NOX PERPETUA Matière première B
56 02 08
Dans une ambiance de fin du monde, à Guignicourt, chez ma grand-mère, une quantité de vieilles personnes cernées par les ténèbres s'agitent bouleversées en raison d'un attentat islamiste qui a fait 64 morts. Jean Bernard est présent. Tout le monde parle à la fois et j'ai la bouche pleine. J'essaye de m'exprimer, personne ne m'écoute, quel que soit le groupe vers lequel je me tourne. Alors je fais taire tout le monde, et, en achevant de mâcher : « Je vais vous lancer une pique d'ordre général, ne prenez pas cela pour vous : pour que vous soyez indignés comme cela, il faut donc que les victimes ne soient pas américaines... » Tout le monde se récrie : « Mais si, il y en a même beaucoup ! » Alors je m'éloigne par le couloir de la chambre en les complimentant, et je termine par un vibrant « God bless America ! » L'indignation et la compassion se déchaînent à nouveau derrière moi.
C'est la nuit.
56 03 10
1) J'ai pris deux femmes noires en stop, de nuit, en ville. Elles s'inquiètent que je m'arrête le long des grilles pour poster une lettre. Celle-ci tombe dans la boîte, qui est très profonde, en s'ouvrant, et en éparpillant tout son contenu, des bouts de papier. Je rentre chez moi. Mon père est M. Nogaret. Nous
habitons en bordure du Jardin Public.
2) Je dois aller au lycée, en retard. Sonia a besoin de moi aussi. Annie est déjà dans la rue. Je noue des baguettes de pain dans mes lacets de soulier pour être original et faire « causasien » (?). Place Paul Doumer, je vois enfin Annie qui se prépare à se rendre au travail : il faut récupérer une voiture, à l'endroit d'un incendie de pneus. Les pompiers arrivent. Au comptoir d'un garage, impossible d'obtenir l'adresse d'un autre garage, où se trouve la voiture à récupérer. C'est vraisemblablement sur une bretelle d'autoroute. Le patron sort de son bureau, débordé, harcelé de clients. Annie voudrait lui demander le renseignement. Je tente de l'en dissuader. Je m'allonge par terre, avec mes baguettes de pain dans mes lacets, en disant : « Je m'en fous, appelez un psychiatre. » Comme personne ne fait attention, je me relève. J'ai peur aussi d'être enfermé, piquousé...
56 03 22
Cauchemar
Je suis dans un train avec Leterme et d'autres. Ils sont bourrés. Leterme s'est engueulé avec d'autres et se bat au couteau. Chacun essaye de se protéger avec des bouquins, des épaisseurs de journaux. Je viens le protéger. Or je me trouvais en slip, particulièrement vulnérable. Et celui que j'ai tenté de défendre est descendu sans plus se soucier de moi... Je m'endors, plein d'alcool moi aussi. Au réveil, je m'aperçois que le train est reparti dans l'autre sens. Je demande aux gens qui m'entourent, debout dans le train bondé, quelle ville on vient de quitter. Ils me répondent des mots que je ne comprends pas. J'explique que j'ai bu et que je suis sourd, et Polonais.
Je crois comprendre des phrases comme « Ta gueule » - et ce que je crois comprendre change à chaque fois. Ou : « Vous nous étamez ! » [sic]. Ils finissent par me l'écrire sur le dos de la main : PARIS. Nous sommes donc repartis vers l'est ! « Vers les rives de la Pologne ! » dit un mec hilare en se penchant vers moi. Au premier arrêt, je descends voir le conducteur : «Vous n'avez pas trouvé une valise ? - Si, mais nous l'avons déposée à la première consigne ! - Mais je la vois, là ! » Les employés me disent que non. La première consigne est Buzancy (Ardennes). J'ai engueulé ceux qui restaient dans le wagon, toujours ivres, leur reprochant, en hurlant, d'avoir bu. Ils sont encore à se taper sur les épaules en braillant à propos de la présentatrice du Jeu des mille francs qui leur offriraient « la bière » - Mais qu'est-ce qui vous prend de boire, bordel ! » J'ai envie de gueuler « enculez-vous mais arrêtez de boire ! » Je rentre chez moi. Une voix off dit que les X... n'ont jamais été récupérer la valise, comble. Je déplie une carte de France, la voix off tirée d'un de mes romans précise que le couple s'est attardé sur les comptes rendus des séances « psy » de la femme au lieu de récupérer la valise. On faisait des gorges chaudes de ces « séances »... Cependant, tous
les villages habités jadis par mon père étaient touchés de catastrophes anéantissantes (Ardennes, Aisne). Il ne fallait pas s'y trouver, ces catastrophes étant subites et aléatoires.
56 03 23
(…) Je m'arrête enfin près des fondations, à ras du sol, d'une fortification médiévale, réaménagée par Maginot. Deux couloirs, l'un vers le haut, l'autre vers le bas. Je descends, me trouve dans un emplacement double pour voir l'ennemi, par un trou si étroit, ébloui de lumière, que l'on ne peut rien voir. Et je me retrouve coincé par la séparation en pierre des deux emplacements...
56 03 25
Une classe chuchote sous les hauts lambris. On vient enlever des tentures alors que les élèves ont eu tant de mal à consentir à composer, enfin, sur « le masque et la sincérité ». Je gueule contre les ouvriers, contre l'administration. Je sors dans le couloir pour trouver la proviseure, j'entends sa vois aiguë en conférence, alors je rejoins mes agités.
56 03 26
Nous avons loué, Annie et moi, une cabane campagnarde sans confort et délabrée. La veille de notre départ, fête au village (pour Noël). Nous nous sommes trompés de chemin, nous affalant de fatigue l'un sur l'autre en pleine route. Puis nous avons rebroussé chemin, retrouvant l'église et la salle des fêtes. Dans un bistrot, beaucoup de jeunes en hippies 70. Je dis du mal d'un groupe musical, manque de pot, c'est eux qui jouent, je ne les ai même pas reconnus. Mais ils jouent sur une forte partie d'orgue enregistré. Tout le monde se vautre autour d'une table en bois où l'on sert du cidre très fort, il y a même un canapé-lit. Nous devons rentrer tôt car nous partons le lendemain. Nous empruntons du savon à la proprio, mais Annie n'a pas osé dire que nous partions.
