1681
BERNARD
COLLIGNON CITATIONS
Juillet
1973
1681. Arrière toutes ces vieilleries de ma vie ! J'en deviendrais
fou à force de ruines: parlons du présent.
CHATEAUBRIAND
« Mémoires d'Outre-Tombe » XL,
5
1682. May, écoutez : il ne faut pas neuf mois, il faut soixante ans
pour faire un homme, soixante ans de sacrifices, de volonté, de...
de tant de choses !... Et quand cet homme est fait, quand il n'y a
plus en lui rien de l'enfance, ni de l'adolescence, quand vraiment,
il est un homme, il n'est plus bon qu'à mourir.
« La
Condition humaine »
1683. Marxiste ou capitaliste, l'industrie ne pourra pas se
développer infiniment. Il arrive un moment où les soldats de
n'importe quelle Grande Armée commencent à avoir mal aux pieds. Les
soldats de l'industrie ne feront pas exception.
Emmanuel BERL
1684. Si la mort n'était pas, il n'y aurait au monde rien de plus
misérable que l'homme.
LE TASSE
cité par CHATEAUBRIAND « Mémoires d'Outre-Tombe »
XLI, 2
1685. Mon déjeuner solitaire en société des voyageurs repus,
couchés sous ma fenêtre, aurait été selon mes goûts si une mort
trop récente ne m'eût affligé: j'avais entendu crier la geline
servie à mon festin. Pauvre poussin ! Il était si heureux avant mon
arrivée ! Il se promenait parmi les herbes, les légumes et les
fleurs ; il courait au milieu des troupeaux de chèvres descendues de
la montagne ; ce soir il se serait couché avec le soleil, et il
était encore assez petit pour dormir sous l'aile de sa mère.
CHATEAUBRIAND
« Mémoires d'Outre-Tombe » XLII,
1
1686. Carrel n'était pas aussi irréligieux qu'on l'a supposé :
il avait des doutes ; quand de la ferme incrédulité on passe à
l'indécision, on est bien près d'arriver à la certitude.
id. ibid. XLIII, 4
BERNARD
COLLIGNON CITATIONS VI 31
1687. Prêt à terminer mes recueils et faisant la revue autour de
moi, j'aperçois des femmes que j'ai involontairement oubliées ;
anges groupés au bas de mon tableau, elles sont appuyées sur la
bordure pour regarder la fin de ma
vie..........................................................................
CHATEAUBRIAND
« Mémoires d'Outre-Tombe »
XLIII, 5
1688. L'homme n'a pas besoin de voyager pour s'agrandir ; il porte
avec lui l'immensité. Tel accent échappé de votre sein ne se
mesure pas et trouve un écho dans des milliers d'âme : qui n'a
point en soi cette mélodie la demandera en vain à l'univers.
Asseyez-vous sur le tronc de l'arbre abattu au fond des bois : si
dans l'oubli profond de vous-même, dans votre immobilité, dasn
votre silence, vous ne trouvez pas l'infini, il est inutile de vous
égarer aux rivages du Gange.
id. ibid. XLIV, 5
1689. L'homme est
aujourd'hui broyé, nivelé par la société : il n'est plus qu'un
rouage, un numéro dans la masse de ses semblables. Mais pour son
chien, il est unique. Il y a au moins un être au monde pour qui il
existe, avec son odeur, sa voix, sa présence irremplaçables. Voilà
pourquoi tant d'hommes ont besoin d'un chien : pour être
quelqu'un.
Isabelle RIVIERE
« Un monde sans tendresse » - Article de « l'Echo
de chez nous » - n° 184 -
juillet-août 1973 – Journal interparoissial de 15
Champs-sur-Tarentaise
1690. Ne
prenez jamais la vie trop au sérieux : de toute façon, vous n'en
sortirez pas vivant.
Elbert
HUBBARD
1691.
Je me suis détesté, je me suis adoré ; - puis nous avons vieilli
ensemble.
Paul
VALERY
1692. Mme Peloux n'avait pas déménagé depuis vingt-cinq ans et
maintenait en leur place toutes les erreurs successives de son goût
saugrenu et thésaurisateur.
COLETTE
« Chéri »
1693. A tout moment il faut
choisir entre la santé, la sagesse d'une part, et de l'autre les
plaisir spirituels. J'ai toujours eu la lâcheté de choisir la
première part.
Marcel PROUST
« la Prisonnière » p. 125
1694. Pisser, c'est la jouissance du chaste.
Louis JOUVET
1695. Au fur et à mesure qu'elle croyait moins à la réalité du
monde extérieur, elle mettait plus d'acharnement à chercher à s'y
faire, avant de mourir, une belle position.
Marcel PROUST
« A la Recherche du temps perdu » - « Sodome et
Gomorrhe » p. 624
1696. Personne ne peut savoir ce dont il est capable avant d'être
(var. « d'avoir été ») mis devant les faits.
Lettre sans signature révélée parue dans « Tribune libre »
sous le titre
« Et finalement j'ai choisi de laisser vivre » in « La
Vie catholique » n° 1459
du 25 au 31 juillet 1973
1697. Il n'est pas, en effet, d'exil au Pôle Sud, ou au sommet du
Mont-Blanc, qui nous éloigne autant des autres qu'un séjour
prolongé au sein d'un vice intérieur, c'est-à-dire d'une pensée
différente de la leur.
Marcel PROUST
« A la Recherche du temps perdu » - « La
Prisonnière » p. 211
1698. La puissance d'un écrivain réside dans sa vérité.
Jean ROUSSELOT
« Edgar Allan Poe » - « Parmi les féroces
Calibans »
1699.
[le] philosophe qui, Lautréamont nous le rappelle après Montaigne,
ne fait jamais qu'expliquer et exploiter ce que le poète a découvert
sans le chercher.
Jean ROUSSELOT
« Edgar Allan Poe » - « Des histoires
extraordinaires »
BERNARD
COLLIGNON CITATIONS VI 33
1700. Prends pour maître n'importe qui, mais pas l'amour.
Dialogue français de « Cléopâtre »
film de MANCKEWICZ
Réplique de Marc-Antoine
1701. Faire l'amour c'est se caresser jusqu'à la jouissance (et
même au-delà). La pénétration du pénis dans le vagin est une
caresse comme une autre.
Michel MEIGNANT Ou Danièle DEZARD
« Union vous donne ses conseils » - « Plusieurs
mains »
« Union » n° 14 d'août 1973
1702. La rue, c'est
pratiquement le seul endroit, à part l'usine parfois, où il peut se
passer quelque chose, où d'ailleurs il se passe toujours un
événement qui concerne tout le monde. C'est le seul endroit où les
gens se rencontrent et sont à la fois anonymes, emprisonnés dans
des tas de sustèmes et d'interdits mais, en même temps, où ils ont
les possibilitésde toutes les libertés. Partout ailleurs,
c'est-à-dire dans les maisons, les immeubles, les appartements,
c'est la parcellisation totale, la famille, les règles strictes,
les secrets. Tout cela ne m'intéresse pas. Ne m'intéresse que tout
ce qui vient au grand jour.
Il n'y a que dans la rue qu'il y a une situation constamment sur le
qui-vive. IL n'y a que dans la rue qu'à chaque seconde le monde
peut, pourrait, et parfois cela arrive, se transformer. Si tu fermes
une rue, n'importe quelle rue au monde, sur dix mètres, tout un pays
s'arrête. On l'a vu. On l'a expérimenté. On le sait. Si trente
mecs décident de tout stopper (cette espèce de vis sans fin, de
fluidité assez incompréhensible, assez magique) tout un mécanisme
est stoppé net. Une société, toute une collectivité s'arrêtent
parce que, en dix minutes, la rue d'à côté est bloquée : en un
quart d'heure l'Etat envoie quinze cars de CRS, en deux heures on n'a
pas encore pris de décision, en trois heures des barricades sont
construites, en cinq heures les taxis se mobilisent pour aller sauver
les blessés s'il y a des bagarres, les radios sont toutes sur place,
les reporters et les auditeurs s'en emparent, l'ordre qui règne dans
le pays et dans les têtes est tout à coup fêlé. Pour dix mètres
de rue, tout un pays se pose la question de son existence, de sa vie,
de ses illusions, de sa démarche, de son travail, de la domination
qu'il subit ou qu'au contraire il fait subir, et pour moi, en moi,
constamment, toute l'année, la rue provoque toutes ces questions et
même toutes les questions.
