheureux d'être et d'exister
Malheureux d'être peureux, madame.


BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 40




Je ne veux pas que vous sachiez
Que je vais mourir, monsieur, madame,
Je vais mourir par le siècle asphyxié,
Je vais mourir du pire, monsieur, madame.
Je ne veux pas que vous sachiez
Que je veux rire, monsieur, madame,
Je veux rire de tout et ne plus me torturer,
Je veux rire de la mort, madame, monsieur.

Mais je veux que vous sachiez
Que je veux AIMER
Vous tous qui êtes las de m'écouter
aimer à en perdre le souffle, aimer !!!

GREGOIRE D.
14 ans ½, 3è de CEG, « Poésie » - Roger Beaumont
Nouvelle Revue Pédagogique n° 1 de Sept. 1973

1724. D'ailleurs, n'a-t-on pas abusé du « renseignement » ? L'histoire absorbera bientôt toute la littérature.

Gustave FLAUBERT
Préface aux «Dernières Chansons » de Louis Bouilhet, I

1725. La gloire d'un écrivain ne relève pas du suffrage universel, mais d'un petit groupe d'intelligences qui à la longue impose son jugement.

id. ibid. III
1726. Il tâchait de bien penser, afin de bien écrire.
id. ibid. IV
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 41




1727. La femme est ce que l'on a trouvé de mieux pour remplacer l'homme quand on a la déveine de ne pas être pédéraste.

Boris VIAN
« Appendice et pièces justificatives » n° 5 dans « Textes et chansons »

1728. Le seul « idéal » pour lequel un homme à tête d'homme doit vivre et peut même se permettre de mourir : le bonheur sur cette terre et tout de suite.

Noël ARNAUD
Postface à «Textes et chansons » de Boris Vian

1729. Je distingue les génies doués et les génies pas doués. « Le génie est une longue patience », c'est une réflexion de génie pas doué.

Boris VIAN, voir plus haut, n° 1

1730. S'il pleuvait des larmes
Lorsque meurt un amour
S'il pleuvait des larmes
Lorsque des cœurs sont lourds

Sur la terre entière
Pendant quarante jours
Des larmes amères
Engloutiraient les tours

S'il pleuvait des larmes
Lorsque meurt un enfant
S'il pleuvait des larmes
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 42



Au rire des méchants
Sur la terre entière
En flots gris et glacés
Des larmes amères
Rouleraient le passé

S'il pleuvait des larmes
Quand on tue les cœurs purs
S'il pleuvait des larmes
Quand on crève sous les murs

Sur la terre entière
Il y aurait le déluge
Des larmes amères
Des coupables et des juges

S'il pleuvait des larmes
Chaque fois que la mort
Brandissant ses armes
Fait sauter les décors

Sur la terre entière
Il n'y aurait plus rien
Que des larmes amères
Des deuils et du destin.

Boris VIAN
« S'il pleuvait des larmes » in « Textes et chansons »

BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 43




1731. La bigamie c'est d'avoir une femme de trop. La monogamie aussi.
HEYWOOD

1732. Dans la Recherche, comme peut-être dans toutes les grandes œuvres d'art, la vraie fonction de l'imagination est, paradoxalement, non pas d'imaginer – au sens d'inventer ou de transformer – mais de voir : de voir la réalité que nous cachent l'habitude et le monde des phénomènes.
George D. PAINTER
«Marcel Proust » t. I ch. XIII « L'Affaire Dreyfus »

1733. Très loin d'avoir été un dilettante ou un esthète, Ruskin fut précisément le contraire, un de ces hommes à la Carlyle, avertis par leur génie de la vanité de tout plaisir et, en même temps, de la présence auprès d'eux d'une réalité éternelle, intuitivement perçue par l'inspiration...
id. ibid. ch. XIV « le Salut par Ruskin »

1734. ...Durant toute son existence, [Proust] a cherché dans l'art une « réalité plus profonbde où notre personnalité trouve une expression que ne lui donnent pas les actions de la vie. »
Georges CATTAUI
« Marcel Proust vu par George D. Painter » (Préface au « Marcel Proust ») -
(Citant Proust ou Painter)
1735. Le fils du Léopard comprit que les Nains Rouges voulaient la guerre et la mort. Il ne s'en étonnait pas : de tout temps, les Oulhamr n'avaient-ils pas tué les hommes étrangers qu'ils surprenaient près de la horde ? Le vieux Giûn disait : «  Il vaut mieux de laisser la vie au loup et au léopard qu'à l'homme ; car l'homme que tu n'as pas tué aujourd'hui, il viendra plus tard avec d'autres hommes pour te mettre à mort. » Naoh ne reviendrait pas mettre à mort les Nains Rouges, s'ils lui laissaient la route libre, mais il comprenait bien qu'ils devaient le craindre.
D'ailleurs, il savait aussi que les hommes de deux hordes se haïssent naturellement plus que le rhinocéros ne hait le mammouth.

J.H. ROSNY Aîné
« La Guerre du feu » - IIIè partie ch. 2
« L'Arête granitique »

BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 44
1736. Quand verrai-je les îles où furent des parents ?
Le soir, devant la porte et devant l'océan
on fumait des cigares en habit bleu barbeau.
Une guitare de nègre ronflait, et l'eau
de la pluie dormait dans les cuves de la cour.
L'océan était comme des bouquets en tulle
et le soir triste comme l'Eté et une flûte.
On fumait des cigares noirs et leurs points rouges
S'allumaient comme ces oiseaux au nid de mousse
dont parlent certains poètes de grand talent.
O Père de mon Père, tu étais là, devant
mon âme qui n'était pas née, et sous le vent
les avisos glissaient dans la nuit coloniale.
Quand tu pensais en fumant un cigare
et qu'un nègre jouait d'une triste guitare
mon âme qui n'était pas née existait-elle ?
Etait-elle la guitare ou l'aile de l'aviso ?
Etait-elle le mouvement d'une tête d'oiseau
caché lors au fond des plantations
ou le vol d'un insecte lourd dans la maison ?

