Le Petit livre des grandes fêtes religieuses texte renouvelé
UNE BREVE HISTOIRE DU PERE Noël
De nos jours on ne sépare pas Noël du Père Noël, qui n'a pourtant rien à voir avec la tradition chrétienne. C'est un personnage fort sympathique, à grande barbe blanche, enveloppé d'une houppelande rouge bordée de fourrure désormais synthétique... Il s'introduit ainsi dans les cheminées pour déposer des cadeaux dans les souliers des enfants sages, comme le chante encore Tino Rossi (toujours abondamment vendu !). Le Père Noël porte une hotte remplie de jouets, et vient à travers ciel dans un grand traîneau tiré par huit ou neuf rennes.
Les origines du Père Noël sont à rechercher auprès des anciennes religions, connaissant toutes certaines divinités chargées de distribuer des cadeaux à tous les enfants. Dans tout le nord de l'Europe, il existait un roi légendaire qui offrait des jouets et des friandises aux enfants sages. Il devient soit le Père Noël, soit saint Nicolas ; la tradition la plus repérable se situe toutefois dans les contextes mythiques germano-scandinaves.
Le premier aspect du Père Noël est le Bonhomme Hiver ou toute autre représentation divinisée de l'hiver ou du gel ( (et même, en Finlande, un bouc généreux...). En Suède, c'est le lutin BERNARD COLLIGNON FETES RELIGIEUSES 50
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Julenisse qui apporte les cadeaux, à la fête du milieu de l'hiver, la « Mindvintersblot ». Les Celtes avaient le dieu Gargan (qui inspira le Gargantua de Rabelais), et les Vikings le dieu Odin en personne – mais c'est le lutin suédois qui a fourni à la représentation la fameuse barbe blanche, le bonnet et la fourrure. Les mythologies mentionnent une fête du solstice d'hiver, soit le 21 décembre, à partir de laquelle les jours recommencent à augmenter, apportant la promesse d'un renouveau des saisons et des récoltes futures.
Les mythes nordiques affirment également que la divinité envoie du haut des cieux son énergie au cœur de l'hiver pour que la vie ne s'éteigne pas même au sein des circonstances les plus défavorables. Des liens supplémentaires se tissent alors, aussi bien entre les hommes qu'avec les autres créatures. Les portes des maisons restent ouvertes, des tables garnies de mets et de cadeaux sont mises à la disposition des hôtes de passage. Tout est décoré de rameaux et de guirlandes. Vision probablement idyllique.. Des cérémonies de reconnaissance envers les dieux prenaient également place parmi les réjouissances. Enfin, le soir, tous recevaient les créatures surnaturelles, gnomes et elfes, partageant les bons plats et les histoires.
Les gnomes sautaient sur les tables et s'amusaient à faire rouler des œufs. Les esprits de l'air sifflaient joyeusement autour des maisons pour annoncer leur arrivée. Les faunes jouaient de la flûte dans les jardins et les étables. Seuls une femme, une jeune fille ou un enfant pouvaient distinguer nettement les visiteurs ; ils racontaient donc aux autres, à voix basse, tout ce qui se passait. Chaque visiteur invisible apportait une offrande qu'il plaçait sur les tables richement parées: plantes, fleurs rares, herbes aromatiques, des fruits, de jolies pierres... A minuit, les visiteurs invisibles terminaient leur ronde et les habitants des maisons allaient se coucher, sauf les responsables des feux.
Mais plus tard, dit-on, les créatures humaines attendirent en vain les visiteurs de l'autre monde : la haine, l'envie et la méchanceté les faisaient désormais tous s'enfuir. Les hommes ne crurent plus qu'en leurs facultés rationnelles; ce qui les livra aux ténèbres ; ils étaient devenus « civilisés ». Les êtres de l'autre monde se sont alors transformés – c'est pourquoi voir entrer le père Noël dans les maisons doit rester un moment magique pour les jeunes enfants.
En Europe, les rituels liés à l'approche de l'hiver sont ancestraux. Une tradition païenne voulait que pour exorciser la peur de l'obscurité les jeunes hommes se grimaient, allant de maison BERNARD COLLIGNON FETES RELIGIEUSES 51
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en maison pour quémander les offrandes ; le vieil homme qui présidait ce cortège fut appelé Noël dès le XIIe siècle en France. Ce pouvait être aussi une compagnie de « bonnes gens » guidée par dame Abonde, ou Perchta, ou Holle (Diane ? Hérodiade ?) qui bénit les maisons honorables. Les morts de l'année sont là aussi, avec la « mesnie hellequin » (des diables, quelques démons...) - bref, l'Eglise catholique s'est hâtée de remplacer toute cette ménagerie païenne par des saints dûment estampillés.
SAINT NICOLAS
Les bons chrétiens en effet se réfèrent à saint Nicolas, évêque de Myra, qui aurait vécu au IIIe siècle au sud de la Turquie actuelle, près d'Antalya (à Demre). Selon la légende, il aurait sauvé de la mort trois enfants, destinés à être mangés après qu'un boucher les eut découpés et mis au saloir. Au XIe siècle les reliques de saint Nicolas (étymologiquement « le sauveur des peuples ») furent volés, à l'exception d'un morceau de crâne et de mâchoire.
Saint Nicolas est représenté comme le saint protecteur des enfants. Le 6 décembre de chaque année, un personnage, à la ressemblance supposée de Nicolas (grande barbe, crosse et mitre d'évêque, grand vêtement à capuche), passe de maison en maison pour offrir des cadeaux à tous les enfants. Sa fête est célébrée en France de l'est, Allemagne, Suisse, Luxembourg, Belgique, Pologne, Autriche, et en particulier aux Pays-Bas, même après la conversion de ce dernier pays au protestantisme. Or, ce sont les Hollandais qui ont fondé New York, sous son premier nom de Nouvelle Amsterdam !
LE PERE NOËL ET SAINT NICOLAS
En quelques décennies, cette coutume néerlandaise de fêter la Saint Nicolas se répandit ; pour les Américains, Sinter Klaas devint rapidement Santa Claus. La communauté chrétienne alors trouva plus approprié que cette « fête des enfants » soit rapprochée de celle de l'enfant Jésus. Ainsi, le patron des gamins fit désormais sa tournée avec son âne la nuit du 24 décembre. Dès le XVIe siècle était apparu le Père Fouettard pour donner des coups de fouets aux garnements ; les Autrichiens l'appellent Krampus – il est tout barbouillée de suie, il hurle en agitant ses chaînes et sa grosse cloche !
...C'est donc saint Nicolas qui a inspiré le Père Noël... Ce dernier porte aussi la longue barbe blanche, le bonnet de fourrure inspiré par la mitre sacerdotale, et la houppelande. Dans l'Est de la BERNARD COLLIGNON FETES RELIGIEUSES 52
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France, les enfants déposent sous le sapin de Noël un verre de vin pour le Père Noël et une carotte pour son âne ! Mais le plus souvent l'âne est remplacé par un traîneau, tiré par des rennes. Chaque région de France donna au Père Noël un nom différent : « Chalande » en Savoie, « Père Janvier » en Bourgogne et dans le Nivernais, « Olentzaro » dans le Pays basque et « Barbassionné » en Normandie.
Le personnage du Père Noël connut une destinée hors du commun : en 1809, l'écrivain Washington Irving évoqua pour la première fois les déplacements aériens de saint Nicolas pour la traditionnelle distribution de cadeaux. En 1821, c'est un pasteur américain, Clement Clarke Moore, qui inventa, dans un conte destiné à ses enfants, le Père Noël, dans son traîneau tiré par huit rennes. La crosse se transforma en sucre d'orge, et, pour le coup, le Père Fouettard (incarnation du Mal !) disparut. En 1860, Thomas Nast, illustrateur et caricaturiste à l' Illustrated Weekly, revêtit Santa Claus d'un costume rouge, garni de fourrure blanche et rehaussé d'un large ceinturon de cuir. Il poursuivit son œuvre graphique durant près de 30 années !
L'image actuelle du Père Noël, que nous pensions ancestrale, remonte donc en réalité au XIXe siècle, par l'action de la presse américaine ! Il s'agir là d'un mythe sinon païen, du moins entièrement profane. Le reste appartient à l'enfance, avec ce mélange de féerie et de naïveté.