Gérard FROMANGER
Interview du 23-8-1972 parue dans « Chorus » n° 10 de
mai 1973
BERNARD
COLLIGNON CITATIONS VI 34
1704. Une tentation avouée : Céline ; une nostalgie tue :
Proust.
Richard ZREHEN
« San-Antonio, une figure de désir »
dans « La Quinzaine littéraire » n° 169 d'août 1973
1705. Calomnier un grand homme est, pour les médiocres, le plus
prompt moyen d'arriver, à leur tour, à la grandeur. Il est probable
que le scorpion ne serait jamais devenu une constellation , s'il
n'avait eu le courage de mordre Hercule au talon.
Edgar POË « Marginalia » Traduction Victor
Orban
1706. C'est ainsi qu'un jour des milliers de couples quitteront les
villes, c'est ainsi qu'ils s'envoleront plus légers que des spores,
plus légers que des bulles de savon vers les paradis qu'ils
portaient en eux. Ils aborderont dans des vallons en forme de
coquille où les dépressions du sol seront tout à fait semblable
aux lignes de leurs paumes accolées. Certains vivront dans de
minuscules maisons enfouies sous les arbres et écriront des livres
absurdes, d'autres peindront des tableaux inutiles, d'autres encore
composeront des opéras indéchiffrables. Certains s'installeront au
bord de la mer pour écrire des poèmes sur le sable humide à la
frange de la dernière vague, poèmes aussitôt effacés et chaque
jour récrits pour être effacés à nouveau. Déjà ils profèrent
des phrases ardentes auxquelles ils ne comprennent rien encore, ils
avancent à la traîne de leurs hallucinations au milieu de ce zoo où
radotent les perroquets et où gesticulent les singes. Ce zoo où les
flics canalisent les peuples vers les musées et les bibliothèques,
les obligeant à absorber des mots morts et à contempler des visions
fanées.
REZVANI
«Les années Lula »
En dessous, ces mots : « Le
garder ? »
BERNARD
COLLIGNON CITATIONS VI 35
1707.
Ha ha ! Non, regarde-les ! Est-ce qu'ils ont une tête à avoir des
enfants ? Pour avoir des gosses il faut être d'accord avec la
société dans laquelle on vir, oui mon vieux.
REZVANI
«Les années Lula »
1708. Un polémiste ne doit
jamais selon moi chercher les occasions de se mettre en colère,
parce qu'à ce moment-là on devient un spécialiste du courroux ce
qui fait qu'on ne vous croit plus.
Maurice CLAVEL
Entretien, mars 1973 paru dans «Parapluie » de
mai-juin-juillet-août 1973
1709. Je veux avoir des ralation avec un homme pour sa nature, non
pour ses idées.
André MALRAUX
« L'Espoir »
1710.
Plus les sociétés sont répressives, plus ceux que l'argent ou la
puissance mettent au-dessus des lois risquent de devenir
déséquilibrés ou cruels.
Ce n'est donc pas la liberté, américaine ou autre, qui doit, une
fois de plus, être mise en accusation. C'est cette perversion
fondamentale plantée dans le cœur
humain par la civilisation imbécile du plaisir. Ceux qui, dès la
prime enfance, ont été persuadés que leur joie, ou leur
jouissance, au sens noble du mot, est un crime et met Dieu en colère,
risquent de tomber un jour dans la monstrueuse confusion entre
plaisir et souffrance qui a donné le sadisme, le masochisme et
toutes les déviations de notre humanité tordue.
Claude MANCERON
« Barbe-Bleue » - « Morale du
fait-divers »
« Sud-Ouest Dimanche » n° 1254 du 26-08-73
BERNARD
COLLIGNON CITATIONS VI 36
1711.
La duchesse :
Que Dieu
te bénisse et mette dans ton cœur
la douceur, l'amour, la charité, l'obéissance et la fidélité au
devoir !
Gloucester, à part :
Amen ! Et
qu'il me fasse mourir vieux bonhomme ! C'est la conclusion de toute
bénédiction maternelle. Je m'étonne que Sa Grâce l'ait oubliée.
William SHAKESPEARE
« Richard III »
II, 12 – Trad. F.V. Hugo
1712. Tu es comme les
camarades, tu cherches ton paradis, hein, le paradis qu'on vous
devait, après la guerre ? Votre victoire, votre jeunesse, vos belles
femmes. On vous devait tout, on vous a tout promis, ma foi c'était
bien juste... Et vous trouvez quoi ? Une bonne vie ordinaire. Alors
vous faites de la nostalgie, de la langueur, de la déception, de la
neurasthénie... Je me trompe ?
COLETTE
« La Fin de Chéri »
1713.
Nous avons tant abusé du microscope pour étudier les hideuses
excroissances et les honteuses verrues dont notre cœur est couvert,
et que nous grossissons à plaisir, qu'il est impossible que nous
parlions le langage des autres hommes. Ils vivent pour vivre, et
nous, hélas, nous vivons pour SAVOIR.
Charles BAUDELAIRE
« La Fanfarlo »
« La Fanfarlo »
Septembre 1973
1714. Les créateurs sont
d'immenses angoissés qui doutent d'eux-mêmes et, quand je crée, je
doute un peu de moi-même.
Claude MANCERON
« Claude Manceron qui
êtes-vous ? » Entretien du Sud-Ouest Dimanche n° 1255 du
02-09-1973
BERNARD
COLLIGNON CITATIONS VI 37
1715. La
culture pour moi c'est la curiosité.
Claude
MANCERON
« Claude Manceron qui
êtes-vous ? » Entretien du Sud-Ouest Dimanche n° 1255 du
02-09-1973
1716. Aphorisme : il n'y a pas
de héros, il n'y a que des bourreaux feignants [sic] . Quand un
bourreau le veut vraiment, le supplicié parle. Et ne crève
qu'après, s'il doit crever.
CAVANNA
« Je l'ai pas lu, je
l'ai pas vu... mais j'en ai entendu causer » - « Les
capitulards »
Article
de Charlie-Hebdo n° 147 du 10-09-1973
1717. Et Yakir ? Oh ben,
celui-là... Il avait qu'à pas y aller. Quand on est lâche, faut
pas jouer les héros. D'abord, on n'y a aucun plaisir parce qu'on a
tout le temps tellement peur, ensuite c'est toujours vous que les
flics ramassent parce que justement ils vous savent lâche et ça
sera moins fatigant, troisièmement les coups ça fait vraiment aussi
mal qu'on l'avait imaginé et même encor eplus, quatrièmement après
ça t'as honte parce que t'as parlé, et pour finir tout le monde te
traite de lâche et c'est justement parce que tu en avais marre de ça
que tu t'étais lancé dans l'héroïsme. Bien fait pour lui.
id. ibid.
1718. Il est désastreux de
constater que dans ce monde le fusil mitrailleur l'emporte sur le
bulletin de vote. C'est u peu de l'honneur de l'humanité qui est
mort, mardi, dans les rues de Santiago.
Christian CASTERAN
Journaliste de « La
Croix »
1719. L'homme est périssable.
Il se peut ; mais périssons en résistant, et, si le néant nous est
réservé, ne faisons pas que ce soit une justice.
SENANCOUR
« Oberman » (?)