Francis JAMMES
« De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir »
« Quand verrai-je les îles... »

Octobre 1973

1737. Il suggère alors que la valeur d'une lecture d'enfance ne tient pas tant au livre lui-même (ce n'est que le Capitaine Fracasse de Théophile Gautier) qu'aux souvenirs inconsciemment conservés grâce à elle, qui sont « tellement plus précieux à notre jugement actuel que, s'il nous arrive encore aujourd'hui de feuilleter ces livres d'autrefois, ce n'est plus que comme les seuls calendrier des jours enfuis, et avec l'espoir de voir reflétées dans leurs pages les demeures et les étangs qui n'existent plus. »

George D. PAINTER 
« Proust » - II, II « »Mort d'une mère » - (citant Proust)
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 45



1738. Nous ne boirons plus l'eau de la mer, car nos larmes sont tombées dedans.
Elaine GREFFULHE,
« Poèmes en prose » 5 ans ½

1739. L'art est ce qui console le mieux de vivre.
Théophile GAUTIER
« Albertus » - Préface

1740. L'immense appétit que nous avons pour les biographies naît d'un sentiment profond de l'égalité.
Charles BAUDELAIRE
« L'Art romantique » IX « Pierre Dupont »

1741. Pourquoi le nom de celui-ci est-il dans toutes les bouches, et le nom de celui-là rampe-t-il encore ténébreusement dans des casiers de librairie, ou dort-il manuscrit dans des cartons de journaux ? En un mot, quel est le grand secret de Dupont, et d'où vient cette sympathie qui l'enveloppe ? Ce grand secret, je vais vous le dire, il est bien simple : il n'est ni dans l'acquis ni dans l'ingéniosité, ni dans l'habileté du faire, ni dans la plus ou moins grande quantité de procédés que l'artiste a puisés dans le fonds commun du savoir humain : il est dans l'amour de la vertu et de l'humanité (...)
id. ibid.

1742. Depuis ces dix ans, nous avons eu tous dans nos vies bien des chagrins, bien des déceptions, bien des tortures. Et pour aucun de nous ne va sonner un heure où nos chagrins seront changés en ivresses, nos déceptions en réalisations inespérées et nos tortures en triomphes délicieux. Je serai de plus en plus malade, les êtres que j'ai perdus me manqueront de plus en plus, tout ce que j'avais pu rêver de la vie me sera de plus en plus inaccessible. Mais pour Dreyfus et pour Picquart la vie a été providentielle, à la façon des contes de fées. C'est que nos tristesses reposaient sur des vérités, des vérités physiologiques, des vérités humaines et sentimentales. Pour eux, les peines reposaient sur des erreurs. Bienheureux ceux qui sont victimes d'erreurs judiciaires ou autres ! Ce sont les seules humains pour qui il y ait des revanches et des réparations.

Marcel PROUST 
Lettre à Mme Straus (1906)

BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 46




1743. La sagesse serait de remplacer toutes les relations mondaines et beaucoup de voyages par la lecture de l'Almanach de Gotha et de l'Indicateur des chemins de fer.

Marcel PROUST
“Journées de lecture” Article du Figaro 20 03 1907

1744. Chaque jour, j'attache moins de prix à l'intelligence. Chaque jour je me rends mieux compte que ce n'est qu'en dehors d'elle que l'écrivain peut ressaisir quelque chose de nos impressions, c'est-à-dire atteindre quelque chose de lui-même et la seule matière de l'art.

id. “Contre Sainte-Beuve” - Préface

1745. Ce qui avait entraîné la faillite de Jean Santeuil et des esquisses romanesques de 1905-8, c'était son abandon à “l'idolâtrie”, c'est-à-dire au fait d'adorer des images au lieu de la divinité qu'elles représentaient, son incapacité de sonder les profondeurs du réel, sa tentative de compenser le manque de vérité par la beauté du style.

George D. PAINTER 
“Marcel Proust” - II, VII, “Le thé et la madeleine”

1746. Comme tout grand écrivain, Proust cherchait à assurer son salut au moyen de sa seule œuvre, par un dialogue personnel avec Dieu.

id., ibid. XIII, “Le puits de Sodome”

1747. Le style, ainsi que l'affirme Proust, doit être renouvelé par chaque écrivain, puisqu'il ne consiste pas à adhérer à un modèle classique, mais réside dans le moment où l'écrivain s'identifie à son sujet.
id., ibid. XV, “La femme noire”

1748. Le salut ne se trouve que sur le bord de la tombe
id. ibid.
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 47




1749. Il ne faut jamais avoir peur d'aller trop loin, car la vérité est au-delà.

MarceL PROUST 
Lettre à Curtius – Septembre 1922

1750. L'emmerdant chez les révolutionnaires c'est qu'ils admettent à peu près tous comme une nécessité, comme une norme, les restrictions temporaires à la liberté d'autrui. Pourtant, si tu gueules pas chaque fois qu'on touche à la liberté, pas seulement du copain, pas seulement du neutre, mais de l'adversaire, si tu la fermes parce que ça t'arrange, t'es déjà en train d'obéir, t'es déjà eu, t'es déjà plus libre. Et tu le redeviendras pas de sitôt. Seulement voilà, le grand attrait de la révolution violente, pour les trois-quarts des effectif révolutionnaires, c'est qu'elle octroie à chaque militant la perspective, le droit, le devoir de commettre l'injustice. On ne fait pas d'omelette, paraît-il, sans casser des œufs. Le maniement des “sentiments collectifs” fait partie des moyens qu'il faut s'obliger à employer, si l'on veut être efficace. Ça fait mûrir le fruit. Mais ça le fait pourrir après.