LES RESIDENCES DU PERE NOËL
En 1885, Thomas Nast fixa la résidence officielle du Père Noël au pôle Nord au moyen d'un dessin représentant deux enfants qui regardaient, sur une carte du monde, le tracé de son parcours depuis le pôle Nord jusqu'aux Etats-Unis. Selon les Norvégiens, le Père Noël habite à Droeback, à 50 km au dus d'Oslo. Pour les Suédois, c'est à Gesunda, au nord-ouest de Stockholm. Les Danois sont persuadés qu'il ...crèche au Groënland alors que les Américains le logent en Alaska. En 1927, les Finlandais ont décrété que le Père Noël (« Joulupukki ») ne pouvait pas vivre au pôle Nord, car il devait nourrir ses rennes ; sa résidence était donc en Laponie, sur la colline du Korvantunturi. Malheureusement cette région est un peu isolée. Ils l'ont donc fait déménager près de la ville de Rovaniemi. Les enfants sont vivement encouragés à lui écrire à cette adresse, en Laponie finnoise, et tous les services postaux du monde se font les complices de cette enfantine supercherie. BERNARD COLLIGNON FETES RELIGIEUSES 53
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La Sibérie a revendiqué aussi le domicile du père Noël, mais il y a sans doute confusion avec Ded Moroz, le cousin russe du Père Noël qui est fêté le 7 janvier dans sa ville de Snegoroutcha («fille des neiges »). Dans le Pacifique sud, l'île de Christmas se revendique également comme une résidence secondaire du Père Noël. Et la Turquie n'est pas en reste, ayant conservé comme nous l'avons vu certaines reliques de saint Nicolas dans une région touristique... En France, le courrier envoyé au Père Noël est regroupé à Libourne ; Françoise Dolto, sœur de Jacques Marette, ministre des Postes et Communications de 1962 à 1967, fut la première secrétaire du Père Noël par l'entremise des PTT.
LE PERE NOËL ET COCA-COLA
C'est en 1931 que le Père Noël prit son aspect définitif dans une image de Coca-Cola due à Haddon Sundblom : il buvait du Coca pour reprendre des forces pendant sa distribution, et les enfants pouvaient en boire. De plus, il avait désormais une stature humaine, plus accessible, avec un ventre rebondi et l'air jovial. Il porte un pantalon et une tunique, mais en France il a conservé la longue robe rouge – le rouge et le blanc sont les couleurs traditionnelles de Coca-Cola, qui souhaitait inciter les enfants et les adultes à boire du Coca même en hiver... Ainsi, pendant près de 35 ans, Coca-Cola diffusa ce portrait du Père Noël dans la presse écrite, puis à la télévision partout dans le monde. L'idée que les enfants se font aujourd'hui du Père Noël est fortement imprégnée de cette image.
Le Père Noël actuel, joufflu, barbu, nous est donc venu directement des Etats-Unis après guerre, avec le plan Marshall ! Nous sommes donc on ne peut plus éloignés de quelque religion que ce soit. L'Eglise n'ose plus guère à présent afficher son hostilité latente au Père Noël. On connut bien quelques mouvements de protestation de la part des catholiques, certains allant même en 1951, à Dijon, brûler une effigie du Père Noël en place publique ! Rappelons tout de même pour conclure que bien avant Coca-Cola il exista, dans toutes les civilisations occidentales, un personnage offrant des cadeaux, tels le Père Chemineau, dans une robe de bure, avec une hotte. Il existait en outre une multitude de personnages plus ou moins christianisés, qui distribuent leurs offrandes à Noël : en Italie, les enfants reçoivent parfois des cadeaux de la Befana, dont le nom provient vraisemblablement du mot « épiphanie ».
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LE SAPIN DE NOËL
Le sapin n'a rien à voir lui non plus avec le christianisme. C'est tout simplement un message d'espoir et d'éternité, puisqu'il perd ses aiguilles tout au long de l'année, et non pas à l'automne, symbolisant ainsi la permanence de la vie au beau milieu des feuilles mortes. Mais les protestants l'ont rattaché, dès le XVIe siècle, à la croyance de l'arbre du paradis... En 1738, Marie Leszczynska, épouse de Louis XV, fit dresser un sapin de Noël à Versailles. En 1765, Goethe se montra fort surpris devant son premier arbre de Noël, à Leipzig. Comme elles sont parfois récentes, ces coutumes que nous croyions millénaires !
La bûche, elle, n'était pas en bois de sapin. Sa flamme représentait le soleil toujours espéré, c'était chez les Germains la fête de Licht, la lumière (...d'où la Sainte Luce, le 12 décembre...) ou le Yule Log druidique. . Autant que possible, on l'allumait avec les tisons de la bûche de l'année précédente ! On ne pouvait la manipuler qu'avec les mains. Cependant, parfois, une vieille grand-mère la frappait d'une pelle à feu pour en tirer des étincelles et disait : « Bonne année, bonnes récoltes, autant de gerbes et de gerbillons ! » ...A moins qu'on ne prédise le nombre des mariages à faire ou de poulets à naître...
Il fallait rappeler, disait l'Eglise, que l'Enfant Jésus était né dans une étable glaciale... où le seul chauffage était le souffle de l'âne et du boeuf... Cette bûche porte un nom différent suivant les pays (en Italie c'est le ceppo) et les provinces :
en Bretagne : kef Nedeleg
- en Bourgogne : suche
- en Franche-Comté : tronche
- en Loir-et-Cher : tréfoir, tréfou
- en Provence : calignaou (en bois d'olivier).Les cendres de la bûche préserveraient ensuite de la foudre, des pucerons, des renards, etc... A présent, il n'y a plus de grands âtres... c'est une délicieuse pâtisserie, dont le sens symbolique – peut-être fécondant ? - s'est éteint.
LA CRECHE
du germain « krippia », « mangeoire ». Mais on disait en France presepe, (latin praesepe qui BERNARD COLLIGNON FETES RELIGIEUSES 55
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désignait à l'origine un parc à bestiaux, l'étable, puis la mangeoire de l'étable) (presepio en italien et en portugais, presebbio en napolitain, pesebre en espagnol. Depuis saint François d'Assise, qui l'a réalisée le premier en 1223, à Greccio, avec des figurants en chair et en os, des crèches reconstituent la scène de la Nativité, et l'adoration des bergers, attestée dans l'Evangile. Noël est donc la fête de l'imagination , car l'existence de la crèche, entre le bœuf et l'âne, semble plus relever de l'astrologie que de la vérité historique ! Chaque région chrétienne conserve ses traditions, les plus connues restant bien entendu depuis le XVIIIe siècle celles des santons de Provence ; à la Révolution, toutes cérémonies chrétiennes étant interdites, on se replia sur son domaine privé. Chaque métier se fit représenter par un santon (« santoun », petit saint) en terre locale : ni plomb, ni plâtre, ni plastique, Les rois mages y sont aussi, mais on ne ne les célèbre que le 6 janvier.
La ville de Naples réalisa de magnifiques crèches, sur plusieurs étages, et les vendit dans toute l'Europe.
CHANTS ET DICTONS
Dès le XIIe siècle, on célébra des mystères mettant en scène l'adoration des bergers, d'abord à l'intérieur, puis devant les porches des églises.
Quant aux chants de Noël, ils rappellent toujours les hivers de l'Europe. Le chant allemand O stille Nacht (« Ô douce nuit ») fut créé en 1818 par l'instituteur en chef du village, Franz Xaver Gruber, et le prêtre Joseph Mohr, à la guitare, faute d'orgue. Quant au refrain bien connu « Il est né le divin enfant / Jouez hautbois résonnez musettes / Il est né le divin enfant / Chantons tous son avènement elle fut imprimée en 1874 en Lorraine, mais remonterait à un air de chasse du XVIIe siècle
Un volume ne suffirait pas pour recueillir les chants populaires de Noël ; nous avons retenu ce couplet poitevin
« Lavou qu'tu cours donc si vite, Pierrot sans chapeau
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Courre, courre itou Nanette, quitte ton troupeau
Quitte ton troupeau, Nanette, quitte ton troupeau
Laisse ici dormir tes ouailles au milieu des prés
Et viens voir une merveille que j'te vas conter
Le sauveur que Dieu nous baille est né cette nuit... »)
Nous pourrions écrire un livre entier sur les chants et dictons de Noël :
Noël au balcon, Pâques aux tisons !