« Supplément de 1833 » - Lettre XC – Imenstròm, 28
juin, X [27-08-1985]
BERNARD COLLIGNON CITATIONS
VI 38
1720. La démocratie n'existe pas. Menteurs, sales menteurs qui
nous l'enseignez, vous nous la faites révérer comme le suprême
idéal pour lequel il faut vivre et mourir ! La démocratie n'existe
pas. N'a jamais existé. Ne peut pas exister. Le peuple du Chili a
cru à la démocratie. A joué le jeu. Loyalement. A choisi. Ceux
qu'il a choisis, démocratiquement, ne sont pas ceux qu'il aurait dû
choisir, que ses maîtres attendaient de lui qu'il choisît. L'armée
lui rentre la démocratie dans la gueule à coups de baïonnettes. La
démocratie n'existe pas, ne peut aps exister, là où il y a
l'armée. N'importe quelle armée. N'importe quelle police armée. A
partir du moment où l'armée existe, où l'armée est là, pesant de
toute son énorme masse noire, sinistre et noire, tout est foutu.
CAVANNA
« je l'ai pas lu, je l'ai pas vu... mais j'en ai entendu
causer » - « Loyale » -
Charlie-Hebdo n° 148 du 17-09-1973
1721. Il n'y a pas la nature et l'Homme, ennemis ou alliés ou
quels que soient les rapports qu'on leur prête. Il y a la nature
DONT l'homme.
C. [AVANNA ?]
« Si c'est pas vrai je suis un menteur »
Article de Charlie-Hebdo n° 148 du 17-09-1973
1722. Que s'est-il passé ?
Où va-t-il ?
Tout a craqué !
Il est fou !
Il en a assez !
Il est parti.
Il part où son imagination
Son imagination d'enfant
Le pousse.
Il n'y va pas
Il y court
Il y galope
Le visage au vent.
Il crie
BERNARD COLLIGNON CITATIONS
VI 39
Il souffle
Dans
son cœur
Un
trou béant
Il
s'arrête mort.
Mort
de quoi ?
Mort
de vie ?
Son
enfance est morte !
Il est
homme
On lui
dira Monsieur
Les
« petits » ça fait jeune hommes
Les « jeunes
hommes » c'est fini
C'est
comme les petits.
Il
repart.
Il va
où son imagination
Son
imagination d'adolescent
Son
imagination d'homme
Le
pousse.
GREGOIRE
D.
14 ans
½, 3è de CEG - « Que s'est-il passé ? » - Poésie
Roger Beaumont – Nouvelle Revue Pédagogiquen° 1 de septembre
1973
1723. Je ne veux pas que vous sachiez
Que j'ai la flemme, monsieur,
La flemme d'écrire, de travailler
Je vous jure que ça me peine, monsieur,
Je ne veux pas que vous sachiez
Que je suis malheureux, madame,
Malheureux d'être et d'exister
Malheureux d'être peureux, madame.
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 40
Je ne veux pas que vous sachiez
Que je vais mourir, monsieur, madame,
Je vais mourir par le siècle asphyxié,
Je vais mourir du pire, monsieur, madame.
Je ne veux pas que vous sachiez
Que je veux rire, monsieur, madame,
Je veux rire de tout et ne plus me torturer,
Je veux rire de la mort, madame, monsieur.
Mais je veux que vous sachiez
Que je veux AIMER
Vous tous qui êtes las de m'écouter
aimer à en perdre le souffle, aimer !!!
GREGOIRE D.
14 ans ½, 3è de CEG, « Poésie » - Roger Beaumont
Nouvelle Revue Pédagogique n° 1 de Sept. 1973
1724. D'ailleurs, n'a-t-on pas abusé du « renseignement »
? L'histoire absorbera bientôt toute la littérature.
Gustave FLAUBERT
Préface aux «Dernières Chansons » de Louis Bouilhet, I
1725. La gloire d'un écrivain ne relève pas du suffrage
universel, mais d'un petit groupe d'intelligences qui à la longue
impose son jugement.
id. ibid. III
1726. Il tâchait de bien penser, afin de bien écrire.
id. ibid. IV
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 41
1727. La femme est ce que l'on a trouvé de mieux pour remplacer
l'homme quand on a la déveine de ne pas être pédéraste.
Boris VIAN
« Appendice et pièces justificatives » n° 5
dans « Textes et chansons »
1728. Le seul « idéal » pour lequel un homme à tête
d'homme doit vivre et peut même se permettre de mourir : le bonheur
sur cette terre et tout de suite.
Noël ARNAUD
Postface à «Textes et chansons » de Boris Vian
1729. Je distingue les génies doués et les génies pas doués.
« Le génie est une longue patience », c'est une
réflexion de génie pas doué.
Boris VIAN, voir plus haut, n° 1
1730. S'il pleuvait des larmes
Lorsque meurt un amour
S'il pleuvait des larmes
Lorsque des cœurs sont lourds
Sur la terre entière
Pendant quarante jours
Des larmes amères
Engloutiraient les tours
S'il pleuvait des larmes
Lorsque meurt un enfant
S'il pleuvait des larmes
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 42
Au rire des méchants
Sur la terre entière
En flots gris et glacés
Des larmes amères
Rouleraient le passé
S'il pleuvait des larmes
Quand on tue les cœurs purs
S'il pleuvait des larmes
Quand on crève sous les murs
Sur la terre entière
Il y aurait le déluge
Des larmes amères
Des coupables et des juges
S'il pleuvait des larmes
Chaque fois que la mort
Brandissant ses armes
Fait sauter les décors
Sur la terre entière
Il n'y aurait plus rien
Que des larmes amères
Des deuils et du destin.
Boris VIAN
« S'il pleuvait des larmes » in « Textes
et chansons »
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 43
1731. La bigamie c'est d'avoir une femme de trop. La monogamie
aussi.
HEYWOOD
1732. Dans la Recherche, comme peut-être dans toutes les
grandes œuvres d'art, la vraie
fonction de l'imagination est, paradoxalement, non pas d'imaginer –
au sens d'inventer ou de transformer – mais de voir : de voir la
réalité que nous cachent l'habitude et le monde des phénomènes.
George D. PAINTER
«Marcel Proust » t.
I ch. XIII « L'Affaire Dreyfus »
1733.
Très loin d'avoir été un dilettante ou un esthète, Ruskin fut
précisément le contraire, un de ces hommes à la Carlyle, avertis
par leur génie de la vanité de tout plaisir et, en même temps, de
la présence auprès d'eux d'une réalité éternelle, intuitivement
perçue par l'inspiration...
id. ibid. ch. XIV « le
Salut par Ruskin »
1734. ...Durant toute son existence, [Proust] a cherché dans l'art
une « réalité plus profonbde où notre personnalité trouve
une expression que ne lui donnent pas les actions de la vie. »
Georges CATTAUI
« Marcel Proust vu par George D. Painter »
(Préface au « Marcel Proust ») -
(Citant Proust ou Painter)
1735. Le fils du Léopard
comprit que les Nains Rouges voulaient la guerre et la mort. Il ne
s'en étonnait pas : de tout temps, les Oulhamr n'avaient-ils pas tué
les hommes étrangers qu'ils surprenaient près de la horde ? Le
vieux Giûn disait : « Il vaut mieux de laisser la vie au loup
et au léopard qu'à l'homme ; car l'homme que tu n'as pas tué
aujourd'hui, il viendra plus tard avec d'autres hommes
pour te mettre à mort. » Naoh ne reviendrait pas mettre à
mort les Nains Rouges, s'ils lui laissaient la route libre, mais il
comprenait bien qu'ils devaient le craindre.
D'ailleurs, il savait aussi
que les hommes de deux hordes se haïssent naturellement plus que le
rhinocéros ne hait le mammouth.
J.H. ROSNY Aîné
« La Guerre du feu »
- IIIè partie ch. 2
« L'Arête
granitique »
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 44
1736. Quand verrai-je les îles où furent des parents ?
Le soir, devant la porte et devant l'océan
on fumait des cigares en habit bleu barbeau.
Une guitare de nègre ronflait, et l'eau
de la pluie dormait dans les cuves de la cour.