FOURNIER
“Où on va ? J'en sais rien, mais on y va.”

1751. Le salut n'est parfois acquis dans le monde matériel qu'au moment où l'on pardonne et où l'on, est pardonné, moment qui, pour Proust, fut celui de la mort. Maintenant, non seulement son œuvre, comme il l'avait prédit, mais sa vie, étaient éternellement vivants, les deux Côtés s'étaient rejoints. Le Côté de Méséglise et le Côté de Guermantes, le “moi” avec lequel nous sommes nés et le “moi” que nous acquérons, se rejoignent toujours à la fin, pour les plus rares et les plus grands, dans une œuvre d'art, pour chacun dans la mort ; mais, pour trouver leur point de jonction, leur unité, nous devons d'abord les traverser, parmi les êtres, les lieux et les choses, dans le Temps.
George D. PAINTER
“Proust” - II, XVII, “Les deux côtés se rejoignent”

1752. L'artiste... ne doit interroger que lui-même, et ne s'exprimer que lorsuqi'l en ressent l'obligation.
Pablo CASALS
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 48




1753. La religion catholique est la seule qui consacre l'indissolubilité du mariage, mais c'est parce qu'il est dans l'esprit de cette religion d'imposer la douleur à l'homme sous mille formes différentes.
Mme de STAËL

Novembre 1973

1754. J'ai maintenant la certitude que l'âme s'exprime dans l'ombre et le silence. Le personnage légendaire et absurde qu'on nous invente nous protège, on le pousse de force sur l'estrade de l'actualité. Il s'y repose à notre place et reçoit les coups qu'on nous destine.
Mon conseil à la jeunesse est de vivre entre chien et loup.

Jean COCTEAU
“Conseil à la jeunesse” 31-10-1959 dans “Had” n° 17 de novembre 1973

1755. Où il y a les juges, il y a l'injustice.

TOLSTOÏ
“La Guerre et la Paix”

1756. ...Nous sommes des lâches. Par l'entêtement de notre présence, nous gâchons tout.

L.J. LAPLACE
“Le poète sacrifié”

1757. Au début j'étais là, avec mes illusions,
et l'on m'avait appris qu'enseigner voulait dire
enfoncer dans des crânes des idées toutes faites.
Comme j'aurais aimé que ce fût aussi simple,
que mes élèves docilement répètent
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 49




des formules que moi-même je savais par cœur...
Mais ce sont mes élèves qui m'ont beaucoup appris :
Qu'autorité ne veut rien dire
quand on n'est pas maîtresse de soi-même,
que la science ne veut rien dire
quand on ne se connaît pas soi-même,
que morale ne veut rien dire
puisqu'elle change à chaque pas...
Les jours ont succédé aux jours pour qu'enfin je comprenne...
Qu'avais-je à proposer comme exemple de vie,
moi qui déjà, fuyais ma société pourrie ?
Il ne me restait plus vraiment que mon cœur
à leur donner sur le seuil de leur vie...

Arlette FOURNIER
Kermesse”

1758. ...il avait acquis une nouvelle, une consolante vérité ; il avait découvert qu'il n'y a rien au monde de vraiment effrayant. Il avait découvert en même temps que s'il n'y a au monde aucune situation dans laquelle l'homme puisse être parfaitement heureux et libre, il n'y en a aucune dans laquelle il puisse être complètement malheureux et esclave. Il avait compris qu'il y a une limite à la souffrance et une limite à la liberté et que ces limites se touchent...

TOLSTOÏ
“La Guerre et la Paix” - Livre 4è – 2è partie – ch. XII
1759. Si vous voulez empoisonner votre enfant, faitets-luui boire, à haute dose, votre bonheur.

MAKARENKO

1760. La beauté ne fait pas l'amour, c'est l'amour qui fait la beauté.
TOLSTOÏ - “La Guerre et la Paix” Epilogue – 1è partie ch. IX
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 50




1761. L'horreur de l'homme pour la réalité lui a fait trouver ces trois échappatoires : le vin, l'amour, le travail.

Edmond et Jules de GONCOURT
“Journal”

1762. L'obligation de produire aliène la joie de créer.

SLOGAN sur un panneau de signalisation (Cambes)

1763. Il est très difficile d'entrer dans le mécanisme de la création, surotut pou rle créateur.

Maurice BEJART
N° spécial des “Saisons de la Danse” (Disque)

Décembre 1973

1764. C'est l'attente insipide
Que vous nommez espoir.

Frank HELIE
“Lettre à ne pas brûler” Eurêka n° 32 de décembre 1973

1765. O mon âme ! Le poëme n'est point fait de ces lettres que je plante comme des clous, mais du blanc qui reste sur le papier.