Lune de Noël gouverne le temps jusqu'à la Saint Jean
Claire nuit de Noël, claire javelle
Vent qui souffle à la sortie
De la messe de minuit
Dominera l'an qui suit
Noël humide, Greniers et tonneaux vides.
COMMENT SOUHAITER NOEL
Alsacien : Fréliche winorde
Basque : Eguberri On
Breton : Nedeleg laouen
Catalan : Bon Nadal
Corse : Bon Natale
Créole : Jwaïeu Nouel (Guadeloupe), jénwèl (Martinique), zwayé Noèl (Île de la Réunion)
Niçois : Bouòni Calèna
Normand : Bouon Noué
Poitevin : Boune Nàu
Provençal : Bon Nouvé, Nadau ou encore Calèndo (en hommage aux Calendes de janvier romaines, qui désignaient le Jour de l'an
Anglais : Merry Christmas
Allemand : Fröhliche Weihnachten
Chinois : shèng dàn kuài lè
Cornique : Nedelek lowen
Espagnol : Feliz Navidad
Espéranto : Gojan Kristnaskon
Finnois : Hyvää Joulua
Hawaien : Mele Kalikimaka
Hongrois : Boldog karàcsonyt
Italien : Buon Natale
Japonais merī kurisumāsu (importé de l'anglais merry christmas)
Liban : Milad majid wa aam said !(Noël Béni et joyeuse année)
Luxembourg : Schéi Chrëstdeeg
Māori : Meri Kirihimete
Monégasque : Festusu Natale
Portugais : Feliz Natal
Islandais : Gledileg Jol
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Norvégien : Gledelig Jul
Danois : Glædelig Jul
Suédois : God Jul
Néerlandais : Vrolijk Kerstfeest
Roumain : Crăciun Fericit
Gaélique : Nollaig Shona Dhuit
Bulgare : Tchestito Rojdestvo Hristovo
Slovaque : Veselé Vianoce
Slovène : Srecen Bozi
Tahitien : Ia ora'na no te noere
Tchèque : Veselé vánoce (mais sur les cartes de vœux, on utilise une formule de politesse française sans doute en usage en France au XVIIIe siècle « Pour féliciter »)
Polonais : Wesolych Świąt
Russe : Рождеством (rojd yèsst vom)- et on s'arrête là.
SIGNIFICATION DE NOËL
Il faut passer plusieurs écrans de publicité sur les jouets, les recettes de bûches et autres annonces commerciales avant de découvrir des sites qui traitent véritablement du sens religieux de Noël . C'est devenu la fête des réveillons parfois hors de prix (au minimum, la dinde aux marrons), des cadeaux (avec visite du Père Noël dans les écoles), la fête de la famille autour du sapin et de sa guirlande clignotante... Même dans les rues, les municipalités dépensaient encore naguère des fortunes pour une débauche d'illuminations. Lorsqu'on veut respecter la tradition religieuse, on dresse une crèche, on se rend à la messe de minuit.
Tout cela bien sûr pour fêter la naissance de Jésus. Mais qui fut réellement Jésus ? Un nationaliste juif ? Un prédicateur essénien contre les autorités de Palestine ? Un personnage mythique « refabriqué » à partir de certaines traditions messianiques orientales ? Une imagination BERNARD COLLIGNON FETES RELIGIEUSES 59
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de philosophes helléniques ? - ou le fils de Dieu fait homme ?
Quoi qu'il en soit, tous les hommes, croyants ou incroyants, espèrent le jour de Noël l'avènement d'un monde de paix, de justice et de tolérance. Une fois dans l'année, soyons reconnaissants à Dieu de s'être fait homme pour faire l'expérience de notre condition ! Quant à Luther, il répéta, à la suite de Maître Eckhardt : « A quoi te sert que le Christ soit né il y a si longtemps dans une étable s'il ne naît aujourd'hui dans ton cœur ? »
SYMBOLIQUE DE NOËL
Noël reste la fête des enfants et de la naïveté : chacun de nous conserve l'image de cet enfant au fond de soi, qui veut entendre des récits de légendes et de miracles garantis historiques. Dans ces imaginations transmises d'âge en âge se retrouvent les plus belles pages de l'humanité.
Noël est avant tout la fête de la naissance. Non seulement du lever du soleil, mais de chacun d'entre nous, avec son âme d'enfant. Noël apporte la Vie, la Vérité et l'Amour, qui sont les trois attributs de Dieu. Noël peut donc être, au-delà des festins, l'occasion d'une expérience mystique. Nous devons offrir à l'enfant-roi le meilleur de notre âme. La renaissance du Christ est pour le croyant le gage de la revitalisation de l'année, de la force créatrice de chacun de nous, d'autant plus marquante que cette venue au monde a eu lieu au sein de la nuit la plus sombre, la plus longue et la plus froide de l'année. Pour finir, nous ferons entendre deux voix très différentes, mais dont les messages s'interpellent et se correspondent. D'abord, quelques phrases de la prédication du pasteur Jacques Hostetter-Mills, à Liège en 2002 : « Revoilà Noël !
Noël et son cortège de réjouissances.
Noël et sa dinde farcie, sa bûche, ses cantiques, ses cadeaux, ses retrouvailles amicales et
familiales.
Je ne me situerai pas parmi les chrétiens qui jugent tout cela futile ou de pacotille (…)
Plus souvent que nous ne l’imaginons les personnages bibliques sont présents : Joseph,
Marie, les bergers, les mages, les anges, les archanges… ne fût-ce qu’en forme de
santons… et je m’en réjouis. (Mais) tous ces personnages n’ont de sens que (...)par celui qu’ils regardent. (…) Noël, c’est la plus touchante des fêtes de l’année, celle ou tant d’esprits s’inclinent en pensée devant l’émergence de l’espérance, devant l’Emmanuel. Pas « Dieu pour moi », pas
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même « Dieu pour nous » mais, littéralement, « Dieu avec nous ». (…) L’immense majorité des chrétiens sont des gens « ouverts », capables de discerner ce qui doit être perçu de façon symbolique. (…) La Bible n’est pas un livre d’Histoire, pas plus qu’elle n’est un livre de science. C’est un recueil de témoignages d’êtres qui vivent une relation avec Dieu. (…) Les premiers croyants ne considéraient pas Jésus comme leur seigneur et sauveur par sa naissance, mais bien par la nouveauté et la profondeur de son enseignement (…) Les disciples ont abandonné Jésus au moment de son arrestation et l’ont laissé crucifier sans tenter d’intervenir mais, quelques jours plus tard, ils annonceront avec force la résurrection de celui qui ne pouvait rester au tombeau. (…) En Jésus s’incarne réellement, pour le chrétien que je suis, l’idéal d’humanité voulu par Dieu dès les origines.
Jésus est à ce titre l’Adam véritable, l’homme à l’image de Dieu, le Fils de l’Homme, le Fils de Dieu…(...) Fêter Noël, ce n’est point adhérer à des doctrines abstraites ou nous remémorer des événements ponctuels invérifiables, mais c’est revivre en notre cœur cette naissance merveilleuse qui donna au monde un sauveur parfait. (…) Noël est à mes yeux une bonne nouvelle qui sera toujours à partager avec mes semblables, hommes et femmes de tous horizons et de toutes races, cultures et religions. Un homme, il y a plus ou moins 2000 ans, est né sur cette terre et, parvenu à l’âge adulte, il a, en quelques années, posé des actes et prononcer des paroles justes et bénéfiques qui le rendent à mes yeux véritablement « Fils de Dieu »
et « Fils de l’Homme »… »
La seconde voix est celle d'Anne Sylvestre, dont nous avons si souvent écouté la chanson, au temps où nous étions encore de jeunes parents :
Cétait un petit sapin
Pique, pique, pique
C'était un petit sapin
Pique, pique bien
Il vivait dans la forêt
Entouré de grands arbres
Qui sans arrêt se moquaient
Et le trouvaient bien laid
Quand parfois il soupirait
"Vous avez cœur de marbre"
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LES FETES CHRETIENNES
Les grands arbres s'agitaient
Et de leurs branches riaient
C'était un petit sapin...
