Blattes, blattes Récit

C O L L I G N O N B L A T T E S , B L A T T E S Récit I Regarde-les, mon âme ; ils sont vraiment affreux - Baudelaire – Les aveugles a) Détail de la reptation, dans les angles, le long des plinthes. b) Le couple effaré, serré l'un contre l'autre, musique de Schubert. c) Vision élargie à l'ensemble de la cuisine et de la boucherie de Fort-St-Jacques II L'héritage a) Ils lisent, effarés,le document descriptif b) L'obligation de résidence alla Ponzia c) Ils prennent possession des lieux en se déplaçant, toujours l'un contre l'autre – musique III Les lieux a) Les aubergistes, sur leurs talons, expliquant. b) Montée de l'escalier, les douches, les chambres merdiques c) Le puits des miliciens, retour aux blattes Tout être qui se sent persécuté est réellement persécuté MONTHERLANT Le cardinal d'Espagne A I a Les blattes sont de petits insectes dégueulasses, hétérométaboles et dictyoptères. Ils trottent dans les lieux obscurs en faisant cra-cra-cra et se nourrissent de Nos débris. Les voici en pleine lumière, au plafond, sur les murs. Partout. Non pas en files ou queue-leu-leu comme les cafards noirs et ramassés, non, la blatte longue et brune a son identité, son autonomie. Elles sont toutes là en positions différentes, éblouies par l'ampoule à 100W qui les fusille aux yeux, les aplatit dans l'illusion qu'elles ont d'être invisibles, elles font les mortes sans penser encore à se contracter d'un coup les six pattes sur le ventre pour se laisser tomber et filer, sans pressentir encore leur extermination à grands coups de savates à même les parois et le plafond 2 nu. Et paf à deux tatanes chacun ça fait quatre taloches qui tapent et tapent sur les blattes qui tombent. La mort la plus simple pour l'organisme le plus simple. Ce n'est pas compliqué, un 2 rectangle brun qui craque à peine. Éviter de coller le cadavre au mur en claquant trop fort. A I b Sur les blattes les babouches à la main, carnage en dépit du grand nombre de planqués par tous les angles et toutes les fissures, deux humains crâne rasé, roux pour la femme : - Vingt-cinq dit l'homme. - Quarante-quatre dit la Marquise, rase, rousse, en sarrau bleu. Elle s'est acharnée la vache. Total 69. "C'est un hasard – Fait chier tes obsessions Pascal, cherche un balai." Pascal cherche au hasard vers le fond, là où c'est le plus sale, où trouvent les placards normalement, dans un appartement qu'on ne connaît pas. Les cadavres s'empilent sur la pelle et ça fait penser à Auschwitz c'est au tour de Pascal de gueuler T'en as pas non plus toi des obsessions dégueu? Donc ils débouchent leurs oreilles et coupent le son C'était quoi pour toi dit la femme Schubert comme d'hab répond Pascal Passe-moi la poudre à lessiver dans la bagnole il est tout pâle. Il jette les cadavres dans un grand sac en plastique. A 1 c Ils sont arrivés mains dans les poches, le reste suit par autocar. Les écouteurs au fond des oreilles, bonne provision de cassettes dans le sac, pendu dans le dos comme une couille arrière. Ici c'est une ex-boucherie, désaffectée désinfectée, avec des grilles serrées serrées de droite à gauche de la vitrine. Des barres creuses, étroites et rondes impossible à frotter sauf à la brosse à dents modèle enfant, semi-cylindres maculés de minium et de sang séché. Odeur fade et vague qui donne la sensation de mâcher du steak juste assez salé limite avarié. Une espèce d'arrière-goût dans la bouche, dont on veut d'abord s'assurer, puis se débarrasser en miappant dans le vide, et qui précisément s'accentue, dans la salive, là, juste au-dessous du creux de la langue. A l'arrière, non pas aveugle ni privée de fenêtre, l'arrière-boutique, le boyau-cuisine où se cache un vieux réchaud à gaz tout poreux, une table sous toile cirée. Très grasse. Et si, tout de même, une fenêtre aux volets clos qu'on ouvre à ras du sol de la ruelle latérale (dans un grondement d'espagnolette oxydée) avec vue sur le goudron, le caniveau cimenté mais fendu (ses eaux sales) ainsi que le plâtre du mur d'en face, où s'ouvre une fenêtre de chez les autres avec rideaux plus le 3 cul d'un appareil TV (A II a) - "...soit, pour les époux Schongau-Schongauer" (Marquise Arielle et Pascal Papier) "en propriété indivise un bâtiment sis au six, rue des Puniques sur trois niveaux dont une Boucherie désaffectée plus arrière-boutique, chambres et dégagement sur le premier étage" (toilettes et point d'eau), chambres et point d'eau, combles, le tout constituant immeuble de rapport dit "hôtel désaffecté" pour insalubrité par décision préfectorale du 20 juillet 84, chaque chambre pourvue d’une literie, de meubles hôteliers adéquats et de tous tuyaux, robinetterie, lavabos et bidet en bon état de marche, à charge tôt ou tard obligation pour les époux de réaménager à leur gré exclusif tout ou partie, intérieur ou extérieur des bâtiments décrits susdits – sous réserve d’habitation et occupation domiciliaire constante et définitive des lieux sous peine d’expulsion en vertu de l’article (etc). Jeanne de Schongau et Pascal Schongauer dit Papier, unis par cousinage impliquant bâtardise de branche et par liens de mariage, ont reçu et accepté le Six rue des Puniques à Fort-St-Jacques à charge d’habitation et d’ « occupation bourgeoise » des lieux » suite à condamnation par contumace de Blatt-Oliver Blattstein en poste puis destitué au Consulat français de Montevideo (Uruguay). » Pour trafics illicites Blatt-Oliver croupit dans les prisons dorées de Punta del Este sans extradition possible : c’est du gouvernement uruguayen lui-même qu’il est justiciable. « Que mes cousins » écrit-il « occupent cet immeuble. Tout, plutôt que l’Administration des domaines ; les Schongau-Schongauer, au moins, n’ont pas les moyens de transformer l’hôtel de mes ancêtres en minable palace de luxe ». Accord entre les parties. Dont acte. « Eh bien… répète Pascal en relisant les textes additionnels. - Parcourons, dit Jeanne, Marquise de Schongau. Pascal replie lentement le document, et, main dans la main, écouteurs pendants, tous deux s’engagent sur le raide escalier de bois noir qui monte là-haut. A II c) A la douzième des vingt marches, Pascal s’arrête net : « Douzième marche de ma vie ; à 4 ans par marche, me voici à 48 ans sur 80 ». Jeanne de Schongau ricane. 