Dans notre cahute, nous nous papouillons dans la Deux chevaux garée à l'intérieur. Nous libérons une espèce de salamandre vivante mais en plastique : elle sera plus heureuse ici. Les cloches jouent O stille Nacht.
56 03 27
En Espagne, avec M. Nogaret, nous visitons en groupe une enfilade de pièces à l'étage, richement meublées. En attendant le guide, chacun parcourt tout : abondance de meuble magnifiques et d'instruments de musique. Je tente de jouer d'une espèce de pianoforte, mais il y a sous le couvercle des papiers raidis et entoilés, montrant que l'on n'a pas tellement envie que d'autres se mettent à jouer. Des courtepointes matelassées sont négligemment retroussées sur les
dessus de lit. Je dis à M. Nogaret que l'appartement rue David-Johnston pourrait bien lui aussi se transformer en lieu de visite. Il en est tout à fait d'accord. Je découvre en revenant sur mes pas qu'une grande glace murale reflète celui qui s'y regarde sous forme d'un riche personnage en toque, avec collier de barbe, qui reproduit tout vos mouvements.
D'autres s'y mirent, à mon invitation. Pour les femmes, la barbe du reflet disparaît. Le guide en retard arrive en courant, avec un autre groupe, flanque son coude dans l'œil d'une touriste, qui se met, par consolation, à rouler une pelle à sa voisine. Je pense plaisamment qu'avec le coude dans l'œil, elle ne verrait que la moitié des choses et ne devrait payer que demi-tarif. Enfin la visite va commencer.
56 05 24
Terzieff joue de l'orgue en virtuose mais avec désinvolture. Il me parle en redescendant d'une espèce d'amphithéâtre, et croit voir dans mes yeux que je ne l'admire pas tant que cela, mais c'est faux. Il me considère en toute fraternité égalitaire.
56 05 25
Après m'être garé dans mon quartier, je ne parviens plus à retrouver ma voiture. Désolé, je pousse la porte d'une maison ; en contrebas d'une petite allée de ciment vit une famille sympathique. Elle m'accueille, je mange un peu à la cuisine, la jeune fille est une lycéenne, il y a aussi les parents, plus une ou deux autres personnes. Dans la rue, ils s'imaginent avoir retrouvé mon véhicule, sous prétexte que son métal a été forgé en Autriche. Avec la jeune fille, j'ai parlé, pendant l'absence des adultes en recherche. La maison est très intimement arrangée. Elle appartenait au mari, la femme n'est venue qu'ensuite. Lorsque donc les parents reviennent, le mari veut m'inviter à dîner, et à passer la nuit.
La femme préfèrerait que je propose moi-même de repartir. Alors, je traverse un carrefour en « Y », la rue coupant la base de l' « Y » et poursuivant tout droit. Je ne retrouve toujours pas la mémoire, angoissé par un possible « Alzheimer » : les atténuations rassurantes que la famille m'avait prodiguées ne me servent à rien. D'ailleurs le quartier, les maisons basses impersonnelles, cimentées et délabrées, ressemblent de moins en moins à Mérignac et de plus en plus à la banlieue de Saragosse...
56 06 06
Cauchemars
1) Nous sommes dans une auberge espagnole au service très mauvais. La patronne, chafouine, nous cherche des noises, demandant un prix excessif. Veut porter plainte parce que nous
aurions salopé toute la chambre. Elle propose de réduire la facture, je dis : « Si vous retirez la plainte. » Il n'en est pas question. Je pars sans dire au revoir, les autres m'ayant laissé en arrière pour me laisser payer. Elle pose une question perfide sur le fait que ma femme accepte de coucher avec moi alors que je sors des bras d'un homme. Son mari est là, menaçant. Je réponds : « Eso no importa ». Elle insiste : « ¡ No importa, les digo ! »
Je suis provoqué par leur petite fille de dix ans, qui me provoque à la pédophilie. Je la repousse : « Pas avec toi ! Pas avec toi ! » Elle veut me forcer à se battre avec elle, pour m'impliquer dans la violence à enfant. J'ai toutes les peines du monde à me débarrasser d'elle. Les dialogues se font tantôt en espagnol, tantôt en français. Il n'y a là qu'un vingtième de ces deux rêves. Je regardais aussi des contes projetés au mur indiquant les endroits où Untel avait cherché « quelque chose » : pointe sud-est de l'Autralie, région au nord de Buenos-Ayres avec une « réserve française » dont je n'avais jamais entendu parler, etc. Or, nous avons reçu Katy, de type nettement andalou.
56 06 15
A. C'est un grand collège où j'arrive les jambes nues. Je trouve une salle pour mes 17 élèves, Annie est avec moi. N'avais d'abord trouvé qu'une salle de dessin avec des tabourets, puis une autre avec des lits. Un élève fouille sous les housses en plastique pour en tirer de quoi manger. Je me trouve ensuite sur un banc de la cour, lisant un article à côté d'une fillette de sixième, le mot « vagin » s'inscrit en grand sur la page de gauche. Extrême confusion de mon souvenir...
B. Avec Annie à Port-Cros. Il n'y a presque pas de touristes. Je dois aller visiter l'île d'en face, très proche, sympa mais petite : il ne doit pas y avoir grand-chose à voir. Repérons sur le port un hôtel sans doute moins cher qu'au centre ville. Cette côte est très découpée, la mer agitée. Une balustrade fragile sépare ceux qui attendent le bateau de l'eau de la mer. Un gros se rattrape de justesse, ayant glissé, mais sans panique. J'accompagne Annie sur son lieu de travail par une espèce de métro, une Anglaise nous confirme que c'est bien à la station « Pascal » qu'il faut descendre. Là, correspondance. Mais en bus. Je croyais que ce serait par bateau. Grande confusion entre les moyens de transport.