Quand un jour il demanda
Qu'enfin on lui explique
La raison de ses tracas
Il entendit cela :
"Nous prenons feuille au printemps,
Toi tu es plein de piques.
Puisque tu es différent,
Tu dois être méchant"
C'était un petit sapin...
Mais lorsque l'automne s'en vint
Que les feuilles jaunirent
Qu'ils essayèrent en vain
De rester souverains
On vit le petit sapin
Tranquille et sans rien dire
Se dresser près du chemin
Plus vert chaque matin
C'était un petit sapin...
Sous la neige au nouvel an
On le trouva superbe
Et s'il en fut bien content
Ne changea pas pourtant
Et quand vint le mois de mai
Son ombre était sur l'herbe
Pas plus grande mais jamais
De lui on ne riait
C'était un petit sapin
Si l'histoire finit bien
C'est qu'à propos de feuilles
On peut encore c'est certain
Accepter son voisin
On pourrait aussi l'aimer
A condition qu'on veuille
Penser qu'on est tous plantés
Dans la même forêt
Comme le petit sapin
Pique, pique, pique
Comme le petit sapin
Pique, pique bien.
©Anne Sylvestre
E P I P H A N I E
L'Epiphanie est aussi appelée « la fête des Rois », et c'est encore l'occasion de partager un bon repas. Son nom signifie « apparition », de l'enfant Jésus aux Rois mages, qui ont suivi l'Etoile du berger pour s'en venir saluer le sauveur dans sa crèche.
DATE, GENERALITES
Le six janvier (depuis le Concordat de 1801), 12 jours après Noël, se fête l'Epiphanie. Douze jours : c'est l'intervalle moyen entre une année lunaire et une année solaire. Depuis que la naissance du Christ a été fixée au 25 décembre, les communautés chrétiennes ont interprété le 6 janvier de façon différenciée : l'Adoration des mages à Rome, et en Grèce, le baptême du Christ dans l'eau du Jourdain (ou ce qu'il en reste...) (13 janvier pour les catholiques).
L'Evangile selon saint Luc parle de l'adoration des bergers, représentée dans les crèches ; Mathieu n'en parle pas, mais mentionne « les Mages d'Orient », sans dire leur nombre, ni leurs noms. Mais la tradition les appelle Gaspar, Melchior et Baltazar, offrant le premier de l'or, le deuxième de l'encens, le troisième de la myrrhe. Ces noms nous ont été transmis par la tradition. Un mage, c'est un prêtre perse, versé en astronomie ou astrologie (ce qui, à l'époque, ne se distinguait pas...) Cette date serait aussi la jour du premier miracle de jésus aux noces de Cana – peut-être les siennes...
ORIGINES
Elles sont païennes, et latines, comme il se doit. Certains affirment en effet qu'à la fin des Saturnales, où tout était permis, les Romains tiraient au sort (à la fève) un condamné à mort que l'on traitait comme un roi, puis qu'on exécutait : on est bien peu de choses..
TRADITIONS
Les orthodoxes lancent une croix dans un fleuve russe ou roumain soigneusement glacé, où les jeunes gens téméraires la repêchent à la nage. En Grèce, même coutume parfois : la fête est appelée « apparition de Dieu », « Théophanie », d'où sont dérivés les prénoms de Tiphaine et Tiffany. C'est autrement plus revigorant qu'une simple fève dans une galette : on « tirer les rois » ; cette fève peut être une figurine de céramique ; ses collectionneurs s'appellent des « fabofiles »le détenteur de la fève choisit sa reine. Chaque fois que l'un des convives lève le coude, l'assemblée s'écrie « Le Roi boit ! » (ou « la Reine boit »). Et l'on garde une part « pour les pauvres », « pour le Bon Dieu », ou « pour la Vierge » - justement, cette galette coïncidait sous l'Ancien Régime avec la période des redevances féodales.... .
Que diable disait [M. Fergus] en agitant ses gros sourcils noirs) vient-on nous parler des mages et de leurs présens, à propos d'un usage dont l'origine profane est si bien connue ? Qui est-ce qui ne sait pas que cette plaisanterie du Roi de la Fève nous vient des Romains, dont les enfans, pendant les saturnales, tiraient au sort à qui serait roi du festin ? Cet emploi de la fève, pour interroger le sort, remonte aux Grecs, qui se servaient de fèves pour l'élection de leurs magistrats. Étienne de Jouy, L'hermite (tome V) termine ce récit en affirmant : — Je sais fort bien (répondis-je à mon savant en us) qu'on peut tout désenchanter à force d'érudition ; mais je vous avouerai que la lecture du mémoire le mieux fait sur l'origine du Roi de la Fève ne m'amusera jamais autant qu'une de ces fêtes de famille, devenues beaucoup trop rares aujourd'hui. »
En Espagne, c'est plus souvent le jour de l'Epiphanie que les enfants reçoivent leurs cadeaux (en Amérique latine, « El Dia de los tres Magos »). Ne pas oublier que c'est la « Befania » et non le Père Noël qui distribue les friandises aux petits Italiens !
SIGNIFICATION
L'or de Melchior, l'Européen, représenterait la royauté du Christ (« le Nouveau Roi des Juifs »), l'encens de Gaspar, l'Asiatique, sa divinité, la myrrhe de Balthazar l'Africain, qui se récolte sous forme de suintement, la souffrance et la mort du Sauveur – on se servait aussi de myrrhe pour embaumer les momies... - et signifie d »e plus le don de prophétie. Nous pouvons aussi parler des trois Personnes de la Trinité, ou des trois âges de la vie (Melchior, barbu, est le plus âgé).
Les protestants ont tendance à passer sous silence cette fête, peu conforme à la tradition biblique.
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LES FETES CHRETIENNES
Quant à Benoît XVI, il a déclaré ceci : « La venue des Mages de l'orient à Bethléem pour adorer le Messie nouveau-né est le signe de la manifestation du Roi universel à tous les peuples et à tous les hommes qui cherchent la vérité''.
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LES FETES CHRETIENNES
LA CHANDELEUR
DATE
La Chandeleur : son nom vient du latin « festa candelorum » ou « fête des chandelles » (on les allumait à minuit). Ce jour, 40e après Noël, soit le 2 février (le 15 chez les orthodoxes) commémore la présentation au temple de l'enfant Jésus, et la Purification de la Vierge (après l'accouchement) (selon les prescriptions du Lévitique)
Historique
Comme toujours, nous pouvons retrouver des rites païens coïncidant plus ou moins avec cette date : Brigid, génitrice des dieux celtes, se fêtait le 1er février par des processions aux flambeaux dans les champs. Le 2 février, ce fut aussi en Europe la fête de l'Ours, où ce dernier sortait de son hivernage... ou rentrait se mettre à l'abri, comme un coucou suisse. On en profitait pour simuler des enlèvements (voire pis...) de jeunes filles... Certaines régions appelaient même ces réjouissances « chandelours », jusqu'au XVIIIe siècle !... Les Lupercales à Rome, pour la fécondité des troupeaux... et des hommes ; le 2 février, les Romains célébraient les Parentalia, qui s'achevaient par des veillées aux chandelles : on honorait Pluton, (« le Riche »), Dieu des morts, et son épouse Proserpine, fille de Cérès. St Gélase, pape (492-496), y substitue la Chandeleur, et fait distribuer des crêpes aux pèlerins qui se rendent à Rome. D'autres sources mentionnent Vigile (735-755) ou saint Serge (687-701)A partir de 1372, on célèbre aussi la Purification de Marie.
Coutumes
Puisque c'est le début des semailles, la farine qui reste de l'année précédente permet de confectionner des crêpes ! (« crispae » : « ondulées », en latin) Ce sont des tantimolles en Champagne, des vautes en Ardennes, des roussettes en Anjou, des crupets en Gascogne. Elles doivent retomber dans la poêle, surtout si l'on tient contre le manche une pièce d'or. Ou bien sur l'armoire – où elles doivent rester jusqu'à l'année suivante – mais pas toutes... Ce jour-là, les familles chrétiennes rangent la crèche, jusqu'à Noël...
Quelques dictons :
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LES FETES CHRETIENNES
A la Chandeleur, l'hiver se meurt ou prend vigueur.
A la Chandeleur, la neige est à sa hauteur (maximale) (au Québec)
Rosée à la Chandeleur, l'hiver à sa dernière heure.