4 Ils poursuivent épaule contre épaule, jusqu’à ce que leurs chaussures sentent la blatte. Ils débouchent, à quatre-vingts ans de marches, sur le grand palier, qui comprend : une pierre à eau (« évier », de « l’ève » ou «eau ») ; un coin douche, dont les deux parois, dans l’angle, n’atteignent pas le niveau du plafond. Et autres choses disgracieuses, armoires, coffres, et tout se qui se désaffecte, le tout affligé de poussière. Des bruits grinçants. C’est éclairé par une vue sur un boyau extérieur d’entre-deux-murs. 4 Comprenant de surcroît : un corridor tordu au plancher traître, plus, au bout à droite, une chambre en parfait état d’abandon d’un coup. « C’est la plus belle. - Sûr ! dit Pascal, qui n’en a pas vu d’autres. La cheminée grasse de poussière, une brochure d’histoires belges dans le tiroir de la table de nuit. Couvre-pied lourd, sol déprimé au centre, l’envie poignante d’habiter là, nulle part, à tout jamais, puis de peaufiner des premières phrases tout le reste de sa vie. * « La meilleure chambre » dit l’aubergiste. Et comme on ne l’a pas entendu venir, il frappe sur l’épaule de Pascal. «  Je vous ai suivis. Demandez les clés. Vous penchez pas trop. Votre fenêtre donne juste au-dessus de la porte au boucher. Ça c’est de l’étage : 4,50m. » La femme de l’aubergiste, sur ses talons, .prend la parole : « C’est lui qui vous a installé la pompe sur l’évier dans le dégagement. Et des toilettes dans le boyau. Vous avez pas vu les toilettes ? - Il y a des blattes, observe Jeanne, de Schongau. - Vous aurez du produit. » La femme souffle à cause de l’étage. Le mari aussi. Ils sont tous les deux très typés, sans intention d’être drôles, mais vraiment gros, très essoufflés. La femme plus que l’homme. À la regarder dans les yeux, on sent une jeunesse éternelle, poignante et poignardée, qui donne envie de la baiser, vers la quinzième marche sur vingt, par derrière, ou sur une table de son auberge. En même temps, le mari non plus ne porte pas à rire : très gros et grand, une forte carcasse 5 d’Alsacienne, avec des bretelles, un Schnurrbart et des restes de blond sur les favoris. Les deux couples se contemplent avec intérêt. A III c) Les aubergistes habitent à l’auberge, en face. Ils détiennent les clés d’ici, la gestion de l’hôtel leur a été retirée : « Insalubre » dit l’homme, « insalubre ». - Il faudrait des frais énormes, dit l’épouse, qui rougit. Ces deux personnes suivent Schongau-Schongauer, Jeanne et Pascal, de chambre en chambre, matelas roulés sur les sommiers, volets mal clos, donnant sur des portions de rues étroites, dans ce bourg mort classé « médiéval » : très haut directement sur le goudron, 5m 50. « Et tout là-haut, poursuit la femme, juste au-dessus de chez vous » (elle monte avec eux) « une dernière 5 chambre » - tandis que le mari, bricoleur et masculin, prétexte «j’ai à faire , Maud vous expliquera » et regagne le rez-de-chaussée. Maud explique au retour, une fois de plus, les délicatesses de la chasse d’eau, surtout ne pas en mettre trop, toujours sans intention d’être drôle. Récapitulation des avantages et des inconvénients, habile glissade sur les prix gros frais d’entretien et les blattes dit Jeanne ? - Passez prendre un produit. Les repas sont à 19h, et plus tard. » * A III c) Pascal Papîr Schongauer, bon prince, consent à prendre le repas du soir - « ...et sous l’escalier ? - Vous avez remarqué ? » - la Maud semble vivement flattée : « Nous avons ici un authentique puits intérieur » - elle tire une planche vers elle, descend deux marches en soufflant, et montre une ouverture d’abord horizontale, comme un enfeu d’église, puis, les yeux s’accoutumant, la margelle d’un puits obscur et vaguement fétide, grillagé. « Les gens d’ici disent qu’en quarante-cinq, des miliciens ont été jeté dedans. • - Par d’autres miliciens ? » Pascal n’avait pas l’intention d’être drôle. Maud se pique : « Il faudrait un vieux du pays pour tout vous expliquer ». C’est comme en bien des bourgs, « il y a eu des tas d’histoires à la Libération, je n’étais pas née, on s’est installé depuis quatre ans. 6 I) II) III) Entrée au restaurant Carlos et Cie à table Révélations et propositions a) La salle et les dîneurs a) Entrée de Carlos et a) Propositions de vol Sophie, subjugués par sur ce prodigieux appareil l’appareil sonore b) Le sexe de Caroline et b) Passent progressive- b) Révélations sur les identités : son couple niais ment du tapage bon « Vous, vous n’avez pas de Casier enfant à la discrétion Judiciaire ; faisons semblant de chafouine nous être connus. Associez-vous à nous » c) Le magnifique appareil c) Leurs manœuvres c) Mélange de sympathie et de à musique. d’approche chantage affectif (Jeanne y est sensible, mais Pascal est réticent. Pas envie de dîner dans ce trou à rats dit Jeanne. 6 - Il faut se faire bien voir. - Toujours aussi savonnette ? » Rien ne bouge dans ces maudits villages classés. Les bistrots restent comme avant-guerre, bouseux, royaux, avec leur planchers boueux, leur arrière-salle restaurant : six tables de quatre à nappes à carreaux serrées comme couilles en broche, plus l’odeur. Ceux qui bouffent sont sympa, représentants miteux sauf la cravate, trois touristes paumés remontés du camping inondé, deux camionneurs qui roulent. Toilettes en haut de l’escalier derrière la porte vitrée verre « cathédrale », mais pour y atteindre, il faut repasser dans la salle à boire et traverser la cuisine, où l’Alsacien s’avale une soupe en face de sa petite télé privée. Pascal redescend l’escalier vous prendrez bien l’apéro dit Maud j’en offre un à Madame aussi dites-lui de revenir, vous avez bien dix minutes… Une aubergiste causante : ...qu’il n’y a pas de clients, que les impôts… aujourd’hui, il y a du monde ; mais d’habitude… Les phrases habituelles. Pascal les écoute. 