56 06 16
Avec Annie et d'autres, nous pénétrons dans une maison vide (cf. Buffet froid). Je regarde partout, prends bien soin de tout remettre en place. Puis nous fuyons, non sans dégâts. Une jeune fille de style gitan est témoin, je l'ai fait coucher à côté de moi au lit, en tout bien tout honneur. Pour partir discrètement, c'est difficile. Tous les chemins nous ramènent à cette maison ; deux bébés se contemplent, en haut et en bas d'un perron, étonnamment ressemblants. Nous fuyons en nous dispersant, le pays est humide, avec des prairies (Maine-et-Loire), très habité. Je m'abrite derrière une porte fermée dans une espèce de réduit, mais Annie me découvre et m'apporte à manger, tente de me rassurer.
Je repars, des maisons partout, j'essaye d'escalader en me dissimulant un mur extérieur d'église en prenant appui sur les sculptures, mais me retrouve vite entravé par des surplombs...
56 06 25
Je raccompagne Tastet chez lui, dans la petite Corsa noire. « Tu tiens beaucoup de place, tu es trop gros ! » Il en convient plaisamment et monte chez lui. J'ai beaucoup de mal à refermer le hayon, je place un téléphone portable dans le coffre : c'est un petit enfant, face contre le sol du coffre, j'espère qu'il n'étouffera pas, ou qu'il disparaîtra, en tant qu'élément d'un rêve. Une troupe de jeunes garçons descend d'un autocar, encombre tout, et me retarde. Je repère l'immeuble de Tastet, son nom ne figure pas sur les sonnettes, mais je monte. Immense escalier luxueux de marbre ; sa porte, anonyme, est au dernier étage. Elle s'ouvre sur un invraisemblable jardin, clos d'un grillage, surmonté d'un vaste atelier-véranda. Un autre peintre y jardine, à poil, son sexe est ridiculement petit. Il m'indique un trou dans le grillage très épais, mais je ne trouve pas cette entrée. Je repars dans le bus, en conduisant tantôt ma Corsa tantôt le bus, qui à un moment donné, évidemment, court sur son erre, abandonné, puis dévie dans un terrain vague et se plante contre un mur, et prend feu : tout ce que je vais devoir payer! Alors je me dis très fort que c'est un rêve, et je me réveille.
56 07 26
Dans un grand appartement abandonné (Condé-sur-Aisne), on frappe ; je me réfugie dans les chiottes-salle d'eau ; des feuilles de salade gisent partout, à demi-séchées, même près de la porte quand je veux chercher du papier en revenant sur mes pas le plus silencieusement possible.
Dans l'atelier, je parle avec Domi. Tables, chaises, une assistance. Je lui raconte un film dans la dernière partie duquel jouait Beigbeder. Domi le singe : il répéterait sans cesse (paraît-il) « Alors je lui ai dit ». Nous prenons congé, l'assistance s'est transformée en atelier de repasseuses. Il me rappelle, je suis à peu près à poil, un auteur d'une soixantaine d'années est là, qu'il me présente. Ce dernier me bat froid malgré le serrage de mains ; Domi me dit que cet homme a les mêmes idées que moi, mais ajoute : « Tu verrais sa voiture... » (sous-entendu : « ...par rapport à la tienne... » Je les laisse parler, non sans avoir déclaré à Domi : « Ça ne te gêne pas d'être au milieu de toutes ces femmes ? Ça n'est pas trop dangereux ? » (humour).
Lui : « Non non... »
56 08 03
Un comité des fêtes nous confie une petite fille à trimballer en poussette dans la rue. Nous la poussons parmi les trottoirs encombrés (voitures en stationnement, revêtement plus ou moins défoncé, gens) – je chante ou j'imite la trompette (Michel Strogoff)(des enfants, de loin, reprennent la sonnerie), regrettant de ne pas avoir un nez rouge de clown. A un certain moment, je prends la petite fille dans les bras pour la calmer ; elle s'est plus ou moins transformée en gros chat blanc). Nous nous reposons dans un café-restaurant arabe. Nous sommes assis à une table au fond. Une
employée redescend des chambres en se rajustant un bonnet de soutien-gorge, elle dit qu'elle a bien nettoyé. La conversation se poursuit en arabe avec la patronne. Annie me demande la signification de « goy ». Je lui réponds que c'est de l'hébreu. Je m'aperçois alors que la petite a disparu, Annie a dû la confier à d'autres tandis que je batifolais pour attirer l'attention des gens.
Il est impossible de lui arracher des précisions, car elle sourit et parle tantôt d'une chose tantôt de l'autre : affirmant que Sonia, curieuse de moi, aurait lu de mes carnets personnels qui de mon propre aveu traînent partout. Je vais m'installer, exaspéré, seul à une table, déjà garnie de son couvert, mais il n'est que 4h 7 (47 !) Des vieilles servantes viennent me rejoindre ; je passe à l'une d'elles ma main entre les cuisses car elle s'avance pour se faire branler, je la défends envers les autres qui se moquent un peu d'elle. Une autre me fait du gringue, elle était à Soissons en même temps que moi quand je me trouvais en 6e, elle a connu le camp de Margival et habite en Dordogne. « Malheureusement, ajoute-t-elle, « à cause de mes déplacements professionnels ».
Nous voici au nord du Lot-et-Garonne (Villeréal, Lauzun ?). Je prétends avoir quitté la table de ma femme parce qu'elle tenait des « propos incohérents » (c'est ce que j'avais affirmé en la quittant). Je me retrouve entouré par trois ou quatre vieilles qui me draguent, et j'envisage un excellent avenir. Je reste là très longtemps, n'ai pas vu ressortir Annie, mais la vois de dos, de loin, portant une queue de cheval auburn. Dans la rue, allre-retour, impossible de retrouver la gamine, des arabes passent en discutant de banque, de ce qu'il est possible de faire en cette matière à un juif ou non.