Signification
Les chandelles purifient le monde, et la présence du Christ l'illumine ! Il peut bien, par la même occasion, bénir les champs... Lumières et ténèbres, vie et mort, monde souterrain des graines, et des récoltes sous le soleil... tout se tient.
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LES FETES CHRETIENNES
LES RAMEAUX
Généralités
Lorsque Jésus fit son entrée à Jérusalem, sous les acclamations de la foule mais cinq jours avant sa crucifixion, il venait en pèlerinage au Temple, comme de nombreux Juifs à l'occasion de la Pâque ; et chacun agitait des palmes, ce qui n'est pas sans rappeler le rituel de souccoth : élévation du loulav (mêlés à une branche de palmier-dattier, du cédrat, du myrte et du saule).
ORIGINE ET HISTOIRE
A Jérusalem, on célébrait dès le IVe siècle l'entrée de Jésus dans la ville par une procession solennelle. Certaines représentations prouvent que cette fête fut célébrée tout au long du Moyen Age. Mais son véritable développement ne remonte qu'aux XVIe-XVIIe siècles. Depuis quelques années, Les Rameaux incluent également la célébration de la Passion du Christ, mais aussi... celle de la jeunesse.
LITURGIE
Le dimanche des Rameaux, les ornements liturgiques sont rouges. Cette couleur est le signe à la fois de la royauté de Jésus et de sa passion. La célébration comporte en effet deux parties : les Rameaux proprement dits, et la Passion (depuis la réforme de 1970, sous le pontificat de Paul VI). Le prêtre lit l'Evangile correspondant à l'entrée solennelle de Jésus à Jérusalem.
COUTUMES
La messe des Rameaux comporte un préalable : la bénédiction du buis, qui sous nos latitudes remplace les palmes. Mais ailleurs, d'autres rameaux sont utilisés : en Alsace et en Allemagne, du BERNARD COLLIGNON FETES RELIGIEUSES 69
LES FETES CHRETIENNES
buis mélangé de Katzenpfötchen (« papattes de chat », très duveteuses) ; en Pologneet en Russie, des branchettes de saule. L'Evangile de Jean (12,13) précise que c'était la coutume d'accueillir le triomphateur en agitant des palmes.
Une procession, où chacun porte son rameau de buis béni, rappelle le triomphe (non militaire, celui-là) de Jésus. L'âne porte sur son dos une croix de poils bruns, depuis qu'il a porté le Christ... Dans le sud de l'Espagne, en Italie, au Portugal, en Corse, on trouve des palmes sans difficulté. Les Andalous suspendent des feuilles de palmier séché à leurs balcons : elles protègent contre les voleurs et les fantômes. Mais au nord de l'Espagne, ce sont des rameaux d'olivier que l 'on bénit. En Hollande, du houx. En Suède, une tradition antérieure au christianisme célébrait le renouveau végétal ; il ne fut pas difficile de l'intégrer aux coutumes chrétiennes. Un peu partout, les Rameaux sont appelés « pâques fleuries », en raison des nombreuse fleurs que l'on répand partout, comme jadis la foule sous les pieds de l'ânesse qui portait le Christ ! On dit en Corse que l'âne a cette croix depuis qu'il a été sanctifié en servant de monture au futur crucifié. En plus des rameaux de palmes, on porte aussi en Corse des rameaux d'olivier, signe de paix et d'abondance.
Les buis bénits sont glissés derrière les crucifix dominant le lit des fidèles. On en place également sur les tombes. Et la combustion de ces rameaux, devenus secs, procure les cendres du Mercredi des Cendres, justement, qui est le premier jour du Carême.
VOCABULAIRE DES RAMEAUX
On appelle encore ce dimanche capitilavium, car c'était le jour où on lavait la tête des catéchumènes qui venaient tous ensemble demander la grâce du baptême, qu'on leur administrait le dimanche suivant : le jour de Pâques.
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LES FETES CHRETIENNES
Le dimanche des Rameaux se dit en espagnol et en portugais Domingo de ramos, Domenica delle Palme en italien. En anglais, Palm Sunday, Willow, Yew, ou Blossom Sunday. Allemand : Palmsonntag. En néerlandais : Palmzondag. En danois et en norvégien : Palmsøndag, et Palmsöndagen en suédois. Niedzewa Palmowa en polonais (« dimanche des Palmes), Tsvenitas en bulgare (de tsvété, fleur).
Revenons en France : « Pâques à buis » en Picardie, « les Paumes » (« les palmes ») en Lorraine. En Limousin, les Rameaux s'appelaient Hozanne, Dimanche Ozannier ; aussi appelait-on « croix hosannière » la croix de carrefour et celle du cimetière, lorsqu'elle était ornée, puis en tout temps.
SIGNIFICATION
Le Christ fait son entrée sur un âne, pour annoncer la modestie de sa royauté, qui n'est pas de ce monde. Et chacun criait : « Hochannah ! De par ta Grâce, sauve-nous ! » Le nom de Jésus, apparenté à la même racine, signifie « le salut par Yahweh », « Yého - shouah », de « yash », « sauver ». "Seigneur, aujourd’hui commence la Semaine Sainte. Je ne veux pas que cette semaine ressemble à n’importe quelle autre semaine de l’année. Je ne veux pas demeurer indifférent aux mystères de ta passion et de ta mort. Ainsi je viens à toi dans la prière pour méditer et réfléchir sur ce qui s’est passé les derniers jours de ta vie sur terre. Chaque jour de cette semaine je veux prendre le temps pour contempler ces mystères. Aujourd’hui, dimanche des Rameaux, tu entres triomphalement à Jérusalem, accompagné des acclamations de la foule. Aide-moi en ces quelques minutes de prière à pénétrer plus profondément dans la signification de cette célébration."
L'entrée des fidèles ce jour-là symbolise à l'avance la marche de l'humanité lorsqu'elle fera son entrée dans la Jérusalem ou dans le Paradis ; au choix : On ira tous au Paradis ou bien Oh when the Saints / Go marching in...
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LES FETES CHRETIENNES
P Â Q U E S
GENERALITES
Définition du dictionnaire de Furetière (1690) : Pasque : la plus solennelle des Festes qui se célèbre chez les Juifs en mémoire de leur délivrance de la captivité en Egypte, et chez les Chrestiens en mémoire de la résurrection du Sauveur. Pascha est un mot Hébreu qui signifie passage. On appelloit autefois dans l'Eglise « Pasques » toutes les festes solemnelles. On dit encore en Espagnol, Pascha de Navidade. » (d'où l'expression ¡ Felices Pascuas ! - Joyeux... Noël !) Les juifs parleront de la Pâque ; au Moyen Age, on utilisait aussi bien le singulier que le pluriel. Les orthodoxes préfèrent parler de « la Pâque ».
PÂQUES CHRETIENNES ET PÂQUE JUIVE – GENERALITES
La fête de Pâques marque la fin du Carême et célèbre la résurrection du Christ. La mort de Jésus étant célébrée le Vendredi Saint, et l'Evangile affirme qu'il est ressuscité le troisième jour, il s'agit donc du dimanche suivant, car les Romains, les Grecs et les Hébreux comptaient le premier jour. Certains affirment que la fête catholique de Pâques (le même jour que chez les protestants) serait décalée pour ne pas coïncider avec la Pâque orthodoxe, ni juive, cette dernière religion ayant de plus fourni le nom de cette fête de la Résurrection du Christ... laquelle se produisit durant la semaine de ladite Pâque. Il est vrai en effet que le concile de Nicée décida de calculer la date de Pâques de façon qu'une telle coïncidence fût le plus possible évitée...
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DATE
Les Pâques chrétiennes se célèbrent donc le quatorzième jour de la lunaison de printemps (ou, si ce jour était un vendredi, au lendemain, samedi) (ou, de préférence, le dimanche qui suivait) (autrefois, la date de Pâques pouvait tomber un jour de semaine). Voici la formulation exacte : « Le dimanche qui suit la pleine lune venant après l'équinoxe de printemps » (fixé au 21 mars), soit entre le 22 mars et le 25 avril. » Le calcul de cette date s'appelle le « comput », à partir de la « lune de comput », qui n'est pas la nouvelle lune réelle, mais fictive, en rapport avec un calendrier lunaire perpétuel, d'où une variation minime. De nos jours, on se fonde sur l'épacte de l'année, qui est le quantième du mois lunaire à la date du 1er janvier, calculé à partir de la nouvelle lune (où cette dernière est entièrement invisible à l'œil nu.