Paul CLAUDEL
“Cinq Grandes Odes”, I

1766. Ayant payé mon tribut au “modernisme”, j'acquis la conviction que certaines tendances modernistes n'avaient aucun avenir. C'est un art mort qui n'a produit aucune souche
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 51




vive en cinquante ans. L'art moderniste n'a pas su gagner la sympathie du public ni chez nous, ni à l'étranger, malgré tous les efforts d'une propagande obstinée. Il est d'autant plus regrettable d'y voir succomber parfois des compositeurs de talent, des artistes sincères, comme par exemple Alban Berg, que j'ai connu personnellement et dont la sincérité ne saurait être mise en doute. J'ai été très fortement impressionné par son opéra Wozzek, joué vers 1920 au Théâtre Marie à Léningrad. Alban Berg ne cherchait pas à suivre une mode, et pourtant l'influence néfaste des idées modernistes étouffait son immense talent, l'empêchait de s'exprimer à pleine voix. Le modernisme a pour effet de niveler la création. Ayant lu une masse de partitions, appartenant à des compositeurs de la tribu moderniste, je me suis aperçu qu'elles offraient toutes “le même visage”, que la personnalité créatrice de l'auteur ne pouvait pas s'y exprimer...

Dimitri CHOSTAKOVITCH
(écrit en 1937)

1767. Tout de suite, être le plus grand et savoir, de toute éternité, avec la vraie science de l'instinct, que jamais, au grand jamais, on ne sera le plus grand.

Henri-François REY
Les Pianos mécaniques, III

1768. J'ai passé ma vie à dire n'importe quoi. Mon malheur, c'est que, neuf fois sur dix, ça fait quand même son effet.
id. ibid.

1769. S'inventer une idée fixe. C'est ça, donner un sens à sa vie.
id. ibid. IV

1770. Un jour, les hommes seront délivrés de la peur de la mort. En attendant, il faut composer. Et j'essaie de composer, mais c'est difficile.
id. Ibid.

1771. Donner un sens à sa vie qui soit tel qu'à l'heure de la mort on n'ait strictement BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 52




rien à regretter. Bien plus, que la mort soit des grandes vacances. Et être sûr de ne pas se tromper à ce moment-là. C'est difficile.

Henri-François REY
Les Pianos mécaniques - IV

1772. On devrait interdire le tourisme : ça salit tout, ça avilit tout.
id. ibid.

1773. Je crois que je n'ai jamais aimé personne, dit Vincent.
            • Et vous en crevez. Alors que vous devriez pavoiser !
                • id. ibid.
1774. ...l' “art, ingénieux consolateur” : “Ses mensonges sont les seules réalités, et, pour peu qu'on les aime d'un amour véritable, l'existence de ces choses qui sont autour de nous et qui nosu subjuguaient, diminue peu à peu ; le pouvoir de nous rendre heureux ou malheureux se retire d'elles pour aller croître dans notre âme où nous convertissons la douleur en beauté.

Marcel PROUST 
Chronique de mars 1892 citée par Lagarde et Michard in “XXe siècle”, “Marcel Proust” - “Les études” - “Vers la littérature”

1775. De la discussion ne jaillit jamais la lumière.
Henri-François REY
Les Pianos mécaniques XII

1776. On n'existe que dans les rapports avec les autres.
id. ibid. XV

1777. - Alors, quoi ?
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 53




    • Tu n'as qu'à changer, dit Daniel.
    • C'est pas si facile que ça. “
Daniel s'agita sur son banc.
“ Y a qu'à dire qu'on change, c'est tout.

Henri-François REY
Les Pianos mécaniques XVI

1778. Avoir le courage d'avoir le courage, la volonté d'avoir la volonté, c'est toujours le même problème.
id. Ibid.

1779. Saphus au cheveux d'ambre, aux yeux de mauvais ange
Est gras, blême et malsain comme un grand nénuphar.
Poète de Lesbos, ses vers sentent le fard,
Le cold-cream et parfois un parfum plus étrange.
Jean LORRAIN

1780. Ce n'est pas parce qu'on n'a rien à dire qu'il faut le garder pour soi.
Raymond DEVOS

1781. (Ah, petit, jamais tu ne te débarrasseras de ce sentiment-là. Tu es coupable, tu es coupable ! A chaque fois que tu sortiras de chez toi, tu sentiras derrière toi un regard réprobateur qui te criera de revenir en arrière ! Tu iras par le monde comme un chien attaché par une longue laisse ! Et même quand tu seras loin, tu sentiras toujours le contact du collier sur ta nuque ! Et même quand tu passeras ton temps avec des femmes, même quand tu seras avec elles dans leur lit, il y aura une longue laisse à ton cou et quelque part au loin ta mère en tiendra l'extrémité et sentira au mouvement saccadé de la corde les mouvements obscènes auxquels tu t'abandonnes !)
“Maman, je t'en prie, ne te fâche pas, maman, je t'en prie, pardonne-moi !” Il est craintivement agenouillé auprès de son lit et caresse ses joues humides.
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 54




(Charles Baudelaire, tu auras quarante ans et tu auras encore peur de ta mère !)
Et maman tarde à lui pardonner pour sentir le plus longtemps possible ses doigts sur sa peau.

Milan KUNDERA
La vie est ailleurs - Traduction François KEREL
Troisième partie ou Le poète se masturbe.