56 08 09
Atmosphère d'ennui pesant. Tarche, Odile et Dépont viennent nous rendre visite en voiture dans notre immense HLM. Nous devons aller vers eux pour les guider. Très vite, ils sont déçus parce que je n'ai rien à dire et me montre indifférent. La seule chose qui réveille Dépont est la vision, à gauche, d'un gros rhinocéros noir à bosse torsadée. Chez nous, j'essaie d'expliquer, en les prenant par les épaules, que je me sens dépressif ainsi avec tout le monde. Ça les rassérène un peu. Ils n'avaient pas voulu voir notre ancien appartement sur l'autre versant de la vallée urbanisée. Ils auraient préféré (Dépont surtout) d'autres buts plus intéressants touristiquement. Ils doivent repartir bientôt mais il me faut achever un examen au milieu duquel je suis parti, afin de les rencontrer.
Sur un escabeau extérieur je manque oublier mon appareil photo qu'Annie, râleuse, me fait rentrer.
Puis il faut qu'elle me passe de quoi écrire : une plume à l'ancienne (« Mais enfin, on ne se sert plus de ça depuis longtemps ! « ), un stylo bille vert (« Tu me vois rédiger en vert ? »), enfin, un stylo convenable. Nous rentrons donc l'escabeau. Je pourrai peut-être achever l'examen (latin, français), mais peut-être pas me présenter à celui d'italien, parce que j'ai dû recevoir mes invités. Il s'est créé aux USA un Etat italien où l'on comprend cette langue, mais dont la langue est l'anglais (le « Saporta » ?) J'aimerais m'y rendre.
56 08 21
Dans une communauté aveyronnaise. Je suis accueilli à bras ouverts par une femme qui ressemble à la fois à Josette et à l'hôtesse de St-Bauzille-de-Putois. Des enfants partout, une liberté totale. Je monte au sommet de la maison, regarde les lits faits dans une chambre, avec des toiles d'araignée. Un type passe l'aspirateur et me dit en colère de ne plus monter ici, car une petite fille aurait pu tomber dans l'escalier (j'ai laissé un passage ouvert). Annie vient, il n'est plus question d'attendre huit jours, comme me l'avait dit un jeune homme américain ayant reçu mon chèque d'inscription de 60 euros - « il n'était pas au courant »). J'ai toujours quelque chose à faire. Le père d'Annie est venu effectuer des recherches généalogiques, Annie descendrait de Berbères.
Je m'enferme dans des chiottes à battants, Josette pousse les portes et se retire en disant « Pardon ». Il paraît qu'on la traitait de « briside » (?), ce qui est typiquement bordelais. Je me récrie là-dessus alors qu'en réalité je n'en sais rien. Ici tout le monde s'aime, les enfants veulent faire voir leur sexe, la fillette me prend par les épaules : le nouvel arrivant est roi.
56 08 30
Mes parents et moi habitons la maison des Varoqueaux à Chauny. Je dois aller prendre livraison d'une auto acquise par petites annonces, à midi. Ma mère se propose d'y aller, je refuse. J'intercepte mon père qui part à moto afin d'arriver là-bas à midi, sur le chemin de son travail. Je proteste, on veut m'ôter mon initiative. Je monte en passager de mon père. Nous nous retrouvons à gravir, à Vienne, une forte côté à virage et à grande circulation. Mon père s'arrête en plein tournant, je l'engueule, il veut s'orienter. Il y a beaucoup de danger, nous sommes dépassés par de grosses bagnoles. Le propriétaire habite au-delà d'un pont-levis sans trou dans le tablier, au-dessus d'un abîme.
Mon père le franchit à moto tandis que je suis resté seul en plein virage, frappant de mes mains le mur de soutènement et braillant qu'on attente à mon indépendance.
56 10 12
Une location chez des grincheux. Je dois dormir entre l'homme et la femme et fais passer la femme sous moi en m'arc-boutant pour qu'au moins elle soit à côté de son mari. Elle me dit : «Pas d'humidités, parce qu'il y en a eu un, une fois... » Je réponds que je ne suis pas une femme. Je me relève pour pisser car j'ai demandé pour cela l'itinéraire, c'est au sommet d'un talus dans un terrain (une cour) accidenté. Je rencontre des tas de garçons debout qui fuient eux aussi des lits surencombrés, et se retrouvent dans un club de lesbiennes. Elles sont très aimables, très accueillantes, ça parle, ça chante partout. On peut lire, mi-dehors, mi-dedans. Le bled s'appelle Saint-Jean-de-Comminges.
Un type imite, au sol, un cor de chasse (« taïaut taïaut ») et je le reprends à la tierce, on fait la moue gentille parce que j'ai essayé de le supplanter. Il y a des jeunes des deux sexes, partout, on se frôle mais sans ambiguïté directe, on lit, on feuillette, puis tout s'apaise, chacun rentre dans sa location pourrie, les couples de femmes se forment discrètement. Pour venir je passe sous des réseaux de sandows au ras du sol, j'ai doucement heurté dans l'ombre un vieux chien gros et doux comme un mouton. Une fille a repéré mes Contes de Perrault trouvés par mon père, un gros livre rouge à couverture illustrée, puis le repose dans l'herbe en pensant que son propriétaire viendra bien le rechercher. Revenu dans mon lit étroit, je trouve tout le monde allongé à la lumière dans des postures diverses, mi-râlant mi-souriant, « Trop de bruit » (musiques médiévales), deux filles en chemises de nuit rouge, une atmosphère de douce liesse incroyable, des couleurs, des frôlements, chacun musiquant ou discourant à son tour, un grand esprit de fraternité..
