Feuillèdge


COLLIGNON DESCRIPTIONS
FEUILLAGES 65 03 07 1



« Feuillage » en anglais se dit « feuillèdge ». Comment voulez-vous prendre cette langue au sérieux ? Cette photo argentique fut prise fin 63 début 64 n. s. C’était, et c’est toujours, chez moi ; cependant, Madou, je suis, as-tu dit, trop narcissique, aussi vais-je – que dis-je : « allons-nous » ! procéder à sa description objective. Autant que faire se peut. Se distinguent trois vagues masses verticales : une de ciel majoritairement bleu pâle, avec un pan de mur bien sombre. Au centre, un feuillèdge vert clair où se parsèment des feuilles relativement individualisées. À droite enfin, un tiers sombre, à contre-jour, structuré par un tronc zigzagant. Les troncs d’arbres, minces et vigoureux, se disposent comme suit : trois gros rameaux parallèles, obliques, selon un angle de 45° partant de gauche à droite.
On en aperçoit un quatrième, plus mince, au second plan, qui se rabaisse en plein-cintre entre le2 et le 3. Il coupe en perspective le tronc oblique n°3. Et si vous remontez ce dernier, vous le voyez se diviser en deux branches, dont l’une continue l’oblique dans la pénombre, tandis que l’autre repique vers la verticale, mettons, à 50°. D’où l’utilité de la géométrie. Le dernier tronc, dont on ne voit ni le pied ni la cime (« plan américain ») est le plus robuste. La partie basse est la plus droite et la plus noire. Puis elle s’incurve animalement, formant plein-cintre elle aussi mais plus ouvert, et de bas en haut, tandis que le premier mentionné passait de gauche à droite. D’où une symétrie dissymétrique du plus bel effet.
Puis ce gros tronc noir (le « gros sexe brun » de Régine Deforges, qui écrit si bien paraît-il et ne sombre jamais dans le ridicule) se perd en Y dans les hauteurs où le cadrage le coupe. Réparons l’omission, à gauche, entre le ciel bleu clair et le semis de feuilles verdasses par dessous, un tronc à peu près droit, vaguement parallèle au tronc très sombre de la partie droite. Donc, quatre obliques parallèles en hypoténuses orientées à droite, et deux droites dont la grosse fléchit puis se redresse un peu plus loin. D’autres rameaux structurent encore l’image, dont une belle courbe descendante qui vient toucher, au deuxième tiers en partant du haut, le sommet du premier plein-cintre, l’horizontal, et deux ou trois rameaux discrets de gauche à droite en bas du premier tiers à partir du haut.
Vous auriez dû en toute sincérité vous munir d’un crayon à dessin. Ah, siècle terre à terre, tu veux de la mathématique, de la technique, de la mécanique, eh bien tu te prends ça dans la tête. C’est confus ? C’est bête comme un tonneau ? (comme un fût) – mais la nature, les feuilles, les 1es arbres vivants, ne se laissent réduire en cubages (bois mort, bois de meubles, bois de chauffage) que par les gardes-forestiers, qui sont des poètes amoureux des chiens. Ils ne gagnent pas beaucoup, mais ils respirent. Nous nous étions renseigné ; les mesures pifométriques nécessaires à l’industrie du bois nous avaient rebuté. Mais rien de plus beau dans nos régions qu’un bel instantané arbustif, sans la moindre allusion aux essences : dans notre plate-bande, où s’étendait jadis un sèche-linge, ces arbres ont crû autant qu’on allait croire, celui de gauche est un pommier incomestible sans greffage, celui du milieu peut-être prunier sauvage, celui de droite, le plus épais, le plus sombre, nous pique comme un malade et produit de petites baies rouge insecte absolument immangeables.

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