LE SINGE VERT N° 20 - 25 INTROUDUCLUS

SINGE VERT N° 20

CETTE FAMEUSE ÉCOLE QUE VEULENT TOUS LES FRANÇAIS 12

OU

LE VENT PROFOND DE LA RéFORME (PROUT...)


UN PROF - DEUX ELEVES

Le décor représente une salle de classe. Sur une table un "élève" (?) affalé. "Pose son sac sur la table et attend".

LE PROF : Sortez vos affaires. (Aucune réaction).

L'ELEVE A grommelle.

L’ELEVE B obéit

LE PROF : Sortez vos affaires s'il vous plaît.

L'ELEVE : J'ai pas de stylo.

LE PROF : Ca ne fait rien. Avec un crayon.

L'ELEVE avec un soupir à fendre l'âme, condescend à sortir un crayon dégueulasse.

- J'ai pas de feuille.

LE PROF : Ca ne fait rien, on va t'en passer un. (L'élève B lui passe un crayon). Ecris la date.

L'ELEVE : J'ai pas envie. (Il s'effondre à nouveau).


SURVIENT UNE'ASSISTANTE SOCIALE : Alors comme ça il ne veut pas travailler le petit garçon ?

L'ELEVE : J'ai seize ans et j't'encule.

L'ASSISTANTE SOCIALE, caressant l'élève comme un chien :

Il ne veut pas travailler le petit nélève ! C'est parce qu'il a un mauvais professeur, c'est ça ? Oh oui c'est ça il a un mauvais professeur le petit nélève.

AVEC UN JOURNALISTE, sur un air d'Offenbach :

"Il a un mauvais professeur

"Il a un mauvais professeur

"Vais professeur

"Vais professeur...

L'ELEVE fout une baffe à l'assistante sociale.

L'ASSISTANTE SOCIALE, angélique, en devant de scène Tout ceci est parfaitement normal ! Les tensions sociales...

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LE JOURNALISTE, approbateur et indigné

"Et bla-bla-bla

"Et bla-bla-bla

LE PROFESSEUR

...La situation familiale...

LE JOURNALISTE, même jeu :

"Et bla-bla-bla

"Et bla-bla-bla

LES AUTRES ELEVES

On pourrait travailler ?

TOUS :

Vos gueules, bourgeois !

LE JOURNALISTE :

Vous en apprendrez beaucoup plus en écoutant...

L'ASSISTANTE SOCIALE :

...Comment t'appelles-tu mon petit ?

L'ELEVE :

J'temmerde.

LE JOURNALISTE :

...en écoutant J'temmerde qu'en vous soumettant à un cours ! ...

On ne les laisse pas parler !

...Donc ils ne savent pas parler !

Ils ne font qu'écrire, qu'écrire, qu'écrire !3

...Donc ils ne savent pas écrire !

LE JOURNALISTE ET L’ASSISTANTE SOCIALE

"C'est logique, c'est logique,

"C'est logique, c'est logique !


LE PROFESSEUR

Ça c'est vrai nous avons tort, de toute façon nous avons tort, nous devons nous

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moderniser, moderniser, moderniser !


TOUS sauf les élèves

"La-la-la-lère, tra-la-la-schtroumpf, let's be modernaïzeud une fois !"


LE JOURNALISTE :

L'école c'est l'esclavage ! Voyez toute cette belle jeunesse enfermée quand il fait beau dehors !

Chaque élève doit pouvoir choisir librement son entreprise !

Vive la liberté !

Choisir librement sa secte !

Chacun doit pouvoir afficher sans fausse honte les insignes de sa religion !

De ses convictions politiques ! (il enfile une barboteuse)

Moi j'arbore le symbole des Pédophiles démocrates !


UN JOURNALISTE :

On ne peut pas non plus accepter n'importe quoi (il enlève sa barboteuse) (face au public)

Pour les crétins qui sont dans la salle : deuxième degré.

Il faut fusiller l'auteur !


L’ASSISTANTE SOCIALE

Même pas ! l'étouffer, ne plus parler de lui !

LE JOURNALISTE :

D'abord est-ce qu'il est parisien, cet auteur ?

L’ASSISTANTE SOCIALE

Premier degré...

LE JOURNALISTE :

Au nom de la laïcité, chacun doit pouvoir s'exprimer librement ! (il tire de ses poches des symboles religieux et change de voix en les brandissant alternativement)

- Qui veut ma croix ? demandez ma croix !

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- Qui veut mon étoile ? demandez mon étoile !

LES ELEVES :

- C'est une honte !

- Fusillez l'auteur !

LES RELIGIEUX :

- Qui veut mon croissant ?

    • Haha ! la croix plus le sang !

    • POUR LE CORPS ENSEIGNANT, LE CORAN SAIGNANT !

Ils se battent.

LE JOURNALISTE, enthousiaste :

Vive la liberté !

LES ELEVES :

M'sieur, quand est-ce qu'il commence, le cours ?


TOUS, précipitamment :

On sait mieux que vous, on sait mieux que vous ! C'est pour votre bien ! Hein qu'il est méchant le professeur, hein qu'il est ringard !

L'ELEVE, et quelques autres :

Ça c'est clair ! La putain de sa mère !

LE JOURNALISTE en colère (en français : angry) :

Voyez tout le mal que vous avez fait : ces pauvres enfants...

LA CLASSE pousse un profond gémissement

LE JOURNALISTE :

...ont tellement intégré les valeurs bourgeoises judéo-chrétienne...

LES RELIGIEUX

Grrr ! grrr ! attention ! grr ! grr !

LE JOURNALISTE :

...qu'à présent c'est eux-mêmes qui réclament leur propre aliénation !

LE PROF, honteux et confus :

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C'est vrai, nous sommes dépassés, nous ne sommes plus les seuls détenteurs du savoir, nous sommes des minables, nous sommes des trous du cul. Tous les hommes naissent libres et égaux en droit.

L’ ELEVE :

Attention ce connard essaye encore de nous bourrer la tête !

LE PROF :

Mea culpa, mea culpa...

L’ELEVE :

Oh l'autre con, avec sa prise de tête !

LE PROF :

Mea culpa, mea culpa...

L’ELEVE :

Surtout que t'as laissé tomber ta savonnette, warf warf - la putain de ta race !

LE PROF, voulant être drôle :

Con. Ta race, con.

L’ELEVE :

Oh l'autre con , avec sa prise de tête !

Les cahiers au feu, le prof au milieu !

LE JOURNALISTE, IMITANT LES RELIGIEUX :

Pour le bûcher, on s'en charge.

LE PATRON

Viens viens dans mon entreprise

Connaît pas la crise

Tu seras bien payé

Viens tout balayer

L’ ELEVE balaye

L’ASSISTANTE SOCIALE

N'oublie pas ton euro cinquante.

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TOUS EN CHŒUR

La liberté, la liberté ! Des réformes, des réformes!

LE JOURNALISTE

Il faut raser Notre-Dame et la remplacer par un gigantesque parking ! La capigée est engortale ! Euh, la capitale...

L’ASSISTANTE SOCIALE

Recouvrir la Seine pour en faire une gigantesque voie de pénétration !

DES TECNHICIENS apportent des ordinateurs :

Voici-voilà

Voili-voiça

la solution

the solucheunne

the solucheune

la sooooo - lution !

L'ORCHESTRE : Pouêêêttt !


LES TECHNICIENS branchent les appareils, les élèves s'y ruent.

UN ELEVE : Il y a du cul !

L’ASSISTANTE SOCIALE :

Non non ne regardez pas ! ca donne des boutons !

Ça donne de l'herpès !

LE JOURNALISTE

Ça donne le sida !


TOUS EN CHŒUR, musique d'Offenbach :

Donne le sida, donne le sida, dooo-nne leueueueue sîîî - daaaaah !

L’ASSISTANTE SOCIALE

C'est la faute des profs pédophiles !

LE JOURNALISTE

Ne m'en parlez pas ! y en a de plus en plus !

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L’ASSISTANTE SOCIALE

C'est comme les curés !

LES RELIGIEUX

Grrr ! grrr ! attention à ce que vous dites ! grrr ! grrrr !

LE PROF :

C'est vrai que je les aime bien moi les élèves...

On le fait taire.

L’ASSISTANTE SOCIALE

Vous ne pouvez pas les saquer !

LE JOURNALISTE

Vous notez à tort et à travers !

L’ASSISTANTE SOCIALE

C'est nous qu'on veut noter les copies !

LES ELEVES

Ouais, c'est ça ! vive la révolution ! vive la liberté !

LE JOURNALISTE

Il faut supprimer le latin, ça ne sert à rien !

TOUS :

Ouaiaiais !

L’ASSISTANTE SOCIALE

Supprimer le grec, c'est une langue morte, pouah, beurk !

TOUS, crachant : Ouaiaiais !

LE JOURNALISTE

Supprimer la littérature, ça ne sert à rien !

TOUS :

OUAIAIAIS !

L’ASSISTANTE SOCIALE

Supprimer les arts plastiques, ça...

TOUS :

...c'est déjà fait !

LE JOURNALISTE

Il faut supprimer toutes ces conneries qui prennent la tête et qui servent à rien !

L’ASSISTANTE SOCIALE

Leur apprendre à faire un chèque, à rédiger un déclaration d'impôts, à jouer en bourse, à spéculer, à conduire, ça, c'est Hûûûtile !

TOUS :

Ouais !

LES ELEVES, scotchés à l'ordinateur :

Ouah dis donc tout ce qu'on apprend là-dedans ! Regarde : la capitale de la France c'est Paris ! Tu savais ça, toi ?

UN ELEVE :

...Et en temps réel, dis donc !

UN AUTRE

Total respect !

TOUS :

Vive la liberté d'expression ! (en chœur) C'est nous les Parisiens qui revenons de loin...

Ramenant notre fraise pour en faire du foin !

Et nous portons au cœur

Les couilles du facteur !

L'ASSISTANTE SOCIALE :

Je ne suis pas Parisienne

Ça me gêne

Ça me gêne...

LE PROF

Cette pièce est une honte. Au moment où chacun, face à la montée de la barbarie et du barbarisme...

LES ELEVES :

Oh l'autre, avec sa prise de tête !

L'ASSISTANTE SOCIALE :

...s'efforce de dégager un consensus...

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LE PROF :

...moi l'nœud...

LES ELEVES :

Oh l'autre con, avec sa prise de tête !

L'ASSISTANTE SOCIALE

...un auteur venu d'on ne sait où, que personne ne connaît...

LE JOURNALISTE

Tu connais ce type-là, toi ?

L'ASSISTANTE SOCIALE

Non, et toi ?

LE JOURNALISTE

Faut défendre notre sac de riz somalien...

L'ASSISTANTE SOCIALE désignant le PROF

...cet individu va ruinant les efforts vertueux de toute une population vertueuse qui se débat vertueusement sur le terrain vertueux de tous les défavorisés sociaux...


L’ELEVE :

Je t'emmerde...

L'ASSISTANTE SOCIALE, triomphante :

Vous voyez bien ! allons-nous laisser un obscur dramaturge saper tous nos efforts, dénaturer, salir, traîner dans la merde toute notre vaste entreprise de rédemption universelle...

L’ ELEVE :

Ta gueule la pouffe...

L'ASSISTANTE SOCIALE

...Un intello de mes couilles qui n'a même pas de talent...

LE JOURNALISTE, très grave :

On ne doit pas rigoler de tout comme ça. Il y a tout de même des limites...

LE PROF :

Poil au nez...

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Silence glacial.

LE JOURNALISTE :

...à la liberté d'expression ; on ne rigole pas avec la misère sociale ; avec les ethnies différentes ; même les Belges.

LE PROF

Les Belges ne sont pas une ethnie. Ce sont même des êtres humains.

LE JOURNALISTE

Ah bon. Je le note. (Au public) Pour les crétins : deuxième degré. (Revenant ) On ne rigole pas avec les religions.

L’ASSISTANTE SOCIALE

Avec l'Etat.

LE PROF

Surtout quand l’Etat pète (il pouffe)

L’ASSISTANTE SOCIALE

Avec Ceaucescu.

LE JOURNALISTE

Avec le drapeau français.

L’ASSISTANTE SOCIALE

Avec rien. On ne rigole plus avec rien. (A l'élève) :

Il n'y a que toi qui as le droit de rigoler avec ta misère. Qu'est-ce qui t'éclate, qu'est-ce qui te fait marrer, toi, ô Défavorisé ?

L'ELEVE :

Ta mère qui suce les ours devant le Monoprix.

LES ELEVES ET LE PROF s'esclaffent. GUEULE du journaliste.

LE JOURNALISTE :

Un jour tout sera bien, il n'y aura plus de mauvais élèves, plus de chômage, plus de guerre, plus de viols...

LES RELIGIEUX

Ben qu'est-ce qu'on va faire, nous autres ?

CETTE FAMEUSE ECOLE QUE VEULENT TOUS LES FRANÇAIS 20-22




LE JOURNALISTE

Un jour tout sera réso.. résoudé... résolvé...

On sera tous heureux...

Les ELEVES et l’ASSISTANTE SOCIALE, BEATS :

Gnagnagnèèère...

LE PROF

Exemple : je me fais traiter d'enculé une fois par trimestre. Je suis un professeur moderne.

J'invite les flics en cours, pour expliquer aux élèves ce qu'ils risquent en fumant et en trafiquant. Je suis un professeur moderne.

J'accompagne ma classe en week-end de poterie et de poney. Je suis un professeur moderne.

Je n'exige pas de devoirs de mes élèves, surtout pas à date fixe, pour ne pas les traumatiser. Je suis un professeur moderne.

Je transforme chaque cours en psychodrame pour deviner pourquoi Dugland ne veut pas sortir son stylo. je suis un professeur moderne.

Je transforme le cours suivant en psychodrame pour expliquer pourquoi Dugland ne veut pas cette fois sortir son livre. Je suis un professeur moderne.

Je transforme le cours suivant en psychodrame pour comprendre pourquoi les élèves archaïques voudraient bien "travailler" au lieu de se demander pourquoi l'élève Dugland empêche son voisin de participer à l'oppression générale en écrivant la date sur son classeur.

J'explique pourquoi les parents m'écrivent que je note à tort et à travers, je décide que chaque élève se donnera à lui-même sa propre note : je suis un professeur moderne.

Depuis des années d'ailleurs j'obéis aux injonctions démocratiques du gouvernement et du rectorat m'enjoignant de noter trois points au-dessus mes devoirs, afin que les statistiques de réussite fassent apparaître un nombre suffisant de candidats reçus : je suis un professeur moderne.

Je comprends très bien que l'élève Dugland, ayant des problèmes familiaux, n'ayant pas pu se coucher avant deux heures du matin pour préparer son exposé sur le rap, arrive en retard de deux heures, sans avoir pu faire son exposé qui constitue une surcharge de travail considérable. D'ailleurs les explications et le plan que je lui ai fournis n'étaient pas suffisants, je m'en repens CETTE FAMEUSE ECOLE QUE VEULENT TOUS LES FRANÇAIS 20-23





profondément, je suis un professeur moderne.

Et puis ils étaient trois à préparer cet exposé, c'est Trucmuche et Duglu qui ont tout fait, mais il n'y a pas de raison pour que Dugland, qui n'a strictement rien fait, n'ait pas exactement la même note que les autres, d'ailleurs qu'est-ce que c'est que cette manie fasciste de mettre des notes tout le temps.

L'élève m'a envoyé son poing dans la gueule, j'ai mal su le prendre, il est à un âge difficile, j'ai dû manquer de diplomatie, je suis un professeur moderne. De même ce matin j'ai salué la petite Martine de façon un peu trop aimable, il est donc tout à fait logique que les parents portent plainte pour attouchements, je ne dois pas regarder les jeunes filles qui :me sont confiées, cela pourrait les traumatiser que je regarde leurs jambes pudiquement dénudées jusqu'à la touffe, je suis un professeur moderne.


MOI, carrément :

L'école est une violence infligée à l'enfant. Il serait mieux dehors à se battre à coup de battes de base-ball sur la pelouse défoncée, où à s'instruire en lisant les tracts des sectes qui rôdent autour du bâtiment. La liberté, c'est le monde extérieur. Vous ne trouvez pas que ça serait passionnant d'initier l'enfant au monde contemporain, à la vraie vie du dehors, au lieu de le raser avec des trucs du passé qui ne servent plus à rien ? Je vous donne quand vous voulez le nom et l'adresse de la mère d'élève qui m'a dit ça un jour. L'école, c'est une prison. ASSASSINS. ASSASSINS DE JOURNALISTES, DE PSYCHOLOGUES, DE SOCIOLOGUES DE MES COUILLES.

Apprentis sorciers. Fourriers du fascisme, du véritable cette fois, de la Bête Féconde. Et fécale, on n'en est pas mauvais jeu de mots près. Assassins. Introducteurs de l'islamisme au nom de la laïcité '"Le foulard, ça leur apprendra la différence - Bon, je mets ma croix gammée, j'ai bien le droit d'être différent, merde!). Faites des prières pendant les cours. Distribuez des tracts syndicaux et politiques, allez-y, discutez des prochaines élections, parlez-nous de la Bosnie, les spécialistes pullulent, l'école c'est fait pour être rigolo, rigolo, rigolo. On n'est pas sur terre pour se prendre la tête, on est là pour rigoler, hahahahaha, et qui ne rigole pas est un facho.


Nous sommes, nous autres les profs, des combattants d'arrière-garde. Dieu est une

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bande dessinée, il porte des chaussures Nike (ta mère), il est Allah page. La philo, ça s'apprend en deux ou trois formules. Freud n'existe pas, il est mort, la preuve qu'il avait tort, c'est qu'il n'a pas appliqué une méthode scientifique, il ne s'est servi que des observations sur sa propre personne, et moi je suis un type vivant, je sors en boîte et je m'éclate et je dégueule mon Malibu, la boisson branchée, bientôt il y aura un pannau Coca-Cola sur Mars, ceux qui le déplorent sont des ennemis de Bénetton, des merdes agonisantes et des rabat-joie mous de la nouille, autrement dit des profs.

