LA DOCTE ASSEMBLEE

COLLIGNON LA DOCTE ASSEMBLÉE

- Ta gueule !
- La porte !
Nouhaut reste interdit. Dans la pénombre il aperçoit douze formes enveloppées autour d’une table.
- Fais chier !
- ...Courant d’air !
Nouhaut passe, la porte se ferme, deux fous à l’attache au ras du sol (chauves, hargneux, blêmes) s’aplatissent en bavant).
Lutti désigne un siège vide ; elle-même, tout en rouge, s’installe vis-à-vis, de biais, les projos rouges montent d’un ton, les formes humaines s’émurent progressivement : une épaule, une main qui sort de l’étoffe, une tête qui pousse un voile. Des bribes de mots, des bâillements des deux sexes. Tous pour finir se débarrassent d’une lente torsion des épaules. À présent tous les personnages, ordinairement vêtus, se lèvent précipitamment pour disparaître par les fentes des murs, côtés cour et jardin. Lutti, Nouhaut, se regardent par-dessus la table, et reçoivent dans les oreilles le concert simultané, obscène et solennel des chasses d’eau.
Puis tous revinrent s’assoir, très naturellement, et se parlèrent. Mais chacun parlait devant soi, mêlant soupirs, silences et mélopées, sans paraître s’adresser à tel ou tel en particulier ; les mots indistincts se perdaient tous pour finir dans un étang noir, cette longue table transparente allongée là entre eux tous.
Dans le dos du témoin se trouvent trois baies basculantes donnant sur une cour cimentée ; face à lui se tient l’assemblée, alignée, têtes basses et parlantes à la fois. Entre les bustes avachis se dressent sur le mur douze plaques de marbre vissées formant rectangles en hauteur ornés de demi-cercles : dessus et dessous. Enfin tout le long du plafond règne une cimaise gris argent. C’est une chaude après-midi d’octobre.
Nouhaut reconnut face à lui Douce et Biff, dont Lutti la Rouge lui avait parlé. Douce présente un visage plâtré rose au fond de teint, où font saillie les forteresses écarlates des lèvres et le bourrelet mauve des lèvres. Ses larges dents sont mouillées de fards, des yeux cernés de cils trop noirs vrillent l’espace sans expression. Sur sa tête trône une perruque de Méduse : boucles au petit fer, d’un blond d’abcès.
À son côté rampe tout assis un petit homme à gros crâne déjeté, crépu et nez crochu, toutes choses qu’il ne convient pas de dire ; il forme avec Douce un couple indissociable.


Ces deux personnages donnèrent au nouveau venu l’idée de sa propre supériorité ; Lutti, de biais face à lui, faisait signe à Nouhaut de n’en rien croire. Elle désigna, du menton, sa voisine.

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