1782. Il était mort. Mort à jamais ? Qui peut le dire ? Certes les expériences spirites pas plus que les dogmes religieux n'apportent la preuve que l'âme subsiste. Ce qu'on peut dire, c'est que tout se passe dans notre vie comme si nous y entrions avec le faix d'obligations contractées danas une vie antérieure ; il n'y a aucune raison dans nos conditions de vie sur cette terre pour que nous nous croyions obligés à faire le bien, à être délicats, même à être polis, ni pour l'artiste athée à ce qu'il se croie obligé de recommencer vingt fois un morceau dont l'admiration qu'il excitera importera peu à son corps mangé par les vers, comme le pan de mur jaune que peignit avec tant de science et de raffinement un artiste à jamais inconnu, à peine identifié sous le nom de Ver Meer. Toutes ces obligations, qui n'ont pas leur sanction dans la vie présente, semblent appartenir à un monde différent, fondé sur la bonté, le scrupule, le sacrifice, un monde entièrement différent de celui-ci, et dont nous sortons pour naître à cette terre, avant peut-être, d'y retourner revivre sous l'empire de ces lois inconnues auxquelles nous avons obéi parce que nosu en portions l'enseignement en nous, sans savoir qui les y avait tracées – ces lois dont tout travail profond de l'intelligence nous rapproche et qui sont invisibles seulement – et encore ! - pour les sots. De sorte que l'idée que Bergotte n'était pas mort à jamais est sans invraisemblance.
Marcel PROUST
A la Recherche du temps perdu
La Prisonnière

1783. Le vieux savant observait les jeunes gens tapageurs et il comprit soudain qu'il était le seul dans cette salle à posséder le privilège de la liberté, parce qu'il était âgé ; c'est seulement quand il est âgé que l'homme peut ignorer l'opinion du troupeau, l'opinion du public et de l'avenir. Il BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 55




est seul avec sa mort prochaine et la mort n'a ni yeux ni oreilles, il n'a pas besoin de lui plaire ; il peut faire et dire ce qui lui plaît à lui-même de faire et de dire.
Milan KUNDERA
La Vie est ailleurs Traduction FRANÇOIS KEREL
        • 4e partie ou Le Poète s'évade XV
1784. (Ah, le beau sectacle qu'ils nous offrent, ces deux-là, ils sont face à face et se repoussent mutuellement : elle le repousse dans ses couches et il la pousse dans la tombe, ah, le beau spectacle qu'ils nosu offrent, ces deux-là...)
id. ibid. 5e partie ou Le Poète est jaloux ch. 9

1785. Seul le vrai poète sait comme il fait triste dans la maison de miroirs de la poésie. Derrière la vitre, c'est le crépitement lointain de la fusillade, et le cœur brûle de partir. Lermontov boutonne son uniforme militaire ; Byron pose un pistolet dans le tiroir de sa table de nuit; Wolker défile dans ses vers avec la foule ; Halas rime ses insultes ; Maäkovski pose son pied sur la gorge de son chant.
Mais attention ! Dès que les poètes franchissent par erreur les limites de la maison des miroirs, ils trouvent la mort, car ils ne savent pas tirer, et s'ils tirent, ils n'atteignent que leur propre tête.
id. ibid.
7e partie ou Le Poète agonise 00ch. 1

1786. La vie n'est que l'usufruit d'un agrégat de cellules.
(Anglais ?)
1787. Que ta joie est profonde, mon frère ! Je sens que si je ne me cramponnais pas à ma médiocrité, je tournoierais avec toi.
Mais je me retiens, j'ai trop peur de ton vertige, trop peur de tes courants marins.
Pardonne-moi, mon frère, si je ne partage tes tourbillons mais il faut me laisser sur la grève.
Tant pis pour les galions enfouis – que tu m'aurais fait découvrir !
François VASQUE A un musicien

BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 56




Janvier 1974

1788. La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.
Marcel PROUST A la Recherche du temps perdu
Le Temps retrouvé

1789. Chacun des effets obtenus l'est au profit des nuances de la pensée et du frémissement dompté de la sensibilité. Gide obtient ainsi la parfaite unité du fond et de la forme qui constitue un sûr critère de classicisme.
André LAGARDE et Laurent MICHARD
Collection “Textes et Littérature” - XXe siècle – André Gide - La leçon du classique

1790. Nathanaël, ne distingue pas Dieu de ton bonheur.
André GIDE
Les Nourritures terrestres

1791. Ce qu'ils nomment un être supérieur est un être qui s'est trompé. Pour s'étonner de lui, il faut le voir, - et pour être vu, il faut qu'il se montre. Et il me montre que la niaise manie de son nom le possède. Ainsi, chaque grand homme est taché d'une erreur. Chaque esprit qu'on trouve puissant commence par la faute qui le fait connaître. En échange du pourboire public, il donne le temps qu'il faut pour se rendre perceptible, l'énergie dissipée à se transmettre et à préparer la satisfaction étrangère.
Paul VALERY
La Soirée avec M. Teste (1896)

1792. Classique est l'écrivain qui porte un critique en soi-même, et qui l'associe intimement à ses travaux.
id. - Situation de Baudelaire

1793. N'en était-il pas venu à regarder la création poétique comme un “jeu”, un pur exercice dont le produit le plus important n'est pas l'œuvre mais le développement des aptitudes BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 57




intellectuelles de son auteur et une connaissance plus profonde du mécanisme de l'esprit ?
André LAGARDE – Laurent MICHARD
Textes et Littérature XXe siècle - Paul Valery – Le métier poétique
Une œuvre n'est jamais achevée