Qu'est-ce que c'est que cet enseignement qui se fait encore en français alors que la langue of the future is l'english, qui se fait encore de bouche à oreille, ah ! les organes obscènes, une bouche c'est fait pour sucer pas pour parler. Suck it babe, suck-suck. Et tous le monde à l'Internet, "combien de pays sont-ils traversés par le Danube", ça c'est le summum de la géographie coco, "combien par la Tisza" ça c'est de la subversion mon con, on supprime.

Tous dehors pour la manif tous ensemble pour gueuler contre l'insécurité dans les cours surtout toi, et toi, et toi, qui semez précisément l'insécurité dans les cours, petits anges de mon cul, et qui déconnez d'une part en classe d'autre part dans la rue contre le déconnage, on ne vous a pas foutus à la porte parce qu'il faut préserver vos chances pour l'avenir, vous êtes nazis mais vous pouvez toujours évoluer, vers l'islamisme par exemple, c'est très mode. Toi la fille ta gueule. D'ailleurs t'es tellement conne que t'as été détruire les centres de planning familial pour rester une vraie femme bien confortablement soumise. C'est pas la même fille ah bon pardon - gourance.

C'est tout ça qu'il faut dire à notre belle jeunesse et ne pas lui bourrer le mou avec Molaire, Mollard, Molière, comment y s'appelait déjà ce Vieux, beurk - comme chantait Jean-Yves Simon "Dans la rue y avait la guerre On leur apprenait Molière", qu'est-ce que tu veux mon con, distribuer des fusils aux gosses ? T'as gagné, va au Libéria, va à Belfast.

On ne modernise pas l' "Education Nationale", moi je préférais l' "Instruction Publique". On ne "modernise" pas Dieu en lui foutant des chaussures de basket et une casquette à l'envers. L'instruction, c'est sacré. C'est le rapport sacré de confiance entre une classe et un adulte qui transmet le savoir. C'est éternel, c'est depuis la nuit des temps. Tout le reste c'est de l'habillage, c'est du bidon, c'est de la couille.

PREMIERE CHOSE : ON ARRETE DE TAPER SUR L'ECOLE, DE TAPER SUR LE SAVOIR.

Redonnez la confiance et vous aurez effectué toutes les réformes du monde. Regardez CETTE FAMEUSE ECOLE QUE VEULENT TOUS LES FRANÇAIS 20-25





où on en est arrivé avec vos conneries. Admirez ce document qu'une de mes collègues est obligée de faire circuler et signer dans une classe pour remettre un peu les pieds sur terre à la populace - ce serait déjà un premier pas, LE premier pas indispensable. (Document inclus) (introuvable...)

Vous vous rendez compte du point où on en est ?

Et vous ne savez pas le plus beau : il y a eu des parents pour venir soutenir mordicus leur progéniture en tapant du poing sur la table, avec la copie à la main pour refaire les corrections ligne à ligne, pour soutenir qu'on pouvait fort bien venir en classe et suivre sans apporter ses affaires, et que la prof n'était pas ouverte au dialogue?

Il faudrait donc discuter à chaque fois avec Monsieur le Fils ou Mademoiselle Fifille pour voir si ça ne les dérangerait pas trop de faire cours ?

Sales profs, sales profs, rétrogrades, vieux pantins, punisseurs, brimeurs de la jeunesse, flemmards, tous pédophiles à leurs moments perdus on sait ce que ça cache la vocation pédagogique, même racine pédo-pédé, sauf les femmes bien sûr qui sont des petits anges c'est bien connu mais ceci est une autre histoire, du courage les filles, les femmes, "les précieuses à l'assaut des banlieues" parfaitement, virez les nazis, virez les nazis, les connards à casquette, les connards à insultes, ne leur laissez aucune chance, je m'en fous de virer les trublions, qu'on les foute dans des établissements spécialisés.

Un jeune, un éducateur, un flic ; un jeune, un éducateur, un flic. Autrefois c'était un enfant, un papa, une maman. C'est ringard, "papa-maman". Alors un jeune, un éducateur, un flic. Comme ça on aura la paix. Et je te ferais signer, moi qui vous cause, moi le Singe Vert complètement dingue, je te ferai signer un papier aux parents, un déclaration qui les engage à élever leur enfant dans le respect d'autrui et de la démocratie, et défense de procréer si l'on n'a pas signé fidélité à l'Etat et à la Constitution, bon d'accord je déconne, on dirait du Staline, je ne le referai plus. Et quand on n'a pas de conditions de vie suffisantes, quand on n'a pas le niveau de culture, c'est-à-dire de tendresse suffisant, pour élever un enfant, eh bien on n'en fait pas.

Résistons. Eduquons. On ne baisse pas les bras, allez allez, ça fait quatre mille ans que le monde est en décadence, rien à foutre, ah ! salauds de journalistes qui ne voulez voir que l'instant présent, le catastrophisme présent pour mieux vendre leur camelote sur papier, salopards de présentateurs télévisés, je t'en foutrais de l'échec scolaire, je t'en foutrais des avalanches de calomnies perfides, un jour le journaliste fera l'événement, c'est Balzac qui l'a dit, ce vieux con. CETTE FAMEUSE ECOLE QUE VEULENT TOUS LES FRANÇAIS 20-26





Tous ensemble pour la culture, contre vents et marée, Attila est déchaîné, même au plus fort d'Attila il y a eu des lettrés pour passer le flambeau, nous sommes de ceux-là, nous résistons aux injonctions criminelles et destructrices des éboulis de réformes qui nous tombent sur le calbar, je jure qu'en l'an trois mille nous aurons encore des Hommes qui connaîtront Mozart, Mickey l'Ange et Julien Gracq, je le jure, Juro, Juro, Juro.

Mais délivre-nous des fascistes mon Dieu, toi le Vieux là-haut qui n'existe pas, délivre-nous du mal, délivre-nous du fasciste, tu le reconnaîtras à sa batte, à sa casquette et à son pitt-bull. Dans la rue. Dans la rue les profs, sauvons la Civilisation , ne nous laissons pas submerger par les complexes comme ils disent, relevons fièrement la tête, nous sommes modestes, ma parole que nous sommes modestes, comme des prêtres, sauf certains, mais ce qui passe à travers nous, ce dont nous sommes les modestes tuyaux conducteurs, les modestes fontaines, c'est la Civilisation, la Culture, l'Homme, e tutti quanti, je vous jure que nous sommes tous des minables, de modestes mortels, des hommes comme tout le monde, sans un poil de supériorité sur qui que ce soit, sauf sur la Bête, mort à la Bête, mort à la Bête, amen, amen, amen.

COLLIGNON HARDT VANDEKEEN

DER GRÜNE AFFE / LE SINGE VERT N° 21 – LA PORNOGRAPHIE 21-27




...Quelle ne fut pas ma surprise ! Ça alors ! Même Charlie-Hebdo, ma publication favorite, entonnait la rengaine du porno « qui n'est pas du cinéma », qui est « ennuyeux », qui « avilit la femme, le corps et la sexualité en général » - je ne cite que de mémoire. Merde et merde ! le contempteur du « retour à l'ordre social » se met à emboîter le pas aux curés, aux bonnes femmes du Women's Lib et à toutes les bonnes femmes en général, car le porno, c'est comme le foot : à 90%, masculin. Parce qu'à Charlie-Hebdo, les rédacteurs je suppose se la jouent couillus éternels, la baise franche et joyeuse, y a qu'à se bai(s)ser, les filles c'est facile et la peinture à l'eau c'est salaud. Nous avons remisé toutes ces vieilles pétaineries pudibondes au rancart, tout le monde se regarde droit dans les yeux et se fait son « contrat baise » d'homme à femme ou de femme à femme, etc. (x possibilités ). Bref l'éternel, le sempiternel, le gerbatif Y'A QU'A. C'est exactement comme trop souvent la prétendue éducation sexuelle encore maintenant : aucun renseignement de la part des parents, et à partir d'un certain moment, « Oh ben vous devez être au courant de tout, à votre âge » - que dalle ! A présent que la Grande Réviolution (lapsus ordinatoris, c'est trop beau, je garde) est accomplie, les filles se baladent à poil y'a qu'à leur demander, les mecs c'est pareil tu leur fous la main à la braguette et hop (ou pas hop...).

Quant à toi qui te plains dans ton coincoin avec tes airs d'épagneul, tu n'as pas su t'y prendre nananère. Et les filles m'a dit ma femme (si invraisemblable que cela paraisse, le Singe Vert possède une Guenon légitime) se disent la même chose entre elles ! ...Moi, je vous parle du côté vergé, cela fait deux mille ans que j'entends la même rengaine. Jamais, vous m'entendez, jamais je n'ai entendu autre chose, que le mec soit petit, gros, intello, rugbyman, employé, militaire, prof, étudiant, éboueur, autre chose que des récits de « coups faciles ». JAMAIS tu n'entendras le récit d'une défaite. JAMAIS un garçon ne te dira en face « J'eusse aimé l'avoir eue, mais pas moyen », encore moins J'AI SOUFFERT (ça, c'est l'obscénité suprême) – à moins que tu ne sois vraiment, mais vraiment devenu un ami, ce qui s'appelle ami.

Quand tu es tout seul avec ta queue en berne, tu es tout seul mon vieux, et ce n'est ni un homme, ni surtout une femme, qui viendra te tirer. De là. Eh bien à en juger d'après les recettes du porno, je ne dois pas être le seul. Pourtant il n'y a jamais personne dans les boutiques de sexe, les revues porno ne s'achètent pas dans les bureaux de tabac (elles sont placées trop haut, tous les clients vous verraient vous hausser sur la pointe des pieds), les cinémas sont vides (je vous épargne les vannes sur les queues d'attente) MAIS ça continue sur internet paraît-il. On trouve même des

COLLIGNON HARDT VANDEKEEN

DER GRÜNE AFFE / LE SINGE VERT N° 21 – LA PORNOGRAPHIE 21-28




Américains qui vont se faire soigner parce qu'ils sont « sex-addicts » : ils ne peuvent plus faire autre chose que de reluquer du cul sur leur site – pourquoi ? Mais tout simplement parce que nous sommes tous des frustrés, je ne vois pas quelle honte il y aurait à le reconnaître ! Vous trouvez ça honteux, vous, d'être un éjaculateur précoce, une « peine-à-jouir » ? mais nous sommes des millions, nous sommes légion ! Nous sommes des millions d'homme (pour les femmes, je l'ignore, tout le monde n'est pas Virginie Despentes ; mais la seule femme que j'aie vue dans un sex-shop avait pour principale préoccupation de faire en sorte que surtout, surtout ! pas un client ne l'approche, ce qui me mit sur le moment dans une fureur extrême) à nous hypnotiser sur les films porno, et comme me disait l'un de mes innocents interlocuteurs : « Je n'ai jamais pu regarder un porno jusqu'au bout » - et pourquoi donc, mon gros malin ? (sur l'air du Petit rat de l'Opéra :

Essuie tes mains – ploum-ploum

Au Sopalin – ploum-ploum).

Et quand je zyeute un porno, je ne me relève pas pour prendre une bière, parce que je ne peux pas me relever, et parce queue je suis vraiment occupé à autre chose. C'est à ça que sert le porno. Tout simplement. « Ce n'est pas du cinéma » : bien sûr que non ! C'est juste destiné à produire chez vous un réflexe d'ordre sexuel, immédiat ou retardé, mais en tout cas à visée nettement masturbatrice, disons stimulatrice pour celles qui regardent le film en couple (ou à trois). Le porno, effectivement, n'est pas plus du cinéma que le téléphone n'est de la marche à pied, que Chevènement n'est le marquis de Sade (quoique ?...) - ou la Sainte Bible un scatalogue des feues Manufactures de St-Etienne.

Le nombre de garçons et filles, jeunes, beaux, modernes, up to date, que j'aurai vus s'offusquer de mes extases pornographiques ! et vanter comme des vieilles mémés toutes ces délicatesses des films érotiques, où on ne voit pas un poil ! Moi désolé, il me faut des poils, des sexes ouverts ,des cours de gynécologie carrément. Je suis un malade ? Oui, mais moi, au moins, je le reconnais. ...Et pourquoi selon vous ai-je besoin de voir cela ? Parce qu'il m'est absolument impossible de le voir ailleurs. Je suis marié certes, mais j'aurais aussi besoin, comme tout un chacun, de variété – les femmes paraît-il commencent à l'admettre ; à voir leurs tronches dans les rues, on ne le dirait pas...

Et comme ça fait bien longtemps que je n'ai pas tapé sur les bonnes femmes, allons-y, dans dix ans ce sera interdit (défense déjà de draguer dans la rue, au travail, dans les moyens de COLLIGNON HARDT VANDEKEEN

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transport, dans les lieux publics ; bref, il faut faire ça clandestinement dans les endroits faits pour ça, les boîtes, - très chères, très bruyantes et réservées aux djeunnz – c'est intime c'est secret PUTAIN c'est aussi sale que d'aller aux chiottes sans tirer la chasse, dites-le donc une bonne fois pour toutes). Tenez : la seule fois où l'on indique nettement la différence des sexes, “Hommes – Femmes”, c'est pour séparer les toilettes des uns de celles des autres – franchement ! moi je croyais que c'était pour fleureter :”Ici vous trouverez des hommes – des femmes” - pas du tout ! Et l'amour dans les toilettes ben non vraiment, je vous en prie n'insistez pas, voulez-vous lâcher ça voulez-vous lâcher ça ou j'appelle la police. Tu exagères Singe Vert il y a des bordels, des petites annonces des sites internet – oui mais le frustré, il fait quoi ? S'il n'ose pas, s'il est lâche, si ça me fatigue à l'avance tout ce parcours du combattant que les femmes imposent, avec la hantise de commettre la moindre gaffe – une femme une fois – j'avais déjà ma langue dans sa bouche – s'interrompt pour me dire Et puis non finalement on voit bien que tu n'en as pas envie – de quel droit elle me dit ça ? Tu es sur le point de “conclure” comme on dit dans les Bronzés qui ne font pas dans la dentelle, et paf ! tu sors une connerie, tu racontes une histoire graveleuse, tu as l'air trop raide, tu as une crotte de nez, une infime lueur de doute dans le regard, ou trop de sûreté de toi trois quarts de seconde – hop ! éliminé.

Vous trouvez ça encourageant, vous ? Parce que je le répète, la femme, en face de vous, qui vous fait courir, pour voir, le “galop d'essai”, elle n'en a rien à foutre de coucher avec vous ou non. Elle aura toujours mieux que vous à se mettre sous la dent, elle préfèrera toujours une bonne branlette à une mauvaise baise – pour les mecs c'est exactement le contraire, vous voyez bien que nous sommes des êtres primitifs. Et sans film porno la branlette, la gonzesse ! Elle en a déjà la tête pleine, bien plus riches et captivants que vos misérables images sur pellicule ! Qu'est-ce que j'en ai marre de cette différence des sexes... Naguère, je croyais encore que la femme avait tort, et qu'elle “n'avait qu'à” se conformer à la sexualité de l'homme...

Je me fais pitié, comme d'habitude... Ce que j'aimerais, ce serait d'abandonner ce ton de perpétuelle gouaille qui m'a fait complimenter d'avoir retrouvé la plume des satiriques des années 70 – salut, Charlie !) - flatteur, mais has been, tout de même. Je voudrais me remettre à ce bon vieux ton lyrique et exalté pour parler de ce que je trouve de plus beau au monde, voire avant même la cathédrale de Chartres : le film porno. Le ton lyrique est d'ailleurs exactement l'inverse du ton rigolard. La première fois que je vis un film porno, c'était en cette année bénie 74. Je ressentis une COLLIGNON HARDT VANDEKEEN

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émotion extraordinaire, je voyais enfin l'acte le plus beau et le plus émouvant, dans une ferveur quasi mystique, au sein de ce cinéma comble (tout nouveau, tout beau). Tout en moi se dilatait, et pas seulement... - j'avais l'impression d'assister à la Messe des Messes, dans le plus parfait écuménisme (j'en ai plein le cul d'entendre meugler “heûûûûcuménisme”). Mon ami – je n'étais pas seul – est sorti de là dédaigneux – c'était lui aussi un adepte du “Y'a qu'à”, “Tout est facile”, “Ben voyons tu n'sais pas t'y prendre” (c'est ç'là ouiiii, le seul qui ne sache pas s'y prendre des Cinq Parties du Monde et depuis l'homme de Néanderthal).

Mais moi, j'avais vu le spectacle le plus éblouissant, le plus délivrant, le plus exaltant qui se pût voir : l'amour, en gros plan, sans fard, avec des comédiens qui font semblant certes, mais qui au moins le font. Parce qu'à regarder les tronches dans la rue tu en arrives à te poser des questions, comment font-ils donc pour se reproduire en tirant des gueules de Chinois constipés comme ça... Quand je croise des amoureux dans la rue, je n'arrive pas à y croire, j'imagine aussitôt une erreur de casting, ces deux-là se sont trompé de film – ça ne m'est jamais arrivé à moi depuis des lustres, ai-je passé le temps d'aimer La Fontaine. Bon, ça existe, il faut en prendre son parti, et bien savoir que j'en suis exclu, comme des milliers d'autres.

Et même en admettant que je sois placé, là, soudain, direct, dans la possibilité de faire l'amour, je resterais paralysé, même avec une fille que j'aimerais, j'aurais une barre de fer dans chaque bras, un fer à cheval d'acier dans les épaules et l'air con, et, je vous le répète, ne comptez surtout pas sur la femme pour faire le premier pas, on leur a dit en deux mille avant J.-C. que ça ne se faisait pas, elles ont compris elles ont pas bougé d'un pouce depuis 6 000 ans, on n'est pas des objets c'est beau le féminisme, c'est d'avant-garde on vous dit. Si ! si, un jour, une femme a posé langoureusement sa tête sur mon épaule ! C'était devant quinze personnes qui me regardaient, quand elle était bien assurée qu'il n'y avait pas le moindre risque !