Mais Vatican II (reprenant en cela les conclusions du concile de Nicée en 325) ne s'opposerait pas à l'instauration d'une date fixe pour la fête de Pâques. De cette date dépendent également celles des fêtes « mobiles », Ascension, Pentecôte (cf. infra).
L'Eglise d'Orient, séparée du catholicisme depuis l'an 1054, n'a pas accepté la réforme du pape Grégoire XIII en 1583 : le décalage atteint de une à cinq semaines avec les célébrations catholiques (le printemps orthodoxe commence début avril) – sans compter un second décalage de 4 ou 5 jours, les orthodoxes se fondant sur un calendrier lunaire devenu inexact. Nous fêterons cependant Pâques le même jour en 2011 et 2014.
Le Vendredi Saint est férié aux USA et en Alsace-Moselle ; c'est ce que l'on appelle, en Allemagne et en Autriche, le Karfreitag.
Autrefois, la fête de Pâques était célébrée toute la semaine.
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DATES A VENIR
2011 24 4 2012 8 4 2013 31 3
2014 20 4 2015 5 4 2016 27 4 2017 16 4
2018 1 4 2019 21 4 2020 12 4 2021 4 4
2022 17 4 2023 9 4 2024 31 3 2025 20 4
2026 5 4 2027 28 4 2028 16 4 2029 1 4
2030 21 4
Pour finir : le lundi de Pâques, férié en France, n'a aucune signification religieuse.
RESURRECTION
Les chrétiens célèbrent, à Pâques, la résurrection de Jésus. Cela s'est passé aux environs de l'an 30, puisque nous avons appris plus haut que le Christ est né, selon toute vraisemblance, en 6 avant lui-même... Tous les croyants savent que Jésus fut livré aux Romains par le Sanhédrin ou Conseil des Juifs (qui ne l'ont donc pas tué eux -mêmes : la croix est un supplice romain ; des Juifs l'auraient lapidé) ; c'est le scepticisme de Ponce-Pilate (« Qu'est-ce que la vérité ? ») qui a permis sa crucifixion ; il semble que le gouverneur de Judée ait cédé aux pressions d'une certaine partie de la population – pour ne pas avoir d'histoires, dirions-nous. Ce qui est, juridiquement, impossible, compte tenu de la législation romaine.
Certains affirment que plus tard, bourrelé de remords, Pilate se serait retiré au cœur de la Suisse, pour se précipiter dans le lac des Quatre-Cantons : le mont qui domine ledit lac s'appelle en effet « Mont Pilate ».
Un très ancien culte célébrait la mort du dieu Atys (après autocastration), et sa résurrection le troisième jour au pied d'un pin, que les fidèles portaient en procession au sein d'une grande liesse au cours d'une grande fête appelée les « Hilaria ». Le dieu solaire Mithra est lui aussi ressuscité le BERNARD COLLIGNON FETES RELIGIEUSES 74
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troisième jour. Les chrétiens assurent que de telles célébrations n'auraient été que de grossiers brouillons, ayant précédé la seule véritable révélation finale. Mais l'idée était dans l'air... Le Coran contient, pour sa part, cette sourate étrange célébrant la croix : « Ils [les Juifs] ne l'ont ni tué ni crucifié ; mais il le leur sembla ! Et ceux qui disputaient à son sujet sont eux-mêmes dans l'incertitude : ils n'en ont aucune connaissance certaine, ils ne font que suivre des conjectures, et ils ne l'ont certainement pas tué. » (Coran, IV.157). Ce passage a donné lieu à beaucoup de débats et de controverses entre chrétiens et musulmans.
LITURGIE PASCALE
Les ornements liturgiques sont blancs. Le temps pascal court du jour de Pâques à la veille du dimanche de la Trinité. Le Jeudi saint, premier jour du « triduum pascal », on dit la messe qui rappelle la Cène : ce soir-là fut instituée l'Eucharistie, reposant sur la transsubstantiation (le pain transformé en corps, le vin en sang du Christ) ; à cette occasion est rappelé le récit de la Pâque juive (Exode 12, 1-14)? Comme Jésus aurait lavé les pieds de ses disciples, le célébrant lave ceux de quelques-uns des fidèles, et le Pape ceux de ses hauts dignitaires (c'est le « lavement des pieds »). Le Vendredi Saint se déroule le Chemin de Croix, à trois heures après midi. Le samedi saint, chacun fait silence, et se recueille ; il est interdit de sonner les cloches, par conséquent, de célébrer quelque mariage ou baptême que ce soit. Et le soir, depuis Paul VI, commence la célébration de la Résurrection.
Le cierge pascal est la présence vivante du Christ. Dans la cire est gravée une croix, mentionnant le millésime de l'année, portant un Alpha et un Oméga par-dessus et par-dessous la barre horizontale : « Je suis l'Alpha et l'Oméga », le commencement et la fin de toute chose.
Le jour de Pâques, il est obligatoire de communier, depuis le 4e concile de Latran (1215) ; s'il y a un seul jour de l'année où l'on doit le faire, c'est en effet le jour de Pâques, à la messe. On dit que l'on « fait ses Pâques ». Il faut pour cela s'être confessé auparavant, et avoir reçu l'absolution d'un prêtre. BERNARD COLLIGNON FETES RELIGIEUSES 75
LES FETES CHRETIENNES
C'est aussi ce jour-là que le Pape, du haut de son balcon, bénit « la Ville [de Rome] et le Monde » (bénédiction Urbi et Orbi). Enfin, les catéchumènes (adultes demandant à recevoir le baptême) se font toujours baptiser à Pâques ; ils reçoivent aussi la Confirmation.
VOCABULAIRE PASCAL
Ne confondons pas, en français, la « semaine sainte », qui précède Pâques, à partir du dimanche des Rameaux (« Pâques fleuries »), et la semaine qui suit, dite « semaine de Pâques ». Le dimanche de Quasimodo est appelé « Pâques closes » : les premiers mots du premier chant de la messe en latin de ce jour-là sont « quasi modo geniti infantes – tels des enfants nouveau-nés... »
En italien : Pasqua En néerlandais : Pasen En russe : Paschha
En espagnol : Pascua En libanais : Fessa'h En basque : Pazko
En portugais : Páscoa En roumain : Paşti En breton : Pask
...et le plus surprenant de tous, en arménien : Zadig, ce qui signifie « Résurrection ».
Les noms anglais et allemand (Easter et Ostern) rappellent celui d'une déesse de la fécondité, mentionnée par Bède le Vénérable, « Ostara » ou « Eâstre », de la même famille que Ost / East / Est; la religion chrétienne a toujours préféré adapter les religions préexistantes au lieu de les nier ou de les combattre – du moins, à ses débuts...
Pendant cette journée les orthodoxes se saluent par les mots : « Christ est ressuscité ! » Христос васкрсе, (« Christos vaskrse ») et l'interlocuteur répond « Il est vraiment ressuscité ! » - Bаистину
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LES FETES CHRETIENNES
васкрсе (pour les Grecs : « Χριστός Ανέστη ! » Christos anestè ! « Αληθώς Ανέστη ! » (Alithos anestè !)
COUTUMES
La Résurrection marque la fin du Carême (« Quadragesima ») (« de quarante jours »). On fabrique à cette occasion des agneaux en biscuit, on distribue des œufs ; en Grèce, où les réjouissances de Pâques dépassent celles de Noël, on mange l'agneau pascal, autrement plus riche en signification que notre dinde de Noël !
LES ŒUFS DE PÂQUES
Cette coutume des « œufs de Pâques » provient sans doute d'un culte de l'œuf antérieur à la religion chrétienne, et situé à l'équinoxe de printemps (précisons que s'il existait tant d'œufs à manger à Pâques, durs, nous l'espérons, c'est qu'il était interdit d'en consommer pendant tout le Carême (période de jeûne en ce qui concerne la viande et les œufs). On les ornait, on les peignait de toutes les façons. Il s'agit donc de célébrer la fécondité de la nature. Noter que l'œuf a également sa place sur la table du séder, lors de la Pâque juive, où il symbolise, cette fois, le deuil de la première destruction du Temple de Jérusalem, qui s'est produite le jour de Pessah. Les œufs peints s'offraient aussi en Egypte et en Perse antiques ; ce sont là des symboles universels parfaitement interprétables.