7 B II b « Caroline, trois Marie-Brizard ! » - c’est sa fille. D’une sveltesse. D’une grâce. D’une fé-mi-ni-té. Suivie d’un roquet humain coiffé en oreilles, qui court où elle dit, fait le beau et remue la queue. An-gé-lique. « Son fiancé. - Bonjour Monsieur, Bonjour Madame. » Il est poli. La relève donc, mâle et femelle, reste accorte. Le mec est mièvre toutefois : toujours à trottiner derrière le cul moulé de sa belle. Laurent. Il s’appelle Laurent – car ! ...la Caroline !… elle a pris sur elle toute l’harmonie corporelle de la famille, la fille des gros. C’est elle qui commande. Qui décidera – ou qui décide – si elle couche et quand, ou non. B II c « Voulez-vous de la musique ? demande le minet, le roquet, Laurent, on s’y perd. Il met en route, en branle, un appareil de toute antiquité, constitué d’un corps de buffet vertical et plat, et d’un cercle de métal blanc sous vitre. Cet entonnoir plutôt, très évasé, présente une multitude d’aspérités semblables aux picots suisses de tambours cylindriques, où de fines 7 lamelles égrènent de frêles mélodies. Un Polyphonn dit Laurent fiancé à DEUX balles. Tous les clients regardent. Cinq sous dans la fente et tout se déclenche Il glisse un Napoléon III tout lisse et conservé L’ancêtre du juke-box S’élève dans le bar une musiquette aigrelette et forte, où l’on reconnaît, détachée grain à grain comme un kilo de riz, La Marseillaise soi-même. Les représentants sont venus de la salle à manger, tout le monde écoute debout en s’essuyant les coins de lèvres avec la serviette. - Qu’y a-t-il sur l’autre face ? - La marche des petits Pierrots, répond le patron qui sort de sa cuisine en se torchant les moustaches ; c’est toute une histoire pour changer ça, il faut enlever la vitre, etc. » L’appareil date de 1910. Il en existe cinq en France. Le son est celui d’une harpe, pincée très fort. 8 B II) a) Deux touristes surviennent à ce moment-là, des touristes pas comme les autres, mais qui s’arrêtent d’abord sur le seuil dans l‘émerveillement la surprise et l’émerveillement le plus total. « C’est très chouette ! dit l‘homme, et ce sont ses premières paroles. Très important, les premières paroles d’un homme. Sa femme renchérit, et ils ne sont pas fringués comme les miteux du parking inondable, mais élégants d’une façon bizarre, le type, bien gros, bien opulent, la barbe mal mais savamment taillée de Zapatero contemporain, elle en organdi à volants de vingt ans minimum en retard sur la Mode. Puis commanda d’une voix flûtée hors de propos deux repas « très simples ». - Ici nous n’avons, dit la patronne, que du très simple », tandis que le Mexicain écoute religieusement La Marseillaise jusqu’au dernier frémissement de lamelle. Ils prennent place. L’homme commande deux apéros, puis trois ou quatre. Finalement, personne ne mange plus, et les écoute : le nouveau venu raconte des histoires à la Gaudissart, détend l’atmosphère. Il s’appelle Carlos, et plus personne ne pense à manger, mais à boire. B II) b) Carlos propose enfin de passer à table, « la vraie ». Tous repassent, à sa suite, dans la petite salle à manger aux relents de graillou. Le couple se place face à face, à la table qui jouxe très précisément celle des Schöngau-Schöngauer. Très vite alors, et de façon très agréablement inattendue, l’éclat des nouveaux venus (l’homme, comme il est de règle…) s’estompe, au profit d’une discrétion de bon aloi. Les voix retombent à leur diapason ordinaire, et Pascal Intello est le 8 seul à entendre commander le menu du jour, comme tout le monde. Les Schöngau-Schöngauer redeviennent aussi observateurs que discrets, sans rien perdre de l’éclat des bagouses et des lunettes noires de comédie. De son côté, la nouvelle venue, compagne du Mexicain, répond au nom de Sophie, envoie des œillades discrètes, pour inviter, sans autre obligation, à nouer plus ample connaissance. Sophie fait dans les trente ans, porte un petit nez retroussé, peau laieuse, et sensualité partout répandue (ou feinte, les femmes y excellent) tout au long de Sa Silhouette Assise. Le 24 août 2041, je passe à 60mn. 9 B II) c) ...Ainsi donc, tables différentes mais contiguës, disposition éminemment favorable aux palpations d’antennes, sourires de proximité, passages de sel. Au thon à l’huile on s’échange des considérations gustative, et le poulet au riz s’avère on ne peut plus propice aux points e vue sur le tourisme. « C’est la première fois que nous venons dans la région » dit le nouveau couple avec un sens aigu de la banalité. Tous quatre conviennent de l’extrême « radicalité » du Périgord (de radix, la racine). Avec parfois, vu les lenteurs du service (Maud et sa fille s’activent à grands renforts de rebondissements lourdauds sur plancher plastique), des silences, des apartés instinctifs, afin que nul ne se sente obligé de pérenniser le quadrille convivial. - Loi : chaque homme trouve à la femme de l’autre un goût de séduction sournoise, une prometteuse chafouinerie, de vice peut-être, sous cheveux blonds bouclés, roux coupés ras. Les femmes soupesées se laissent percer par la basse du gras zapatero, ou les trous du cul de furet, jaunes et rapprochés, servant d’yeux au Pascal. Ce sont là des pensées d’avant-dessert. Hommes et femmes s’estiment supportables, riches en devenir, tous autant qu’ils sont ; au pluriel, le masculin fait neutre. 