Surtout pas de risque ! Si on avait attendu après les femmes pour faire la révolution, on en serait encore à l'âge de pierre Gramsci je n'ai pas pu y résister... Vous me direz qu'elle m'avait fait la même chose, le coup de l'épaule, dans ma voiture pendant tout le trajet – d'accord, je suis de mauvaise foi. Et puis j'aurais pu la revoir ultérieurement, reprendre la conversation et le frotti-frotta où nous l'avions laissé, mais j'ai eu peur, merde ! vous ne comprenez donc pas ? Et puis ces occasions-là ça ne revient pas, et puis les femmes ça mesure tout à son aune, ça ne vous ferait rien de nous forcer un peu la main ? Nous aussi on a besoin de tendresse, bordel ! Et puis j'ai peur. De COLLIGNON HARDT VANDEKEEN

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toute façon tout va rater. Elle va se foutre de ma gueule (elles ne l'ont jamais fait). Bon sang la prochaine fois j'essaierai. Je m'y prendrai comme ci, comme ça. Il n'y a pas de prochaine fois. Je veux éviter la sueur, l'odeur, les crampes, la perte de souffle, l'éjac précoce, l'air con du mec qui désire, j'ai peur du risque. Une fois que j'ai dit cela, je me répands en poésie sur ces visages lisses, , ces corps qui jouent malgré eux, ces cheveux blonds platinés (le mouvement le plus pur et troublant du film est celui de ces mèches que l'on rattrape machinalement – pendant la saccade). Emotion, soulagement – émerveillement de voir ce que les femmes vous ont à tout jamais interdit de voir, ce constater que oui, elles sont vraiment comme ça en dessous, quels que soient leurs airs bêcheurs, et je me souviens bien du petit air satisfait avec le quel, sur les trottoirs parisiens, je regardais les femmes passer corsetées dans leur bunker de morgue, les yeux vagues (la tronche) et pensant en moi-même : “Pas la peine de tirer une gueule comme si tu étais la Princesse de Clèves, on sait comment tu es faite, il n'y a pas de mystère ! Tu n'es que cela, et je ne suis que cela.” Le porno, en somme, remet la femme à sa place.

L'homme aussi d'ailleurs, car enfin il se fait prendre lui aussi que je sache, les anciens disaient “baguer”, aussi bien que la femme, et je ne vois pas pourquoi l'on s'obstine à estimer que la femme est plus “humiliée” que l'homme – toujours cet exaspérant angélisme. Rien de plus exemplaire au sujet de la “remise en place” que la sodomie de la femme. Elle ne règne plus. Elle comprend enfin que son rôle est de faire jouir l'homme, et que, chose extraordinaire ! elle y prend aussi du plaisir. Quelle merveilleuse chose que de pouvoir se faire pénétrer de la sorte sans passer pour un pédé, alors qu'à nous autres hommes on en tartine toute une rhétorique de honte... Je voulais être lyrique, je n'y parviens pas – juste à être vaguement vulgaire, vaguement banal.

Pourtant j'étais pénétré, mais de respect, devant ces corps lisses du cinéma qui mimaient si consciencieusement le plaisir. Il n'y a qu'entre femmes, comme on le soupçonnerait, que les scènes ont l'air de s'accomplir dans une relative béatitude, tant il est vrai que les femmes ressentent tout à l'inverse de nous, rien n'étant si grave entre femmes, tout devenant si déshonorant dès qu'un homme s'y mêle. Quelles drôles d'âmes... Je pensais faire l'éloge de la pornographie, voilà que je me livre à celui de la masturbation – là encore, une pensée envieuse pour les femmes, qui ne laissent pas de traces : faisant changer mes draps dans un hôtel à Laguépie (Aveyron), j'eus la désagréable surprise d'entendre marmonner une femme de ménage : “Ça doit être un malade ; il a dormi tout seul et pourtant il y a des traces de ça” - mais chère Madame, si ç'avait été une femme, elle l'aurait COLLIGNON HARDT VANDEKEEN

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fait deux fois plus et il n'y aurait pas eu de taches – les taches de femmes pouvant être attribuées à toutes sortes de causes... Ah les veinardes... Se masturber sans taches... Se gougnotter entre elles sans la moindre réprobation, sans aspect extérieur qui vous trahisse... Pouvoir se faire sodomiser en réalisant plus encore sa féminité, alors que l'homme, lui, sort de son sexe... Pouvoir se dire “Je couche” ou “Je ne couche pas” selon le jour de son cycle menstruel, ou selon son choix parfaitement libre, sans une de ces pulsions qui vous jettent sur l'autre avec un air bestial et parfaitement ridicule... La femme gère sa sexualité.

Et si ça foire, c'est toujours la faute de l'autre, de l'homme... Ah les veinardes... Et quand tu parles de cela avec l'une d'elles, voilà qu'elle te dit que ce n'est pas du tout ça, que les hommes projettent leurs fantasmes sur elles qui n'ont rien demandé, que c'est aussi difficile pour elles que pour nous, et autres... J'aimerais consulter l'un de ces ouvrages spécialisés où l'on traite de la persistance de la “doxa”, du préjugé, après que son contraire vous a été dûment démontré... Comment faire acquiescer le cœur après le cerveau ?… Les femmes auront été dans ma vie comme une couronne de figures lointaines, entrevues à travers tout un réseau, tout un voilage – tout un brouillage de présupposés, de préjugés, de peurs...

Savoir, de façon absolument certaine, qu'en cas de subit afflux (“les pilules Bitaflu”) de virilité en moi, me poussant à refaire ma vie, à tout reprendre à zéro, “à moi les vraies conquêtes et vous allez voir”, savoir que là, juste entre les épaules et descendant le long des bras, se reglissera, se réincrustera inexorablement ce bloc physique de paralysie, que même à trois doigts de la panique de la mort (“C'est ta dernière chance, profites-en !”), le Flic, le Père, le Pape qui m'obstrue tout le cerveau se mettra sans état d'âme à resserrer ses infâmes menottes sur mon corps... Alors les petits connards qui me parlent de volonté, qu'est-ce que je les encule... Les tout petits psychanalystes de salon, surtout des femmes bien sûr, enchantées de se débarrasser d'une bite en vadrouille, qui me déclarent “pédé refoulé”, qu'est-ce que je les embrène, tous ceux qui me proposent une solution, qu'est-ce que je les tringle, et si je vous raconte tou ça, improbables lecteurs, c'est que peut-être je rencontrerai l'un ou l'une d'entre vous qui sera passé lui aussi, elle aussi, par les mêmes affres éculées, et qui se dira : “Je ne suis plus seul(e)”.

Egoïsme et lâcheté, refus de toute solution. Absence totale de l'amour, qui est avant tout une confiance – mais je ne peux pas avoir confiance en une femme. Elle te prend tout ton emploi du temps, tes amis (“comment, tu continues à fréquenter des gens aussi cons ?”), ton pognon mais ça COLLIGNON HARDT VANDEKEEN

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c'est secondaire, ton lieu d'habitation (c'est elle qui décide), tes spectacles (“jamais je n'irai voir ça, c'est trop stupide”), et dès que tu es gentil avec elle, la femme aussitôt te demande un service, une corvée, quelque chose de bien chiant. Mais je termine dans la jérémiade de gosse, ma parole. Moi qui voulais être féroce... Je disais donc : le porno me fascine. C'est mon conte de fées à moi. Enfin je peux voir, de mes propres yeux, des femmes qui baisent, choses dont je finissais par mettre en doute l'existence. Je respire largement. Mon visage devient écarlate, mais personne ne le voit. Tous les pores de ma peau, tous mes vaisseaux se dilatent, brûlés comme au siège de Troie, je prends un pied super, enfin délivré, enivré, libre – je sais ce que c'est qu'une femme, ne pensant pas encore pour le moment que dès le lendemain, je retrouverai dans les rues, à mon travail, partout autour de moi, ces êtres insensibles et glacés...

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Monsieur Polac,


Recevez mon soutien le plus total dans votre lutte contre le révisionnisme sournois (de moins en moins sournois) et l'antisémitisme le plus rampant (de moins en moins rampant), même lorsqu'il prend la forme insidieuse du philosémitisme. Pourquoi cependant faut-il que dans toute sincérité se glisse un aveuglement, une faille dans toute conviction ? M. Faget tonne à juste titre contre la guignolade des lettres ; je serais tout prêt à obtempérer, si ce monsieur ne se mettait tout à trac à vitupérer contre Marcel Proust, illisible selon lui et ne devant son succès qu'à un complot de juifs snobinards... J'ai donc lu votre article dans "Charlie-Hebdo" sur vos démêlés avec Nabe, article où vous déclarez qu'il ne peut pas plus y avoir de grand écrivain fasciste qu'il n'y a d'eau sèche ou de cercle carré ; qu'un écrivain digne de ce nom est fraternel, qu'il vise au rapprochement des peuples et à l'abolition de la pyramide sociale ; qu'un littérateur qui sème la haine ne saurait s'élever au-dessus des basses ordureries du pamphlet dégueu.

Et là-dessus vous mentionnez, au même titre que les autres, Louis-Ferdinand Céline. Or il se trouve que je défends farouchement Céline, jouons cartes sur table. J'ignore - je préfère sans doute ignorer - dans quels ignobles tripatouillages il s'est compromis, en compagnie des pires droitiers de l'Occupation. J'ai seulement parcouru "Bagatelles pour un massacre" et n'ai pu poursuivre, sentant, à la lettre, que je me souillais.

La vue d'un défilé nazi ou apparenté, film historique ou reportage hélas contemporain, soulève en moi une führer noire, j'insulte l'écran, mon coeur se soulève, voire physiquement. Comment expliquer alors que j'éprouve un sentiment de réconfort et de fraternité à lire les oeuvres de Céline communément admises dans le patrimoine ? quand je me sens seul au monde face à la désespérante insondabilité de la connerie humaine et j'en passe, mon frère Céline me tape sur l'épaule et me grommelle :

"Mais non tu n'es pas seul, moi aussi je me suis indigné, révolté, je gueule contre la guerre et le colonialisme, les manieurs de pognon, les bourreaux d'enfants et les salauds qui laissent leur fille crever en fausse-couche en refusant de l'emmener à l'hôpital." Il me redonne du courage, la force de m'indigner. Cette fraternité n'est pas exempte de rejets féroces, car de temps en temps, de loin en loin, tel paragraphe, aisément repérable, trop aisément excisable (Céline avait prévu le coup), passage ouvertement raciste, exaltant la supériorité de la race blanche aryenne, bavant sur les Chinois ou les Youpins.

C'est assurément quelque chose de stupéfiant de voir se succéder ainsi la qualité littéraire et humaine la plus chaleureuse et l'imbécillité la plus profonde. Le débat n'est pas tranché. Qu'il me soit permis cependant ce qui n'est peut-être qu'une entourloupette philosophique : au lieu COLLIGNON HARDT VANDEKEEN LE SINGE VERT


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de dire "Je pense donc je suis", il m'a toujours semblé préférable de dire "Je pense donc ça pense".

Le combat en nous de l'ange et du démon est éternel, nous sommes tous à la fois des génies et des cons, des héros et des criminels. Vous connaissez tous ces arguments... Condamner Céline écrivain au nom de certains aspects de ses écrits ou de ses actions me semble manquer de pertinence. Allons-nous refaire ici le procès de Carl Orff, commandité par Adolf, ou de Wagner.

Un éditeur de mes amis a dû supprimer d'un livre de musicologie certaines considérations oiseuses et vaseuses sur les camps de la mort, dont on aurait paraît-il pressenti la venue à l'intérieur même des cadences et de l'architecture wagnériennes. Le "Requiem" de Mozart a été utilisé pour une pub des rasoirs Gillette - pressentait-on les lames Gillette dans les mesures de Mozart ? (si ça peut vous faire plaisir, "La Chevauchée des Walkyries" a servi ô sacrilège d'illustration musicale pour faire descendre des cieux un grrros catalogue de Manufrance...)

Quant à Beethoven, il répondit un jour : "Non, je n'écris pas pour le peuple ! j'écris pour les connaisseurs cultivés."

Bornons-nous à la littérature. Avez-vous lu l'article "Juifs" du "Dictionnaire philosophique" de Voltaire ? "Les Juifs sont la race la plus infecte qui ait jamais infesté la surface de la terre", et tout l'article dans la même veine - devons-nous oublier le combattant de la justice, et l'auteur du "Traité sur la Tolérance" ? Qui traite ses ennemis de juifs : Victor Hugo - à la poubelle, Hugo ?

Qui a dit "La femme est un être inférieur, car elle ne sait obéir qu'à ses passions" ? Balzac - aux chiottes, Balzac ? Villon a assassiné un prêtre, Vigny en a dénoncé un autre pour obtenir son bénéfice laïc, le dénoncé a fini en trois mois sous les moustiques de Cayenne - virez Vigny ? Et Flaubert ? Vous savez ce qu'il a écrit Flaubert en apprenant qu'il y avait eu près de trente mille fusillés après la Commune de Paris ?

"On aurait dû en fusiller deux fois plus."

Quant à Hölderlin, le doux, le saint Hölderlin, c'est bien lui qui écrit à sa mère qu'il espère que les effets de la Révolution Française ne déborderont pas excessivement la frontière, car "il faut savoir remettre les paysans à leur place" - donc brûlez Hölderlin ? Sans oublier que Restif de la Bretonne fut fortement soupçonné de pédophilie - à brûler lui aussi ?

Il semble que jamais depuis Rousseau, le grand Victor et Sartre n'ayant pas arrangé les choses, nous éprouvions tous les plus insurmontables difficultés à désempêtrer la littérature de la Vertu. Il n'est pas d'écrivain, pas de philosophe, chez lequel on ne puisse découvrir quelque immonde saloperie susceptible de le faire rayer à tout jamais de nos bibliothèques. Si Louis-Ferdinand Céline en a fait plus que les autres, et au moment le plus inopportun, c'est indéniable ; mais il s'agit en l'occurrence vous le comprendrez bien non pas de quantité, mais d'en soi : tuer un COLLIGNON HARDT VANDEKEEN LE SINGE VERT


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homme est aussi grave - ma plume hésite - qu'en tuer six millions - là je dérape ?

C'est selon. Ma pensée se contamine. Vous direz en effet à juste titre - à juste titre ? - qu'Auschwitz fait basculer l'horreur dans une dimension autre, dépassant telle ou telle quantité, voire toute quantification des cadavres. Mais je me méfie des basculements de la raison. L'horreur a dépassé toute idée de mesure - mais devons-nous nous contenter de lancer l'anathème en lacérant nos vêtements ?

Les "documentaires nazis" - curieux assemblage de mots, voisin de l'oxymore - se diffusent à présent, au compte-gouttes, à condition bien entendu qu'un commentaire l'accompagne, replaçant de tels documents dans leur contexte. C'est même un des exercices de base des classes d'histoire, l'interprétation de documents. Et ôter le commentaire, proposer le document brut, tel quel, s'assimile à la propagande et au viol des consciences.

Peut-on envisager pour autant une réédition commentée de "Bagatelles pour un massacre" ou de "Mein Kampf" ? Je possède d'ailleurs un exemplaire en français de ce dernier, n'ayant pu dépasser la première page tant c'est mal écrit, dingue, confus, illogique, parano - mais Céline au contraire peut entraîner, lui, parce qu'il possède le don de convaincre par la seule puissance de l'invective.

Je ne pense pas qu'il soit urgent de rééditer cela, il y faudrait tant de précautions, je ne crois pas que l'humanité soit ou devienne jamais assez adulte pour lire ces choses. Dans 300 ans peut-être, lorsque la Shoah (c'est Primo Lévi qui en éprouve je crois la triste appréhension) aura rejopint sur les étagères aux souvenirs les horreurs et les exactions de la guerre de 70 - mais au train où nous allons, bien d'autres massacres seront venus occuper les mémoires, et d'ailleurs on ne lira plus - mais trêve de propos de comptoir : conchions Goebbels, Ardisson et tous ceux qui aujourd'hui subvertissent les mots, utilisent et souillent les concepts de liberté d'expression, étalent Gandhi sur les affiches - tas de bouses ! - pour promouvoir le jeu en Bourse, conchions.

Mais Céline, Voltaire, Flaubert, Balzac - sont grands, ou akbar - et peut-être trouverez-vous qu'il y a un intrus dans la liste; Voltaire, dans un de ses bons passages, a dit : "Même si vous n'êtes pas d'accord avec moi, je lutterai de toutes mes forces pour que vous puissiez continuer à le dire", ou à peu près. Personne d'ailleurs n'a pu retrouver cette citation.

Cette lettre que je vous envoie constituera le n° 21 de ma feuille de chou "Le Singe Vert" qui sera diffusée à ... 125 exemplaires - sans mention de votre nom si vous voulez - avec bien sûr tous les risques courus par tous les écrits, mauvaises interprétations, citations tronquées, etc...

J'aimerais vraiment que vous me répondiez, par voie de presse ou privément, votre courrier à ce sujet doit vous passer par-dessus la tête - afin que vous me clouiez le bec au besoin, COLLIGNON HARDT VANDEKEEN LE SINGE VERT


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pour me représenter des choses qui ne me sont pas venues à l'esprit, pour bien remettre au point, poser des jalons, enfoncer le clou etc... - à moins que vous n'ayez autre chose à faire, mais je ne crois pas que vous ayez autre chose à faire que de défendre le droit, car ce sont les portes ouvertes qui possèdent les plus solides chambranles.


A vous de tout cœur.



J'AI REÇU SA REPONSE, MAIS JE L'AI PAUMEE - DOMMAGE. SUR LE MOMENT, ELLE M'AVAIT CONVAINCU, MAIS JE NE PENSE PLUS QU'ELLE ME CONVAINDRAIT MAINTENANT.


...Et maintenant, je vais vous en prendre un, moi, d'extrait de Céline. D'un château l'autre, puis Rigodon si ça ne vous fait rien, à partir d'une émission que j'ai faite en 2046 (car le Singe Vert diffuse ! Ça s'appelle « Lumières, Lumières », sur 90,10 Mégaherz, radio la Clef des Ondes, radio antifasciste, qu'est-ce que je disais ! Et ça se capte à Bordeaux, de La Réole à St-André-de-Cubzac, parfaitement). Quant à la date, c'est pour éviter les réflexions à la con du style : « Ouh ! Mais c'est vieux tout ça ! Vous n'auriez rien de plus récent ? » - écœurante connerie d'une directrice de galerie de peinture. Et Rembrandt ? - Rembrandt, y a pas plus récent... Nous disions donc : D'un château l'autre, de Céline, à « La clef des ondes » ?