1794. Il me semblait, en effet, qu'après bien des tempêtes, ma vie avait atteint un havre tranquille. Je disposais d'une petite rente qui me permettait de vivre sans travailler ; j'avais une femme que j'aimais, une enfant que je considérais comme ma fille, j'étais d'accord avec moi-même en ce sens que je ne sentais pas le besoin de changer ni d'idées ni de mode d'existence, que pouvais-je vouloir de plus ? J'étais en somme dans les conditions de stabilité qui me paraissaient indispensables pour affronter la compositiond 'un roman.
Alberto MORAVIA
L'Attention - Prologue (24-01-1974, 17 h 50)

1795. (24-01-1974, 20 h 35) J'imagine que Cora vit dans un monde à elle, qui lui semble le seul possible et le meilleur de tous. Quelquefois pourtant, il peut lui arriver de se heurter à un monde différent et alors mais de façon très fugitive – elle reconnaît qu'il y a d'autres mondes en dehors du sien. Mais elle ne le reconnaît qu'en serrant les dents.
    • Que veux-tu dire ?
    • Elle ne le reconnaît que pratiquement, ce qui signifie qu'elle ne le reconnaît pas vraiment.
id. ibid. Journal - Mardi 13 octobre
1796. [les] faits quotidiens de la vie normale, faits qui sans doute adviennent mais sans avoir une signification particulière ou tout au moins qui n'en ont une que lorsque nous la leur avons donnée.
id. ibid. Mercredi 14 octobre
1797. Ceux qui ont de l'instruction, qu'ils soient bons ou mauvais, mènent les ignorants par la bride. Et tous nos malheurs viennent de là.
Georges NIGREMONT “Jeantou, maçon creusois” - “L'Hiver au pays creusois”

1798. Faire de l'art et faire de la critique, c'est maintenant la même chose.
Carmelo BENE

1799. Pour moi tout au moins, être ce que j'étais était préférable à tenter d'être ce que j'aurais dû être.
Alberto MORAVIA
“L'Attention” - “Epilogue”

1800. ...ce qu'aurait été le roman lui-même : quelque chose que j'aurais écrit pour savoir pourquoi je l'écrivais, de même que j'avais toujours eu l'impression de vivre pour savoir pourquoi je vivais.
id. ibid.

1801. Je n'ai pas uen grande expérience de la vie, c'est certain, bien que j'aie beaucoup lu et terriblement rêvé.
Pierre GUYARD
“Le Bonheur des fous”
Ière partie - ch. VI

Février 1974

1802. Jean m'apprenait à me garder de la pitié qui vous détruit.
id. Ibid. 2è partie – ch. XIII
1803. Le poète se consacre et se consume donc à définir et à construire un langage dans le langage ; et son opération, qui est longue, difficile, délicate, qui demande les qualités les plus diverses de l'esprit, et qui jamais n'est achevée comme jamais elle n'est exactement possible, tend à constituer le discours d'un être plus pur, plus puissant et plus profond dans ses pensées, plus intense dans sa vie, plus élégant et plus heureux dans sa parole que n'importe quelle personne réelle.
Paul VALERY
“Situation de Baudelaire”
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 59




1804. (Le passé) nous montre, en particulier, l'échec fréquent des prévisions plus précises ; et au contraire, les grands avantages d'une préparation générale et constante, qui sans prétendre créer ou défier les événements, lesquels sont invariablement des surprises, ou bien développent des conséquences surprenantes, - permettent à l'homme de manœuvrer au plus tôt contre l'imprévu.
Paul VALERY
“Discours de l'Histoire”

1805. Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles.
Nous avions entendu parler de mondes disparus tout entiers, d'empires coulés à pic avec tous leurs hommes et tous leurs engins ; descendus au fond inexplorable des siècles avec leurs dieux et leurs lois, leurs académies et leurs sciences pures et appliquées, avec leurs grammaires, leurs dictionnaires, leurs classiques, leurs romantiques et leurs symbolistes, leurs critiques et les critiques de leurs critiques. Nous savions bien que toute la terre apparente est faite de cendres, que la cendre signifie quelque chose. Nous apercevions à travers les épaisseurs de l'histoire, les fantômes d'immenses navires qui furent chargés de richesse et d'esprit. Nous ne pouviosn pas les compter. Mais ces naufrages, après tout, n'étaient pas notre affaire.
Elam, Ninive, Babylone étaient de beaux noms vagues, et la ruine totale de ces mondes avait aussi peu de signification pour nous que leur existence même. Mais France, Angleterre, Russie... ce seraient aussi de beaux noms. Lusitania aussi est un beau nom. Et nous voyons à présent que l'abîme de l'histoire est assez grand pour tout le monde. Nous sentons qu'une civilisation a la même fragilité qu'une vie. Les circonstances qui renverraient les œuvres de Keats et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne sont plus du tout inconcevables : elles sont dans les journaux.
id. “Variétés” - “La crise de l'Esprit” - 1è Lettre – 1919

1806. Deux dangers ne cessent de menacer le monde : l'ordre et le désordre.
id. ibid.
1827. Il faut que notre pensée se développe et il faut qu'elle se conserve. Elle n'avance que par les extrêmes, mais elle ne subsiste que par les moyens.
id. “La crise de l'Esprit” - Conférence à Zürich 15 11 1922
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 60




1808. Jusques à nos jours, jamais une trouvaille, ni un ensemble de trouvailles, n'ont paru constituer un ouvrage.
Paul VALERY
“Variétés” - “Au suejt d'Adonis”