9 B III a Au premier petit café Carlos parles des vieilles pierres et du trésor de l’abbé Saulnières ; puis des Templiers, des Cathares et des Néo-nazis de Norvège. « Même en Norvège ? dit Jeanne. Sa naïveté excite. Sophie, fausse timide,  aborde ses peintures : « Moi je fais sur soie des Signes du Zodiaque et des symboles maçonniques. Pascal prend la parole pour sa femme comme il fait toujours : « Parfois c’est l’horoscope sexuel : les signes du ZoBiaque ». Oui bon. « ...elle attend cent quatre-vingt six (186) parfums en flacons d’échantillons, par le prochain car de Bajac. «  Et sur les murs, nous exposerons des miniatures d’instruments » Jeanne complète de 10 musique. Carlos parle bas à l’oreille de Pascal en étouffant un gras fou-rire. Pascal trouve l’hispanique sympathique. En tout cas sans façons. B III) b) « Faisons semblant de bien nous connaître et depuis longtemps » murmure-t-il encore à l’osseux Pascal. Je suis un envoyé de d’Oliver Blatt-Blattstein. Ne me regardez pas avec ces yeux de grands brûlés ; faites venir de la crème (poursuivant ses confidences) : Sophie est mon alter ego.Elle peint réellement d’incroyables choses, sur toile, sur bois. Nous exposerons ensemble, je trouverai toujours quelque chose à faire. - Pas de police surtout, pas de police ! intervient Jeanne de Schongau. - Cessez de murmurer. Patronne ! Trois cognac. ! - Quatre ! crie Jeanne. Ils se regardent tous dans les yeux, pour voir. Autour d’eux, représentants et dîneurs divers ont pris le ton de laisser-aller qui suit le deuxième pousse-café, la « rincette ». On mange bien dans le Périgord, à mi-distance du Chanturgue et du Madiran. B III c) Il est inimaginable, mais vrai, qu’à la fin d’un repas l’envie vous prenne de tout confier à des 10 individus dont on ne soupçonnait pas l’existence avant d’avoir bu. Carlos venait espionner l’éphémère nichée de l’hôtel déclassé ; déjà pesait sur tous le malaise des situations fausses. Mais Jeanne voyait avec horreur la solitude partagée avec un époux épuisé, au fond d’un petit village ; mais Pascal éprouvait le besoin de se sentir en porte à faux, pour l’équilibre d’expier. Il laissa pressentir qu’il n’était pas exempt de quelques taches pénales , afin d’attirer la louche bienveillance de semi-malfrats métèques. « Je fais ce qu’on me dit de faire », répétait le gros dans sa barbe grasse. Vous n’aurez pas d’ennuis avec les flics aussi longtemps que je serai là. - On appelle ça un condé fit observer Jeanne de Schongau. - La petite dame est bien dessalée ! s’exclama Carlos. Sophie sortit d’un sac à main des reproductions qu’elle fit admirer. Des convives représentants eurent bientôt retourné ses photographies dans tous les coins gras du local à manger, échangeant des soupirs gavés d’admiration. 12 C 1) Les Carlos s’impatronisent II) Déprime de Pascal III) Scrupules des Bidochon a) Discours emphatiques a) L’épicerie a) Vidage de la bouteille d’attaque La vieille et la jeune à peu près à poil b) Lamentations ridicules d’ivrogne b) Engueulades pour le b) Le Margnat-Village nettoyage et la peinture en plastique et le cinéma qui s’ensuit c) Scène puérile de part
c) Râleries beaufiques sur c) Pascal y retourne et d’autre, considérée « ces intellos » et c’est pas beau avec effarement C I) a) Discours emphatique d’attaque « Messieurs, dit Carlos, revenus en Boucherie qu’ils étaient – puis s’apercevant du seul Pascal et se rectifiant : « Monsieur, Mesdames, nous voici tous en Mission d’Art, chargés… - … et éméchés dit Jeanne. - ...chargés de faire luire en cette basse bourgade les Arts et leurs supports. La tâche sera malaisée, car ils ne font pas différence entre foulards imprimés à la chaîne et chefs-d’œuvres manuels, et nul ici à Fort-St-Jacques ne voit l’intérêt d’acquérir un flacon, une clarinette miniature, ou que sais-je ; il nous faudra conquérir les populations. « Pour cela, présentation : soyons toujours soignés, ivrognons-nous élégamment, montrons notre entente et notre soudage. «  Puis, préparons bien les lieux, lessivons, repeignons, vernissons. - D’autres activité ? propose Pascal. - Nous avons une vraie religion du passé, dit Sophie, en aiguisant son museau de fouine. - J’aurai enfin de la compagnie, soupire Jeanne avec résignation. - Répartissons-nous les tâches, reprend Carlos en titubant. Les Hintzelstein, ou « aubergistes », fournissent lessive, peinture, brosses et seaux. - Et rouleaux, susurre Sophie. C I) b) Pour être bandit colombien, on n’en est pas moins mesquin : déjà Carlos a pris le meilleur pinceau, la plus large cuvette, et gueule d’abondance aux moindres maladresses de ses trois partenaires, ses « co-peintres » dit-il. Tout retentit de ses cris. Les parois du caveau que c’est retentissent de jurons pleurards – car le bandit prenait de tels accents – que les deux femmes, accroupies près des plinthes, accompagnent finement de leurs plaintes : l’ivresse se dissipe pour tous, douloureux moments, et Pascal ne dit rien. Pascal en effet peignait avec minutie un angle de plafond tout embubonné de moignons de tuyaux, pour ne plus avoir à se soucier d’ensembles, et tout là-haut, sur son escabeau, son chef tournait dans les effluves. Si Carlos gravissait à son tour les planchettes et se répandait en mépris sur ce « gâchis de bureaucrate », Pascal se sentait profondément découragé, parfaitement inutile, et cætera. Qu’il est incongru ma foi d’avoir un malfrat bricoleur, admirateur de beau bricolage bricolé ! (rester à 50mn, 41 08 29) C I) c) Pascal rejette et hait sans pardon ceux qui ne lisent pas, reconnaissables à ceci : leur amour du bricolage, du nettoyage, et des moteurs. ; les certitudes qu’ils ont, tous, de tout ce qu’il y a de plus con, en politique en particulier, mais surtout, à leur attachement au méticuleux : une couche de peinture mal passée, une poussière mal alignée :; capables de raboter quatre minutes montre en main le petit bout d’on ne sait quoi qui procure l’étincelle en extrémité de bougie, capables de se passionner jusqu’à l’excitation sanguine et d’éclater, pour peu qu’un pédé de liseur ne parvienne pas à accomplir ce qui bon Dieu de merde n’est tout de même pas si difficile pour un mec qui a fait des études. Pascal détestait définitivement cette engeance de diarrhée. « Et j’étais à sa merci, racontait-il. Je devais faire tout ce que cet abruti m’ordonnait dans les rugissements ou le mépris, alors que je n’avais strictement rien à foutre de ce réaménagement de boucherie. Il fallait bien aussi que je jette le masque, que je sorte de mes gonds, etc. Carlos finit par tout faire lui-même en pestant, mais quelle jouissance de l’entendre pester. Plouc illettré, démerde-toi donc, puisque tu es si génial de la pogne. 