56 10 28
Rêve de tentative de tripotage de Babette au sous-sol, après que nous avons beaucoup babillé en pleine nuit. Elle crie en réclamant de se rhabiller. Je m'empresse d'obéir. Une foule de membres de ma famille visite un vaste cimetière nocturne. Une porte donne sur un enclos sinistre, sans lumière. Je serre le mollet de l'oncle Martial dans l'escalier du cimetière, et tout flegmatique qu'il soir, il sursaute. Je suggère de faire cette farce impressionnante à d'autres. Recherche alors de la t ombe de Martial ; justement, il me demande d'aller voir des inscriptions, placardées, “plus claires qu'au fond d'un cœur ouvert”, mais je ne veux pas m'éloigner seul.
56 10 31
Parvenu avec des élèves et d'autres jeunes gens au sommet d'une colline herbeuse (nous faisons un rallye), nous recevons, apportés en voiture, trois sacs en plastique, garnis de carnets de mémoires. Je les distribue dans le désordre. C'est amusant, tout le monde lit (« j'ai le 75, mais c'est le 1980 »), puis je m'aperçois que ce sont les miens, en souhaitant que personne ne s'en rende compte. Des murmures commencent à s'élever : le secret perce. David se met à gueuler qu'on n'a pas le droit de fouiller dans sa culotte de cette façon.
Je raconte mon rêve à Jacques, resté à l'écart avec Accornero dont je veux vérifier qu'il n'a pas une phalange sectionnée. Il étale ses deux mains à plat pour me prouver le contraire. Les jeunes mangent à part, après nous, en consultant les notes sur la table.
56 11 01
Il ne me reste plus que deux ou trois jours avant ma retraite, on ne m'a pas confié de classes. Dans les couloirs, je gueule “Saloperies d'humains, charognes, crevez, pourritures”, etc. Les élèves s'écartent de moi respectueusement, comme s'ils me donnaient raison. Un collègue de physique, collier roux et front dégarni, cherche une salle avec sa classe. Il parle du droit du travail à un jeune homme qui s'assoit en haut d'un escalier en pleurant, et lui administre des bourrades au lieu de le consoler. Je manque tomber dans un espace étroit entre deux rampes d'escalier sous moi, et dis que je ne tiens pas à maigrir, afin de ne pas pouvoir y tomber. Personne ne fait plus attention à moi.
56 11 10
Je passe un examen de grec, avec Gourribon derrière moi. Le texte est indéchiffrable, mal imprimé, encombré de notes au crayon entre les lignes et à moitié effacées. On dirait que le grec ne m'est plus familier. L'examinatrice, une grande blonde de 55 ans, me le fait observer avec une hauteur sarcastique. Pendant ce temps se déroule une grande manifestation paysanne, à Cahors – qui ressemble plutôt à la ville d'Albi. Quelques dégâts et désordres, moins qu'on aurait pu craindre. Je repars de là en autocar, assez désolé. Je vire le chat Iris par la portière, et une paire de pantoufles. Plus tard, je récupère les pantoufles. Ma mère me demande de lui dire au revoir (j'avais oublié de le faire) tandis que je suis aux toilettes.
Je lui fais juste un signe de la main par-dessus la porte, elle s'en va satisfaite.
56 12 12
Appartement rue Quevedo, à Tanger. J'ai à la fois 18 ans et mon âge. Je fais une scène à mes parents, pleurant, hurlant que je m'ennuie ici, qu'on n'y rit jamais. Mon père est Nicolas Sarkozy. Il tente d'être aimable, pose sa grosse tête aux cheveux raides et sales sur mon ventre. Je me demande même s'il ne va pas me sucer, cela me répugne. Je pleure de rage en disant que je veux partir, même si Sarkozy me répète qu'on est bien, là, et que je dois rester. Mais je n'ai plus que très peu de temps, je ne sais ni où m'enfuir ni ce qu'il faut faire. Ma mère allongée dans la pièce d'à côté ne dit rien. Sarko ne m'a jamais autant débecté.
56 12 21
Invité chez une famille autrichienne, je suis engueulé du haut de l'escalier par un grand et gros barbu qui me dit que je n'ai plus rien à faire à l'étage familial. Je rassemble mes bagages dans ma chambre à grands rideaux. Un dernier repas de conciliation a lieu à l'extérieur, mais le père (le barbu) n'est pas là. D'autres échangent des plaisanteries sur un but de football, des vieilles dames se rapprochent de la table, pour ne plus voir l'arrière de mes mains. Atmosphère fausse. Je pense (ou je dis ) : « J'étais en asile, je repars pour l'asile ; entre deux dépressions je suis normal ». On me dit : « Vous reviendrez. » Je réponds : « Warum sollte ich ? » (« Pourquoi le devrais-je ? »)
56 12 29
Je titube dans une rue aux murs crépis ; c'est une vieille ville où j'ai vécu enfant (peut-être Laon). Des ouvriers qui réparent les murs me regardent. J'hésite entre remonter ou descendre la rue, puis trouve enfin une transversale où je m'échappe de plus en plus vite ; ma démarche est désormais assurée. Il s'agit d'un sentier herbeux, large, descendant par sections coudées successives. Une fille me suit sur ses talons plats, se débrouille malgré tout dans l'herbe. Nous parvenons à une bouche de chemin de fer ; sur les rails passe un train sans s'arrêter, nous nous mettons à courir, elle devant et moi derrière, dans un tunnel sinistre, et je suis devenu la jeune fille, tandis qu'elle est devenue moi-même.
Le quai n'est plus qu'un talus qui se rétrécit dans le noir. Au-dessus, dans l'épaisseur de la terre, quelqu'un se déplace pour nous accompagner, sans que nous le voyions. Il s'appelle Christophe. Nous espérons que ce talus entre deux voies va maintenant nous mener quelque part. Nous éprouvons seulement une vague inquiétude.
