DESCRIPTIONS ET ANNOTATIONS - NOS ARGENTIQUES
J’étais en prison à Périgueux. Ma cellule occupait le deuxième étage en bordure du vieux quartier, le jour venait par un vélum, mais aussi, au ras du plancher, par de petites lucarnes comme celle-ci, derrière un Croisillon. C’est me titre. La photo est prise exprès pour s’en souvenir ; Le métal est vert clair, fraîchement repeint pour les hôtes. Au tiers oblique de la longueur, au quart du haut de la largeur. Bien rectiligne, sans échappatoire. Le pilier s’implante sur un rebord gris tavelé, une lézarde à gauche, finement reprise en bas à droite et partout très brisée. L’angle montant de droite se devine, celui de gauche amorce son tracé rugueux.
Ce sont quatre parallélogrammes ainsi formés : la vue plonge sur une ruelle claustrale, ensoleillée, sans échappée : le vide commence au-dessous de toi, la croix métallique seule t’empêche de te précipiter, ou de te coincer, selon que tu sautes avant ou après le repas. A droite, le revêtement minéral de ruelle, avec un plot. À gauche, un fragment plus grand, s’élargissant (si peu) en coude, avec troisd plots : stationnement impossible. Et une grille d’égout plate et réglementaire, tout en dessous de la barre horizontale. On devine un tracé de pavé très large, plutôt de plaques carrées, interrompues très tôt par d’autres murs.
Une clôture de maçonnerie jaune se prolonge du carré gauche au carré droit, de part et d’autre d’un angle, en décalage avec l’angle, perché, de ma lucarne elle même : entre les deux angles réels, la perspective trace une diagonale de 20°
vers la droite. On n’en sort pas. On ne sort pas. La moindre inattention sous ce plafond descendant me coûte un choc violent sur le front. On ne s’approche d’ici que la tâte basse, puis en rampant. Les deux polygones du haut, 4/5 et 1/5, présentent une sorte d’évasion : le vert jaune d’un buisson de jardin, sous un soleil qu’on ne voit pas, berce trois fleurs mauves et floues, à droite, et détache à gauche, tout en bas, derrière un mur à deux arêtes noires, trois calices rouges grands ouverts.
Il règne là une famille à la porte fermée, qui s’éprend de géométrie close, avec volets clos vert cru, paillasson aux entrecroisements romains ou plutôt pavement lui-même d’1m². Tout est fermé. Le reste de l’espace est barbouillé de vert végétal, canopée rabougrie ravie du soleil qui floute les feuilles, tantôt soleil, tantôt tamisage. Ainsi de part et d’autre du barreau horizontal, nous déterminons nettement la fortification voulue, jouissive, végétale et resserrée, tandis qu’en bas, le mur de clôture, le pavement gris chaud, les plots dissuasifs, et l’implacable invisible remontée du mur vers soi-même, impose tous les éléments d’une claustration carcérale. Mais je sortais souvent.
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ÉCOLE DE MONSÉGUR (47) 63 09 09
Rien de plus terne et de moins expressif que cette photographie en noir et blanc, affligée d'une telle médiocrité : l'appareil n'était pas très bon. Ce bâtiment grisâtre et sans relief ne serait rien sans sa légende : École de Monségur (47), soit Lot-et-Garonne, chiffres maléfiques où j'ai cru mourir. On ne saurait confondre en effet le Monségur d'Agenais avec son homophone de l'Ariège. Il vit là une population tranquille, sans rien des touristes fiévreux et suspects qui viennent hanter le vieux château reconstruit après les Cathares. Cette école est en hauteur, sur une petite butte portant le village lui-même, et c'est pourtant de ce batiment mal cadré que je suis sorti, un jour imaginaire de roman, pour descendre jusqu'au cimetière : l'auteur, c'était moi, et le livre, c'est celui que vous ne trouverez dans aucune librairie.
Cette école banale ne convient pas à mon intrigue, celle d'un instituteur pédophile, et de son ami le curé, pédophile aussi. L'enfant, c'était moi. Le narrateur, c'était moi. Mais aucune émotion, car jamais je n'ai habité ici, ni enfant ni plus tard. Juste en repérage avec cet appareil photo misérable, afin de recueillir l'endroit où toute l'histoire se situerait. La luminosité est faibe, le cie couvert. Une aile tronquée s'éloigne, une autre à angle droit se voit coupée très vite par le cadre. A l'angle, une fenêtre masquée par une espèce d'auvent plat, destinée sans doute à diminuer le jour , sans qu'on en devine bien l'intention. En revenant vers nous, c'est une porte close où pointe un porte-lanterne en forme de potence.
Cette ferraille porte en son bout une tige métallique, d'électricité ou de hampe à drapeau (il me semble que les piliers mentionnés tout à l'heure présentaient un mélange de rouge, de bleu et e jaune, en couleurs autrefois pimpantes aujourd'hui fanées ; il y a des lieux ternes que rien ne peut égayer) – mais poursuivons, revenons vers nous pour voir ou constater une fenêtre assutément jumelle de celle du fond, dégagée de tout préau guilleret, dont je croyais distinguer les volets à persiennes : erreur. C'est un assemblage moderne de baies rectangulaires à la verticale : deux battants fermés, une imposte, et, de chaque côté, renforcées par deux meneaux de pierre, deux autres fenêtres et deux autres impostes, le tout étroit comme une vieille fille.
Près de l'angle saillant ne manque pas la gouttière, verticale et fonctionnelle. L'aile du bâtiment du fond présente une porte-fenêtre de même espèce, et l'on sent bien, de toute cette énumération, qu'il n'y a là que fausses ouvertures, que tout ce verre étalé sépare au lieu d'unir, comme des yeux recouverUts d'une taie. Toute cette vitrerie ne fut plaquée là que pour rénover un bâtiment de piètre pierre, badigeonné de gris avec application, qui sent la désaffectation, l'abandon et pourquoi pas la mort. Devant, tenant 60% de la surface, la cour en terre battue creusée d'irrégularités, de flaques en formation peut-être, le temps est au crachin. Le sol s'éclaircit en remontant vers l'habitacle, sont ce dernier semble l'émanation pétrifiée. Tout est banal comme un fait divers de cul.
Jamais la municipalité n'a eu vent de mes projets, jamais ils n'ont été en vente. Sinon l'on n'eût pas manqué d'énergiques protestations, municipales et autres, sur la bonne qualité de l'enseignement et de son bâtiment, sur les côtés riants de cette "charmante bourgade" e tutti quanti. Mais ce cliché, et l'orientation de mes imaginaires, ont transformé d'office, avec mes préjugés, le village en lieux maléficiés. Que les habitants me pardonnent. Mais dans ces bleds, on se fait chier. Le cliché remonte aux années 70, tout est enseveli désormais dans le neuf, le riant, les petites images aux fenêtres, le "dynamisme" d'une "équipe pédagogique dévouée" qui "épanouit nos enfants", mais rien ne remplacera mon père qui habite là, pour toujours, avec sa blouse grise et sa solitude de marabout effaré.
Cette photograhie figure ans un de ces petits albums-gadgets, où les clichés s'enfilent aux quatre angles dans des lunules de papier-carton blanc. Juste an face, ma femme en mariée, entre son amie Muriel et sa mère en gants blancs. Elle baisse les yeux avant le sacrifice. Il est vrai que cette autre photo est en couleur. XXX 64 02 13 XXX
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