13 C II) a) La différence entre l’Intellectuel et le Bricoleur, différence essentielle c’est-à-dire d’essence même, c’est que le Bricoleur sera toujours en tout temps et en tout lieu de son absolu et irrémédiable bon droit. L’Intellectuel en revanche sentira toujours qu’il lui manque quelque chose. Il est faible, infirme, le fait de ne pas se servir de ses mains lui fera toujours aussi cruellement souffrir que le manque d’ailes. Il déprimera ! Il sera toujours fasciné, tétanisé par la Bête-qui-Bricole, le Manuel au crâne obtus. Donc Pascal va « faire les courses », c’est tout ce qu’il sait faire ; une vraie bonne femme. À la Supérette du bled. Il y a là une petite vieille sèche comme un fourmi, qui papote avec tous ses clients, sert la moitié de l’un et le tiers de l’autre parmi ses rayons maigrichons ça sera là demain on vous le commande ! - mais, mais : ...il y a aussi sa belle-fille, la jupe à ras du poil, paupières en capote et cuisses au moule, et qui se tord comme une colique. Prête à gueuler à la moindre allusion comme toute féministe qui se respecte. Pascal achète en balbutiant, ou balbutie en achetant du thon et des zeuffs, plus un double litron de vin sous plastique. Il n’ose pas guigner la jeune et flaire la Vieille, mais la ruse est vieille. C II) b) Dans la boucherie-exposition, c’est le délire des pinceaux, des rouleaux, des salopettes souillées à grande vitesse, et Carlos le Gras peinturlure avec frénésie. Ça c’est de l’ouvrier, du con, du pétant. Pascal demande piteusement ce qu’il peut faire, on lui fait poser son sac à bouffe sur la table d’arrière-cuisine. Il revient tout épouvanté sous les escabeaux en brandissant sa vinasse. Il chante et braille, débite des histoires de bite et se la joue griot cornique. Il prend un ton tellement chialard que même Carlos lui demande de la fermer du haut de sa double échelle de quoi je me mêle ? Voilà-t-y pas des ramassis de caniveau qui se mêlent de donner des ordres ? ...le gros mâle tout seul, parce que les fumelles, attention : c’est ultrasensible aux biceps romantiques, grosses pines et tournevis à piston. Qui dira le charme du gras pue-la-sueur en leu de travail – faut bien qu’il leur reste quelque chose. C II) c) Alors tout vire agressif. Pascal ne sait plus ce qu’il devient. Il sombre dans un désespoir d’ivrogne et le nihilisme à deux balles n’essayez pas de me raisonner – je ne sais pas ce qui m’arrive il renverse la bouteille et pompe au goulot, privé de peinture et frustré du pinceau je sais pas m’en servir et les trois autres pataugent dans la compétence ; Pascal serait le pochard du Fort, il tituberait partout, sur le seuil de l’expo pour commencer, brame à la cantonade en soignant bien le pâteux de l’expression. Repart chez la belle-fille pour les fromages ils auront la surprise les autres même pas pensé à bouffer moi aussi je suis indispensable refilez-moi deux litres – En plastique ? - En plastique » on voit les jambes quand elle est debout et le sourire gras quand elle s’assoit. C III) a) « Bon ça suffit ; » Jeanne la Rousse réagit du haut de son 1,5m d’escabeau. Elle réussit ce qu’elle peint, ce qu’elle touche, Pascal reste inférieur à ras du sol (tête à mi-cuisse de Sa Femme), il secoue sa bouteille àla verticale, - Bien amousé ? dit Carlos perché. Pas besoin de radio. On n’entend que toi. Tu nous emmerdes. - Il est grossier, le monsieur qu’on ne connaissait pas tout à l’heure. - Arrête quoi putain, crie Sophie du haut du 3e escabeau – non,vous tout seul, Pascal ». Sophie crie qu’on peut le tutoyer, descend pinceau en main, tord en deux la bouteille de vin en plastique, l’arrache au soûlard et dans la foulée passe en arrière-cuisine. Pascal croit d’abord que les glouglous viennent d’un gosier et puis ça se prolonge : vue de dos Frau Schongau vide le picrate sur l’évier, de la bonne qui râpe. Son vin ne fait qu’un tour, que va-t-il devenir ? C III) b Il bégaye et vomit un peu c’est la peinture et puis le gaspillage aussi le gâchis c’est brutal, tout le rend malade, il part dans une diatribe de délire chie sur le monde entier les deux cons d’à côté qui n’en perdent pas une et peignent comme des rats. Sophie surgit vos pinceaux vous pouvez vous les Tourne-toi seulement vas-y tourne  super je verrai plus vos têtes de mort Ça nous diminue le loyer crie Sophie – c’est vrai  l’aubergiste l’a dit. Le loyer. Les pinceaux. Le con-cret. Ils ne pensent qu’à ça. « Et ton plastique, et ta vinasse, c’est pas du concret , - J’ai fait les courses ! Moi-même ! ...pas foutus de penser à la bouffe ! - ...tu vois bien ! ...qu’il en faut, du « concret » !… - Mais j’ai besoin de vin ! (...ça ne leur vient pas au cerveau qu’un intellectuel puisse avoir des tourments) parfaitement des tourments, et sans le vin, je fais quoi ? - Surtout pas de la peintoure ! crie Carlos de l’escabeau – tout résonne entre les murs nus, à faire tourner la tête. C III) c) Pascal en folie éclate en bruits buccaux suraigus, tout le monde l’empêche de peindre puis se fout de sa gueule, Jeanne la Rousse descend de l’escalier en glapissant, l’Apocalypse entre quatre murs, n’y aura-t-il dans votre histoire aucun personnage auquel notre acheteur puisse s’identifier NON. Carlos et Sophie la Blatte restent interdits brosses en l’air et se regardent avec commisération – ô misérable humanité ! C arlos se gratte la peinture sur sa troisième bague (majeur). Sophie soupire qu’il « va falloir vivre avec ça » en allongeant son museau de fouine. Le diable nous préserve des parties croisées. Les cris se poursuivent en mordant l’un sur