57 01 05
Dans un train, Sarkozy me demande si j'ai connu Roger : je réponds oui ; son fils aimait étudier l'évolution des partis conservateurs, ce qui suscitait les moqueries, et j'avais perturbé les cours de son père en y jetant du papier hygiénique. Sarko se montre tout attendri que j'aie connu le fils. Puis il envoie un gros pain à travers le compartiment, ce qui touche le cou d'une boulangère plaisamment offusquée. S'ensuit une bagarre jubilatoire à coups de gâteaux énormes envoyés et renvoyés de partout. Je scande : « Un baba ! Un baba ! » Nous parvenons à Nogaret, où son fils me conduit chez lui, fils dont la mère tient une espèce de bazar campagnard. Je vois aussi sa sœur de douze ans, très jolie.
Il m'offre un fascicule présenté comme neuf, or, une mention de ma main (« Livre du prof, littérature du XVIIIe s. ») prouve que je l'ai lue trois fois, cette brochure racornie, « fini un 10
juillet ». Il va me chercher quelque chose de mieux, mais préfère m'indiquer une galerie marchande où je trouverais «du grec moderne ». En chemin, je pianote sur un clavier détraqué, sous un plastique, fixé à un pilier extérieur. La galerie est belle, mais il n'y a pas de « grec moderne ». Pris de malaise, car il y fait très chaud, je me retiens de tomber grâce au mur courbe, orné de mosaïques moirées. Je reprends pied sous le regard inquiet (« Il ne va pas nous déranger au moins ? ») de chalands pressés.
Je passe devant un étal de papiers peints, juste avant la sortie. Le marchand me crie ironiquement, comme si je voulais me faire plaindre : « Vous n'allez pas vous imaginer que je vais vous donner du papier peint ? » Je dis que non, et dehors, sur un talus herbeux, je le traite in petto de connard...
57 01 23
Sur les marches de la médiathèque, une femme me sonde pour savoir les dix villes où j'aimerais habiter. Je cite New York (oublié la première ville), St Petersbourg (A. se récrie, comme la sondeuse), Lyon (la sondeuse est surprise), Lima, Caracas, Buenos-Ayres, Mexico... J'ai gagné un flacon de bonne eau de Cologne qu'un homme; à un stand voisin, me donne en souriant. Nous montons dans un immense autocar. Un employé m'indique une cabine individuelle, et des toilettes avec deux cuvettes (je pense « On peut chier deux fois »...) Espace très vaste, et clair. Quand j'ai fini et me suis torché, me retrouve sans cloison de séparation, en vue de tout le monde, l'employé lui-même à un bar.
Mais personne ne me fait de remarque : beaucoup de personnes âgées ; on me sourit. Revenu à ma place, je lis le journal, et je parcours le véhicule, très grand, qui se rend en Espagne du sud (Séville ? Jaén ?) Je crois alors petre revenu à ma place, veux emprunter un bloc-notes bleu, mais un Japonais à lunettes me dit : « Je me sers ! » Il montre à un autre Japonais, en face, qu'il a résolu un problème technique en resserrant une vis à tête cruciforme. Une prof me passe l'envers d'une en-tête de copie (3,5/20), c'est insuffisant. Une autre personne me refile un bout de papier écit d'un côté, tout chiffonné et troué.
M'étant mis en quête dans l'allée centrale (chacun dispose d'un espace considérable), je redécouvre enfin mon vrai fauteuil avec mon vrai grand bloc-notes à côté de ma femme. Je vais alors m'installer près du jeune conducteur, espagnol. Nous roulons actuellement vers Madrid, à l'intérieur d'une ville. Je confonds un infime ruisseau, presque à sec, au lit couvert d'herbes) avec l'Ebre ; nous arrivons à Saragosse. Le conducteur me donne le nom d'un autre cours d'eau. Le pare-brise panoramique permet un large point de vue. Le conducteur me dit en espagnol : ¡Parece la televisión ! Je demande en français si l'on a toujours l'intention de détourner l'Ebre pour irriguer les provinces du Sud.
Il me répond en français que le projet fut abandonné (sauf un canal pour la résidence du roi, à Aranjuez ?) - mais que ce dernier a demandé « une exploitation moderne avec des moyens anciens ». Le chauffeur trouve cette formulation ridicule, pas moi. Je rejoins ma femme sur son siège, regrette avec elle que nous n'ayons pas mentionné, parmi les dix villes, Bruxelles. Je le dis assez haut pour que l'entourage entende. Et comme cela semble lui indifférer, je dis « Le Belge il vous emmerde ». Puis j'écoute les nouvelles du Sud de l'Espagne, en précisant : « A Séville, 45° l'été, ce n'est pas un problème. » Cet autocar pouvait avoir la taille d'une cabine d'avion, et nous emmener après coup dans l'hémisphère sud...
57 02 09
Dans une annexe de l'église « la Madeleine » à Bergerac, où fut enterrée ma mère, je découvre à l'angle un grand escalier tournant menant au clocher ; mais j'explorerai tout cela plus tard : aujourd'hui on enterre mon père et je roule dans ma tête cerains fragments de phrases afin de prononcer un discours funèbre. Alors arrivent en vrac sur la place plusieurs véhicules, qui livrent le cercueil et plusieurs assistants, plus le curé. Il y a Tastet parmi les assistants. Un cercueil gris style Samsonite. Et qui est-ce qui descend d'un taxi, vieux mais en pleine forme ? Mon père lui-même. Je l'évite, repasse dans la nef où j'ai envie de défoncer le cercueil devenu inutile. Mon pote Everaerts de Velp connu à Tanger me dit qu'il n'a pas envie « faire partie de ma patristique » - je m'étonne, il me révèle que mon père, admiratif, lui a fait lire le projet d'un ouvrage sur lui : il n'a pas envie d'être le sujet d'un roman.