Qu'est-ce à dire ? invasion de fachos à la radio libertaire de Bordeaux ? Que nenni. L'amour de Céline n'a rien à voir avec le nazisme rampant. Ce mauvais procès, intenté à celui qui a bouleversé la littérature avant comme après guerre me gonfle les testicules depuis belle lurette. « Du temps de Céline, on savait » - ça se discute, d'une part. Et d'autre part, puceaux naïfs : croyez-vous qu'au temps de Voltaire, de Shakespeare, personne ne savait que les juifs étaient persécutés dans de sinistres cérémonies barbares qu'on appelait des pogroms ? Et puisqu'il faut aller par-là, comment se fait-il que De Gaulle, dans ses mémoires, ne parle (presque ?) jamais des juifs, mais seulement (ce qui est déjà quelque chose) de repousser du sol français « l'envahisseur » ?

Comment expliquer le fait que les services d'espionnage britanniques aient déjà su (je l'ai lu dans un « livre blanc » dont Churchill avait eu connaissance dès 1938) avaient déjà ouvert des camps de concentration pour opposant, et qu'on y pratiquait je cite « des traitements dégradants », sans qu'il y ait eu à l'époque la moindre action, la plus minuscule réaction diplomatique ? Sans COLLIGNON HARDT VANDEKEEN LE SINGE VERT


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parler des services du Vatican, de tout temps les mieux informés du monde, qui ont bien dû savoir les choses au moins autant que leurs collègues britanniques. Pourquoi (mon Dieu suis-je indiscret) personne n'a-t-il manifesté son écœurement devant l'abstention des Résistants, lesquels n'ont jamais reçu l'ordre d'attaquer un seul minable convoi de déportés, sans même en avoir pris eux-mêmes l'initiative, ordres ou pas ? Ou les cheminots ne se sont-ils décidés à « résister » qu'en toute fin de partie ? C'est la meilleure : ils ont soigneusement acheminé les juifs jusqu'à la frontière, et conclusion de la conclusion, ils viennent plastronner avec la Résistance en bandoulière ? au bout de combien de trains plombés se sont-ils dit : «Bon ça va, il serait temps de changer de bord » ?

D'accord, moi je me serais chié dessus de trouille, j'aurais joué le dingue pour crever de faim dans un asile, je suis tout juste bon à dégoiser dans un micro cinquante-cinq ans après. Froussard, veule, fielleux, sac à diarrhée, ni les nerfs ni le sang-froid que dis-je le sang glacé, le sang reptilien du pote Papon. Mais je ne viens pas faire ma leçon de morale avec ma batterie de merdailles. Et c'est cela que Céline dénonce. La frime. Il a servi de bouc émissaire. Tous les vaillants tondeurs de femmes, qui les violaient au manche à balai jusqu'à ce que l'utérus tombe à terre, ô les braves ! sont allés lui piller, lui saccager sa maison quand il s'est enfui à Sigmaringen. La question n'est pas là. Il est évident que s'il a fui au moment de la Libération, c'est qu'il valait mieux se mettre à l'abri. A l'abri des Résistants de la 25e heure. D'un château l'autre est une poche à fiel, une poche à pus qui crève. Ça se passe à Sigmaringen, avec le vieux croulant Pétain, et toute une armada de crétins tous plus fous les uns que les autres. Tout le monde se prend au sérieux, se croit investi des plus grandes foncrions « dans une ambiance fin de règne », comme on aurait dit à Paris-Match. Il y en a même un qui scrute le cours du Danube par peur de voir des flotilles envahissantes le remonter. Tout le monde est lâche, ridicule, Céline aussi, qui donne du « oui chef bien chef » à tout ce qui remue.

Nous sommes dans l'enfer de Dante ; les chiottes débordent périodiquement, l'hôtel déborde de parasites dans tous les sens du terme, avec des recoins, des radicoins, des renfoncemens, où seuls la femme et le chat de Céline, le fameux Bébert, se retrouvent. Un faux médecin veut arracher l'œil d'un patient qu'il maintient sur le billard de toute la force de ses genoux, des comédiennes rescapées du bombardement de Dresde pètent les plombs et se branlent mutuellement, les quatre jambes dans la merde qui fuit sur le palier, sous les applaudissements et les COLLIGNON HARDT VANDEKEEN LE SINGE VERT


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encouragements de la foule en délire. Epique. Dérisoire. On ne s'ennuie pas. Corruption, passe-droits à tous les étages. Et la fuite organisée. Les rails qui sautent. Les bakchichs. Les passages à tabac. Les mégalomanies. Céline qui se conserve sa petite ampoule perso de cyanure, au cas où. Je ne peux pas disserter sur D'un château l'autre. Ce sont plutôt des visions qui me reviennent, comme des nuages en accéléré dans le ciel nocturne de « Paris-Première ». Le style, le fameux style, dont Céline était parfaitement conscient, jusque dans ses effets – lui qui retriturait les phrases à l'infini jusqu'à leur donner la saveur non pas du parler, mais du faux-parler.

Le parler tel qu'on se l'imagine quand on le lit – la campagne vue par les Parisiens. Parce qu'essayez voir de les lire à haute vois, les phrases de Céline. Bernique. Ça ne passe pas. Ce n'est pas « du style d'enfant », comme disait Simon-prof-de-Sciences-Nat'. Ce sont des phrases décousues, elliptiques, ultraréférencées à la culture générale, aux phrases précédentes, parfois distantes de plusieurs lignes, des allusions à des sous-entendus. Des grognements. Des passages du présent (moment où il écrit) au passé. Tout cela forme un inimaginable assemblage de lambeaux, de haillons, à l'image de l'inconcevable effondrement de toutes les consciences dont Céline est partie prenante, avec pour seul souci, pas héroïque du tout, de sauver sa peau.

Et ce style, justement, si mal imité après lui – qu'on aurait voulu éliminer comme un grand-père malpropre – n'est plus rien chez ses épigones, parce qu'ils n'ont pas la débâcle à raconter, débâcle de tout ce qui fait le ciment de la société, voire de la respectabilité de ce qu'une mauvaise habitude métaphysique s'obstine à nous faire appeler « l'âme humaine ». S'il y a encore des hommes dans 200 ans (« l'éternité à la mesure humaine », comme le dit Lampedusa), et qui lisent, pour parodier La Bruyère, toutes passions affadies par le temps, combien ne béniront-ils pas Céline, d'avoir arraché à l'histoire ces visions apocalyptiques. Je sauve Céline par la vigueur du témoignage, par l'honnêteté de l'autodérision, par le hululement pitoyable qu'il pousse sur lui-même sans doute, mais que je reconnais aussi bien au tréfonds de ma petite âme de lapin féroce.

Aux tréfonds de vos petites cervelles paralysées et trépignantes, qui se prennent pour des héroïnes parce qu'elles ont eu le culot de NE PAS soulever les couvercles de ces poubelles à merde qu'on appelle « hommes ». Et Céline se paye le luxe de ne pas mépriser l'humanité. Il donne raison à tout le monde, sa chance à tout le monde ; se vante d'être lâche, souvenez-vous de son premier contact avec le feu en 1914, dans le Voyage au bout de la nuit. Or, mes frères, la couverture est de Tardi, et représente en collection Folio une immense ombre hugolienne, celle du château baroque de Sigmaringenn au pied duquel je fus interrogé par les flics en 1970, au pied duquel, queue droite, médite le chat Bébert, seule silhouette humaine... Céline vous parle du Mollet, Guy : « Mollet ?... ils savent pas !... ils causent !... j'irai moi, me finir dans le jardin... là !... il est grand... plutôt dans la cave ?... la cave aussi est bien propice... la chatte va y faire ses petits... régulièrement... Lili l'aide, la masse... moi, personne m'aidera...

« Lili aura pas d'ennuis... tout se sera passé régulièrement... le Parquet viendra constater... cause du suicide ?...neurasthénie... je laisserai une lettre au Procureur et une petite somme à Lili... demi-tour par principe !... »

Pas compris grand-chose ? ça ne fait rien ! vous avez haleté ! a-t-on tout dit sur les points de suspension d'asthmatique, au bord de l'agonie ! ...qui vous empoignent par la gorge ! il ne faut pas s'arrêter quand on lit Céline – point commun avec Proust, la bicyclette et les pédales : tu t'arrêtes tu tombes ! et chez Céline, c'est dans le crade que tu tombes... Tiens : Céline, médecin, vous parle d'une Mme Niçois qui crève d'un cancer, plus tard, dans un mélange d'époques. Tantôt en 59, tantôt en 44 – c'était tout proche, comme à présent serait 83, vous pouvez vous rendre compte? et si la guerre ne remontait qu'à 1983 ? Ça vous fout le frisson, non ? Alors Mme Niçois, et son médecin, qui s'appelle Louis-Ferdinand Destouches, ne pas confondre : « Mme Niçois était tel cas... son mal évoluait très lentement... une forme des vieillards... en plus, une forme pas nette du tout... envahissante, certes... et saignante... oh ! des précautions à traiter ! à accompagner, ainsi dire... gaze par gaze... pansements de finesses ! ...et le moins possible de morphine... cependant de jamais aller mieux et de toujours saigner un petit peu... « Docteur ! Docteur ! enlevez-moi ça !...

« Oh ! Madame Niçois, non !... voyons !... »

Mais c'est qu'il nous ferait de l'humour dans le charogne cancéreuse ce Céline, et dans la tendresse humaine, encore ! ça ne devrait pas être permis ! aux chiottes Céline ! qu'il a purgé de la prison à Copenhague, et qu'ils auraient dû l'achever ! Je cite – et Céline anticipe, n'allez pas croire que la chronologie soit son fort, l'Amaury – pas du tout, pas du tout :

« Que c'est si tout perfectionné, si mirobolo-sanitaire, Copenhague Danemark que c'est à se foutre le cul en mille... croyez pas un mot ! ...la condition du monde entier !... c'est-à-dire... c'est-à dire : les femmes de ménage qui font tout ! ...responsables de tout et partout ! dans les ministères, dans les restaurants, dans les partis politiques, dans les hôpitaix ! Les femmes de COLLIGNON HARDT VANDEKEEN LE SINGE VERT


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ménage qui ont le mot ! ...vous retournent un dossier, un article, un secret d'Etat, comme un agonique !... le monde dort... jamais la femme de ménage ! … termites ! termites !... le matin vous trouvez plus rien !... votre agonique est en boîte !...

Yorick ! pas d'alas ! s'ils peuvent hurler !... s'ils peuvent attendre !... morphine !... sondages ! là ! là ! moi qu'était le « vigilant » de service !... le samaritain à la sonnette !... le dernier soupir ? glinn ! glinn ! envoyez ! un de moins !... l'Erna... l'Ingrid... m'arrivaient... bâillantes... roulaient le mec hors... je dis, je parle pas du tout en l'air... Sonbye Hospital, chef de service Professeur Gram... fin clinicien !... subtil, sensible... oh, il n'a jamais dit un mot ! on ne parle pas aux prisonniers !... j'étais moi aussi, en traitement... je partais, moi aussi, en lambeaux... « 

Et ça continue ! Roulez petits bolides ! D'un château l'autre de Céline, Folio 776, bonne lecture...


« Ici Hardt Collignon-Vandekeen, le seul animateur qui fasse encore après dix ans d'antenne une émission aussi nulle que celle d'un débutant ; le seul qui profite des œuvres d'autrui pour régler des comptes personnels ; le seul qui s'arrange pour promouvoir les œuvres qu'il écrit lui-même, au mépris de toute déontologie ; le seul enfin qui veut le beurre, l'argent du beurre et le cul de la crémière, se tenant à la fosi du côté des exclus et du côté des conformistes, et qui emmerde ceux qui ne sont pas contents et qui peuvent émigrer sans dommage vers d'autres longueurs d'ondes.

Le seul qui fasse semblant de prendre ses auditeurs pour des cons et des lepénistes parce qu'ils ne le sont pas, et qui de toute façon se contrefout des réactions de ses deux auditeurs et demi, parce que d'aussi loin qu'il fasse remonter sa mémoire il s'est rendu compte, trop tard hélas à présent pour être efficace, que tous ceux qui l'accablaient de conseils s'arrangeaient pour faire exactement le contraire, tout en prétendant que pour eux ce n'était pas la même chôôôse, et que pour eux qui réussissaient et qui lui passaient sur le corps il y avait n'est-ce pas, tout de même, une autre morale que pour les ploucs qui feraient mieux de rester à leur place, c'est-à-dire lui, Collignon-Vandekeen, qui va à présent vous reparler de Céline, sans propagande fasciste au cas où vous n'auriez pas compris.

« Mais tu prends tes auditeurs pour des cons !

D'une part, celui qui me dirait ça prend certainement lui aussi, bien que je ne le COLLIGNON HARDT VANDEKEEN LE SINGE VERT


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connaisse pas, une bonne partie de son entourage pour des cons, tout en disant que pour lui ce n'est pas la même chôôôse (bis) – d'autre part : mais non mes chers auditeurs que vous avez tous parfaitement bien compris que je ne vous prenais pas pour des cons... Vous n'êtes tout de même pas aussi tarés que ceux qui ont attaqué Timsit et qui ont eu gain de cause, hélas. Eh ! Timsit ! qu'est-ce que tu feras de ton humour le jour où tes copains juifs vont porter plainte pour « humour déplacé » ?Ben tu retournes dans ton HLM. Là où les autres voudraient que tu sois, pour prendre ta place et faire pire que toi, mais pour eux, ce ne sera pas la même chôôôse (ter)...

Bon j'arrête, il paraît que des comme moi il y en a des tas, mais moins tout de même que des gens comme tout le monde, je veux dire vraiment comme tout le monde...

Céline...

Il était parano Céline. Bon à enfermer. Il l'a été d'ailleurs, au Danemark, pour collaboration presque pas voyante. Disons, en attendant son jugement. Il a profité des antisémites pour grimper au premier plan de l'édition. Oui. Mais Voltaire a profité aussi de l'appui de l'argent des esclavagistes, et il a dit et écrit des choses sur les Juifs que je ne veux pas vous répéter ici parce que c'est aussi dégueulasse que Céline, et pourtant Voltaire, le plus au courant des personnalités d'Europe de son temps, savait bien qu'en Russie les pogroms allaient bon train.

Dès 1938 Churchill et l'Intelligence Service savaient parfaitement ce qui se passait dans les premiers camps allemands, où les opposants allemands à Hitler étaient systématiquement éliminés, avec tortures et traitements dégradants. N'oubliez pas que le débarquement a été retardé de plus d'un an parce que les British ont préféré qu'il s'en tue le plus possible entre communistes et nazis pour qu'il reste un peu moins de racaille sur terre. Merci Churchill, eh là, j'ironise, pour les antitimisits...

Et je viens d'apprendre que deux personnes viennent de porter plainte contre la SNCF pour avoir parfaitement bien organisé les convois de déportés juifs et tziganes avant de se repentir un peu tard et de jouer les gros bras de la Résistance...

Honneur et gloire à ceux qui ont sauvé l'honneur – mais honte aux mêmes, parfaitement, aux mêmes, qui convoyaient les futures victimes des camps.

Céline était sur les trains détraqués de l'intérieur de l'Allemagne, sous les bombardements que c'était bien fait pour leurs gueules, essayant de fuir avec des gogols qu'on leur avait confiés, à lui et à sa jeune épouse. Et ces petits mômes ne se rendaient compte de rien, COLLIGNON HARDT VANDEKEEN LE SINGE VERT


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évoluaient sous les bombes, guidés par le chat Bébert, qui se faufilait sous les décombres pour trouver toujours un peu de sa pitance de chat. Suite de visions toujours traditionnellement hallucinantes, celle de Hambourg brûlée par les bombes au phosphore, ayant soulevé le sol en forme de gigantesque cloche sous laquelle se trouve toute une ville souterraine, éphémère et abondamment garnie de nourriture en conserve. Car la première préoccupation, après sauver sa peau, est la nourriture. Deuxième vision, celle des sous-marins planqués dans la tranchée que forme le canal de Kiel : les bombes larguées du ciel se précipitent dans cet énorme fossé à pic avec des éclatements tonitruants de feu d'artifice, tandis que le pont de fer se tord sous l'effet des déflagrations.

Quant au chat Bébert, décidément le plus sympathique, sans parler des mongols, aucun problème ne les effleure, tout le monde poursuit son petit bonhomme de vie. Bref, c'est le rigodon, comme le savent les Savoyards, la grande danse infernale, le grand chamboulement. Avec ce mélange d'humour, de fatalisme, de geignardise si caractéristique de Céline, dont c'est là le dernier ouvrage, qu'il n'a jamais vu imprimé, où ses caractéristiques s'accentuent au point qu'il s'autopastiche. Toujours à lever les bras au ciel, Céline, toujours à tout minimiser, pour noyer le gros poisson de sa culpabilité dans le gros raz-de-marée du péché originel humain généralisé... Toujours sa mauvaise foi même pas déguisée, renvoyant dos à dos les adversaires, sans que jamais le véritable enjeu de la guerre soit évoqué, tout entier occupé qu'il est à promener sa loupe sur le détail pittoresque ou sur l'emphase épique, toujours trop près ou trop loin, ce qui lui épargne les ajustements d'optique : cela lui eût permis de se rendre compte que celui qui sème le vent du nazisme, si peu que ce soit, récolte la tempête de bombes sur la binette. Il y a des gens comme cela qui déplorent le calvaire des pauvres troupes allemandes harcelées dans leur retraite par les bombardements, mais qui se gardent bien de déplorer le sort de ceux que leurs grands frères avaient massacrés dans l'allégresse quatre ans auparavant.

