Lisboètes
COLLIGNON ITINERRANCES LISBOÈTES
Je
n’écrirai jamais Lisboètes. Pure
lusophobie. Et puis j’aurais
la
rage de ne
jamais plus
pouvoir
y retourner. C’est contradictoire. C’est unbehagen.
Malaise
profond indéfinissable.
Comme la
répugnance à revenir sur la tombe d’un
membre, jambe ou bras.
Que l’on m’aurait coupé. J’ai fait un plan, par flashes,
illogique, sans chronologie. Voici une suite d’éclairs :
- la Juive de Calcutta,
rencontrée dans un train frontalier, et répétant toute les sept
phrases: « I’m Jew… I’m Jew... »
justification, compassion, meurtre.
- la Cap-Verdienne du
Zürich-Genève, avec laquelle j’ai parlé de clitoridectomie pour
toutes les oreilles du compartiment, et l’autre Blanche, qui se
lavait sans cesse.
-
le Coca et les pêches, les
glaces, de Lisbonne ou de Carthagène (mais à présent tout le monde
a voyagé, ou croit l’avoir fait) (le faire, devoir le faire)
- Cimetières de Lisbonne, les
Plaisirs, la tombe horizontale d’Amalia Rodrigues, amatrice de paix
sociale et de Salazar, à quels bordels n’a-t-il pas succédé ?
J’ai des vagues de sang dans
la tête, un ressac obstiné qui annonce ma mort ; poursuivons :
- L’Assommoir de
Zola, pluie et bruine dans les vapeurs d’alcool, alors qu’au
dehors, à Lisbonne, il fait 36°.
- Le plaisir des langues,
entendues ici dans les rues, le flûtisme tendre de mon français,
les clairons espagnols et pas d’anglais Dieu merci pas d’anglais
- Drague à la FNAC : il y a
donc la FNAC à Lisbonne ? Qui a dragué qui ? a dragué
quoi ? ne rien perdre surtout ne rien perdre.
-
Le métro : de Lisbonne, aux deux lignes si mal foutues, de
Paris si complet, si merveilleux, de Prague engloutissant
Alphaville !
- Les
églises de Lisbonne, vernissées comme des momies
- Gulbenkian, seul endroit frais,
qui fait aimer l’art contemporain juste pour la clim
- Fr. que j’ai failli voir et
consommer sur place, et qui m’a aimé, que j’ai rejetée comme un
mufle fasciste disait-elle, raciste, xénophobe.
Cela
tient une colonne. Mais en face, une classification ébauchée, avec
des chiffres, c’est trop avancé
dans ma vie, 2000, plus que 2008, je cherche, je cherche des griefs
et n’en trouve pas, voici,
1. Filles dans le train, que je
draguais toutes à la fois, par mon silence, la fixité de mes
regards, gisant à mes pieds sur le tapis de train. Développer.
2. Petits pavés noirs et têtus
de Lisbonne, tranches coupantes.
3. Croisière du bateau fluvial,
et ces immigrés incultes qui s’étonnent de l’aspect du
Tejo, parfaitement, du Tejo,
4. Le Monument des
Conquistadores, avec juste une femme, la Reine Isabelle, au pied de
la bite – Erotisme plus fort des blottissements que toute sorte de
pénétration.
5. La Tour de l’Estoril, toute
petite et qu’on ne visite pas, et non loin le banc où je me suis
assis, photographié comme point le plus à l’ouest de ma vie.
6. Les Jéronymes (ou Jéromines?)
(Vasco, Camoès dont j’ai caressé le front en priant, et Pessoa
inaccessible (travaux).
7. Pourquoi les magasins sont-ils
toujours fermés à Lisbonne ? Dents et langue en avant.
8. Je devrais voir le quartier
Moniz – Importunité du Mâle
9. Les montées, les descente –
Livraison des visages dans l’innocence
10. L’Ombre et le Cagnard –
Qu’est-ce que la beauté ?
11. Délices de la pensião
– Imaginations de gouineries entre compagnes de voyage
12. De petites gens, de petites
portes, de petites maisons, de petites rues. Imaginer les sexes se
chargeant de sueur et de crasse pendant la nuit.