L'océan était comme des bouquets en tulle
et le soir triste comme l'Eté et une flûte.
On fumait des cigares noirs et leurs points rouges
S'allumaient comme ces oiseaux au nid de mousse
dont parlent certains poètes de grand talent.
O Père de mon Père, tu étais là, devant
mon âme qui n'était pas née, et sous le vent
les avisos glissaient dans la nuit coloniale.
Quand tu pensais en fumant un cigare
et qu'un nègre jouait d'une triste guitare
mon âme qui n'était pas née existait-elle ?
Etait-elle la guitare ou l'aile de l'aviso ?
Etait-elle le mouvement d'une tête d'oiseau
caché lors au fond des plantations
ou le vol d'un insecte lourd dans la maison ?
Francis JAMMES
« De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir »
« Quand
verrai-je les îles... »
Octobre
1973
1737. Il suggère alors que
la valeur d'une lecture d'enfance ne tient pas tant au livre lui-même
(ce n'est que le Capitaine Fracasse de Théophile Gautier)
qu'aux souvenirs inconsciemment conservés grâce à elle, qui sont
« tellement plus précieux à notre jugement actuel que, s'il
nous arrive encore aujourd'hui de feuilleter ces livres d'autrefois,
ce n'est plus que comme les seuls calendrier des jours enfuis, et
avec l'espoir de voir reflétées dans leurs pages les demeures et
les étangs qui n'existent plus. »
George D. PAINTER
« Proust » -
II, II « »Mort d'une mère » - (citant
Proust)
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 45
1738. Nous ne boirons plus l'eau de la mer, car nos larmes sont
tombées dedans.
Elaine GREFFULHE,
« Poèmes en prose » 5 ans ½
1739. L'art est ce qui console le mieux de vivre.
Théophile GAUTIER
« Albertus » - Préface
1740. L'immense appétit que nous avons pour les biographies naît
d'un sentiment profond de l'égalité.
Charles BAUDELAIRE
« L'Art romantique » IX « Pierre
Dupont »
1741. Pourquoi le nom de
celui-ci est-il dans toutes les bouches, et le nom de celui-là
rampe-t-il encore ténébreusement dans des casiers de librairie, ou
dort-il manuscrit dans des cartons de journaux ? En un mot, quel est
le grand secret de Dupont, et d'où vient cette sympathie qui
l'enveloppe ? Ce grand secret, je vais vous le dire, il est bien
simple : il n'est ni dans l'acquis ni dans l'ingéniosité, ni dans
l'habileté du faire, ni dans la plus ou moins grande quantité de
procédés que l'artiste a puisés dans le fonds commun du savoir
humain : il est dans l'amour de la vertu et de l'humanité (...)
id. ibid.
1742. Depuis ces dix ans,
nous avons eu tous dans nos vies bien des chagrins, bien des
déceptions, bien des tortures. Et pour aucun de nous ne va sonner un
heure où nos chagrins seront changés en ivresses, nos déceptions
en réalisations inespérées et nos tortures en triomphes délicieux.
Je serai de plus en plus malade, les êtres que j'ai perdus me
manqueront de plus en plus, tout ce que j'avais pu rêver de la vie
me sera de plus en plus inaccessible. Mais pour Dreyfus et pour
Picquart la vie a été providentielle, à la façon des contes de
fées. C'est que nos tristesses reposaient sur des vérités, des
vérités physiologiques, des vérités humaines et sentimentales.
Pour eux, les peines reposaient sur des erreurs. Bienheureux ceux qui
sont victimes d'erreurs judiciaires ou autres ! Ce sont les seules
humains pour qui il y ait des revanches et des réparations.
Marcel PROUST
Lettre à Mme Straus (1906)
BERNARD
COLLIGNON CITATIONS VI 46
1743.
La sagesse serait de remplacer toutes les relations mondaines et
beaucoup de voyages par la lecture de l'Almanach de Gotha et de
l'Indicateur des chemins de fer.
Marcel
PROUST
“Journées
de lecture” Article du Figaro
20 03 1907
1744. Chaque jour, j'attache moins de prix à l'intelligence. Chaque
jour je me rends mieux compte que ce n'est qu'en dehors d'elle que
l'écrivain peut ressaisir quelque chose de nos impressions,
c'est-à-dire atteindre quelque chose de lui-même et la seule
matière de l'art.
id. “Contre Sainte-Beuve” - Préface
1745. Ce qui avait entraîné la faillite de Jean Santeuil et
des esquisses romanesques de 1905-8, c'était son abandon à
“l'idolâtrie”, c'est-à-dire au fait d'adorer des images au lieu
de la divinité qu'elles représentaient, son incapacité de sonder
les profondeurs du réel, sa tentative de compenser le manque de
vérité par la beauté du style.
George D. PAINTER
“Marcel Proust” - II, VII,
“Le thé et la
madeleine”
1746.
Comme tout grand écrivain, Proust cherchait à assurer son salut au
moyen de sa seule œuvre, par un dialogue personnel avec Dieu.
id., ibid. XIII,
“Le puits de Sodome”
1747.
Le style, ainsi que l'affirme Proust, doit être renouvelé par
chaque écrivain, puisqu'il ne consiste pas à adhérer à un modèle
classique, mais réside dans le moment où l'écrivain s'identifie à
son sujet.
id., ibid. XV,
“La femme noire”
1748.
Le salut ne se trouve que sur le bord de la tombe
id. ibid.
BERNARD
COLLIGNON CITATIONS VI 47
1749.
Il ne faut jamais avoir peur d'aller trop loin, car la vérité est
au-delà.
MarceL
PROUST
Lettre
à Curtius – Septembre 1922
1750. L'emmerdant chez les révolutionnaires c'est qu'ils admettent
à peu près tous comme une nécessité, comme une norme, les
restrictions temporaires à la liberté d'autrui. Pourtant, si tu
gueules pas chaque fois qu'on touche à la liberté, pas seulement du
copain, pas seulement du neutre, mais de l'adversaire, si tu la
fermes parce que ça t'arrange, t'es déjà en train d'obéir, t'es
déjà eu, t'es déjà plus libre. Et tu le redeviendras pas de
sitôt. Seulement voilà, le grand attrait de la révolution
violente, pour les trois-quarts des effectif révolutionnaires, c'est
qu'elle octroie à chaque militant la perspective, le droit, le
devoir de commettre l'injustice. On ne fait pas d'omelette,
paraît-il, sans casser des œufs. Le maniement des “sentiments
collectifs” fait partie des moyens qu'il faut s'obliger à
employer, si l'on veut être efficace. Ça fait mûrir le fruit. Mais
ça le fait pourrir après.
FOURNIER
“Où on va ? J'en sais rien, mais on y va.”
1751. Le salut n'est
parfois acquis dans le monde matériel qu'au moment où l'on pardonne
et où l'on, est pardonné, moment qui, pour Proust, fut celui de la
mort. Maintenant, non seulement son œuvre, comme il l'avait prédit,
mais sa vie, étaient éternellement vivants, les deux Côtés
s'étaient rejoints. Le Côté de Méséglise et le Côté de
Guermantes, le “moi” avec lequel nous sommes nés et le “moi”
que nous acquérons, se rejoignent toujours à la fin, pour les plus
rares et les plus grands, dans une œuvre d'art, pour chacun dans la
mort ; mais, pour trouver leur point de jonction, leur unité, nous
devons d'abord les traverser, parmi les êtres, les lieux et les
choses, dans le Temps.
George D. PAINTER
“Proust” - II, XVII,
“Les deux
côtés se rejoignent”
1752. L'artiste... ne doit
interroger que lui-même, et ne s'exprimer que lorsuqi'l en ressent
l'obligation.
Pablo CASALS
BERNARD
COLLIGNON CITATIONS VI 48
1753.
La religion catholique est la seule qui consacre l'indissolubilité
du mariage, mais c'est parce qu'il est dans l'esprit de cette
religion d'imposer la douleur à l'homme sous mille formes
différentes.