Pour en revenir aux œufs de Pâques proprement dits, on ne les voit en France qu'à partir du XVIe siècle : il ne s'agit donc pas d'une survivance païenne. En Hongrie, les femmes et les fillettes peignent les œufs, qu'elles offriront le lundi de Pâques à celui qui les aura arrosées d'eau ou de parfum ; en Russie, on porte des œufs au cimetière sur les tombes de la famille.
Ce n'est qu'au XVIIIe siècle qu'on eut l'idée de vider un œuf frais pour le remplir de chocolat... Mais dès Louis XIV, des œufs recouverts d'une feuille d'or étaient offerts à ses courtisans par le souverain lui-même ! Louis XV, quant à lui, offrit un gigantesque œuf de Pâques à sa maîtresse : il contenait une statue de Cupidon, dieu du désir... quelque chose de bien peu chrétien au BERNARD COLLIGNON FETES RELIGIEUSES 77
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sens où on l'entendait alors ! Et chacun sait les prodiges accomplis par Fabergé à la cour des tsars: ses œufs sont de magnifiques œuvres d'art ! - le premier date de 1884, à l'occasion du mariage d'Alexandre III.
LE LIEVRE DE PÂQUES (en allemand : die Osterhase)
Quant au lapin, c'était à l'origine un lièvre. Nous trouvons des traces du culte du lièvre dès 3500 ans avant l'ère chrétienne ; il était sacrifié à la déesse du printemps Eostre, déesse-mère : c'est en effet un animal particulièrement prolifique ! On le rencontre à nouveau dans le courant du XVIe siècle, où il est censé garnir le jardin d'une quantité de petits œufs, que les enfants cherchent avec application dès leur réveil, au matin de Pâques. Les différentes couleurs des œufs s'expliquaient en fonction des herbes que le lièvre avait mangées la veille ! La couleur la plus anciennement connue est le rouge, symbole de l'énergie vitale, devenue celle du sang du Christ. Récupérations théologiques : la coquille est le corps ressuscité du Sauveur ; le blanc d'œuf en est l'âme et le jaune, la divinité...En Suisse, c'est le coucou qui cache les œufs ; en Westphalie (province allemande), le renard ! Et en Alsace, bien sûr, la cigogne.
LE POISSON DE PÂQUES
Les initiales du mot « poisson », en grec, peuvent signifier « Jésus, Fils de Dieu, Sauveur » : Hièssous, Théou Huyos, Sôtèr, ΙΧΘΥΣ, ichthus. Les chrétiens se reconnaissaient entre eux en échangeant ce signe ou mot de passe. Le signe de croix fut institué plus tard.
L'AGNEAU DE PÂQUES
En Alsace, l' « Osterlammele » ou « Lamala » est un biscuit en forme d'agneau. . L'agneau représente à la fois, bien entendu, celui de la Pâque juive, que les familles hébraïques sacrifièrent
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LES FETES CHRETIENNES
avant de s'enfuir d'Egypte, et celui des Pâques chrétiennes : l'Agneau de Dieu représente l'innocence du Christ, sacrifié pour nos péchés : « Agneau de Dieu, qui enlèves les péchés du monde, aie pitié de nous. » Sur le tableau de Van Eyck, visible (moyennant finances) à la cathédrale St-Bavon de Gand, le cœur de l'agneau mystique laisse jaillir son sang dans un calice d'or. Ce même sang permet la relation avec Dieu via le Christ : « C'est pourquoi Jésus aussi, pour sanctifier le peuple par son propre sang, a souffert hors de la porte. » (Hébreux 13, 12).
LES CLOCHES DE PÂQUES
Les cloches ne doivent plus sonner, en signe de deuil, depuis le Vendredi saint à 15 heures (instant précis de la mort du Christ en croix) jusqu'au matin de Pâques, où les femmes constatèrent sa résurrection. Tant que le Christ est mort (visitant les Limbes), la clochette de l'office elle-même, qui retentit au moment de la consécration, est remplacée par une crécelle en bois. En Italie, on attache même le battant des cloches. D'après la tradition, elles sont allées à travers les airs à Rome, où le Pape les bénit, et en reviennent, munies d'une paire d'ailes, en carillonnant joyeusement, avec une profusion de cadeaux, là encore des œufs, véritables ou en chocolat.
A propos de cloches, on processionnait en Angleterre de maison en maison le lundi de Pâques pour soulever les jeunes filles, à trois reprises, sur un fauteuil garni de fleurs ; cela leur portait chance. Et le mardi, c'étaient les filles qui soulevaient les garçons !
LE CIERGE DE PÂQUES
Il est allumé ce jour-là, en tant que présence vivante du Christ dans l'Eglise (« Je suis la lumière et la vie ». Une croix est gravée dans la cire, avec les quatre chiffres de l'année, ainsi que la première lettre de l'alphabet grec (« alpha ») et sa dernière (« ôméga » ) : le Christ est le commencement et la fin « Je suis l'Alpha et l'Ôméga ».
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PROVERBES DE PÂQUES
Se faire poissonnier le jour de Pâques : s'engager dans une affaire, lorsqu'il n'y a plus aucun avantage à en espérer.
Se faire brave comme un jour de Pâques : se parer comme en un jour de fête.
SIGNIFICATION DE PÂQUES
Il est pour le moins fâcheux, là encore, d'entendre uniquement parler de Pâques en termes de chocolat et autres frivolités. Les chrétiens, du moins les Français, seraient-ils donc les plus « profanisés » des peuples monothéistes ? nous serons bien toujours les fils de Voltaire et d'Emile Combes, héros que n'ont point subis les autres religions. Pas un seul livre de ce nom en notre langue pour expliquer aux enfants la pâque juive ou chrétienne, et pourtant, croyants ou pas, les jeunes Européens doivent connaître l'origine et le sens de ce mot, de cette fête, s'ils veulent pouvoir comprendre une crucifixion de Rembrandt, une pietà de Michel-Ange ou la Passion selon saint Mathieu de Bach.
Le plus simple est de se référer à la Bible (Exode, 11) : Pâques fut à l'origine une fête des bergers nomades qui sacrifiaient un agneau en l'honneur de leur dieu. Nous avons vu plus haut que ce sacrifice commémorait le passage de la Mer Rouge à pied sec, tandis que les armées du pharaon s'y trouvaient englouties... La Pâque juive devint la plus importante des fêtes pour les Hébreux.
La Pâque chrétienne célèbre la mort et la résurrection du Christ. De même que Moïse guida les Hébreux pour les sauver de l'esclavage, de même le sacrifice de Jésus, fils de Dieu, nous a-t-il racheté de l'esclavage de tous nos péchés. On emploie le pluriel, « Pâques », pour désigner la fête chrétienne, mais la Pâque juive a influencé son homologue chrétienne. Bien sûr, leurs dates respectives sont toujours proches, puisque les évènements de la vie du Christ (qui rappelons-le était juif...) auxquels cette fête se réfère se sont déroulés durant la semaine même de la Pâque juive (le 15 nissan, correspondant aux mois de mars et avril).
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LES FETES CHRETIENNES
LA CENE
C'est au cours du dernier repas du Christ que ce dernier institua l'Eucharistie (« action de grâces), à savoir la transformation effective (transsubstantiation) du pain en corps du Christ, et du vin en sang du Christ : « Pendant le repas, il prit du pain, et après avoir prononcé la bénédiction, il le rompit, le donna [à ses disciples] et dit «Prenez, ceci est mon corps ». Puis il prit une coupe, et après avoir rendu grâce, il la leur donna et ils en burent tous. Et il leur a dit : « Ceci est mon sang, le sang de l'alliance... » (Marc, XIV). Moins abruptement, les luthériens préfèrent parler de « présence du Christ dans l'ostie » ou « consubstantiation »).
