Sur des illustrations de livres

COLLIGNON DESCRIPTIONS LIVRES
BUDDENBROOKS 65 01 05 1



Buddenbrooks.C'est écrit dessus, en rouge, avec un "s" comme les Bourbons ou les Habsbourgs. En allemand, les noms propres ont un "s" au pluriel, dynastie ou pas. Et c'est le texte allemand que nous lisons, avec le moins de dictionnaire possible. Certaines phrases sont écrites en dialecte de Lübeck : die Börse (la Bourse) se prononce ainsi "die Böasse". Mais le reste se lit aisément. L'illustration de couverture est souvent la seule à figurer sur les livres modernes. Avec un logo, ici de trois poissons superposés formant un lacis de losanges et triangles : Fischer Verlag, "Éditions Pêcheur", et juste au-dessus, le nom de la dynastie en lettres rouges : Buddenbrooks, et celui de l'auteur Thomas Mann.
Lequel signalait en 1932 l'infectible attachement de son nom et de cette œuve, la plus populaire (j'aurais préféré La montagne magique ;lui aussi).Nul crédit photographique n'éclaire la photo de couverture, qui montre en contreplongée les deux derniers étages d'un immeuble cossu, ancien, tous volets clos, surmontés d'un fronton courbe et velouté en chapeau de gendarme pesant comme un tombeau ; de fait, le cliché coupe en son milieu, en haut, le bas-ventre d'une urne aussi bien funéraire. Oui, la façade de cet immeuble, avec sa rosace opaque aux huit pointes incurvées, ne déparerait pas le quartier le plus chic d'une nécropole, parmi les plus beaux tombeaux bourgeois.
La beauté luthérienne d'évidence exhibe la plus grande sobriété voire austérité : niveaux séparés par de longs linteaux rectilignes, volets aveugles (trois en bas plus deux moitiés à chaque bord, trois au milieu à l'étage intermédiaire, coincés entre une architrave, un étroit balcon et l'architrave supérieure, et la rosace grise du fronton festonné cette fois d'une espèce de casque en coupe. La pierre est blanche et lisse, immaculée juste avant de ternir, et les volets, clos jusqu'aux sommets de leurs impostes, noirs de leurs persiennes aussi bien alignées que les sentences de la Loi.





Couverture sombre, d'un bleu gris passé. Le titre en capitales blanches au centre d'un cercle également blanc : Le cantique de Meméia dans l'édition française. En brésilien, c'est "Le moineau est un oiseau bleu". Ici donc un bleu fuligineux, quasi sfumato, à peine éclairci en descendant les motifs de la page. C'est d'abord un livre ou une brochure, ouverte, montrant d'un côté une brave fille qui s'exhibe, en soutien-gorge au ras des aréoles et culotte en V couvrant à peine les genitala, faisant tout son possibe, jambes écartées sur un drap froissé, pour avoir l'air d'une pute (tête renversée, longues chevelure négligemment bouclée), bras dans le dos écartant un corsage noir, et de l'autre, à notre droite, une vierge couronnée à la tête baissée, plus enveloppée de voiles qu'on ne peut faire, au centre d'une mandorle sur fond d'étroite "gloire".
Le contraste voulu se voit contredit par ce camaïeu de vleus, suggérant fortement une assimilation de la sainte à la prostituée, d'autant plus que le sexe à peine voilé de la partie gauche s'épanouit innocemment pourrait-on dire dans la forme même où s'inscrit la Vierge aux yeux modestes. Opposition lourdement confirmée par les trois lignes qui se lisent à la verticale, en bas, "Où vas-tu, espèce de pute ? / Tu cherches la porte / d'entrée du couvent ?" - calées vers le haut : ligne haute, ligne courte, ligne moyenne. La collection s'intitulant, bleu clair, "Les alllusifs" (027)", ) en verticale aussi contre le rebord droit de la couverture, le spectateur s'interroge sur la violence contradictoire d'un tel exhibitionnisme : il ne pourra se justifier que par l'ironie cinglante, d'ailleurs désamorcée par son outrance même, ou le recours délibéré à l'esthétique baroque, dont la désignation remonte à la langue portugaise.
L'autrice est mentionnée dans les mêmes caractères blancs criards : HELONEIDA STUDART, identité hybride helléno-saxone, accompagnée de celle des traducteurs (en italiques "Traduit du portugais par" / "Paula Salnot et Inô Riou" en script droit - il est rarissime de rendre ainsi hommage aux essentiels passeurs d'une langue à l'autre). La brochure présente deux bas de page aux caractères indistincts sur trois colonnes chacun, surmontées de six titres donc ou motifs en tout, sans doute en caractères hébraïques. Donc : oppositions du cercle et des horizontales, heurts avec les verticales, du blanc au camaïeu bleu, du vocabulaire ("cantique,espèce de pute, couvent") : et ce sera, finalement, une oeuvre imprégnée de nostalgie nappant de son blues une vive torsion de frustrations sexuelles et de superstitions contraignantes : Brasil do Nordeste...
21/08/2015