Mme de
STAËL
Novembre
1973
1754. J'ai maintenant la certitude que l'âme s'exprime dans
l'ombre et le silence. Le personnage légendaire et absurde qu'on
nous invente nous protège, on le pousse de force sur l'estrade de
l'actualité. Il s'y repose à notre place et reçoit les coups qu'on
nous destine.
Mon conseil à la jeunesse est de vivre entre chien et loup.
Jean COCTEAU
“Conseil à la jeunesse” 31-10-1959
dans “Had” n° 17 de
novembre 1973
1755. Où il y a les juges, il y a l'injustice.
TOLSTOÏ
“La Guerre et la Paix”
1756. ...Nous sommes des lâches. Par l'entêtement de notre
présence, nous gâchons tout.
L.J. LAPLACE
“Le poète sacrifié”
1757. Au début j'étais là, avec mes illusions,
et l'on m'avait appris qu'enseigner voulait dire
enfoncer dans des crânes des idées toutes faites.
Comme j'aurais aimé que ce fût aussi simple,
que mes élèves docilement répètent
BERNARD
COLLIGNON CITATIONS VI 49
des formules que
moi-même je savais par cœur...
Mais ce sont mes élèves qui m'ont beaucoup appris :
Qu'autorité ne veut rien dire
quand on n'est pas maîtresse de soi-même,
que la science ne veut rien dire
quand on ne se connaît pas soi-même,
que morale ne veut rien dire
puisqu'elle change à chaque pas...
Les jours ont succédé aux jours pour qu'enfin je comprenne...
Qu'avais-je à proposer comme exemple de vie,
moi qui déjà, fuyais ma société pourrie ?
Il ne me restait plus vraiment que mon cœur
à leur donner sur le seuil de leur vie...
Arlette
FOURNIER
“Kermesse”
1758. ...il avait acquis
une nouvelle, une consolante vérité ; il avait découvert qu'il n'y
a rien au monde de vraiment effrayant. Il avait découvert en même
temps que s'il n'y a au monde aucune situation dans laquelle l'homme
puisse être parfaitement heureux et libre, il n'y en a aucune dans
laquelle il puisse être complètement malheureux et esclave. Il
avait compris qu'il y a une limite à la souffrance et une limite à
la liberté et que ces limites se touchent...
TOLSTOÏ
“La Guerre et la Paix” -
Livre 4è – 2è partie – ch. XII
1759. Si vous voulez empoisonner votre enfant, faitets-luui boire,
à haute dose, votre bonheur.
MAKARENKO
1760. La beauté ne fait pas l'amour, c'est l'amour qui fait la
beauté.
TOLSTOÏ - “La Guerre et la Paix” Epilogue – 1è
partie ch. IX
BERNARD
COLLIGNON CITATIONS VI 50
1761.
L'horreur de l'homme pour la réalité lui a fait trouver ces trois
échappatoires : le vin, l'amour, le travail.
Edmond
et Jules de GONCOURT
“Journal”
1762.
L'obligation de produire aliène la joie de créer.
SLOGAN sur un panneau de signalisation (Cambes)
1763. Il est très difficile d'entrer dans le mécanisme de la
création, surotut pou rle créateur.
Maurice BEJART
N° spécial des “Saisons de la Danse” (Disque)
Décembre 1973
1764. C'est l'attente insipide
Que vous nommez espoir.
Frank HELIE
“Lettre à ne pas brûler” Eurêka n° 32 de décembre
1973
1765. O mon âme ! Le poëme n'est point fait de ces lettres que je
plante comme des clous, mais du blanc qui reste sur le papier.
Paul CLAUDEL
“Cinq Grandes Odes”, I
1766. Ayant payé mon tribut au “modernisme”, j'acquis la
conviction que certaines tendances modernistes n'avaient aucun
avenir. C'est un art mort qui n'a produit aucune souche
BERNARD
COLLIGNON CITATIONS VI 51
vive en cinquante ans. L'art moderniste n'a pas su gagner la
sympathie du public ni chez nous, ni à l'étranger, malgré tous les
efforts d'une propagande obstinée. Il est d'autant plus regrettable
d'y voir succomber parfois des compositeurs de talent, des artistes
sincères, comme par exemple Alban Berg, que j'ai connu
personnellement et dont la sincérité ne saurait être mise en
doute. J'ai été très fortement impressionné par son opéra
Wozzek, joué vers 1920 au
Théâtre Marie à Léningrad. Alban Berg ne cherchait pas à suivre
une mode, et pourtant l'influence néfaste des idées modernistes
étouffait son immense talent, l'empêchait de s'exprimer à pleine
voix. Le modernisme a pour effet de niveler la création. Ayant lu
une masse de partitions, appartenant à des compositeurs de la tribu
moderniste, je me suis aperçu qu'elles offraient toutes “le même
visage”, que la personnalité créatrice de l'auteur ne pouvait pas
s'y exprimer...
Dimitri CHOSTAKOVITCH
(écrit en 1937)
1767. Tout de suite, être le plus grand et savoir, de toute
éternité, avec la vraie science de l'instinct, que jamais, au grand
jamais, on ne sera le plus grand.
Henri-François REY
Les Pianos mécaniques, III
1768. J'ai passé ma vie à dire n'importe quoi. Mon malheur, c'est
que, neuf fois sur dix, ça fait quand même son effet.
id. ibid.
1769. S'inventer une idée fixe. C'est ça, donner un sens à sa
vie.
id. ibid. IV
1770. Un jour, les hommes seront délivrés de la peur de la mort.
En attendant, il faut composer. Et j'essaie de composer, mais c'est
difficile.
id. Ibid.
1771. Donner un sens à sa vie qui soit tel qu'à l'heure de la
mort on n'ait strictement BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 52
rien à regretter. Bien plus, que la mort soit des grandes vacances.
Et être sûr de ne pas se tromper à ce moment-là. C'est difficile.
Henri-François REY
Les Pianos mécaniques - IV
1772. On devrait interdire le tourisme : ça salit tout, ça avilit
tout.
id. ibid.
1773. Je crois que je n'ai jamais aimé personne, dit Vincent.
-
Et vous en crevez. Alors que vous devriez pavoiser !
-
id. ibid.
-
1774. ...l' “art, ingénieux consolateur” : “Ses mensonges
sont les seules réalités, et, pour peu qu'on les aime d'un amour
véritable, l'existence de ces choses qui sont autour de nous et qui
nosu subjuguaient, diminue peu à peu ; le pouvoir de nous rendre
heureux ou malheureux se retire d'elles pour aller croître dans
notre âme où nous convertissons la douleur en beauté. “
Marcel PROUST
Chronique de mars 1892 citée par Lagarde et Michard in “XXe
siècle”, “Marcel Proust” - “Les études” - “Vers la
littérature”
1775. De la discussion ne
jaillit jamais la lumière.
Henri-François REY
Les Pianos mécaniques XII
1776. On n'existe que dans les rapports avec les autres.
id. ibid. XV
1777. - Alors, quoi ?
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 53
-
Tu n'as qu'à changer, dit Daniel.
-
C'est pas si facile que ça. “
Daniel s'agita sur son banc.
“ Y a qu'à dire qu'on change, c'est tout.
Henri-François REY
Les Pianos mécaniques XVI
1778. Avoir le courage d'avoir le courage, la volonté d'avoir la
volonté, c'est toujours le même problème.
id. Ibid.
1779. Saphus au cheveux d'ambre, aux yeux de mauvais ange
Est gras, blême et malsain comme un grand nénuphar.
Poète de Lesbos, ses vers sentent le fard,
Le cold-cream et parfois un parfum plus étrange.
Jean LORRAIN
1780. Ce n'est pas parce qu'on n'a rien à dire qu'il faut le
garder pour soi.