l’autre, un vrai diskant breton. Le thème de Jeanne est « gueule pas si fort » et « arrête de brailler », ce qui s’applique à tout, donc, Pascal a raison. Vraiment ? Dit-elle, et c’est le premier mot articulé depuis longtemps que l’on entend. Par comble jouissif d’abaissement, c’est Pascal qui se jette à quatre pattes pour nettoyer le vin ou ce qui y ressemble, et le plastique éclaté, avec serpillière et manches de chemise, en sanglotant « ma bouteille, ma bouteille... » - Sophie souffle « petite bouteille » car l’ivrognerie apitoie 50 % des dames. Carlos n’imagine pas la grosse scène qu’il pourrait développer sur le thème « Tu salis le ragréé avec ta vinasse à neuf francs ». Pascal se tourne vers lui, et lui décoche en se torchant le nez « Tu vois bien que je nettoie ». D I) Arrivage II Chipotage III Les mâles prennent parti a) L’autocar Compliments aigre-doux a) Carlos pour Jeanne, sans sincérité, & de façon excessive b) Flacons et foulards de Sophie b) Jeanne laisse Sophie prendre b) Sophie se rebiffe, soutenue toute la place par Pascal, sans sincérité non plus. c) Instruments, toiles c) Jeanne revient sur sa fausse c) Tout le monde s’engueule et peintures sur bois de Jeanne générosité de façon névrotique, à répliques entrecroisées culpabilisatrice et hystérique pour insincérités réciproques. L’AUTEUR N’EST PAS ASSEZ MÉCHANT.IL DOIT INTERVENIR.TROP DE GENTILLESSE D I) a ) Le bus fait son entrée. Comme chez Flaubert, comme en Sicile, etc. Tous les chauffeurs de bus ont une trogne, ils ne sont pas lavés depuis trois jours et, au lieu de parler, rogomment. Ils balancent toujours les paquets du haut du toit, et, à ce moment-là, fatalement, il pleut, ou le soleil cogne. De la boue, à moins qu’il n’y fasse poussière. Ce jour-là nous avons une forte chaleur à Fort-St-Jacques. Et le chauffeur balance le bras pour projeter tout le chargement de flacons. Sophie pousse les hauts cris et monte chercher tout cela en personne « v’nez donc eul’chercher toute seule la p’tite dame! « comme si vous ne pouviez pas vous fatiguer à notre époque pour avoir des soutes ? » - en tout cas Sophie montre son châssis qui ,n’est pas des plus avantageux:des mollets de coq tout maigres sous des chaussettes jadis blanches, mais Carlos et l’amour s’en contentent. « Il reste un paquet pour l’autre dame » fait le chauffeur Mon Dieu quelle coïncidence glapit Jeanne marquise de Schongau, voyant déballer de sous l’engin d’autres gros paquets – j’en ai, des soute, nargue le chauffeur – qui contiennent des « reproductions d’instruments classiques » (c’est sur l’étiquette) et des peintures sur bois vernis ; icônes et tableaux inspirés de Bacon. Sophie chante « j’ai de beaux foulards-euh, j’ai de beaux foulards-euh » du haut de ses maigreurs. Le couple des grands roux, Pascal et Jeanne, échange des regards consternés : « Sophie est folle ». Carlos s’en contrefout. Les foulards sont étalés en boutique, c’est-à-dire précautionneusement dépliés sur des tréteaux (fournis par l’auberge) dans la boucherie. Enveloppés dans ces tortillements de soie reposent de fragiles flacons de parfums, ayant ou n’ayant pas (les neufs) contenu d’odeurs, qu’ils se passent tous quatre de nez en nez : - Sentez-moi ça ! Flairez-moi ça ! - Tout ça c’est de la connerie dit Carlos. - Tu verras quand je vendrai tout. Je vous nourrirai tout, Pascal s’achètera du vin, du meilleur cette fois. - C’est très beau dit Jeanne de Schongau. Rien de plus vrai. Les formes flaconniques vont des effilements les plus piquants aux représentations les plus triviales, cochons dont la queue fait bouchon. Parfum pour fillettes, les garçons sentent comme ils peuvent. Mais la plupart du temps, le flacon ne représente rien. Juste pour la gloire. D I c) « À mon tour » dit Jeanne qui trépigne. Pascal tout gêné déballe des tas de trucs, trompettes, accordéons, violons de 15cm. Carlos pense que Tout ça c’est de la connerie. On l’entend penser. Je me demande ce qu’il vient foutre pense Pascal. Surtout pas de l’artisanat, ah, ah ! Jeanne peint sur toile, « Vous aurez un chevalet de ma cave » - l’aubergiste pourvoit à tout. « Tout ça ne rapporte pas un rond » grommelle Carlos. Dont le tic consiste à s’essuyer le front. Il ferait même un régime. « Surtout il faut aider nos femmes » Pascal répète c’est très joli en boucle. Sophie se pince les lèvres pour ne pas sourire, et minaude du cul. Tous se demandent ce qui a bien pu leur prendre pour venir exposer dans ce trou. Pascal sentant venir le vent révèle avant qu’on l’interroge qu’il occupe un assez brillant poste d’informaticien aux Tissus Tex. « Ah bon » répond Carlos en se tenant la main/ D II a) Jeanne et Sophie s’examinent leurs charmes, se battent les flancs, leurs seins ballent, ce sont de très, très valables artisanes. Concert de vous êtes jolie, de vous me semblez belle, de sans mentir, on sent comment ça va se terminer comme entre toutes les femmes. La plus petite trompette a son sort, le plus réduit pot de patchouli au pas de vis qui se bloque, les cordes qui se détendent et les filles qui se tutoient. Carlos dit qu’en effet, il serait temps. Devant les productions personnelles de ces dames une rafale de reculades et d’œil en biais pouor mieux voir, de têtes penchées si si je vous t’assure, on se rend mieux compte Pascal est dépassé. « C’est de la connerie trop personnelle » dit Carlos en se tenant la main. « Pourquoi Fort-St-Jacques ? » Sophie se retourne sans répondre puis revient sur de grandes Vierges vertes sur fond d’or un peu déshabillées pour le culte orthodoxe. « Oh, nous n’avons pas de Russes dans ce village dit Jeanne, tandis que Pascal émet l’hypothèse évasive qu’on y trouverait des Grecs. D II b) Sophie prend toute la place. Elle partage la vie du Gros. Elle a son audace. Elle étale ses œuvres sur deux tréteaux et demi, la soie faut la déplier sinon ça ne vaut pas la peine. Jeanne la Rousse épouse du plus roux insiste : « C’est vrai