VALEUR DE LA COMMUNION
Il s'agit de la confirmation sur le mode rituel du mystère de l'incarnation, sans lequel il n'y a pas de christianisme : est chrétien en effet celui qui croit fermement que le Christ, fils de Dieu,
s'est incarné, afin de relier à tout jamais le ciel et la terre, rachetant ainsi le monde d'ici-bas en l'arrimant, en quelque sorte, au monde d'en-haut, au monde céleste, au monde de Dieu, où la mort est inconcevable. « Dieu se révèle comme celui qui a pris le parti de l’homme jusque dans le plus ignoble, du côté de ses échecs, de ses peurs, de ses angoisses et de sa mort. Un Dieu qui a vécu à l’extrême ce que chacun de nous peut vivre, et nous affirme que l’amour va au-delà de la mort. Un Dieu qui se révèle dans la mort sur une croix et dans l’inconcevable de la résurrection, (…) qui se révèle dans la toute puissance de l’amour. (…) L'idée même de résurrection rencontra les plus grands obstacles chez les premiers croyants, qui ne pouvait, justement, y croire.
Pâques protestantes
A Pâques, Dieu nous rencontre dans l’impossible... » nous dit Noémie Woodward, pasteur, depuis 2006, du Bocage Normand, et qui ajoute qu'elle préférerait quant à elle que le jeûne du Carême, au lieu de nous « préparer » à Pâques (auquel rien ne saurait nous « préparer ») serait mieux indiqué, « plus protestant », après cette fête, pour rappeler que rien ne peut s'accomplir sans la grâce de Dieu. Alain Joly, pasteur lui aussi, trouve qu'il est plus opportun de tenter l'évangélisation à Pâques plutôt qu'à Noël : « A Noël, on s’agite dans les magasins. Dans le temps du carême, il y a une plus grande disponibilité d’ordre spirituel ».
Noter l'initiative des Eglises réformées du Poitou, qui organisent avec les bénédictines de Pié-BERNARD COLLIGNON FETES RELIGIEUSES 81
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Foulard, à Prailles, une marche de l’aube pascale : à 6 heures du matin, on marche en silence dans la nuit, on lit les Evangiles. De même, Pierre et Jean sont accourus au tombeau pour le trouver vide... Parvenus au monastère, tous, catholiques et protestants, se mettent à prier et à chanter « au moment même où la lumière du jour commence à emplir la chapelle. » Les baptêmes se font volontiers le jour de Pâques, puisqu'ils sont eux aussi une résurrection, un « passage » de la mort à la vie éternelle, vers où Christ nous montre la voie. « Nous devons garder ferme ce souci de l'accueil que nous avons déjà et avoir l'audace de partager avec tous cette bonne nouvelle qui nous fait vivre. Pasteur Robin Sautter.
Pasteur à Romont, Luc Ramoni rappelle que les protestants mettent plus en relief la fête de la résurrection que celle de la naissance, car la résurrection est l'espoir que tous les hommes un jour ressusciteront, au moins sur le plan spirituel. Les catholiques se focalisent plus sur les souffrances et la mort du Messie – à Romont existent des processions, avec pleureuses. Tandis que les Réformés ne voient plus le Christ sur la croix, où il n'est plus (les temples ne comportent pas non plus de « chemin de croix », et les protestants ne sauraient « processionner» ni déployer de fastes , ils ne reçoivent pas de « message » ni de « directives » de la part du pape. Le carême invoqué plus haut permet plutôt chez les protestants de participer à des actions humanitaires, en signe de communion. « Nous voulons faire connaître le protestantisme et communiquer de façon positive sur son pluralisme, issu de notre esprit de liberté », affirme le pasteur réformé Jean-Yves Peter. « Nous voulons montrer » ajoute un autre « que nous sommes capables de travailler ensemble » (avec les catholiques). Luc Ramoni : « La foi est avant tout une démarche personnelle, il faut cesser de culpabiliser les croyants qui se sentiraient à leur aise dans une autre communauté que celle de leur origine.» Ce pasteur est un exemple parmi tant d'autres, car il n'existe aucune hiérarchie de type papal ! « Pour nous, Pâques, c’est tous les dimanches, la Pentecôte aussi » : la mission de l'Eglise n'est-elle pas de rappeler ce message de Pâques : « Par sa mort et sa résurrection, Jésus-Christ me rejoint et il me sauve. » L'Eglise réformée se veut essentiellement accueillante, comme on l'a si peut été avec elle.
Ses cultes sont « joyeux et accueillants », « permettant à chacun d'approfondir ou de découvrir librement la foi. » « Oui », affirme le pasteur Sautter, «ayons l'audace de croire que nous pouvons aider notre prochain en témoignant de notre confiance en Dieu ! »
Réformés et catholiques
BERNARD COLLIGNON FETES RELIGIEUSES 82
LES FETES CHRETIENNES
Les propos ici recueillis pourraient faire croire que les réformés et les catholiques vivent sensiblement la fête de Pâques de la même façon. Mais les protestants accordent à cette célébration plus d'importance qu'à celle de Noël : car tous les hommes naissent ; or, seul le Christ a vaincu la mort, seul il est né pour la seconde fois, preuve pour le croyant qu'il est à jamais fils de Dieu, et promesse de résurrection pour tous les autres fils de Dieu que nous sommes... Jamais les Protestants ne s'attarderaient sur la représentation culpabilisante du chemin de croix : ce dernier n'est jamais représenté dans un temple. Et même, le plus souvent, la croix reste vide, car Christ n'y est plus, « il est avec nous » (Luc Ramoni)
Nous avons voulu profiter de ce chapitre sur le sens de la fête de Pâques pour montrer que les Catholiques et les Protestants, quels qu'aient pu être jadis leurs affrontements, diffèrent essentiellement sur les accents qu'ils mettent plus volontiers, les uns ou les autres, sur tels ou tels aspects de la foi chrétienne, sur telles ou telles approches de Dieu. Mais tous, Protestants, catholiques, orthodoxes, se reconnaissent en la personne du Christ.
CONCLUSION
Assurément les évènements qui gravitent autour de la mort du Christ n'ont qu'une attestation historique assez problématique. Mais ce qui importe pour le chrétien, c'est la nouvelle signification accordée à la Pâque juive : l'ange qui « passe », qui « omet » les portes des juifs accorde la vie aux premiers-nés d'Israël ; or, alors que rien ou presque ne vient dans la Torah nous promettre une vie après la mort (les sadducéens, chez les Juifs, n'y croyaient pas), la résurrection du Christ nous garantit une vie éternelle, une Terre Promise... éternelle. La croix, instrument de supplice, devient ainsi la clef mystique ouvrant la porte de la survie individuelle. D'où le cantique : « Ave, crux, spes unica, Salut, croix, unique espérance. »
Pour le croyant, Pâques nous fait passer de la mort à la vie, du désespoir et du néant à la pleine jouissance de la vie éternelle : nous déposons le poids de nos péchés (d'où la communion reçue ce jour-là) et nous entrerons au royaume de Dieu, [mourant] avec le Christ et [ressuscitant] avec lui comme le dit l'apôtre Paul. Pour ceux que cette croyance laisse dubitatif, mais qui ne renoncent pas à croire en la valeur profonde du message christique, le Christ, en esprit, restera BERNARD COLLIGNON FETES RELIGIEUSES 83
LES FETES CHRETIENNES
toujours en nous, vivant, jusqu'à la consommation des siècles. Ceci afin que nous ayons la volonté, afin que nous recevions la grâce de la transformation de notre vie spirituelle.
Il est bien entendu tout à fait loisible de réinterpréter les survivances des rites préchrétiens dans le sens chrétien : l'œuf représenterait ainsi la vie nouvelle qui nous attendrait après notre résurrection... La signification de l'agneau se révèle particulièrement riche : le livre d'Isaïe (53, 5-7) nous assimile à un troupeau de brebis égarées, écrasées sous le poids des péchés : le fils d'Abraham, sur le point d'être sacrifié par son père, semblable à l'agneau qu'on mène à la boucherie. A une brebis muette devant ceux qui la tondent, n'a pas ouvert la bouche. Et ce sacrifice préfigure celui du Christ dans le Nouveau Testament. Le bélier que trouve Abraham devient l'Agneau de Dieu : « Le lendemain, [Jean-Baptiste] vit Jésus venir à lui et dit : « Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde » (Jean, I, 29).
Il n'est pas sans intérêt pour finir de mentionner une interprétation mystique de la fête dePâques, Jésus se délivrant enfin, par sa mort et sa résurrection, de la prison terrestre...
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