Raymond DEVOS
1781. (Ah, petit, jamais tu ne te débarrasseras de ce
sentiment-là. Tu es coupable, tu es coupable ! A chaque fois que tu
sortiras de chez toi, tu sentiras derrière toi un regard réprobateur
qui te criera de revenir en arrière ! Tu iras par le monde comme un
chien attaché par une longue laisse ! Et même quand tu seras loin,
tu sentiras toujours le contact du collier sur ta nuque ! Et même
quand tu passeras ton temps avec des femmes, même quand tu seras
avec elles dans leur lit, il y aura une longue laisse à ton cou et
quelque part au loin ta mère en tiendra l'extrémité et sentira au
mouvement saccadé de la corde les mouvements obscènes auxquels tu
t'abandonnes !)
“Maman, je t'en prie, ne te fâche pas, maman, je t'en prie,
pardonne-moi !” Il est craintivement agenouillé auprès de son lit
et caresse ses joues humides.
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 54
(Charles Baudelaire, tu auras quarante ans et tu auras encore peur
de ta mère !)
Et maman tarde à lui pardonner pour sentir le plus longtemps
possible ses doigts sur sa peau.
Milan KUNDERA
La vie est ailleurs - Traduction
François KEREL
Troisième partie ou Le
poète se masturbe.
1782. Il était mort. Mort à jamais ? Qui peut le dire ? Certes les
expériences spirites pas plus que les dogmes religieux n'apportent
la preuve que l'âme subsiste. Ce qu'on peut dire, c'est que tout se
passe dans notre vie comme si nous y entrions avec le faix
d'obligations contractées danas une vie antérieure ; il n'y a
aucune raison dans nos conditions de vie sur cette terre pour que
nous nous croyions obligés à faire le bien, à être délicats,
même à être polis, ni pour l'artiste athée à ce qu'il se croie
obligé de recommencer vingt fois un morceau dont l'admiration qu'il
excitera importera peu à son corps mangé par les vers, comme le pan
de mur jaune que peignit avec tant de science et de raffinement un
artiste à jamais inconnu, à peine identifié sous le nom de Ver
Meer. Toutes ces obligations, qui n'ont pas leur sanction dans la vie
présente, semblent appartenir à un monde différent, fondé sur la
bonté, le scrupule, le sacrifice, un monde entièrement différent
de celui-ci, et dont nous sortons pour naître à cette terre, avant
peut-être, d'y retourner revivre sous l'empire de ces lois inconnues
auxquelles nous avons obéi parce que nosu en portions l'enseignement
en nous, sans savoir qui les y avait tracées – ces lois dont tout
travail profond de l'intelligence nous rapproche et qui sont
invisibles seulement – et encore ! - pour les sots. De sorte que
l'idée que Bergotte n'était pas mort à jamais est sans
invraisemblance.
Marcel PROUST
A la Recherche du temps perdu
La Prisonnière
1783. Le vieux savant
observait les jeunes gens tapageurs et il comprit soudain qu'il était
le seul dans cette salle à posséder le privilège de la liberté,
parce qu'il était âgé ; c'est seulement quand il est âgé que
l'homme peut ignorer l'opinion du troupeau, l'opinion du public et de
l'avenir. Il BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 55
est seul avec sa mort prochaine et la mort n'a ni yeux ni oreilles,
il n'a pas besoin de lui plaire ; il peut faire et dire ce qui lui
plaît à lui-même de faire et de dire.
Milan KUNDERA
La Vie est ailleurs Traduction FRANÇOIS KEREL
La Vie est ailleurs Traduction FRANÇOIS KEREL
-
4e partie ou Le Poète s'évade XV
1784. (Ah, le beau sectacle qu'ils nous offrent, ces deux-là, ils
sont face à face et se repoussent mutuellement : elle le repousse
dans ses couches et il la pousse dans la tombe, ah, le beau spectacle
qu'ils nosu offrent, ces deux-là...)
id. ibid. 5e partie ou Le Poète est jaloux ch. 9
1785. Seul le vrai poète sait comme il fait triste
dans la maison de miroirs de la poésie. Derrière la vitre, c'est le
crépitement lointain de la fusillade, et le cœur brûle de partir.
Lermontov boutonne son uniforme militaire ; Byron pose un pistolet
dans le tiroir de sa table de nuit; Wolker défile dans ses vers avec
la foule ; Halas rime ses insultes ; Maäkovski pose son pied sur la
gorge de son chant.
Mais attention ! Dès que les poètes franchissent par erreur les
limites de la maison des miroirs, ils trouvent la mort, car ils ne
savent pas tirer, et s'ils tirent, ils n'atteignent que leur propre
tête.
id. ibid.
7e partie ou Le Poète agonise 00ch. 1
1786. La vie n'est que l'usufruit d'un agrégat de cellules.
(Anglais ?)
1787. Que ta joie est profonde, mon frère ! Je sens que si je ne
me cramponnais pas à ma médiocrité, je tournoierais avec toi.
Mais je me retiens, j'ai trop peur de ton vertige, trop peur de tes
courants marins.
Pardonne-moi, mon frère, si je ne partage tes tourbillons mais il
faut me laisser sur la grève.
Tant pis pour les galions enfouis – que tu m'aurais fait découvrir
!
François VASQUE A un musicien
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 56
Janvier
1974
1788. La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la vie
par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.
Marcel PROUST A la Recherche du temps perdu
Le Temps retrouvé
1789. Chacun des effets
obtenus l'est au profit des nuances de la pensée et
du frémissement dompté de
la sensibilité. Gide obtient ainsi la parfaite unité du
fond et de la forme qui
constitue un sûr critère de classicisme.
André LAGARDE et Laurent MICHARD
Collection “Textes et Littérature” - XXe siècle – André
Gide - La leçon du classique
1790. Nathanaël, ne distingue pas Dieu de ton bonheur.
André GIDE
Les Nourritures terrestres
1791. Ce qu'ils nomment un être supérieur est un être qui s'est
trompé. Pour s'étonner de lui, il faut le voir, - et pour être vu,
il faut qu'il se montre. Et il me montre que la niaise manie de son
nom le possède. Ainsi, chaque grand homme est taché d'une erreur.
Chaque esprit qu'on trouve puissant commence par la faute qui le fait
connaître. En échange du pourboire public, il donne le temps qu'il
faut pour se rendre perceptible, l'énergie dissipée à se
transmettre et à préparer la satisfaction étrangère.
Paul VALERY
La Soirée avec M. Teste
(1896)
1792. Classique est l'écrivain qui porte un critique en soi-même,
et qui l'associe intimement à ses travaux.
id. - Situation de
Baudelaire
1793. N'en était-il pas venu à regarder la création poétique
comme un “jeu”, un pur exercice dont le produit le plus
important n'est pas l'œuvre mais le développement des aptitudes
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 57
intellectuelles de son auteur et une connaissance plus profonde du
mécanisme de l'esprit ?
André LAGARDE – Laurent MICHARD
Textes et Littérature XXe
siècle - Paul Valery – Le métier poétique
Une œuvre n'est jamais achevée
1794. Il me semblait, en effet, qu'après bien des tempêtes, ma
vie avait atteint un havre tranquille. Je disposais d'une petite
rente qui me permettait de vivre sans travailler ; j'avais une femme
que j'aimais, une enfant que je considérais comme ma fille, j'étais
d'accord avec moi-même en ce sens que je ne sentais pas le besoin
de changer ni d'idées ni de mode d'existence, que pouvais-je vouloir
de plus ? J'étais en somme dans les conditions de stabilité qui me
paraissaient indispensables pour affronter la compositiond 'un roman.
Alberto MORAVIA
L'Attention - Prologue (24-01-1974, 17 h 50)
1795. (24-01-1974, 20 h 35) J'imagine que Cora vit dans un monde à
elle, qui lui semble le seul possible et le meilleur de tous.
Quelquefois pourtant, il peut lui arriver de se heurter à un monde
différent et alors mais de façon très fugitive – elle reconnaît
qu'il y a d'autres mondes en dehors du sien. Mais elle ne le
reconnaît qu'en serrant les dents.