qu’on les voit mieux comme ça, les chatoiements, les jolis chatons, les taureaux, le bœuf ! - C’est un Tigre. - Ou un bœuf. - Tu fais semblant de confondre. Tire un peu sur la soie, là,  bien à plat, tu vois bien que c’est un tigre tout de même. Il manque 50cm pour bien développer la queue du tigre ». Carlos s’éponge le front et s’allume un cigare. Il a toujours dans sa poche un cigare et un foulard en boule. Ses bagues cliquettent, les femmes disent des conneries mais il ne veut pas se répéter. « Que c’est beau ces Vierges vertes, vrai vous tu n’veux pas m’en donner UNE ? Jeanne la Rousse n’est pas enthousiaste, mais donne un cornet en laiton de 1883 « si les ventes ne marchent pas fort ». Elles verront cela en fin de séjour. D III c) Elle disait, dignement d’abord puis en chialant un peu que ce n’était pas si attirant ces flacons et ces soies, « mous », « fragiles », « glaireux ». Et que c’était plutôt à elle, la Rousse, d’exposer à la meilleure place la production solide : icônes sur vrai bois, instruments bien chantournés. De son côté Sophie la Blatte geignait sur l’exigence de place de tous ces foulards, sans que personne pourtant ne se donnât la peine de les déplier pour admirer tout le motif du tronçon de queue de tigre. Et puis les flacons, tout de même, c’était tout de même quelque chose de dur, aussi, de définitif, d’original. Personne n’avait jamais eu l’idée d’en exposer. Alors Jeanne la Rousse, marquise manquée, sombrait dans la vulgarité : « Mon cul à moi, jamais personne non plus n’a eu la moindre idée de l’exposer ». Sophie sur le même ton gonflait ses lèvres pour dire que de toute façon cet article-là ne se vendrait pas mieux que le reste - « mieux vaudrait fermer le rideau pour ne pas faire fuir le client et autrea arguments de cet acabit. Pour finir elles se crêpaient le chignon, le Schongauer avait tété le pinard au plastique, la Marquise Sa Femme ne le lui vidait pas toujours, ces dames se chambardaient tout l’attirail… D III aà Et Carlos, qui ne serait jamais qu’un Olivier Blatt-Blattstein, et même sentimental, prenait fait et cause pour la Marquise afin de ne pas sembler soutenir Sa Femme à Lui. Il avait confié que les icônes l’avaient toujours transporté de joie dans sa cellule – oups, dommage… Il prenait à témoin Pascal la Loche, qui tirait sur son goulot larme à l’œil. Carlos Blatt suggérait alors aux femmes de se répartir l’espace bon Dieu c’est tout de même pas sorcier. Pascal rotait misérablement son Margnat-Village en proférant des pâtosités : « Le mieux est l’ennemi du bien » ce qui cassait la conversation – les trois autres se taisaient d’un coup pour le regarder comme un gosse qui dégueule. Carlos reprenait alors son éternelle proposition d’ « insérer » la production de l’une dans la production de l’autre vous placerez les flacons près des instruments et les triptyques sous les carrés de soie. La  marquise se grattait la tête au niveau de l’écorchure, c’était l’autre qui s’était mise à taxer toute la place. D III b) … et ça repartait se taper dans les murs et à l’envers de la vitrine aux petits barreaux anti-mouches qui les attiraient, trois passants se regardaient on appelle les pompiers ? pendant que le Marquis tâchait de rattraper le coup en zigzaguant : les foulards étaient tout de même plus féminins même au lit t’enlèves pas tes godasses à la Vincent van Gogh sur quoi la Marquise invariablement répliquait que ce n’était pas lui qui allait en refaire, du van Gogh, et que ce n’était pas l’oreille qu’il devait se couper. C’est d’ailleurs tout ce qu’on aura bientôt retenu de van Gogh. Là-dessus Carlos-Olivier Blatt-Blattstein engueulait l’ivrogne de soutenir sa femme, et ils se jetaient leurs patronymes en pleine tronche en se traitant respectivement de Bougnoule et de Nazi. Marquis Schaungau posait sa boutanche au bord du secrétaire (« un secrétaire dans une boutique à viande ! franchement ! ») d’où elle tombait régulièrement si ça commence comme ça « mais non » criaient les autres «  juste les petits accrochages du début ! » D III c) Quand les dames ont voulu s’inerrompre pour passer à plus intelligent, par exemple se répartir l’espace, tout a recommencé de plus belle, puis intenable, au point de s’envoyer les objets sur la gueule. Les mâles rattrapaient les violons au vol et les flacons de Givenchy, mais Pascal si bourré que le dégât était pire. Les aubergistes se sont pointés plus bonne partie de la rue marchande, c’était très instructif, de quoi remplie les veillées des chaumières pour trois mois. L’épicière en jupe rase-poils trouvait curieux ces artistes qui s’engueulaient à ce point, ça ne devait pas être des vrais juste des commerçants, mais à ce moment-là le cocu s’est mis à brailler quoi quoi les commerçants et sa femme a dit sur un ton très calme « ils doivent faire du trafic de copies », sur trafic Olivier a sursauté comme une taupe au piège. E I) Accoutumance II) Resserrement III) On se retrouve aux lizux des liens avec les seulâbres pour le aubergistes, les etit repas du soir les épiciers, le dans l’arrière-cuisine buraliste bossu et sa femme a) Les aubergistes a) Les aubergistes a) Tristesse du décor et reparaissent et et leur fille plus le lumièrer jaunâtre, refont un baratin racontent leur vie, avec le sentiment de sur les WC, l’eau malaise, ça va trop n’avoir rien à se dire, et les douches/ vite dans l’intimité baisse brutale de tension. b) Repassage en b) Arrivée du ménage b) Les nouilles au beurre revue de toutes des épiciers : allusions et le riz au plâtre les chambres à des partiouses quand les touristes, les « cloches », ne seront plus là (cf. Les Andelys) c) On est de nuit. c) La conversation marxiste c) L’heure sinistre Déclenchement de éouisante du nabot bossu des comptes la dame blanche buraliste effraie E I° a) «Pour les chiottes, faudra vous méfier, pas en mettre trop, pas bourrer de papier/ - Serrer les fesses pour chier des merdes fines, pour