Il est on ne peut plus vrai qu'on trouve très rarement des personnes qui répartissent avec équité leurs lamentations sur toutes les victimes à la fois. Hélas Céline n'est pas du nombre, et chaque fois qu'il peut dans le récit mentionner quelque peu les Juifs ou autres Chinois pour leur casser du sucre sur le dos, soyez sûrs qu'il n'y manquera pas. Grand écrivain, mais toujours aussi salaud. Profitez-en, je dis du mal de Céline. «Mais à qui t'adresses-tu, là ? » A ceux qui ne m'écoutent pas. Que chacun extraie son miel. Je ne choisis pas mon camp. Je ddéplore que Céline COLLIGNON HARDT VANDEKEEN LE SINGE VERT


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fournisse tant de preuves contre lui, tant de verges pour se faire battre. Et je le félicité de ressusciter tant de visions dantesques dont je ne fus pas le témoins. Je m'adresse aux bonnes âmes, qui font la morale à Céline, mais ne lèveront pas le petit doigt pour sauver, par exemple, les chrétiens du Soudan. « Mais qu'est-ce que vous voulez qu'on y fasse, mon pauvre Monsieur ? - Rien, mais ne faites pas la morale, merci. Chers auditeurs, tendez plutôt vos rouges tabliers, comme dirait le grand Georges, Brassens, peu suspect d'aimer Céline, quoique... Vous allez lire quelques extraits de Rigodon, qui, quoi qu'en pensent certains, continue à choquer plus d'un lecteur de Télérama :

« Ecoute la fin ! Le sang des blancs ne résiste pas au métissage !... il tourne noir, jaune ! ...et c'est fini ! le blanc est né dans le métissage, il fut créé pour disparaître ! sang dominé !

« Azincourt, Verdun, Stalingrad, la ligne Maginot, l'Algérie, simple hachis !... viandes blanches ! toi tu peux aller déjeuner ! - Tu m'as engueulé, t'es content ? » Voilà. Céline, plus raciste, tu meurs. Qu'est-ce que j'en ai à foutre, franchemet, que mes descendants soient noirs ou jaunes ! le blanc, caractère récessif ? et alors ? quel problème ? pauvre Céline, dire qu'il aurait suffi de rogner quelques lignes par-ci par-là pour faire de son œuvre quelque chose qu'on aurait pu mettre dans toutes les mains ! Prenons-le dans un passage inoffensif de Rigodon : le train s'égare au centre de l'Allemagne, et il se demande si la locomotive peine ou dévale sur les pentes de tel ou tel massif : « Heureusement, nous sommes sous le tunnel... ils ont le bonjour !... broum encore ! une autre dégelée... peut-être sur les derniers wagons ?... vous dites, attendez la sortie !;;; bien l'avis de la Vigue. » La Vigue, c'est le surnon de Le Vigan, acteur en fuite comme Céline, et qui l'accompagna sans cesse ou presque dans cette débâcle dantesque. Mais si vous voulez un autre ouvrage sur cette période, lisez Les Ruskoffs de Cavanna, c'est garanti sans racisme, et c'est vachement bon, je n'ose pas dire qu'on y retrouve le même ton échevelé que chez Céline, le ton est plus noble certes, plus humain... Il serait furieux Cavanna... A moins qu'il ne se soit inspiré de l'écrivain Céline ?

Ô sulfure ! Troisième extrait ? Par exemple, il est certain que Cavanna, pour circuler à travers l'Allemagne en décomposition, n'a pas eu besoin des services de SS repentis mais un peu tard, ni du tampon du IIIe Reich sur son passeport intérieur, comme l'autre. Le voici, le Céline, en conversation avec un commandant de la Wehrmacht beaucoup plus coulant depuis qu'il est sûr de perdre la guerre : « Commandant, nous venons de voyager... beaucoup... Je sais... je sais... mais il COLLIGNON HARDT VANDEKEEN LE SINGE VERT


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faut !... Pour où commandant ? » Je ne sais plus, Céline. Ailleurs, sous d'autres bombes... Tu es fait comme un rat.... Tu as beau vouloir jouer le médecin des pauvres, pour sauver un ou une pauvre malade dans cette débâcle où l'on crève plus souvent qu'à son tour. Tu parles de ta femme :

« Lili a beau avoir été très malmenée par cette bourrasque des poursuivants et cette cataracte de briques, j'ai vu, j'ai eu assez peur, toute déshabillée ainsi dire, elle avait sauvé sa ceinture... pas rien !... ma suprême réserve... ampoules, sachets, seringue... huile camphrée, morphine... plus un petit flacon de cyanure... et le thermomètre !...

« Alors voyons !

« 38°5 !... enfin là, un chiffre !... que vais-je lui dire... je verrai plus tard...

    « Oddort !... nous devions aller à Oddort !... notre train... vous connaissez ? »

Vous avez compris : Rigodon, c'est l'épopée de la pagaïe et de l'affolement, que l'on peut noyer, subsumer comme dit l'autre, dans le baquet de sauce de la psychologie générale humaine... Sans le contexte, c'est bon ! C'est fou ce qu'on rencontre, dans ces catastrophes ! enfin la fraternité ente gens de la même débâcle ! les masques tombés ! ce que souhaitait Artaud !

« Lili, Felipe... pour une fois, je l'avoue, je bouge plus... je crois qu'ils essaient de me réveiller... et même ils me secouent... et puis peu à peu, j'entends... oh, je vais pas remuer !... qu'ils s'agitent !... j'entrouvre un œil... je vois un môme... deux... des nôtres... ils sortent du fond... c'est vrai, ils étaient au creux de cette crevasse... la preuve !... cinq... six... et qui portent chacun quelque chose... ils vont vers où... Felipe leur montre... je comprends, ils doivent porter leurs paquets à l'extérieur... camelote de quoi... de qui ?... sûr des boîtes de lait !... une épicerie ?... une pharmacie ?... j'y vois mieux... chacun une boîte... et pas que du lait, aussi des boules... et encore des confitures... Ils vont vers l'entrée... là qu'était la bâche... l'énorme que Felipe portait sur sa tête... il l'avait étalée dehors... ça que les mômes y allaient va-et-vient vider boîtes et boules... ils bavaient toujours, petits crétins, mais tenaient mieux debout, il me semblait, se ramassaient pas tant, et même je crois y en avait qui s'amusaient... là-bas aux wagons j'en avais pas un vu rire... ça va vite mieux les enfants, seulement un petit coup d'aventure, même les pires débiles comme ceux-ci, vous les voyez reboumer espiègles !... tout de même... si avortons qu'ils soient, vous les suivez plus, ils sont dans le sens de la vie... l'autre bord les vioques, vous filent, vous filent, quoi que vous fassiez ! ménopose venue, l'athlète qui se raccroche, le premier ministre asthmatique, sont plus que COLLIGNON HARDT VANDEKEEN LE SINGE VERT


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    baudruches à l'égout... bien plus ridicules que nos mômes d'asiles, pourtant très chétifs, bien navrants, mais eux on pouvait espérer, l'athlète fini on ne peut plus rien, le ministre qu'était tout vent avant, a plus de vent du tout... les nôtres mômes là passaient... passaient chacun avec sa confiture, une boule... où ils allaient porter tout ça ?... je crois à l'entrée de notre crevasse... ils revenaient tout de suite... je devrais bien me secouer... voir ce qui se passait... d'abord, vous remarquerez, aucune illusion... cette géante voûte, cette cloque de glaise ne durerait pas... je vous ai dit cette hauteur, au moins trois fois Notre-Dame... un autre coup sismique, pareil, un autre remous des profondeurs, elle existerait plus, elle s'émietterait... ceux dessous avec... je voulais bien me lever... mais la force ?... oh, j'avais bien repris connaissance, mais question de me remettre debout... »

    C'est comme ça, Céline, ça s'essouffle, c'est à bout de souffle, puis ça repart, à l'infini, comme un cœur de cardiaque, et vous voilà petit à petit, insidieusement, de phrase inachevée en bribe de proposition, plongé à l'intérieur même d'un tableau de Jérôme Bosch, si fascinant de l'extérieur, si terrifiant, et si drôle, vu de dedans... Cela s'appelle Rigodon, de Céline, et grâce à mes extraits, vous en aurez peut-être plus lu que dans les dix dernières années – moi, ce que je suis...

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Professeurs bafoués, professeurs bâillonnés, professeurs tabassés - debout ! on veut vous faire crever, redressez-vous, regimbez-vous, affirmez votre appartenance à la prêtrise, au mandarinat, lancez le baroud d'honneur, que l'espoir justement rejaillisse au sein même du plus grand désespoir ! Secouez les sales mensonges, les infectes calomnies du grand brame journalistique ! Nous que le sentiment de l'extrême indignité de la race humaine a poussés dans les sentiers escarpés de la pédagogie, à notre tour de délirer, profs humiliés, profs traînés dans la boue. D'abord il n'est pas vrai que le peuple veuille l'instruction.

Finissons-en avec cette connerie. Le peuple n'a pas besoin de rédemption, il n'a rien demandé, le peuple, il ne veut pas se prendre la tête le peuple, il veut du pain et des jeux, le peuple veut passer de Roland Garros à l'Euro-Deux Mille, de l'Euro-Deux-Mille au Tour de France et c'est tout ! Le drame de la démocratie, c'est qu'elle n'est pas véritablement appliquée. Il faut donner la parole à tout le monde : certes, à condition que ce "tout le monde" soit informé. Or que voyons-nous ? Une avalanche de bons conseils parfaitement inapplicables et parfaitement nuisibles prodigués la bave ou la guimauve aux lèvres par toute une flopée de gens parfaitement incompétents, essentiellement des politiciens, quand ce n'est pas Monsieur Machinchose au café du Commerce : "J'ai assisté à des conseils de classe, je sais comment ça se passe " - à combien de conseils de classe ? deux, trois ? moi, à trois cents et plus.

Qui s'y connaît le mieux ? Et n'est-ce pas tout de même un comble que de me prétendre que justement, moins on s'y connaît, plus on est apte à la critique, parce que les connaisseurs se sont englués dans un système et manquent de fraîcheur ? Moins vous vous y connaissez, plus vous êtes extérieurs à la chose, et plus vous êtes capables d'apporter du nouveau ? C'est quoi, cette théorie ? Alors moi, je m'y connais mieux en chirurgie que le chirurgien ? On marche sur la tête. Vous rétorquez : "Voyez le nucléaire ! Le citoyen n'est pas informé !" - certes, et il réclame de l'être. Mais sans information, il est absurde de gueuler a priori.

Alors informez-vous, et ne vous contentez pas des avis éclairés du petit cancre qui s'étonne de s'être fait saquer avec 5 sur 20 alors que toute la classe du professeur vachement incapable obtient la moyenne (pas mal, pour un prof incapable, non ?) Il y a des bavures dans les conseils de classe ? Faut-il détruire la police parce qu'il s'y produit des bavures ? Moi je n'ai vu dans les fameux conseils de classe que des profs, une quinzaine, très embarrassés, qui font tout ce qu'ils peuvent, chacun des quinze, et l'un calmant l'autre en cas de crise de parano, pour sauver le plus

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d'élèves possibles. Il est faux et scandaleusement calomnieux que les profs désirent perpétuer la classification sociale. Ou saquer les élèves d'origine étrangère, comme je l'ai vu imprimé en toutes lettres, parfaitement, et en gros, dans "Télérama" : les professeurs défavorisent les élèves maghrébins. Tel quel. Je n'ai même pas lu de lettre de protestation dans le numéro suivant. Il y a un stade où on ne réagit même plus. Calomnie ignoble. Moi qui ai assisté à tant de conseils de classe, je n'ai jamais, vous m'entendez, jamais vu quinze profs écumants de rage tous ligués pour saquer un élève de couche sociale défavorisée pour obstinément le pousser à la misère et à la rue. C'est une décision collégiale, et mûrement pesée. Et toujours remise en cause par les familles, ce que nos réformateurs de bistrot omettent bien soigneusement de dire. Les parents ont en fait tous les pouvoirs. Et il ne faut pas leur parler de "réorientation" ! Pas question que l'enfant passe en filières "inférieures" ! La technologie, pouah !

La vente, quelle horreur ! Tout le monde passe en classe supérieure désormais, au moindre froncement de sourcils des parents. Sauf quand l'élève désire devenir pilote de chasse avec quatre en maths et quatre en techno, et vient gueuler partout que l'école n'a pas été capable de lui attribuer de meilleures notes. Là, quand même, les profs essaient de persuader bien poliment le parent d'élève. J'en ai vu un, parfaitement, venir protester contre l'orientation de son fils après trois avertissements "conduite et travail" ! Je suis désolé, mais on l'a refoulé... après une belle rigolade du jury.

L'école est chargée de préparer à la vie, on nous le serine sur tous les tons. Et paraît-il elle ne sait pas le faire. C'est vrai, ça : "L'enfant passe jusqu'à vingt ans au collège, où tout est donné au travail, au mérite, à l'aptitude. Puis, à vingt ans, quand il entre dans le monde, tout change : c'est le contraire." (Signé les frères Goncourt) - mais il y a des limites. Il est du devoir, parfaitement, du devoir de l'école de montrer bien en face au petit con qui veut devenir l'élite des pilotes, et qui sait, à sa famille, qu'il faudrait peut-être un peu, on ne sait jamais, à tout hasard, se remuer le cul pour avoir des résultats bêtement scolaires, pour commencer...

Que la famille gueule ou pas... Mais si la famille gueule, eh bien qu'il passe, votre petit génie ! Il aura trois l'année prochaine, par la faute des profs - évidemment ! Ben voyons! On se demande d'ailleurs ce que l'école est encore capable de faire. Eh bien dans la vie, c'est tout simple : celui qui travaille réussit, celui qui ne travaille pas échoue. Le voilà, le "système scolaire", le "carcan" dont nous sommes "prisonniers", pauvres bourreaux que nous sommes ; et quelles que

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soient les réformes, ce seront toujours les mêmes élèves qui réussiront, et non pas les fils de riches, c'est encore de la calomnie pure et simple.

Il est exact que celui qui ne travaille pas échoue. Point. Mais les réformateurs de café du commerce veulent prendre par la main le pauvre petit élève qui ne veut rien faire afin de se livrer avec lui à un travail de psychologie sauvage. Il faut le réduire à 'infantilisme et lui promettre qu'il aura une bonne nonote sans avoir bossé. Désolé. C'est nous, à l'Instruction Publique (car je refuse l'appellation prétentieuse et irréaliste d' "Education Nationale") c'est nous qui le formons pour de bon à l'âge adulte, et non pas les dorloteurs irresponsables. Vous en ferez quoi, de votre petit malheureux qui sera passé de classe avec 8 de moyenne de la sixième à la terminale, qu'il aura été interdit de faire redoubler, interdit d'orienter prématurément ? Un minable qui exigera les mêmes droits que l'élève brillant avec 16 de moyenne, au nom de l'égalité des chances ? Qui se faufilera dans une entreprise où il continuera, vous croyez vraiment ça, à en imposer au patron avec des petites mines de victime qui n'a pas eu de chance ? Et vous irez gueuler chez le méchant patron, n'est-ce pas, sous prétexte que votre progéniture se sera fait engueuler ? Il faudra qu'il se trouve une autre place, qu'il joue en bourse, qu'il magouille, tout le monde magouille, tout le monde triche, peut-être qu'il a de l'avenir dans notre belle société contemporaine après tout, tout le monde trompe son monde, mais là comme ailleurs ce sont les plus forts qui gagnent, et pas les petits bébés prolongés par les gnagnasseries de leurs papa-maman.

Même chez les malfrats, ils se feront raplatir. Mais il paraît (vox populi, vox merdae !) que nous ne sommes que des profs qui parlons de profs et que nous ne connaissons pas "la réalité !" Les Sacro-Saints Parents ont applaudi la proposition visant à apprendre à ces cons de profs rabougris ce que c'était que le monde extérieur, ce que les Phâmilles étaient n'est-ce pas tellement plus à même de leur révéler ! Toujours cette logique aberrante du "je m'y connais moins bien que vous donc je m'y connais mieux" ! Attendez Monsieur que je vous arrête - quel est votre métier ? Gendarme? vous discutez donc entre gendarmes de problèmes de gendarmes, vous ne voyez qu'un tout petit bout de la réalité, le monde n'est pas une course poursuite entre les gendarmes et les voleurs.

  • Madame ? vous faites quoi dans la vie ? Assistante sociale ? vous croyez vraiment que vous avez une vision totale de la vie ? Et toi, qui es-tu ? éditeur, toujours dans tes papiers ? toi, boursier, toujours dans les opérations de bourse? toi, plombier ? à toujours voir des tuyaux ? et LE SINGE VERT – DER GRÜNE AFFE- NUMERO 23 23-50

  • toi ? chanteuse ? tu rigoles ? Bref au nom de quoi les profs seraient-ils les seuls à ne pas s'y connaître, la seule profession privée d'honneur, de lucidité. Des petits tas de poussière, quoi, des caricatures de 1848, alors que les textes, les situations étudiées en classe représentent justement par les propriétés inépuisables que permet la forme écrite de balayer toutes les possibilités de la réalité ? Que chacun vienne témoigner de son expérience, d'accord, ouvrons les écoles aux adultes, mais ne venons pas dire d'un air dédaigneux "les profs sont dans leur cocon", "ils n'ont pas quitté la mère" et autres imbécilités vexantes, toujours ce mépris qu'on nous tartine à la figure.

    • Entre autres réformes révolutionnaires, moi le Singe Vert je suis absolument pour la mixité de tous les âges en toutes classes. C'est-à-dire non pas pour des élèves de 18 ans en sixième après sept redoublements, mais qu'on laisse d'abord faire son cursus à l'élève, sans redoublements, puisqu'il paraît que c'est le fléau suprême. Puis, après dix ans de galère dus à ses insultes envers les professeurs, car on ne rate pas ses études pour autre chose (à part les enfants battus par leur père alcoolo certes, mais c'est une autre histoire), qu'il soit permis à l'adulte, après entretien préalable, et promesse de se faire virer en cas de trouble de l'ordre de la classe, de réintégrer les bancs de l'école.