-
Que veux-tu dire ?
-
Elle ne le reconnaît que pratiquement, ce qui signifie qu'elle ne le reconnaît pas vraiment.
id. ibid. Journal - Mardi 13 octobre
1796. [les] faits quotidiens de la vie normale, faits qui sans
doute adviennent mais sans avoir une signification particulière ou
tout au moins qui n'en ont une que lorsque nous la leur avons donnée.
id. ibid. Mercredi 14 octobre
1797. Ceux qui ont de
l'instruction, qu'ils soient bons ou mauvais, mènent les ignorants
par la bride. Et tous nos malheurs viennent de là.
Georges NIGREMONT “Jeantou, maçon creusois” - “L'Hiver au
pays creusois”
1798. Faire de l'art et faire de la critique, c'est maintenant la
même chose.
Carmelo BENE
1799. Pour moi tout au moins, être ce que j'étais était
préférable à tenter d'être ce que j'aurais dû être.
Alberto MORAVIA
“L'Attention” - “Epilogue”
1800. ...ce qu'aurait été le roman lui-même : quelque chose
que j'aurais écrit pour savoir pourquoi je l'écrivais, de même que
j'avais toujours eu l'impression de vivre pour savoir pourquoi je
vivais.
id. ibid.
1801. Je n'ai pas uen grande expérience de la vie, c'est certain,
bien que j'aie beaucoup lu et terriblement rêvé.
Pierre GUYARD
“Le Bonheur des fous”
Ière partie - ch. VI
Février 1974
1802. Jean m'apprenait à me garder de la pitié qui vous détruit.
id. Ibid. 2è partie –
ch. XIII
1803. Le poète se consacre et se consume donc à définir et à
construire un langage dans le langage ; et son opération, qui est
longue, difficile, délicate, qui demande les qualités les plus
diverses de l'esprit, et qui jamais n'est achevée comme jamais elle
n'est exactement possible, tend à constituer le discours d'un être
plus pur, plus puissant et plus profond dans ses pensées, plus
intense dans sa vie, plus élégant et plus heureux dans sa parole
que n'importe quelle personne réelle.
Paul VALERY
“Situation de Baudelaire”
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 59
1804. (Le passé) nous montre, en particulier, l'échec fréquent
des prévisions plus précises ; et au contraire, les grands
avantages d'une préparation générale et constante, qui sans
prétendre créer ou défier les événements, lesquels sont
invariablement des surprises, ou bien développent des conséquences
surprenantes, - permettent à l'homme de manœuvrer au plus tôt
contre l'imprévu.
Paul VALERY
“Discours de l'Histoire”
1805. Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous
sommes mortelles.
Nous avions entendu parler de mondes disparus tout entiers,
d'empires coulés à pic avec tous leurs hommes et tous leurs engins
; descendus au fond inexplorable des siècles avec leurs dieux et
leurs lois, leurs académies et leurs sciences pures et appliquées,
avec leurs grammaires, leurs dictionnaires, leurs classiques, leurs
romantiques et leurs symbolistes, leurs critiques et les critiques de
leurs critiques. Nous savions bien que toute la terre apparente est
faite de cendres, que la cendre signifie quelque chose. Nous
apercevions à travers les épaisseurs de l'histoire, les fantômes
d'immenses navires qui furent chargés de richesse et d'esprit. Nous
ne pouviosn pas les compter. Mais ces naufrages, après tout,
n'étaient pas notre affaire.
Elam, Ninive, Babylone étaient
de beaux noms vagues, et la ruine totale de ces mondes avait aussi
peu de signification pour nous que leur existence même. Mais France,
Angleterre, Russie... ce
seraient aussi de beaux noms. Lusitania aussi
est un beau nom. Et nous voyons à présent que l'abîme de
l'histoire est assez grand pour tout le monde. Nous sentons qu'une
civilisation a la même fragilité qu'une vie. Les circonstances qui
renverraient les œuvres de Keats et celles de Baudelaire rejoindre
les œuvres de Ménandre ne sont plus du tout inconcevables : elles
sont dans les journaux.
id. “Variétés” - “La crise de l'Esprit” - 1è Lettre –
1919
1806. Deux dangers ne cessent de menacer le monde : l'ordre et le
désordre.
id. ibid.
1827. Il faut que notre pensée se développe et il faut qu'elle se
conserve. Elle n'avance que par les extrêmes, mais elle ne subsiste
que par les moyens.
id. “La crise de l'Esprit” - Conférence à Zürich 15 11 1922
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 60
1808. Jusques à nos jours, jamais une trouvaille, ni un ensemble
de trouvailles, n'ont paru constituer un ouvrage.
Paul VALERY
“Variétés” - “Au suejt d'Adonis”
1809. ...tout le mépris que mérite, sans aucun doute, ce familier
chaos que le vulgaire appelle pensée...
id. ibid.
1810. Je ne puis m'empêcher de penser qu'il y a du système et du
travail dans cette attitude parfaitement triste et dans cet absolu
dégoût. Une phrase bien accordée exclut la renonciation totale.
Une détresse qui écrit bien n'est pas si achevée qu'elle n'ait
sauvé du naufrage quelque liberté de l'esprit, quelque sentiment du
nombre, quelque logique et quelque symbolique qui contredisent ce
qu'ils disent. Il y a aussi je ne sais quoi de trouble, et je ne sais
quoi de facile, dans la spécialité que l'on se fait des motifs
tragiques et des objets impressionnants. Qu'est-ce que nous apprenons
aux autres hommes en leur répétant qu'ils ne sont rien, que la vie
est vaine, la nature ennemie, la connaissance illusoire ? A quoi sert
d'assommer ce néant qu'ils sont, ou de leu rredire ce qu'ils savent
?
Je ne suis pas à mon aise devant ce mélange de l'art avec la
nature. Quand je vois l'écrivain reprendre et empirer la véritable
sensation de l'homme, y ajouter des forces recherchées, et vouloir
toutefois que l'on prenne son industrie pour son émotion, je trouve
que cela est impur et ambigu. Cette confusion du vrai et du faux dans
un ouvrage devient très choquante quand nous la soupçonnons de
tendre à entraîner notre conviction ou à nous imprimer une
tendance. Si tu veux me séduire ou me surprendre, prends garde que
je ne voie ta main plus distinctement que ce qu'elle trace.
Je vois trop la main de Pascal.
D'ailleurs quand même les intentions seraient pures, le seul souci
d'écrire et le soin que l'on y apporte ont le même effet naturel
qu'une arrière-pensée.
id. ibid. “Variation sur une Pensée”
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 61
1811. Je ne crois pas à l'âme des peuples.
Joackim FEST
Interview télévisée du 09 02 1974 à 19 h
1812. Je trouvais indigne, et je le trouve encore, d'écrire par le
seul enthousiasme. L'enthousiasme n'est pas un état d'âme
d'écrivain. Quelque grande que soit la puissance du feu, elle ne
devient utile et motrice que par les machines où l'art engage ; il
faut que des gênes bien placées fassent obstacle à sa dissipation
totale, et qu'un retard adroitement opposé au retour invincible de
l'équilibre permette de soustraire quelque chose à la chute
infructueuse de l'auteur.
Paul VALERY
“Variétés” - “Introduction à la méthode de Léonard de
Vinci” - I
“Note et digression” (1919)
1813. Le secret – celui de Léonard comme celui de Bonaparte,
comme celui que possède une fois la plus haute intelligence – est
et ne peut être que dans les relations qu'ils trouvèrent, - qu'ils
furent forcés de trouver – entre des choses dont nous échappe
la loi de continuité.Il est
certain qu'au moment décisif, ils n'avaient plus qu'à effectuer des
actes définis.
id. ibid. - II - “Introduction...” (1894)
1814. ...c'est un écrivain
engagé, qui critique
âprement la société bourgeoise et milite pour la justice sociale.
Reconnaissant dans son Boulevard Durand “un
côté image d'Epinal “ , il
ajoute : “je n'ai pas cherché à éviter cet écueil. Dans un
combat, il n'y a pas de nuances.”