Je le rassure : ce projet m'avait échappé, je ne me souviens plus ou presque de lui, mon intention est de ne rien écrire à ce propos. Je suis dans une véritable rage, surtout que ma mère, en fantôme gris, se met à tourner aussi avec mon père, et pourtant je me souviens très bien les avoir enterrés déjà tous les deux. Everaerts me rappelle alors qu'un mois en maison de retraite coûte 2400
euros par personne, soit la totalité de ma retraite ; il n'y aura pas assez d'argent pour les deux. Je pourrais selon lui qui connaît des adresses discuter le prix, mais ce sera toujours excessif. Je fais chercher dans ma voiture des cartes ferroviaires et routières pour emmener mes parents dans une maison lointaine, meilleur marché, en pleine cambrousse. Je fous toutes sortes de papiers par terre.
S'apercevant de cela mon père et ma mère se vexent, remportent le cercueil Samsonite en le traînant par terre. Je suis dans une colère folle car les voici de nouveau en pleine forme, tout est à recommencer. Sans oublier que Katy se trouve là aussi, me rappelle que Denis était venu prendre un pot chez moi le jour des vraies funérailles de ma mère, avait fait la gueule, et s'était montré jaloux de n'être pas le centre d'intérêt de tout le monde – évidemment... Je revois la scène, alors qu'il buvait du café... Quand je me suis réveillé, j'étais dans une vraie rage.
57 03 06
Je dépose ma bicyclette contre un mur après avoir cherché une bibliothèque dans le XXe, ça monte. En retrait de la ligne de maisons, je demande mon chemin, alors que le propriétaire me surprend à remettre d'aplomb un autre beau vélo que j'ai bousculé. A l'intérieur, de vastes salles aménagées dans le roc rouge, un peu comme de la brique toulousaine, reconstituée à Paris. Un prêtre dit une messe pour des prisonniers. Un prof d'histoire m'accompagne, il n'a plus qu'une jambe et un bras et demi, mais toujours de bonne humeur. Il déteste les simagrées ecclésiastiques, se moque des signes de croix des forçats dans les fers, qui auraient entraîné leurs pieds symétriquement.
Il me fait un peu tout visiter. Quand je reviens dans la grotte à messe, où l'on a communié à l'eau dans des gobelets en plastique, j'en prends un à part et je bois dans un lavabo, pour ne pas tout mélanger. Je lui demande quelle époque il aime enseigner (je suis prof d'histoire aussi, comme je le lui ai répondu, et je cherchais, au début, de la documentation dans cette bibliothèque. ), il se renfrogne et disparaît dans une voiture hermétique de fabrication brésilienne, au ras du sol, de marque « Oriba » ou quelque chose d'approchant, je lis dessus « otage de l'Oriba ». Son fils de 10 ans me montre une splendide Ford remontée par son père, avec des chromes dorés rutilants.
Je passe ensuite dans une pièce où se trouvent une quinquagénaire et sa fille, qui ont connu, à Bordeaux, un médecin, le Professeur Moreau (je crois me souvenir de lui). Il y a partout des images et des renfoncements dans le roc. Ce Professeur Moreau ensorcelait sa clientèle au nom d'un socialisme dévoyé. Sur le buffet encombré d'images, la photo découpée d'une femme, peut-être celle qui me reçoit, peut-être l'épouse décédée, et révérée, du propriétaire (celui-là ne s'est jamais fait voir). Je me balance sur un siège que j'ai renversé, au risque de le briser. J'ai auparavant mordu dans une grosse miche dorée que me tendait avec deux autres, toutes chaudes, un boulanger, membre de toute cette communauté finalement qui occupe ces lieux.
J'achète la grosse miche. Anne en mange aussi, tant pis pour le prix. Atmosphère générale étrange et familière à la fois, on se sent libre. L'ensemble est spéculaire et complexe : nous sommes en plein Paris comme si c'était Toulouse ou Albi.
57 04 02
Avec Anne dans la rue. Nous sautons sur un toi et un capot de 4x4, nous laissant glisser. Nous pénétrons chez le propriétaire et nous vautrons sur un gros édredon. Le proprio survient, grand, sec, sévère. Il se demande ce que nous faisons sur sa voiture. Il demande et obtient mon nom. Il paraît que je suis fiché au grand banditisme et que Sarkozy me tient à l'œil. Je suis relâché. Arrivés chez M. Nogaret, nous voyons ce propriétaire et un ami qui lui ressemble. Il nous refait la morale, exhibe un type qui porte mon nom, misérable, petit, bouffi, presque pas d'yeux, l'air inintelligent et féroce au possible, à qui je veux parler mais ne désirant que me casser la gueule. Je commence à rédiger à la machine une protestation, Sonia me rassure car il n'a pas vu mes papiers, n'en ayant pas le droit. A 2h ½ je dois être chez un psy mais j'ignore son adresse. Je la trouve dans le gros carnet d'Annie, son nom commence par un E (« Estrosi » ?) mais il est trop tard, j'irai une autre fois.
Mon entourage m'a soutenu. Je n'ai pas volé, ni commis de dépradations.
57 05 28
Christophe, Sonia, ma femme et moi, et des enfants, habitons très unis dans un pavillon de bois en hauteur avec balcon. Il existe entre nous et la plage à 1 km des bunkers, certains sans fenêtres, où vivent des immigrés arabes ou gitans. Sur le chemin de la plage je revois ue jeune fille naine, difforme, œil unique et saillant, sein unique et pendant. Elle me fait des propositions et je ne dis pas non, plus tard. Elle dit que j'ai (ou qu'elle a) « de jolis yeux ».