Tu verrais un peu s'il y aurait de l'indiscipline dans les classes, tiens. Il leur dirait, l'adulte : "Moi aussi à votre âge je me suis laissé entraîner à ne rien foutre ; je sors de dix ans de chômage et de galère." Ca impressionnerait. Et à la moindre tentative de déconnage, l'adulte te mettrait une grosse tête au petit morveux, et nous ne rencontrerions plus le moindre problème de discipline. Et ce ne serait pas parce qu'on serait adulte, Messieurs des Syndicats, qu'on se livrerait automatiquement à la pédophilie ou au trafic de drogue. Nous avons vu à "Ça se discute" un jeune homme de 19 ans qui se levait à onze heures et qui attendait en se roulant les pouces que les copains rentrent du boulot pour les rejoindre au bistrot.

Illettré, mais promettant de s'en sortir. Et la mère qui allait écumer les Anpe à sa place. Nous aussi, les profs, nous connaissons ces crises de travail "Je vais travailler pendant les vacances". Ça ne marche jamais, tas d'incompétents. Encore un qui a été élevé à la sous-Dolto, "Fais ce que tu veux mon petit ça t'épanouira", bravo la mère, des coups de pied au cul se perdent; le Singe Vert ne mâche pas ses mots. Pourquoi flatter la flemme et l'ignorance, pourquoi prostituer LE SINGE VERT – DER GRÜNE AFFE- NUMERO 23 23-51





le nom de liberté, pourquoi flagorner la puissance qui veut vous détruire ? Par fascination. La puissance intellectuelle a toujours été fascinée par la puissance de la bêtise, parce que cette dernière ne s'embarrasse pas du raisonnement ni du cerveau, mais court immédiatement au plus facile. A tous ceux qui prétendent que le nombre de fils du peuple est insuffisant parmi les étudiants de l'université, je dirai qu'ils n'ont jamais vu le "bon élève" du peuple se faire persécuter par toute une classe, qui lui chipe ses cahiers, qui lui brise ses stylos, qui le brocarde et l'insulte dans les couloirs, qui le huent quand il veut prendre la parole, qui le tient à l'écart dès qu'il a obtenu une bonne note, qui le rançonne et le précipite du haut de l'escalier dès qu'il se refuse à passer ses devoirs à l'ensemble de la classe.

C'est ça le peuple. La populace. La pègre. Ça vous ne l'avez pas vu, doux rêveurs, vous n'avez jamais mis les pieds dans une classe de "pauvres enfants du peuple", fiers de leur connerie et tenant à la perpétuer comme leurs parents. Le peuple, c'est les Deschiens. C'est de ces cons-là que vous allez vous inspirer pour diriger le pays? Le mouvement que je représente n'a rien à voir avec l'extrême droite traditionnelle qui lèche le peuple de façon immonde, qui fait croire aux ignorants qu'ils en savent plus que les autres afin de mieux les tromper. Nous ne voulons pas tromper le peuple ignorant ; nous voulons l'ignorer. Il veut des jeux ? qu'on lui fasse une chaîne de jeux. Il veut du pognon ?

Qu'on lui en donne. Mais qu'il n'ait aucun droit au gouvernement. D'ailleurs c'est déjà fait. Je vais vous le dire, moi, pourquoi l'on n'élit que des profs, des avocats et des banquiers. C'est parce que les bouchers-charcutiers, les jardiniers et les femmes de ménage n'ont rien dans la cervelle, juste un petit pois, et qu'ils seraient bien emmerdés de proposer quoi que ce soit de cohérent ou de sensé pour l'avenir de la nation. Si nous avions écouté le Peuple, nous en serions encore à la peine de mort en public précédée de tortures. Il faut gouverner par décrets. Malheureusement c'est impossible, et celui qui proposerait cela serait aussitôt renversé par l'émeute.

Mais pourquoi ne pas instaurer un examen de connaissances pour tous ceux qui veulent bénéficier du droit de vote ? Un jour nous serons submergés par le peuple, qu'il soit de France ou d'un autre pays, car ils se valent tous. Nous verrons des profs se faire traîner dans la rue avec une pancarte au cou, se faire rouer de coups, se faire tuer comme au Cambodge on assassinait tous ceux qui savaient lire. Uniquement par ce qu'ils sont profs. Si nous voulons éviter cette barbarie, si nous voulons éduquer le peuple, établissons une barrière de respect autour du savoir, de quelque nature

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que ce soit. Il n'y a plus désormais que les banques et la rue. Les instruments de la démocratie sont brisés.

Nos esprits deviennent confus. J'aimerais que seuls les gens intelligents aient le droit de s'exprimer, c'est-à-dire les gens qui pensent comme moi (ici, on rigole, car c'est de l'humour). Il me suffirait d'avoir avec moi quelques milliers de personnes qui gueulent, et je me sentirais fort. Un jour un prof surgira parmi les profs, et foutra le feu aux rectorats (non, je n'y ai pas appelé, pas de procès s'il vous plaît). Les réformes nous sont imposées de l'extérieur, toutes, par un panel d'incompétents de comptoirs de bistrots. Ils n'ont jamais mis les pieds dans une classe, j'entends pour faire la classe, pas pour jouer l'inspecteur. Avant de partir à la retraite, j'aurai assisté à la nuit du Quatre Août de l'Enseignement. Ça y est les réformateurs, ça y est les Braves Gens, vous pouvez pavoiser : l'école a baissé culotte.

On va enfin remplacer les profs - ouh ! ouh ! - par internet. Ils seront juste chargés de fournir en pâture à l'Entreprise de Bill Gates des générations de décervelés qui se contenteront d'aller chercher des documents sur le Réseau (en français : le Net), et ils viendront exiger leur dix-huit. J'ai osé mettre un zéro à un élève qui avait pompé sur un manuel. Argument du réformateur de Comptoir de service : "Oui, mais ça prouve qu'il a cherché à s'intéresser à la matière au lieu de ne rien foutre". L'école apprend à travailler, pas à pomper. Pourquoi est-ce que je me fatigue, moi pauvre couillon, à lire au bac avant le début des épreuves que toute tentative de fraude sera sanctionnée ?

J'ai osé écrire sur la copie qu' "elle ne correspond[ait] pas au niveau culturel habituel de l'élève" - les parents qui me tombent sur le paletot ! “L'élève n'a le choix qu'entre la médiocrité et la fraude” (je cite !) - on lui dénie le droit au progrès ! Certes, braves parents, certes, mais est-ce qu'on passe d'un seul coup de 8 à 18? Est-ce que d'un seul coup, là, comme ça, vous allez me courir le 100 mètres en dix secondes ? C'est devenu inimaginable, on admet que le sport c'est fatigant, qu'il faut s'user un peu à faire de l'entraînement, mais on n'admet pas qu'il faut aussi s'entraîner, et combien plus intensément, plus ingratement, sans résultats immédiatement tangibles, en ce qui concerne le travail intellectuel ?

Il est vrai que plus personne ne veut être intellectuel, maintenant, n'est-ce pas, depuis que des intellectuels ont présidé à la fabrication d'Auschwitz et de Hiroshima, il ne faut surtout plus apprendre à se servir de son cerveau ? Attends, encore plus con! "Votre culture habituelle" ! Ne COLLIGNON HARDT VANDEKEEN

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voilà-t-il pas que mes accusateurs se mettent en tête, sous prétexte qu'ils sont d'origine étrangère, que je veux défavoriser celui qui n'a pas la culture du peuple dominant, le peuple français! Et c'est reparti pour la confusion entre le mot "culture" en français, et le mot "Kultur" en allemand ! Quand je me brosse les dents, c'est ma "culture" occidentale ! Mais nous ne parlons pas de la même chose, braves ignares !

Si je vais passer un diplôme étranger dans un pays étranger, il est bien évident que je vais me faire raplatir comme un malade ! Mais je ne vais surtout pas mendier l'indulgence sous prétexte que je suis d'origine française ! Si j'ai un mètre vingt-cinq en levant les bras, je ne vais pas demander une indulgence de l'équipe de basket pour me permettre de marquer des paniers ! Je rêve ! Toujours cette infantilisation, cette victimisation ! Et attendez la perfidie ! C'est un collègue du supérieur qui s'apitoie, qui rédige la lettre pour ces pauvres immigrés persécutés par le misérable professeur xénophobe du secondaire ! Et qui s'abaisse à envoyer ça au rectorat, tenez-vous bien, pour que je puisse me faire taper sur les doigts et tirer les oreilles; Au fou ! C'en est au point où je vais demander à chaque élève où travaillent chacun de leurs parents, afin de pouvoir moi aussi déstabiliser les fameux géniteurs qui ont tous les droits, et de les faire virer de leurs entreprises. On flatte, on flatte, et on s'en prend plein la gueule à présent, dès que tu élèves la voix il y a des gens pour porter plainte parce qu'on leur manque de respect, non mais c'est quoi ce bigntz ?

Oignez vilain, il vous poindra.

Poignez vilain, il vous oindra.

Les gens ne sont plus capables désormais de supporter quoi que ce soit, ils viennent pleurer dans les bras de la justice ou de la psychiatrie. On envoie des psy sur les lieux des catastrophes, soit, mais on en vient à consoler des gens qui ont perdu tous leurs biens dans la tempête de décembre 99, à quand des suivis psychiatriques pour les personnes qui ont reçu des contraventions injustifiées ? Tout le monde se plaint, tout le monde est victime. Les profs aussi, d'accord. Oh vous arriverez toujours à m'avoir, c'est facile, tous les raisonnements sont possibles, on peut tout dire sur n'importe quoi, je n'ai pas de solution moi, je suis d'ailleurs bien le seul.

Tous les autres ont des solutions en pagaïe. Nous croulons sous les solutions. La démocratie, on vous dit. Ce qui fait, pour en revenir à ce que je disais tout à l'heure, qu'il suffira désormais de reproduire le même document par paquets de cinq pour obtenir une bonne note. D'ailleurs il n'y aura plus de note, ce sera encore plus simple. L'année prochaine, ce seront les COLLIGNON HARDT VANDEKEEN

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parents d'élèves qui mettront les notes. Et l'année d'après, ce seront les élèves eux-mêmes. Vive la médiocratie. Ils devront faire un dossier dans l'année. Du début à la fin de l'année, ils devront établir UN dossier. Bravo la variété. Et le prof devra diriger une multitude de dossiers. Et il devra noter chaque étape du dossier.

MAIS PAS L'ENSEMBLE. Amusant, non ? Bref. Nous aurons alors le choix entre le dossier indigent, fabriqué par l'élève qui manquera de documents, ou l'élève flemmard, voir supra, ou le dossier supercomplet et vachement technique, par l'élève qui aura tout ce qu'il faut à la maison, autrement dit le fils de riches, ou le travailleur. Et rebelote. Réformateurs en chambre... Moi ce que je suggère c'est bien simple : démission générale et définitive de tous les profs. Tous les cancres seront contents, ils seront enfin libérés de l'esclavage de l'école, et pourront choisir librement leur secte et leur entreprise. Et tous les autres, là, les Réformateurs, qu'ils viennent donc faire le boulot, le sale boulot à notre place.

Je leur donne à tous, vous m'entendez, à tous, six mois pour devenir aussi dingues que nous, car c'est l'enseignement qui rend dingue, et pour attraper les réflexes du prof. Tous. Deuxième partie Comme la Bible ou Nietzsche, je propose ma richesse, mon incohérence et mon incongruité, ensuite que chacun en tire ce qui l'arrange. Pourquoi n'aurais-je pas le droit de crier mes angoisses moi aussi ? Il est si facile hélas de tirer de mes propos telle ou telle phrase, pour ensuite prétendre que je suis fascisant et crier haro avec délices ! Ce n'est pas parce que je n'ai pas rencontré les bonnes personnes aux bons moments que je doive être estimé moins qu'un autre. Le paradoxe consiste en ceci : je dénie le droit à l'émergence de monsieur Tout-le-Monde parce qu'il est trop con, et je me place, ou la vie m'a placé, dans la position de ce monsieur Tout-le Monde que les Etres Supérieurs, que les Mandarins empêchent de s'exprimer (je n'ai jamais pu avoir l'agrégation, motif : "professeur ridicule"), et qui voudrait clamer au monde entier qu'il est au contraire sinon plus intelligent (je ne comprends pas Malraux, est-ce un critère ?) mais au moins plus lucide ? Me voici oracle - autoproclamé... Et je ne fermerai pas ma gueule, car tous ceux qui veulent me la fermer sont ceux qui voudraient confisquer la parole à leur profit. Ou qui se satisfont de leur obscurité. Crevez, obscurs. Je n'ai plus rien à perdre.

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Problème : étant donné ma liberté, comment se fait-il que je n'aie pu parvenir au maximum ? comment se fait-il que tout un peuple de cloportes donneurs de leçon se permet de me morigéner ? La cause est entendue. Mais je ne la rabâche pas assez. Vous comprenez - le Singe Vert n'est pas diffusé. Il doit donc se répéter. L'édition est un monde définitivement pourri, définitivement fermé comme un tombeau sur sa pourriture. Vous ne devez ni entretenir, ni faire entretenir là-dessus la moindre, la plus minuscule, la plus infinitésimale illusion. Raconter aux jeunes, aux naïfs, aux poètes, qu'il suffit d'envoyer son manuscrit par la poste ; que l'excellence du texte suffira ; qu'un manuscrit de qualité parviendra toujours à se faire élire, comme l'affirmait un auteur confirmé septuagénaire, désormais de l'autre côté de la barrière - celle des consacrés - j'ai donc répondu à sa question concernant mes livres à moi : "Non, ils ne sont pas édités ; ils sont donc mauvais ; je dois donc les refaire" - il me crut triste, certes je l'étais, mais en même temps je me foutais de sa gueule - pire encore, aller répandre ces légendes de "qualité littéraire" au sein des établissements scolaires au moyen d'intervenants extérieurs ou par des chapitres dans les livres de lecture - ne peut que relever de l'endoctrinement, de la contre-information la plus révoltante et la plus criminelle, car vous ne savez pas à quel point se monte la passion de la survie, de la gloire littéraire, chez les jeunes gens de 16 à 90 ans.

Il faut être au contraire très sévère avec eux, démolir, concasser tous leurs espoirs, non pas avec cet air dédaigneux et "tête en arrière" qu'adoptaient les cinquantenaires à l'égard des jeunes générations il n'y a pas encore si longtemps, mais avec une douceur fraternelle. Ils vous en croiront plus, et vous en seront infiniment reconnaissants. Dites-leur, sans hausser le ton, ni même sourire, ni ricaner - que le Français lit peu ; que le budget des éditions en France équivaut à celui du commerce des casseroles ; que le gâteau à partager n'est pas lourd ; que les éditeurs et autres écrivains n'ont aucun, mais alors AUCUN intérêt, les uns pour des considérations financières, les autres afin de rester entre privilégiés, à voir augmenter le nombre de ceux qui partagent ledit gâteau, de fric ou de gloriole ; que les grands éditeurs fonctionnent dans un petit cercle, ultrafermé, ultra-mondain, même sans cravate, ultraparisien, et se foutent comme de l'an quarante de recevoir ou de ne pas recevoir de manuscrits ; qu'ils préfèrent mille fois commander un ouvrage à l'un de leurs sous-fifres, même s'il ne sait pas écrire une ligne - tel ce jeune homme qui en 1986 est venu présenter à "Apostrophes" un livre qui lui avait été demandé sans en avoir encore écrit une ligne - c'était Renaud Camus tiens comme c'est bizarre nous y reviendrons - mille fois, disais-je, plutôt que COLLIGNON HARDT VANDEKEEN

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de prendre en considération votre paraît-il excellent manuscrit, qui d'ailleurs ne l'est pas, fussiez-vous Dante ou Victor Hugo ou vous-même, et l'eût-il été, qu'ils ne s'en sont même pas aperçus, qu'ils l'auront éventuellement refoulé exprès, car n'oubliez pas que chez G., le comité refuse les manuscrits au motif, si si vous ne rêvez pas, vous lisez bien, qu'ils sont trop littéraires.

Vous ne voudriez tout de même pas, vous merdeux, vous aligner avec un Rinaldi, un di Castillo, une Baroche, qui sais-je encore ! ...Les moyens éditeurs ? Même chose mon vieux, ils se prennent tous pour des grands, et à mesure que vous descendrez vers les plus petits, vous verrez croître et embellir l'argument-massue, l'argument irréfutable, l'argument larmoyant, du manque d'argent ! "Mettez-vous à notre place !" Mais oui ! Mais oui ! C'est toujours à nous de nous mettre à la place des autres ! "Mettez-vous à ma place !" - et ma fille redouble le cours prépatoire à sept ans et demie ! "Mettez-vous à ma place !" - et ma femme doit renoncer à une exposition ! "Mettez-vous à ma place !" - et je dois signer ma démission ! Alors devant le "manque d'argent", qu'est-ce qu'on fait ? Eh bien on renifle, on sanglote, on finirait bientôt par tendre une pièce de cent balles !

J'ai même connu une édition, tenez-vous bien - ils sont très forts - qui en est même venue, pour se débarrasser de moi, à m'envoyer un courrier spécial m'annonçant sa fermeture pour faillite ! Ah les porcs ! Depuis, les éditions Obsidiane se portent très bien, merci. Encore s'agit-il là d'éditions intellectuellement honnêtes, mais certaines autres prétendent qu'il s'agit bel et bien de votre insuffisance stylistique ! C'est vrai, d'ailleurs : à 99%, vous êtes nuls ; il faut voir ce qui nous arrive, des gens (je n'ose pas dire des auteurs) qui osent écrire "je m'asseya", et qui osent encore plus l'envoyer. Mais si vous n'êtes pas de ce nombre d'ignares, vous serez tout de même écœurés de voir les larves et les confitures qu'on vous préfère dans l'édition dite "petite", dite "plus accueillante". Copinage.

Même pas : le fait du prince. J'aimerais qu'il me dise un jour, ce prince : "Je fais ce que je veux, et je t'emmerde", plutôt que : "Tu ne pourrais pas me refaire ce chapitre ? cet ouvrage ?" - et ceci à l'infini, puisqu'il a décidé de ne pas me publier, ou après ma mort (c'est vendeur, ça, coco), mais il faut bien se bercer de l'illusion que l'on possède encore un sens de détection littéraire...