André LAGARDE – Laurent MICHARD
Raoul AUDIBERT – Henri LEMAITRE
Thérèse VAN DER ELST
Collection “Textes et Littérature”
éd. Bordas XX s. - “Armand Salacrou”
“Farce, satire et métaphysique”
1815. Le tragique n'existerait, aux yeux de Giraudoux, que dans la
msrue où nous y croyons, où nous le suscitons.
id. ibid. “Le théâtre de Giraudoux” - “Tragique ou
anti-tragique ?”
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 62
1816. Je ne crains pas la mort. C'est l'enjeu de la vie. Puisque ton
Jupiter, à tort ou à raison, a créé la mort su rla terre, je me
solidarise avec mon astre. Je sens trop mes fibres continuer celles
des autres hommes, des animaux, même des plantes, pour ne pas suivre
leur sort. Ne me parle pas de ne pas mourir tant qu'il n'y aura pas
un légume immortel. Devenir immortel, c'est trahir, pour un humain.
D'ailleurs, si je pense au grand repos que donnera la mort à toutes
nos petites fatigues, à nos ennuis de second ordre, je lui suis
reconnaissante de sa plénitude, de son abondance même... S'être
impatienté soixante ans pour des vêtements mal teints, des repas
mal réussis, et avoir enfin la mort, la constante, l'étale mort,
c'est uen récompense hors de otute proportion...
Jean GIRAUDOUX
Alcmène dans “Amphitryon 38”, II 2
1817. Depuis longtemps nous n'avons plus de nouvelles
Du combat sanglant qui se déroule aux frontières de
notre inconnu,
Avec une férocité telle, que la Fureur et le Bruit
Nous ont, à jamais, rendus hagards et sourds.
Nous sommes tous les soldats vaincus
D'une grande armée en déroute.
Nous avons tous trahi le Grand Seigneur blessé
Et nous nous bouchons les oreilles pour ne plus entendre
ses appels.
Jocelyne SALOME
“L'éternel inconnu”
1818. Je pensais quelquefois à ma vie passée. Chose curieuse,
seule mon enfance me paraissait réelle. Sur tout ce qui s'était
passé ensuite, j'avais des souvenirs très précis, mais c'était
plutôt le genre de souvenirs qu'on garde d'un film qui vous a
frappé. Je me voyais moi-même agir et parler dans ce film, mais je
n'avais pas l'impression que c'était à moi que tout cela était
arrivé.
Robert MERLE
“La Mort est mon métier” - 1945
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 63
Mars 1974
1819. Méditer sur la vie ? A quoi bon ? [...] La cause est
entendue une fois pour toutes...
Roger MARTIN du GARD
“Les Thibault” - “L'Eté 14”
cité par André LAGARDE – Laurent MICHARD – Raoul AUDIBERT –
Henri LEMAISTRE – Thérèse Van der ELST in “Collection textes et
Littératures” Ed. Bordas - “XXe siècle” - “Le Roman de 1919
à 1939” - Texte “Réfléchir ? Agir ?” (avec coupure)
1820. Si tant de gens, de jeunes surtout, se tournent du côté de
l'Orient, s'ils se ruent sur tout ce qui touche au zen, aux mystiques
les plus exotiques, c'est, Messieurs les abbés, parce que vous ne
leur parlez plus de Dieu, D majuscule, mais d'un dieu socialiste dont
les pasteurs s'habillent au rayon confection du marchand de fringues
du coin de la rue.
Remo FORLANI
“Déjà vu” - Chronique de critique de télévision de “Bonnes
Soirées” n° 2716 du 03-03-1974 “Jésus, Marx, deux Sheila et
quelques autres”
1821. Je respecte le général qui meurt à l'ennemi : c'est le but
qu'il avait choisi, librement, à son existence. Devant l'humble
laboureur qu'on appelle et qu'on jette au feu, il me semble que le
respect ne suffit pas. Il faudrait s'agenouiller et se frapper la
poitrine.
Georges DUHAMEL
“Les Pasquier” - “Les Maîtres” ch. XV
1822. Satisfaction, me mot est bon meilleur que le mot bonheur, que
je vois partout employé, et qui ne veut rien dire.
Marcel ARLAND
“L'Ordre” I, 1
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 64
1823. L'artiste, dans son enfance, fait provision de visages, de
silhouettes, de paroles ; une image le frappe, un propos, une
anecdote... et cela sans qu'il en sache rien, fermente, vit d'une vie
cachée et surgira au moment venu.
François MAURIAC
“Le Romancier et ses personnages”
cité par André LAGARDE – Laurent MICHARD – Raoul AUDIBERT –
Henri LEMAISTRE – Thérèse Van der ELST in “Collection textes et
Littératures” Ed. Bordas - “XXe siècle” - “Le Roman de 1919
à 1939” - “L'inquiétude spirituelle” “François Mauriac”
- “Naissance d'un talent”
1824. Ceux qui semblent voués au mal, peut-être étaient-ils
élus avant les autres, et la profondeur de leur chute donne la
mesure de leur vocation.
id. “Les Anges noirs” (1936)
1825. Nos jours ne sont beaux que par leur lendemain
(c'est-à-dire les imagine depuis la veille, d'avance ; glose
rendue nécessaire par l'obscurité de la phrase) [sic]
Marcel PAGNOL
“La Gloire de mon père”
1826. Les faits sont la chose la plus obstinée du monde.
Mikhaïl BOULGAKOV
“Le maître et Marguerite” trad. Claude Ligny
ch. XXIII “Un grand bal chez Satan”
1827. Toutes les théories se valent. Il en est une, par exemple,
selon laquelle il sera donné à chacun selon sa foi.
id. Ibid.
BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 65
1828. La vie si vaine, remplissage – je vis et, pendant ce
temps-là, je vis.
Michel DARD
“Juan
Maldonne”
1è Partie - “L'express Berlin-Bucarest” - ch. II “Une Rêverie
passablement romantique- Les Iles Féroé – Qu'est-ce que la joie
?”
1829. Dieu n'est pas l'amour, pensait-il, mais la joie ; la joie de
l'Etre. L'amour ne peut être l'origine première, car il suppose, au
moins en imagination, un objet ; la joie avait dû précéder
l'amour, elle avait plané informe, omniprésente, sur les Eaux. Elle
restait un Tout sans cause et sans fin, contenant l'amour, contenant
les créatures, comme l'océan contient les vagues et son bruit.
id. ibid.
1830. La petite voix qui vous hèle au milieu de vos distractions,
de vos amours, si elle vous ordonne de tout quitter, c'est qu'elle a
sur vous ses desseins.
id. ibid.
1831. Ah ! connaîtr enfin le pouvoir d'un homme qui ne veut
plus qu'une seule chose !
id. ibid.
1832. Prends ceci, prends cela : cet air de musique dans une gare,
qui semble orphelin et grelotte ; cette charrue renversée dont le
soc effraie les corbeaux ; la tranche moisissante d'une meule ; le
visage tragique d'une fille sur le seuil de sa ferme, probablement
une fille-mère... L'émotion est ta fortune, comme popur d'autres
l'intelligence, le sens pratique, l'énergie. Ne crains pas que rien
se perde. Le moment le plus anodin de la vie revêt par la mémoire
la beauté d'un instant unique, disparu. Tu ne seras jamais assez
occupé à tirer d'un présent l'avenir d'un passé.
Tourné vers la fenêtre, il sent de nouveau dans sa poitrine une
masse d'anxiété. On dirait qu'une conscience vague, une espèce
d'endolorissement général s'inquiète, s'inquiète pourquoi?...
Peut-être simplement parce que la vie, comme valeur unique, même
bourrée de tout ce qu'on voudra, connaissances, convoitises,
souvenirs, c'est bien peu.
id. ibid. Ch. III “Nouvelle
rêverie romanesque – La montagne magique – Une sylphide”
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