13. Château St-Jorge - « Ils
dort tous[sic] – y a que le vieux qui dort pas.
14. - Vieira da Silva- Finir par
« Vous n’avez pas fermé l’oeil. Je sentais votre œil sur
nous ».
l’oeil sur
15. Wagon-restaurant
…ce ne sera pas long… vous
verrez… Conclusion : elles savent que je mate
Parler de Cortàzar à la fin,
sur ses parkings d’autoro
Je suis allé à Lisbonne. Tout
le monde va à Lisbonne.
« Voici la relation de
mes cheminements »
Si j’étais… (Cortàzar,
Vargas Llosa) (Paul Morand), ce serait passionnant.
DANS LE COMPARTIMENT
C’est
si vieux. Ça ne veut pas venir. Un interminable enfermement, deux
heures silencieuses en rase campagne, Huit places en face à face. Le
seul homme. Des jeunes femmes. Bien trop jeunes et frappées d’une
extrême fatigue. Seul mâle de cinquante-huit ans. Monde envahi de
jeunesse. Des jambes blanches des deux sexes sous les sacs ado.
Trop vieux pour moi les sacs à
dos. Bien fait de ne pas en prendre - trop vieux pour y prétendre.
Mes seules valises,.
Colonie
de vacances pour filles de vingt ans. Fauchées n’ayant ni avion
ni billet couchette. Moi
non plus. Avec qui
voulez-vous coucher ? personne. Toutes ensemble et moi.
Bavardent non de cul jusqu’à1h 18. Je
ne suis pas ta mère, je lui dis. - J’en ai tant pris avec les
hommes que je préfère la solitude pour l’instant – dormiront
enfin, raffalées, repliées.
Harem
de sept, Sept d’un
coup. Épuisées…
éreintées… Pauses de pantins sans une once de lascivité. Elles
ballottent, leurs poitrines retombent,
tressautent, sans harmonie ni suite. La fesse sous le vêtement plus
suggestive et ronde, régulière et statuaire,
attirant la courbe accompagnatrice – esquissée dans l’œil
et du fond de la tête à l’extrémité du nerf.
Insomnie
féroce. Que le vie devienne
vision. Que le mot justifie ce qui vit. Cause entendue.
Sur l’une d’elles la pureté
du sommeil, sur l’autre un profil pur sous sa main repliée,comme
parant un coup, plus tard d’autres et d’autres encore dans
l’avancée de la nuit, à Santander, a Venta de Banhos,
5 femmes et 3 hommes font 8, parler aussi des mecs. Une jeune mariée
avec un Asiatique – piercings à l’oreille, confiscateur,
poseur de danses
simiesques. Déjetés les deux. Colliers. Blousons. Contrefaçons
tous deux trop mâle ou trop femelle.
RUES
Pierres noires. Lisbonne ville
noire. Rues ombragées et sombres. Perpétuel bossellement de la
plante des pieds. Les sandales n’ont pas lâché. Aires très
restreintes. Saleté des restaurants.
Baudelaire
notait dans Pauvre
Belgique : les
rues de Bruxelles, disait-il, toujours en pente, sont peu propices à
la flânerie – qu’eût-il dit de celles de Lisbonne !
On
marche 20mn, on s’arrête : comme à Prague
(Praha-Brüssels-Lisboa
– triangle
d’Europe) rien pour s’assoir, et comme le notait Baudelaire
encore, impossible de se soulager dans la rue. Rien d’autre à
voir, que l’ambiance. Les numéros d’immeubles se succèdent
rapidement. Ce sont des petites gens qui quittent leurs petites
maisons par de petites portes d’appartement donnant sur de petites
rues.
Impression
d’une capitale arrêtée en 56 (de mille neuf cent), avant le Grand
essor économique, une ville corsetée dans un réseau archaïque,
anarchique. Surtout ne rien changer. La capitale s’étend vers le
nord-ouest, où s’entr’aperçoivent des barres de HLM :
qu’elle s’étende ! Surtout ne rien détruire. Epargner à
Lisbonne le sort de
Pékin.
Pékin manquait.
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