Donc, la grande et la moyenne (qui se prend pour une grande) éditions étant rigoureusement fermée, la petite aux mains de dictateurs fauchés, que vous reste-t-il à faire ? Le copinage ? mais ça ne se fait pas comme ça, le copinage, ça ne se décrète pas du jour au lendemain, "Allez, hop ! je me décide : je copine !" Le drame voyez-vous avec le copinage, c'est le même COLLIGNON HARDT VANDEKEEN

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qu'avec la culture littéraire. Aux parents d'élèves qui viennent me demander comment améliorer les notes (rassurez-vous : on va les supprimer) de leur progéniture, qui ne lit pas, pléonasme, je réponds non pas qu'il faut lire, mais qu'il faut avoir lu ! Sans espoir... Donc les "copains", les "relations utiles", eh bien il fallait y avoir pensé avant ! Il fallait intriguer, conserver les potes utiles, virer les femmes creuses, balancer les parasites - ah mais ! catastrophe ! entre vingt et trente ans, qui est l'époque où l'on se fait les amitiés définitives, vous n'y aviez jamais songé.

Vous aviez cru, pauvres cloches ! "à l'amitié, l'amour, la joie" ! Pauvres, pauvres abrutis! et vous voilà mariée avec un homme qui vous engueule parce que le repassage n'est pas fait, avec une femme asthmatique et dépressive ! Vous amis sont une vieille fille toujours fauchée, un vieux soupirant à moustaches pisseuses qui vous emmerde, et vos cousins ne vous écrivent plus maintenant qu'ils nagent dans la thune ! Vos connaissances ne vous servent donc de rien. Quand aux "influents", vous pensez bien qu'ils se méfient, et à supposer que vous souhaitiez les aborder, ils vous traitent avec distance, exactement comme une femme que vous courtisez poliment et qui sait parfaitement dès le début, pauvres crétins, que vous voulez simplement lui mettre le truc dans le machin (Lisbonne, 5-8-2000, face au Cimetière Est).

Vous feriez d'ailleurs très exactement la même chose : mettez-vous à leur place - une des raisons qui me font dédaigner, je n'ai pas dit mépriser, l'espèce humaine, sans même aller jusqu'au point de Cioran, qui dit : "La disparition de l'espèce humaine est une des choses qui me provoquent un mouvement de joie" - est celle-ci : quel que soit le sanglant défaut que je lui reproche, il se trouve toujours, sans exception, que je pourrais d'abord me l'appliquer à moi-même : il y a de quoi se décourager. Donc, vous feriez, et je ferais, la même chose : envoyer chier les importuns (= les casse-yeuks) - le drame voyez-vous, c'est qu'il faut avoir, cf. plus haut, connu des huiles avant qu'elles ne deviennent des huiles - après, c'est trop tard - estimez-vous encore heureux quand elles ne vous ont pas largué en route comme poids mort, quel que soit le prétexte. Que faire? Si vous ne faites pas partie d'une mafia de naissance (jadis, les Auvergnats) ou de constitutions (les pédés, je suis désolé, je constate), peut-être pouvez-vous en constituer une par vous-même ?

Une maison d'édition que je connais, à large queue, s'est véritablement constituée, puis consolidée par ce moyen : tout le monde se renvoyait systématiquement l'ascenseur, se balançait des compliments à travers les salons avec une lourdeur de contrepoids - "Il faut toujours dire du bien de soi ; ça vous revient et on ne sait pas d'où c'est parti" (Marcel Achard) - et ça donnait : "Bonjour, ça va ? - Heureux de te revoir ! - Je t'ai lu, c'est super ! - Quand est-ce que tu traites avec machin ? - Oh ! j'ai une autre proposition de la Goldwyn Meyer" - je ne vais pas vous refaire le sketch de Coluche - gro-tesque.

Pendant ce temps-là, la pauvre Juliet Berto, morte elle aussi depuis, me dédicaçait modestement son livre dans un coin. Notez que cette maison d'édition zoologico-canadienne n'a toujours pas fait son trou avec un best-seller, mais enfin,

"Ma petite entreprise

"Connaît pas la crise" - sauf s'il s'agit de vous, pauvre malheureux, vous voulez donc ruiner le Castor Astral ?

Non, voyez-vous, dans toute cette histoire de mafia, ce qui ne va pas du tout, c'est le pognon, c'est le chiffre des ventes qui fait tout plonger. Même pas la gloire, le pognon gagné. C'est tout. - Tu découvres l'Amérique ! - Ta gueule. Et puis tout ce manège, c'est épuisant. Et puis c'est ridicule. Indigne. Bien sûr, rien ne vous interdit d'essayer, si vous avez la tchatche (en français : the chat) - si vous avez la souplesse, si vous savez quand il faut parler ou quand il faut se taire - celui-là est le plus extraordinaire des dons - celui qui en vérité mène à tout - si vous avez reçu 12 briques d'indemnité de licenciement, ou 60 briques d'héritage frais déduits sans qu'un abruti vous fiche tout le financement en l'air par des tactiques foireuses où il se sucre abondamment - bref, si, si, et si... - eh bien vous êtes mûr pour la réussite, du moins pour la survie, pour peu que la grand-mère ou les Collectivités - tiens donc ! les fonctionnaires servent donc à quelque chose ? - vous tiennent la tête hors de l'eau juste de quoi ne pas crever de faim, vous pouvez alors parler de haut à tous les fonctionnaires, les autres, tous ces peigne-cul qui touchent-leur-chèque-en-fin-de-mois ET qui n'ont pas pris de risque financiers- parce qu'il n'y a que ça qui compte désormais pour vous - il y a ceux qui prennent des risques financiers et les autres, sans évidemment vous casser la tête à savoir si le fonctionnaire ne ferait pas par hasard un boulot chiant qui lui permet de prendre des vacances méritées, ou si vous n'auriez pas par hasard la meilleure part même si vous trimez comme un âne, parce que vous au moins vous faites le métier que vous avez choisi, vous pataugez certes mais au moins dans votre propre destinée tandis que le fonctionnaire s'emmerde sans même avoir UNE chance sur MILLE d'améliorer quoi que ce soit dans une vie monotone en attendant la retraite et la mort. Vous êtes dans l'édition, dans la chanson ou dans le théâtre, vous crevez la dalle mais vous DIRIGEZ votre vie, vous pouvez vous permettre de nous vomir votre morale de self-made-man sur COLLIGNON HARDT VANDEKEEN

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tous ces petits privilégiés de la police ou de l'enseignement - ah ! l'enseignement... OU ALORS, vous pouvez, on ne sait jamais, un jour, par hasard, comme ça, éventuellement, réussir. Mais alors, comme vous avez des couilles, VOUS (les flics, "par bonheur, n'en avaient pas") - vous auriez de toute façon réussi partout, dans les frites, dans les pull-over, dans l'électricité (non : semi-fonctionnarisés), que sais-je.

Alors ce que je voudrais dire à tous les aspirants écrivains, poètes, et autres, c'est de ne pas s'imaginer que leur timidité, que leur puceauterie, que leurs boutons sur la gueule ou leur chougne à l'émeri - quel dommage qu'il soit si vulgaire, c'est comme Céline, d'un seul coup l'antisémitisme, il y a des mecs insortables - pourront se compenser par quelque réussite spectaculaire que ce soit - "vous m'aviez pris pour un con mais je suis devenu l'Ecrivain-t-et-un du siècle" - mon cul. Timide vous fûtes, timide vous resterez, looser vous pourrirez, you'll rotten. Mais si vous avez une grande gueule ET du pognon, si - voir plus haut - vous aurez une chance de filer vers les sommets A CONDITION - j'oubliais - de faire partie depuis longtemps d'une mafia ET, ET - j'oubliais ! - d'habiter Paris, ET de faire de la politique - sans y croire, ben évidemment mon con - parce que coucher, ça ne rapportep lus - sauf pour les pédés quand ils s'aiment pour de bon. La mafia, la lèche, ça ne marche que si c'est sincère ! et la sincérité, ça ne s'apprend pas, il n'y a pas d'école, pas de Dix Commandements pour ça ! - parce que vous croyiez peut-être qu'il suffit d'observer les Dix Commandements pour être sauvé ? Pèc'eud kon, vous voyez pas que Dieu sauve qui il veut ?

Une seule solution. Restez seul. Mais alors, seul, pas comme Flaubert (encore qu'il m'ait été proposé comme modèle : reste dans ton coin et écris des chefs d'oeuvre) - qui faisait semblant de mépriser les honneurs et les coups fourrés mais qui savait bien se glisser sournoisement - savez-vous qu'une des causes de son acquittement pour "Madame Bovary" ce fut d'avoir fait valoir qu'il était le fils de M. Achille Flaubert, "chirurgien bourgeois rouennais universellement connu et estimé" ? Ho mais ! on ne me la fait pas à moi - - donc, non pas seul comme Flaubert, ce faux cul, mais seul comme vous même, sans argent surtout sans argent, à mons que vous ne saCHIEZ manier l'argent sans perdre votre âme, personnellement je ne peux pas, je m'embrouille déjà dans ma déclaration d'impôts de sale fonctionnaire prof de grec - ouh ! ouh ! - et ragez, trépignez dans votre coin, et surtout n'acceptez pas de conseils, vous entendez, de personne, de personne, de personne. J'en suis toujours à celui-ci de Jean Cocteau (qui a bien réussi, pourtant ! - Oui, mais au milieu des COLLIGNON HARDT VANDEKEEN

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haines. - Donnez-moi les haines, mais donnez-moi la réussite) : "Ce qu'on te reproche, cultive-le, c'est toi." Voilà ce qui m'a toujours fait bouillir, c'est que tous ces grands hommes non seulement profitaient des retombées, du champagne et de la haine de leur gloire mais en plus se permettaient de chipoter, d'éprouver ou d'avoir éprouvé la même chose que le petit éternel débutant éternel trou du cul - qu'il est grossier - ils cumulent, quoi, ils nous prennent tout, même les états d'âme, n'est-ce pas Mister Whitman viré de son boulot pour obscénité mais plus grand poète américain - ce n'était pas difficile - du XIXe siècle ? Mais il aimait les gens Môssieu ! du cocher de fiacre à la High Society ! Comment fait-on, putain d'enculé de bordel de merde - on se demande à quoi rime ce langage ordurier- pour aimer les gens ET avoir besoin d'écrire ? Chiper la place des perdants et les représenter en leur disant "Ta gueule ! je cause !" - moi ça me dépasse - je n'en ai rien à foutre des gens ! Tiens, Genet : "Non, tu n'es pas venu obéir au public, mais t'imposer à lui et l'éblouir" - Genet ! Sorti de prison ! au sommet des sommets (en français : au top du top) - et non sans luttes ! Mais ils nous fauchent tout ! La souffrance, la lutte, la réussite ET la gloire ! Merde ! Merde ! Qu'est-ce qu'il nous reste à nous autres ? Une belle mort ? Voilà: il existe une féodalité des gens supérieurs. Soyez un féodal, mais sans ramper - vous, vous tout seul, face au destin, qu'il ose vous pousser du doigt, ce grand con, s'il l'ose. Mais le désespoir ! L'imprécation !

Je vais vous raconter une histoire drôle : il n'y a qu'un seul humain, depuis la nuit des temps. La Kabbale appelle cela "Adam Kadmon". Eh bien, tantôt c'est l'un, tantôt c'est l'autre, tantôt c'est toi, tantôt c'est moi - qui veut devenir l'Adam Kadmon, qui veut se gonfler, pousse-toi de là que je m'y mette". Et pour cela, il faut éliminer tous les autres - ils sont loin, les Droits de l'Homme ! Alors peut-être qu'un jour, la prochaine fois, ce sera vous le grand poète, et les autres la crotte, et les morts, ça se remplace, il n'y a qu'un seul individu, comme pour le corail. Et même si vous ne réussissez pas, même si la mort vient vous prendre, trop tôt comme elle le fit pour Musil, vous aurez toujours râlé tout votre soûl, crânement, sans vous laisser aller à la Résignation prônée par les Aûûûûtres (sauf pour eux) - ah on s'en fout bien des conseils d'efficacité...

On me demande : "Pourquoi "le Singe Vert" ? - je t'en foutrais du but moi, je t'en foutrais de l'accessible et de l'expliquable... L'efficacité, c'est bon pour les autres, les couillus, les gros pleins de force. "Vivre ? Les esclaves feront cela pour nous !" ("Axël", Villiers-de-l'Isle-Adam).

Qu'ils aillent tous, les conseilleurs, les pragmatiques, se faire enk. Avec force. Nous les ratés on a notre fierté. Un jour aussi ils se chieront entre les jambes, les ceusses qui ont réussi par leur Trâvâil COLLIGNON HARDT VANDEKEEN

SINGE VERT 24 ECRIVAINS 20 07 2047 24-61




et leur Vvvvvvolonté. Ils feront moins les fiers sur leur couche d'asticots. Suivez, apprentis poètes, merdeux écrivaillons, suivez consciencieusement, le plus consciencieusement possible votre destinée, arrosez de bran tout ce qui passe, en hululant votre désespoir de pacotille, qu'ils disent.

La chèvre et le bœuf disaient au cochon : "Pourquoi gueuler ? tu n'en seras pas moins égorgé." Oui, mais le cochon ne pouvait pas s'en empêcher. C'était un artiste. Mesdames, Messieurs, le cochon est un artiste. C'est quoi, l'Art ? "C'est ce qui répond le mieux, dit Malraux, à la question de savoir ce qu'on est venu faire sur terre." C'est la gueulante devant la mort. Et encore !

...Il s'agit bien de la mort ! Mourir en ayant été, soit ! mais sans avoir été ? et dès qu'on croit avoir été, ô arrivistes sans mérite, avec quelle rage, et quel naïve outrecuidance, le jette-t-on à la face d'autrui ! putains d'humains...

- Le "Singe Vert" se vautre dans la facilité...

- Ta gueule.


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A propos d'un ouvrage infect paru chez un éditeur dont je tairai le nom, le Singe Vert, toujours aussi courageusement anonyme, n'ayant à sa disposition pour tout capital qu'un petit pavillon de banlieue très moche et très exigu, propose à son fidèle lectorat une exécution sous forme de lynchage médiatique, mais le "Singe Vert" est-il médiatique... Les éditions, comme chacun sait, n'ont pas de politique véritablement "éditoriale" : mis à part les collections policières ou les bandes dessinées, on ne peut pas dire qu'elles aient, en dépit de ce qu'elles cherchent encore et toujours à enfoncer dans l'âme des gogos qui les sollicitent, une quelconque "unité de production".

Certes, loin de moi l'idée saugrenue d'envoyer un recueil de poèmes à "Fleuve Noir" ou un récit de voyage au "Père Castor - Flammarion". Mais se faire retourner dans les délais les plus brefs son manuscrit, que l'on a mis des mois et des années à peaufiner, que l'on a tâché de présenter dans les formes, avec une toute petite lettre bien polie de présentation (pas trop longue, car ces Messieurs de l'Edition ont tout de même autre chose à foutre) - accompagné d'un simple catalogue, signifiant -on a bien compris, vous savez... - qu'il faut d'abord "connaître l'éditeur" avant de solliciter sa parution...

Ce qui veut dire : "Apprends donc à nous connaître, pauvre plouc, avant d'envoyer ta merde" - traduction : mets donc la main au porte-monnaie, parce que nous, coco, on est des petits éditeurs besogneux comme des Thénardiers, qui ont bien du mal à survivre, tandis que toi, pauvre fonctionnaire sans-souci-à-la-fin-du-mois, tu ne mérites pas qu'on s'intéresse à toi, car les seuls vrais citoyens, les seules vrais Français, les seules personnes véritablement actives, ce sont celles qui prennent des risques financiers - le critère de jugement de ces Messieurs : d'un côté ceux qui prennent des risques financiers, de l'autre : les ploucs parasites qui s'imaginent, les couillons ! "avoir du talent" - ah que je pouffe ! - eh bien ce petit renvoi de manuscrit me semble aussi plein de mépris - inconscient, bien sûr, inconscient ! ces gens-là ont la saloperie de l'innocence - qu'un renvoi de frites.

A quoi le Singe Vert répondit vertement :

"Messieurs,

Vous n'avez pas sollicité l'envoi de mon manuscrit,

Vous me le renvoyez.

C'est logique.

Je ne vous ai pas sollicité l'envoi de votre catalogue.

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Je vous le renvoie.

C'est logique.

Ciao. "

...Comme ça ils verront l'effet que ça fait, quand on ne s'intéresse pas à ce que vous faites. Ca ne leur fait rien ? Je m'en fous. J'ai pissé. La sensibilité de l'ardoise des chiottes m'indiffère au plus profond degré; mais il est bon que les maisons d'éditions apprennent, sachent s'assimilent une bonne foi pour toutes jusqu'au fin fond de leur trou du cul, qu'elles ont pour nous très exactement la même signification qu'une ardoise de pissoir ou une cuvette à chiottes.

De temps en temps, la chasse d'eau s'inverse, et vous renvoie le trésor merdique de votre manuscrit tout empaqueté, c'est-à-dire édité ; mais nous savons depuis Homère qu'il n'est rien de plus périlleux que le recours aux métaphores. Bref ! Le titre auquel je m'attaquerai aujourd'hui est "Entre-Deux", par X, aux Editions du Haut du Mât, made in Japan. Je vous le dis tout de suite en vérité, ça va chier, parce que je n'ai pas aimé, mais alors pas aimé du tout, le Singe Vert va canarder.

La seule chose qui aurait pu me retenir de me lâcher eût peut-être été cette réflexion indignée de l'éditeur, m'interdisant de couvrir de merde un homme qui a écrit de tout son coeur pour tâcher de rendre les Aûûûûûtres un peu moins malheureux. Or ce n'est pas Bonnomix lui-même (pas le dialoguiste, l'autre) que je vais conchier, mais tout un système de pensée qui a empoisonné, qui continue d'empoisonner ma vie, car même si j'ai découvert enfin l'antidote, il est désormais trop tard, et il me reste à vieillir en détestant l'humanité (humour).