Charlemagne par Auguste II Jean Baptiste Marie Blanchard


   
Le moins qu'on puisse dire à la vue de cette tartouillade issue d'Auguste II Jean Baptiste Marie Blanchard est que notre glorieux ancêtre à tous, Charlemagne, manque totalement de majesté à un point redoutable.
Il a bien plus l'air d'avoir mis le pied à l'improviste dans une pantoufle pleine de merde que de régner sur l'Imperium universale. Ses attributs, sceptre et globe sommé d'une croix, visiblement l'embarrassent et l'empêchent de se torcher, autre interprétation. "C'est vrai ? je suis l'Empereur ? sans erreur ? sans méprise, Elise ? "Que ces ornements, que ces voiles me pèsent" ! Regardons mieux : voyons aussi la méfiance, plus encore : la défiance, le regard de côté, de celui qui veille à tout et ne s'en laisse pas compter.
   
Nous savons que Charlemagne ne fut pas exempt de cruauté, comme le rappelle importunément le massacre de Verden, où plusieurs milliers de Saxonx rebelles au baptême périrent sous l'épée ou la hache : nous pouvons bien gloser sur les exactions de l'Etat islamiste. Charlemagne ici représenterait aussi bien l'un de ces despotes orientaux qui faisaient trucider leurs opposants sans le moindre état d'âme. Seulement, la perfidie n'est pas ce que les chroniqueurs ont retenu. Charles appliquait plutôt, de façon lointaine, la politique de Rome : les alliés sont bien traités, jouissent de toutes les faveurs ; se trouve-t-il un traître, tout son peuple en fait les frais c'est-à-dire meurt.
  La niche d'enfant.JPG  
Finalement, cette bonhomie trouillarde et bourgeoise recèle une bonne résolution, le ferme désir de régner sans partage. Et ce qui donne au souverain cet air rondouillard, c'est la barbe. Cette fameuse barbe fleurie, aérodrome de toutes les taches de bouffe, ici soigneusement peignée, cotonneuse, vieille de Vieille : quelle idée d'avoir ainsi suivi la légende à la lettre ! même dès Roncevaux, "l'Empereur" n'était pas désigné autrement que par sa "barbe fleurie", alors que d'authentiques témoignages, statufiés qui plus est, attestent qu'il ne portait que les moustaches en croc des vigoureux Francs. 
   
La couronne est posée comme un couvercle de soupière, bouffant tout le haut du front. Les yeux sont vifs pour un vieillard de 90 ans (il n'atteignit pas les septante). Les favoris masquent les oreilles, grandes ouvertes n'en doutons pas. Nez droit, bouche gourmande et dégagée sous  la lèvre du bas, pour que les ordres s'en échappent sans confusion. Cette horrible barbe en ouate, celle de Dieu après tout, dont il est le représentant : la croix règne sur le haut du globe, fermement assis dans sa main gauche - "ich garantiere die Stabilität" auraient dit les germains bâtards du XVIIIe siècle.
   
La vêture est somptueuse, quoique la gravure n'en montre pas l'éclat coloré. Supposons l'or et le blanc pour le tour de cou, agrafé d'une riche pierre carrée au revers d'une lourde tunique plus foncée, nécessairement d'une pourpre impériale : majestueux bavoir isocèle pointe en bas. Le pli du col est repris plus largement, puis deux autres se séparent formant des creux de plus en plus larges, le dernier affectant la forme d'un coeur ou d'un mufle. Tout est ici traditionnel, couronne et globe également sommés d'une croix grecque, le sceptre lui aussi porte une croix, ce qui rappelle la Trinité, car l'Empereur fut on ne peut plus pieux et généreux envers le clergé.
   
Charlemagne incarne ainsi l'autorité, bienveillante mais défiante, incarnation de la stabilité divine. Mais ce n'est pas de Dürer, assurément...


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