1809. ...tout le mépris que mérite, sans aucun doute, ce familier chaos que le vulgaire appelle pensée...
id. ibid.
1810. Je ne puis m'empêcher de penser qu'il y a du système et du travail dans cette attitude parfaitement triste et dans cet absolu dégoût. Une phrase bien accordée exclut la renonciation totale.
Une détresse qui écrit bien n'est pas si achevée qu'elle n'ait sauvé du naufrage quelque liberté de l'esprit, quelque sentiment du nombre, quelque logique et quelque symbolique qui contredisent ce qu'ils disent. Il y a aussi je ne sais quoi de trouble, et je ne sais quoi de facile, dans la spécialité que l'on se fait des motifs tragiques et des objets impressionnants. Qu'est-ce que nous apprenons aux autres hommes en leur répétant qu'ils ne sont rien, que la vie est vaine, la nature ennemie, la connaissance illusoire ? A quoi sert d'assommer ce néant qu'ils sont, ou de leu rredire ce qu'ils savent ?
Je ne suis pas à mon aise devant ce mélange de l'art avec la nature. Quand je vois l'écrivain reprendre et empirer la véritable sensation de l'homme, y ajouter des forces recherchées, et vouloir toutefois que l'on prenne son industrie pour son émotion, je trouve que cela est impur et ambigu. Cette confusion du vrai et du faux dans un ouvrage devient très choquante quand nous la soupçonnons de tendre à entraîner notre conviction ou à nous imprimer une tendance. Si tu veux me séduire ou me surprendre, prends garde que je ne voie ta main plus distinctement que ce qu'elle trace.
Je vois trop la main de Pascal.

D'ailleurs quand même les intentions seraient pures, le seul souci d'écrire et le soin que l'on y apporte ont le même effet naturel qu'une arrière-pensée.
id. ibid. “Variation sur une Pensée
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 61




1811. Je ne crois pas à l'âme des peuples.
Joackim FEST
Interview télévisée du 09 02 1974 à 19 h

1812. Je trouvais indigne, et je le trouve encore, d'écrire par le seul enthousiasme. L'enthousiasme n'est pas un état d'âme d'écrivain. Quelque grande que soit la puissance du feu, elle ne devient utile et motrice que par les machines où l'art engage ; il faut que des gênes bien placées fassent obstacle à sa dissipation totale, et qu'un retard adroitement opposé au retour invincible de l'équilibre permette de soustraire quelque chose à la chute infructueuse de l'auteur.
Paul VALERY
“Variétés” - “Introduction à la méthode de Léonard de Vinci” - I
“Note et digression” (1919)

1813. Le secret – celui de Léonard comme celui de Bonaparte, comme celui que possède une fois la plus haute intelligence – est et ne peut être que dans les relations qu'ils trouvèrent, - qu'ils furent forcés de trouver – entre des choses dont nous échappe la loi de continuité.Il est certain qu'au moment décisif, ils n'avaient plus qu'à effectuer des actes définis.
id. ibid. - II - “Introduction...” (1894)

1814. ...c'est un écrivain engagé, qui critique âprement la société bourgeoise et milite pour la justice sociale. Reconnaissant dans son Boulevard Durand “un côté image d'Epinal “ , il ajoute : “je n'ai pas cherché à éviter cet écueil. Dans un combat, il n'y a pas de nuances.”
André LAGARDE – Laurent MICHARD
Raoul AUDIBERT – Henri LEMAITRE
Thérèse VAN DER ELST
Collection “Textes et Littérature” éd. Bordas XX s. - “Armand Salacrou”
“Farce, satire et métaphysique”
1815. Le tragique n'existerait, aux yeux de Giraudoux, que dans la msrue où nous y croyons, où nous le suscitons.
id. ibid. “Le théâtre de Giraudoux” - “Tragique ou anti-tragique ?”
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 62



1816. Je ne crains pas la mort. C'est l'enjeu de la vie. Puisque ton Jupiter, à tort ou à raison, a créé la mort su rla terre, je me solidarise avec mon astre. Je sens trop mes fibres continuer celles des autres hommes, des animaux, même des plantes, pour ne pas suivre leur sort. Ne me parle pas de ne pas mourir tant qu'il n'y aura pas un légume immortel. Devenir immortel, c'est trahir, pour un humain. D'ailleurs, si je pense au grand repos que donnera la mort à toutes nos petites fatigues, à nos ennuis de second ordre, je lui suis reconnaissante de sa plénitude, de son abondance même... S'être impatienté soixante ans pour des vêtements mal teints, des repas mal réussis, et avoir enfin la mort, la constante, l'étale mort, c'est uen récompense hors de otute proportion...
Jean GIRAUDOUX
Alcmène dans “Amphitryon 38”, II 2

1817. Depuis longtemps nous n'avons plus de nouvelles
Du combat sanglant qui se déroule aux frontières de notre inconnu,
Avec une férocité telle, que la Fureur et le Bruit
Nous ont, à jamais, rendus hagards et sourds.
Nous sommes tous les soldats vaincus
D'une grande armée en déroute.
Nous avons tous trahi le Grand Seigneur blessé
Et nous nous bouchons les oreilles pour ne plus entendre ses appels.
Jocelyne SALOME
“L'éternel inconnu”

1818. Je pensais quelquefois à ma vie passée. Chose curieuse, seule mon enfance me paraissait réelle. Sur tout ce qui s'était passé ensuite, j'avais des souvenirs très précis, mais c'était plutôt le genre de souvenirs qu'on garde d'un film qui vous a frappé. Je me voyais moi-même agir et parler dans ce film, mais je n'avais pas l'impression que c'était à moi que tout cela était arrivé.
Robert MERLE
“La Mort est mon métier” - 1945


BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 63




Mars 1974

1819. Méditer sur la vie ? A quoi bon ? [...] La cause est entendue une fois pour toutes...
Roger MARTIN du GARD
“Les Thibault” - “L'Eté 14”
cité par André LAGARDE – Laurent MICHARD – Raoul AUDIBERT – Henri LEMAISTRE – Thérèse Van der ELST in “Collection textes et Littératures” Ed. Bordas - “XXe siècle” - “Le Roman de 1919 à 1939” - Texte “Réfléchir ? Agir ?” (avec coupure)

1820. Si tant de gens, de jeunes surtout, se tournent du côté de l'Orient, s'ils se ruent sur tout ce qui touche au zen, aux mystiques les plus exotiques, c'est, Messieurs les abbés, parce que vous ne leur parlez plus de Dieu, D majuscule, mais d'un dieu socialiste dont les pasteurs s'habillent au rayon confection du marchand de fringues du coin de la rue.
Remo FORLANI
“Déjà vu” - Chronique de critique de télévision de “Bonnes Soirées” n° 2716 du 03-03-1974 “Jésus, Marx, deux Sheila et quelques autres”

1821. Je respecte le général qui meurt à l'ennemi : c'est le but qu'il avait choisi, librement, à son existence. Devant l'humble laboureur qu'on appelle et qu'on jette au feu, il me semble que le respect ne suffit pas. Il faudrait s'agenouiller et se frapper la poitrine.
Georges DUHAMEL
“Les Pasquier” - “Les Maîtres” ch. XV

1822. Satisfaction, me mot est bon meilleur que le mot bonheur, que je vois partout employé, et qui ne veut rien dire.
Marcel ARLAND
“L'Ordre” I, 1

BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 64




1823. L'artiste, dans son enfance, fait provision de visages, de silhouettes, de paroles ; une image le frappe, un propos, une anecdote... et cela sans qu'il en sache rien, fermente, vit d'une vie cachée et surgira au moment venu.
François MAURIAC
“Le Romancier et ses personnages”
cité par André LAGARDE – Laurent MICHARD – Raoul AUDIBERT – Henri LEMAISTRE – Thérèse Van der ELST in “Collection textes et Littératures” Ed. Bordas - “XXe siècle” - “Le Roman de 1919 à 1939” - “L'inquiétude spirituelle” “François Mauriac” - “Naissance d'un talent”

1824. Ceux qui semblent voués au mal, peut-être étaient-ils élus avant les autres, et la profondeur de leur chute donne la mesure de leur vocation.
id. “Les Anges noirs” (1936)

1825. Nos jours ne sont beaux que par leur lendemain
(c'est-à-dire les imagine depuis la veille, d'avance ; glose rendue nécessaire par l'obscurité de la phrase) [sic]
Marcel PAGNOL
“La Gloire de mon père”

1826. Les faits sont la chose la plus obstinée du monde.
Mikhaïl BOULGAKOV
“Le maître et Marguerite” trad. Claude Ligny
ch. XXIII “Un grand bal chez Satan”

1827. Toutes les théories se valent. Il en est une, par exemple, selon laquelle il sera donné à chacun selon sa foi.
id. Ibid.



BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 65




1828. La vie si vaine, remplissage – je vis et, pendant ce temps-là, je vis.
Michel DARD
“Juan Maldonne”
1è Partie - “L'express Berlin-Bucarest” - ch. II “Une Rêverie passablement romantique- Les Iles Féroé – Qu'est-ce que la joie ?”

1829. Dieu n'est pas l'amour, pensait-il, mais la joie ; la joie de l'Etre. L'amour ne peut être l'origine première, car il suppose, au moins en imagination, un objet ; la joie avait dû précéder l'amour, elle avait plané informe, omniprésente, sur les Eaux. Elle restait un Tout sans cause et sans fin, contenant l'amour, contenant les créatures, comme l'océan contient les vagues et son bruit.
id. ibid.

1830. La petite voix qui vous hèle au milieu de vos distractions, de vos amours, si elle vous ordonne de tout quitter, c'est qu'elle a sur vous ses desseins.
id. ibid.

1831. Ah ! connaîtr enfin le pouvoir d'un homme qui ne veut plus qu'une seule chose !
id. ibid.

1832. Prends ceci, prends cela : cet air de musique dans une gare, qui semble orphelin et grelotte ; cette charrue renversée dont le soc effraie les corbeaux ; la tranche moisissante d'une meule ; le visage tragique d'une fille sur le seuil de sa ferme, probablement une fille-mère... L'émotion est ta fortune, comme popur d'autres l'intelligence, le sens pratique, l'énergie. Ne crains pas que rien se perde. Le moment le plus anodin de la vie revêt par la mémoire la beauté d'un instant unique, disparu. Tu ne seras jamais assez occupé à tirer d'un présent l'avenir d'un passé.
Tourné vers la fenêtre, il sent de nouveau dans sa poitrine une masse d'anxiété. On dirait qu'une conscience vague, une espèce d'endolorissement général s'inquiète, s'inquiète pourquoi?... Peut-être simplement parce que la vie, comme valeur unique, même bourrée de tout ce qu'on voudra, connaissances, convoitises, souvenirs, c'est bien peu.
id. ibid. Ch. III “Nouvelle rêverie romanesque – La montagne magique – Une sylphide”
































































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