Il est tout de même ahurissant de constater que le même personnage, qui a écrit un extraordinaire "Borgnol par lui-même" (il fut son secrétaire) - volume qui m'a permis d'approcher la pensée du maître de façon relativement claire - et un non moins époustouflant ouvrage sur Montaigne - se soit laissé aller à faire publier des fonds de tiroir aussi nuls. Que dis-je ? à laisser imprimer dans la préface une énormité telle que "Bonnomix est la modestie même "

A supposer que oui, laisse-t-on quelque thuriféraire zélé que ce soit, fût-il Môssieu de Corbeil-Essonnes, écrire cela dans une préface sans protester ? Si l'on m'avait fait ça à moi -et je vaux bien Monsieur Bonnomix, nous y reviendrons - je n'ose imaginer la scène majuscule qui me serait échappée, exigeant de supprimer cette mention, d'interdire à la vente les exemplaires portant une mention aussi compromettante ?

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Bon, admettons. Il y a plus grave. Il y aura de plus en plus grave, car j'essaierai de classifier mes emportements. Le premier grief, qui remonte à perpète, est de s'être abaissé au rang de sicaire et de sous-sbire de Borgnol afin de poignarder son rival ; j'ai lu la réplique de commande de Monsieur Bonnomix : c'est d'une ineptie, d'un vipérin, d'un tortillé, d'un obscur, d'un stalinien, inimaginables. Et que l'Histoire avec un grand H aura raison des petits-bourgeois, que Monsieur l'Adversaire vit dans sa petite bulle petite-bourgeoise, bref c'est tout juste si on ne le traite pas de vipère lubrique. "C'est loin", direz-vous, "il y a prescription".

Eh bien pas du tout. Dans son recueil d'entretiens intitulé "Entre-Deux", l'éditeur a rapproché certaines conversations que a tenues avec sa femme dans les années 70, et d'autres datant de ces dernières années précisément. Notre philosophe a certes mis de l'eau dans son vin. Mais il est hallucinant, à faire dresser les cheveux sur la tête, de lire ce qu'il disait en 1974 : il nous parle du peuple comme d'une masse quasi-divine qui aurait toujours raison, car il faut élever l'ensemble de l'humanité à son plus haut degré de compréhension, d'intelligence et d'épanouissement, ce qui est très beau et louable.

Mais Bonnomix, comme tout bon dialecticien de l'époque, prétend qu'il existe un épanouissement universel et un épanouissement bourgeois ! et que le peuple sait tout mieux que les bourgeois, qui lui enfournent leur savoir, leur culture, exclusivement bourgeois ! Mozart, c'est bourgeois ! Hugo, c'est bourgeois ! Camus, Dostoïevski, c'est bourgeois ! ...et qu'est-ce qu'il proposeraient donc, les gens du peuple ? Mireille Mathieu ? Christophe Dechavanne ? Lagaf ?

Il ne faut pas effaroucher le peuple avec la dictature de l'écrit, l'intimidation répandue par le savoir ! Mais encore heureux, camarade, que l'on s'approche avec respect du savoir et des chefs-d'œuvre... Faut-il pour autant prôner l'ignorance, faire table rase dans les têtes, et proposer à nos universitaires bourgeois le savoir prétendument inné des braves gens de la campagne ou des micro-trottoirs ?

Mais on est en pleine révolution culturelle chinoise, là, mon brave, avec des élèves qui envoyaient leurs instituteurs en camps de rééducation d'où l'on ne revenait pas ! que dis-je, on est en plein Pol Pot, c'est l'époque ! C'est quoi, cette revalorisation de l'ignorance crasse ? Cette stigmatisation de tout raffinement et de toute grandeur au nom de l'étiquette, et allez hop, de "petit bourgeois" !

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Le drame n'est pas de republier ces inepties dignes des ignobles couillonnades de la série des "Situations" de Jean-Paul Sartre, c'est de le publier sans le moindre recul ni commentaire significatif, resituant au moins ces énormités dans leur contexte! Alors ensuite, Bonnomix est devenu un "Entre-Deux" : entre deux chaises le cul par terre vraisemblablement, n'étant comme dit l'autre ni pour ni contre, bien au contraire.

Il se montre tel qu'il est, désespérément banal, "je suis n'importe qui" disait Sartre, nous faisant confidence de ses abondants succès sexuels au temps de sa jeunesse, comme n'importe quel mâle que je croise dans mes conversations (le moyen de le croire, quand on voit à quel point les femmes sont restées coincées, et que lui est censé en avoir tiré une quantité dans les années 50, c'est n'importe quoi, bref pardonnons-lui ce travers de mâle - mais heureusement il a rencontré la femme de sa vie, on navigue en plein Florent Pagny, bon, ce n'est pas grave). Plus grave (j'ai déjà utilisé cette transition, tant pis) : il regrette, plus ou moins mollement, d'avoir descendu l'Adversaire en flèche, mais c'est pour préciser que la pensée de Borgnol était si vaste que de toute façon celle de l'Adversaire s'y trouvait incluse... Que - et c'est là l'argument bas de gamme par excellence - l'Adversaire n'avait rien inventé - mais pourquoi le flinguer, alors? - putain le sophisme !

Seulement Monsieur Bonnomix possède le travers, qu'il partage avec les politiques d'ailleurs, d'avoir tout vu, tout lu, tout su, tout parfaitement pigé avant les autres, de ne s'être jamais trompé, en bref, d'avoir toujours été en possession de la vérité. Il va même jusqu'à, comme on dit dans la collection "Profil d'une oeuvre", jusqu'à, dis-je, faire carrément la psychanalyse sauvage de Vailland, qui aurait dû faire ceci, avec les femmes - décidément, Bonnomix est un grand spécialiste - qui aurait dû faire cela, bref, il nous montrerait bien à tous tant que nous sommes, pauvres couillons de lecteurs, ce que nous aurions dû faire.

Vous l'avez compris, Bonnomix fait partie de ce club innombrable des donneurs de leçons, Sartre étant le grand Prêchi-Prêcheur en Chef. Il fallait "s'engager" coco. Si tu ne t'engageais pas, tu n'étais qu'un pleutre, un esprit veule, un lâche, un petit bourgeois, un Russe blanc bon à crever de faim dans une mansarde comme Nina Berbérova, un chien d'anti-communisme primaire.

Certes, assurément, bien sûr, Bonnomix a risqué sa vie, dans des circonstances politiques et internationales particulièrement dramatiques : douze balles dans la peau, il a été héroïque, plus héroïque en tout cas qu'un petit couillon de prof qui ne risquait lui que la folie face à des classes de banlieue ou une sale affaire de cassage de gueule d'élèves ou de tripotage de gonzesse

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consentante (les risques du métier ) - je confesse, humblement, à quatre pattes la queue dans la poussière, que je n'arrive pas à la cheville de Monsieur Bonnomix en ce temps-là. Mais ce qui m'indigna, ce qui me fit pousser ce HEIN ! majuscule qui échappe au lecteur lorsque tombe sous ses yeux une incongruité de calibre supérieur, ce fut de lire que Monsieur Bonnomix ne "[s'était] pas pris la tête dans les mains", dit-il à peu près, "pour [se] dire: "J'y vais ou je n'y vais pas ?" - mais qu'il avait engagé plusieurs actions en compagnie de personnes aussi convaincues qu'indignées - assurément, la cause en valait la peine et je la salue - et "[s'était] trouvé engagé." Comment ! hurlait en soi-même le Singe Vert, comment, voilà un de ces gros pleins de couilles, un de ces donneurs de leçons, modeste (ben voyons), déterminé, vouant aux gémonies tous ces lâches, tous ces inactifs, tous ces pauvres cons qui n'avaient pas le culot de s'engager, et qui vient nous avouer, comme ça, qu'il "s'est retrouvé" engagé ... sans savoir comment ?

Mais est-ce que ce n'est pas justement à la suite d'un débat cornélien, d'une tempête sous un crâne ( hugolien pour le coup), pesant le pour et le contre dans l'affolement de la raison et de la passion, que l'individu s'engage dans une lutte ? Où est la décision, où est le courage, où sont les glaouis, lorsqu'on n'a fait que suivre les mouvements de son cœur, de sa destinée? Où est le courage immense de l'engagement, quand il n'y a pas eu de décision, quand il n'y a pas eu de débat ?

Alors comme ça pendant des décennies, pendant toute ma vie de cloporte, ces gens-là m'ont fait croire que j'étais un minable fonctionnaire grassement payé à ne rien foutre, un petit-bourgeois moutonnier, un moins que rien, une sous-merde petite-bourgeoise, incapable de risquer ma vie ou mon traitement de prof, incapable d'accéder à la grandeur de ces héros qui, ces héros que, ces héros dont, juste capable de lâcheté, de tremblements et de diarrhées ou d'ensommeillements confortables, alors qu'ils se sont contentés de suivre leurs premiers mouvements, de se laisser emporter par le torrent de leur destinée ?

Il est où, là, l'engagement ? Elle est où, ma lâcheté ? Pourquoi ai-je dispensé mon admiration à des gens qui ne la méritaient pas, puisqu'ils n'ont eu aucun effort à fournir, puisque tout procédait d'un réflexe ? Pourquoi ai-je passé mon temps, ma pauvre vie entière, à me fustiger, à me condamner, à me lamenter sur ma mollesse et mon indécision, alors que c'était aussi mon destin ? Tous ces dispensateurs farouches d'un art de vivre hors de portée des cloportes ressemblent à ces infirmes dont on nous dit qu'ils sont un modèle et un exemple de courage lorsqu'ils ont surmonté leur handicap, seulement les pauvres types bien mous bien pleins de bonne volonté mais

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qui ont eu le tort de ne rencontrer sur leur chemin que des échecs, des échecs et encore des échecs, tous ces Messieurs héroïques sans avoir eu besoin de lutter un seul instant contre eux-mêmes, ne se sont-ils jamais interrogés sur le fait qu'ils ont eu du courage, eux, et que les autres n'en ont pas eu ?

Cela ne leur ai donc jamais venu à l'idée qu'ils ont eu bien de la chance, qu'ils ont bénéficié d'un hasard bien énorme, sans parler de Dieu qui est paraît-il hors sujet, pour obtenir ce courage-là, que j'ai recherché en vain toute ma vie en me traitant de lavette ? Vous ne voyez donc pas, Messieurs les héros, que vous désespérez les minables ? Qui ne sont d'ailleurs pas plus minables que vous ? Vous ne voyez pas, Messieurs les puissants, que vous renfoncez les faibles dans leur désespoir ?

Et que par-dessus le marché vous les renfoncez encore plus dans leur merde en leur disant avec modestie bien sûr qu'ils n'avaient qu'à ? qu'il faut prendre sur soi, que c'est à la portée de tout le monde et qu'il faut être vraiment le dernier des cons pour ne pas y avoir réussi ? Je vois là, moi, le signe d'une parfaite, odieuse et irréparable malhonnêteté intellectuelle. En bon français, les bons apôtres m'emmerdent.

Tous ceux qui réussissent d'une façon ou d'une autre m'emmerdent de toute façon. Quand je passe mes manuscrits à un directeur de troupe, il me les égare ; si c'est un autre couillon qui le leur passe, eh bien il est joué sur les planches. Vous croyez vraiment que c'est parce que le second est supérieur au premier ? En vérité les têtes d'affiche, en politique, en littérature, ne parlons pas d'héroïsme où il n'y en a pas, ne sont comme le dit Terzieff - que j'admire sans réserve, lui - dans "Temps, Contretemps", que les gens qui ont rencontré "les bonnes personnes au bon moment", et que ce n 'est pas parce qu'ils leur est échu en partage dans leur petite corbeille à destinée de grimper sur le dos des lâches qu'ils ont le droit de faire chier le citoyen lambda avec leur réussite, qui est moins un encouragement qu'un immense renfoncement dans la merde.

Les successions de banalités dignes d'un éditorialiste de quotidien de province profonde n'auraient pas mérité le quart de la moitié d'un haussement d'épaules si elles étaient sorties de la plume d'un pauvre troufion de putain d'enculé de lampiste comme vous ou moi. Il ne me reste plus qu'à vous infliger quelques pages de cette soupe à l'eau. Page 77 : - il a connu Sartre, lui : en quel honneur ? moi j'ai connu Machin, Truc et Tartempion, et je ne vaux pas moins que ce Monsieur qui écrit. Toujours est-il que, bon, Monsieur Bonnomix, tout jeune, a rencontré non pas des principaux haineux et des gosses qui lancent des boulettes, mais, tiens, mon Dieu comme c'est bizarre et quelle

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coïncidence, Monsieur Sartre qui passait là par hasard. La personne qui lui pose la question au début de l'extrait est son épouse, sur laquelle je ne dis rien car je ne suis pas auteur d'articles de tabloïd people :

"Ce soir, j'aimerais te poser des questions qui sont en relation avec ce que tu as vécu dernièrement, à Paris, quand le Castor t'a pratiquement mis à la porte en t'accusant d'avoir parlé de la cécité de Sartre à un journaliste. Ce n'est pas le fait qui m'intéresse ici, c'est plutôt sa signification. Tu me diras si je me trompe : il me semble que ce qui s'est passé vient de ta propre attitude par rapport à la maladie, par rapport à la vieillesse et par rapport à la mort. Pour toi ces phénomènes ne sont pas quelque chose que l'on ait à cacher : ni à soi, ni aux autres. Et tu fonctionnes envers les autres en tout cas avec ceux pour qui tu as le plus d'estime et d'affection - comme tu le ferais avec toi-même . Et c'est à partir de là que, humainement, ça "colle" ou ça ne "colle pas", selon les cas... Sartre est Sartre, il n'est pas toi. L'entourage de Sartre est son entourage : tu ne sais pas ce qu'il sait et ce qu'il ne sait pas, ce qu'on lui dit

ou ce qu'on ne lui dit pas. D'une manière générale, dans notre société, nous vivons ces phénomènes comme autant de "tabous".

Or tu as agi comme si ça allait de soi pour Sartre : comme si c'était toi le concerné. Tu vois ?

Oui. Il y a deux aspects. Il s'agit de savoir si l'entourage de Sartre se préoccupe de lui cacher le problème ou se préoccupe de le cacher au public. Bien entendu, il doit y avoir les deux. Je ne sais pas de quel côté est le centre de gravité, et c'est évidemment deux questions différentes. Je n'ai pas voulu dire que Sartre était diminué : ce n'est pas un mot que j'ai utilisé, c'est le journaliste qui l'a employé. En outre, je lui avais demandé de ne pas transcrire cette partie de notre conversation concernant le problème de cécité.

Comme si tu ne connaissais pas les journalistes !

Oui... Si cela m'arrivait, je crois, vraiment, que ça me serait complètement égal. Je veux dire : je trouve que ce n'est pas seulement vis-à-vis de lui-même qu'un homme doit être conscient ; je pense que c'est dans le rapport aux autres qu'il doit souhaiter que les autres soient conscients de ce qui lui arrive.

D'autant qu'il ne s'agit pas d'une maladie mortelle dans le cas de Sartre, ni d'une maladie diminuante ; c'est un accident dramatique, mais pas tragique. Il ne peut plus voir, il ne pourra plus jamais voir : il y a un aspect dramatique parce qu'irréductible, mais il peut inventer d'autres

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manières de fonctionner. En quoi serait-il intéressant de dissimuler qu'il ne voit guère plus, puisque les gens le rencontrent un peu partout : ils voient qu'il n'y voit plus, qu'il tâtonne en sortant d'un café, etc.

Ca me fait penser à ce que nous avons eu à vivre - alors, là, dans le drame absolu puisqu'il s'agissait d'une maladie mortelle à court terme - par rapport à Roger Vailland. Tu ne lui as rien dit, puisque Elisabeth en avait formulé le souhait, mais - par amitié et par estime - tu pensais qu'il était homme à pouvoir affronter sa maladie et sa mort en face. Tu as ressenti très fortement qu'il était floué par son entourage, dans la mesure où on lui cachait la vérité de sa situation.

Il y a eu, dans ces deux cas, la même apparente légèreté, dans ta manière, en somme, d'exprimer ton souci de casser le tabou. Tu ne respectes pas le tabou, simplement parce que toi tu le vivrais, probablement, en l'affrontant de face.

Je voudrais marquer des différences, puisque tu compares avec le cas de Roger. Je n'ai jamais voulu que ce soit dit, dans le cas de Sartre. Jamais je n'ai dit à personne de son entourage : il faudrait qu'il le sache. D'ailleurs le Castor m'avait affirmé, à plusieurs reprises avant cet incident, qu'il y avait les plus grandes chances pour qu'il en soit conscient. "

Fin de citation. Le Castor, pour les naïfs, c'est Simone de Beauvoir. L'interlocutrice est l'épouse de Bonnomix, qui lui sert constamment la soupe en trouvant immédiatement des excuses à son grand homme, avec maintes circonlocutions alourdissantes - toujours le problème de le transcription exacte des conversations, qui me semble la négation même du style, mais passons.

Jean Marais n'est passionnant que lorsqu'il parle de Jean Cocteau ; Bonnomix n'est intéressant que lorsqu'il parle de Jean-Paul Sartre. Mais il faut conclure, ou plutôt décocher le dernier coup de pied du vermisseau (très drôle !) que je suis : Sartre, Jeanson, tous les autres adeptes du volontarisme, du "y a qu'à" et autres dispensateurs de leçons de courage, de lucidité, de volonté et de couilles au cul ne m'ont absolument pas appris la liberté.

Ils m'ont appris que la Liberté n'était accordée qu'aux Seigneurs, par Dieu peut-être qui paraît-il est mort, et qu'elle serait toujours refusée, par prédestination janséniste ou édipienne peut-être, aux lâches. La liberté est une imposture, bande de clodos. Et ceux qui se tournent vers les handicapés et qui leur disent : "Comment ? Vous n'êtes pas encore devenus champions de course en fauteuil comme les champions parolympiques ? Alors qu'il n'y a qu'à avoir de la volonté !" - ces

gens-là sont des renfonceurs en merde, des prêcheurs prétentieux, et je ne vois pas pourquoi il faudrait les respecter sous prétexte qu'ils ont voulu "rendre les gens moins malheureux", alors qu'ils ne font que nous culpabiliser dans notre irrémédiable infirmité.

En conclusion, je continue mon petit bonhomme de chemin de larve de bonne volonté, et, définitivement, puissamment, je les emmerde...



 

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