De retour, j'entends des bruits de bombardements. La ville à 3km est l'objet d'un furieux pilonnage, des avions s'acharnent, des murs tombent, des flammes rouges immenses montent jusqu'au ciel. Autour de moi personne ne semble effrayé ni ne veut s'enfuir. A la télé, pas de nouvelles, ni à France-Info, ni nulle part sur la bande FM de la radio de bord. Christophe continue à se vautrer dans le sable avec les enfants et un chien. Je m'affole complètement, car je suis le seul à voir cela, à en mesurer l'extrême gravité. Les bombardements terribles se rapprochent, la maison voisine est touchée. Le lendemain matin, qui arrive aussitôt, un flic nous dit en souriant d'un air blasé qu'il s'agissait d'un feu d'artifice, la maison atteinte était abandonnée.
Il nous demande de changer les pneus blancs d'un tricycle, complètement lacérés, inutilisable. Je me rends compte que s'il y a une catastrophe, je serai le seul à m'en apercevoir, et qu'il faudra que je meure sous les bombes à cause de l'inertie des autres. Dans le même rêve, préparatifs de l'enterrement du père Bedu dans une église en processus d'effondrement, je ne veus pas suivre un compagnon nord-africain mais un catholique. Je pleure, et j'associe ce deuil à celui de l'abbé Pierre.
57 06 14
Dans une maison aveyronnaise aux planchers défoncés, mais très ensoleillée, mes parents préparent une réception. Je transporte deix cocottes l'une après l'autre, du bouillon, un poulet aux légumes, et trébuche, tout est flanqué par terre. Plus rien à manger ! Mais ça ne fait rien, tout le monde continue d'être de bonne humeur. J'apprends que mes parents avaient acheté cette baraque, et que Sonia pourrait en profiter plus tard. Du coup, je me mets à fouiner partout pour voir comment elle pourrait aménager tout ça, jusqu'à ce qu'ils réfrènent mon enthousiasme : rien ne it qu'elle voudra y résider. Je ressors, cette maison s'achève par des contreforts romains et débouche sur un amphithéâtre qu'on est en train de dégager, où se pressent déjà les premiers touristes. Le nom du patelin est en deux parties me dit-on, avec un trait d'union, mais personne ne s'en souvient (Pont-de-Rhodes ? Roda ?)
57 07 04
Je chante des sourates sur mes citations, l'une après l'autre. Ce sont des séquences sonores très brèves et gutturales. J'ai beaucoup de peine à passer d'un paragraphe à l'autre, les numéros stagnent au lieu d'augmenter. Des gens m'écoutent avec grand intérêt. Je sens qu'il aurait fallu suivre cette voie, mes vocalises sont d'une grande subtilité voire sophistication, mais j'aurais dû découvrir cette vocation plus tôt, et travailler considérablement. Mon intérêt en effet se porte plus sur le son et la syllabe, et non sur le sens d'un texte. Je poursuis de belles vocalises sous le regard distrait de « pgde fec », « sacris », dédaigneux.
En route vers la gare avec des passagers, bloqués par un embouteillage dû à une déviation pour travaux. Nous parvenons place Pey-Berland. Je m'aperçois alors que l'immeuble faisant l'angle avec la rue des Remparts est quasi démoli, pour se faire remplacer par du moderne. Je hurle mon exaspération par la fenêtre entrouverte : « Assassins ! Architectes de mes couilles ! Salauds ! », etc.
Toujours ce sommeil quand j'écris... Amiel ! Amiel !
57 07 11
Une maison en forêt au pied d'une pente de sable. Je suis en compagnie de je ne sais qui. Nous montons. Au sommet, deuxième maison dont les rochers occupent tout le terrain. Haute porte de métal. Je parviens à voir l'intérieur par une fente : tout paraît très ordonné, ceux qui m'accompagnent sont mes parents, jeunes, enthousiastes. Je leur crie : « C'est abandonné seulement depuis les années 60 ! » Tête pleine de projets. Une Allemande avec ses deux enfants francophones utilise le même chemin pour descendre que nous pour monter. Elle dit à son garçon : « Toi aussi tu penses que l'hystérie est constitutive du tempérament des filles ? » Le garçon, blond et suffisant, acquiesce. « Eh bien ta sœur n'est pas d'accord du tout, bien qu'elle soit turbulente. » Et ils discutant des mérites d'un certain psychiatre allemand dont je m'étonne qu'un si jeune garçon puisse connaître l'œuvre ; quant à moi, du talon, j'efface les marches de sable en glissant, me souciant peu des difficultés que cela engendrera pour remonter - j'ai toujours des projets en abondance, cette maison s'appellera de l'ancien nom du lieu-dit où elle fut bâtie.
57 08 22
Je suis remplaçant en 1e à Brioude. Mes cours sont préparés avec des 6e à une table de bistrot. Ils me considèrent avec un amusement quelque peu condescendant. L'un d'eux me demande si je ne m'appelle pas Collignon par hasard. Je dis que non. Je dis à d'autres, venus à ma table : “Elle ne s'appelle pas Brioude, au moins, cette ville ? parce que c'est d'un con, ce nom...” Silence gêné. Je finis pas projeter un cours, ligne à ligne, mais je ne crois pas qu'on ait suivi beaucoup.
Me voici logé dans un hôtel, en bas d'un escalier. “C'est pratique si on rentre bourré”. Un employé débordé, “qui n'est là que depuis quinze jours”, me fait compléter une fiche sur papier glacé. Les chiottes sont très salles. Je demande à chier derrière une cloison coulissante, au niveau de jeunes gens qui sont en train de manger.
L'un d'entre eux : “Ah non ! pitié !” Aux autres : “Vous ne vous rendez pas compte ! C'est insupportable !” Je trouve à chier rue David-Johnston, chez Coco : il y a donc là ma belle-mère, Françoise et M. Terrasson, qui ne veut pas être appelé ainsi, dit-il avec agacement, comme si le nom n'appartenait qu'à sa fille dont il serait, lui, le mari. Un lit m'est préparé dans le grenier de Condé-sur-Aisne, mais le plafond s'effondre comme chez Mme Marqueton, et il est difficile de trouver un emplacement solide pour le lit, où je ne devrai pas trop remuer.
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