l’insistance vous mettez le paquer, pourquoi vous êtes tout le temps sur notre dos comme ça dit Pascal d’une traite. - On rend service et on veut pas être emmerdés tout le temps pour du débouchage, c’est votre merde pas la nôtre. - C’est pas ça » dit Sophie, c’est l’eau qui remonte, on a le cul qui trempe, bravo le paysage quand on se retourne. - Les douches c’est oas ça non plus, mon mari a passé une heure à bricoler un coin pour se laver les chosses. - Ouais les douches ça va, dit Pascal, on s’aperçoit juste qu’il y a quelqu’un dedans, on vott la serviette sur la porte. - Putain jamais contents, je vous ai prévenu aussi que l’eau potable c’éait pas ça, venez pas vous plaindre pour les amibes, il faut chercher l’eau fraîche à la fontaine dehors, on vous en passerait bien de not’restau, mais vu comment vous êtes aimables… - Bon on ne va pass’engueuler, mais vous êtes toujours là derrière, on avait compris la première fois, on n’est pas débiles.On va même prendre le repas chez vous ce soir. E I) b) La nuit tombe et c’est tout ce que trouve à écrire, franchement… Pascal parcourt toutes les chambres, pour voir si vraiment ils ont choisi la meilleure, et juste aussi pour voir, la poésie et tiout ça. Il trouve des matelas rayés comme des Auschwitziens qui se renroulen sur eux-mêmes, des volets qui décanillent avec des espagnolettes oxydées à rendre l’âme. On a donc tant baisé sur ces lits sans compter les nuits solitaires et ça devait grincer salement les planchers eux aussi élastiques à la façon du Restaurant d’En Face. Boules de cuivre et côtes en long, ressorts à la Dion-Bouton, Pascal est démangé de les essayer tous l’un après l’autre, toutes les chambres ont une âme, une âme de ruine et d’abandon proche. Là-dessus des dégoulinades de lumières jaunes si lumière il y a, des interrupteurs en papillons de faïence à s’électrocuter pour peu que les deux doigts se posent à la fois sur les deux vis de fixation branlantes. Pascal en sursaute, d’appréhension. Ça y est cette fois je m’électrocute. E I c Et d’un seul coup d’un seul, Pascal sursaute jusqu’au plafond jusqu’au fond des moëlles, car il entend d’un coup des oreilles à l’extrémité de l’intestin une espèce de gigantesque feulement d’outre-tombe : un gosse qui agonise dans une chasse d’eau. Le soir au restaurant : « Toujours aussi lavette Pascal ? » - Vous en avez marre » (dit la Femme Aubergiste) « de nous avoir sans cesse aux fesses » un temps « eh ben vous ne saurez rien ». - Fais pas la vache ma Maud » (ajoute le Mâle) « dis-leur que c’est rien que la dame blanche, la chouette quoi, l’effraie » (tourné vers Pascal) « avec un peu de chance vous lui verrez le cul quand elle calte, toute une nichée dans le bâtiment d’en face, que des ruines par ici ». Alors Pascal et les autres prennent un rab de potage, après tout, l’ambiance est sincère, les gens sont bons par ici, pas rancuniers. À la fin du repas la grosse Maud vient s’assoir et détaille ses souffrances et varices anales en soufflant, avec renouvellement des Marie-Brizard. E II a Maud refuse de voir en face qu’elle est au grade des caricatures, je pèse peut-être autant que 2 sacs de patates mais moi je baise « Pour sûr » approuve le Mâle en remontant sa braguete. Sophie détourne les yeux, Jeanne B-Blatte le nez ça serait-y pas du lait que t’as mis dans ma tasse à café Schätzi ? et certains spécimens bouffatoires commencent à se confier en douce sous serviette et sur la nappe en petits schémas érotiques. L’aubergiste et sa Maud sans doute se passent par derrière vu la corpulence des deux actants car l’homme ne se courbe pas comme un déboucheur furet. Pascal tripote son crayon. La table voisine pouffe hypocritement ça nous regarde ce qui ne répond à aucune interrogation explicite et que c’est dommage proteste en douce Blatt Jeanne Blatmann – l’intimité s’invitait trop vite et voici que ces deux jeunes inconnus maigres et bloqués viennent vous torpiller l’excitation (fantasmée, Jeanne, imaginaire et pour tout dire provinciale) – ces deux baise-froid n’ont jamais lu le Chateaubriand du « sacerdoce de la chasteté » . E III b) Déjà le soir, le quatuor a passé le joouur comme il a pu, déballant fripes et autres articles. « Nous prendrons le repas chez vous. - Savonnette, disent en chœur Pascal et von Schon, femelle. - Vous ferez des connaissances, mon mari boit son chocolat, je vous présenterai d’autres commerçants ».  Tous de Fort-Saint-Jacques. Intégration. Digestion. Sophie-la-Blatte se réjouit sous son nez de fouine : elle entrevoit des bénéfices. Et la conversation s’engage vite, le sexe et la télévision sont les deux mamelles de FSJ, le fond de la France est frais. C’est l’épicier qui arrive. Sa femme est la même que tout à l’heure, la grande aux grandes jambes, la plus intelligente du bourg avec son air con, qui lit Kant dans le texte et répète moi je suis fidèle. Comme si on lui demandait quelque chose. Son mari va-t-il enfin porter ses cornes de cocu. Les cocus ont toujours la calvitie précoce. E III c) Tout se passe en terrasse. Il fait chaud. Laurent, garçon de café, poursuit sa promise en servant ses consommations : les maigres nourrissant les gros. À table défilent les théories sexuelles. Pascal ne veut pas se montrer méchant : il fixe à pleines prunelles un petit bossu qui vient du bureau de tabac, qui combat sa mauvaise haleine, et prétend que le communisme, effondré, entretenait tout de même jadis « l’espoir des gens ». Il récite bien. Sa femme est fière de lui. Dans ce pays tout se fait par couples. Au pays des ploucs. Il est dur de suivre un propos marxiste si l’on a face à soi des genoux de femme qui ne cessent de se croiser et de se décroiser. La propre femme de Pascal ce soir lui fout la paix. Le gros Carlos le regarde du fond de sa barbe grasse. Il n’en perd pas une du manège des genoux. Il sait déjà si l’épicière porte culotte ou pas, et Sophie la Blatte s’en fout:elle est sûre de la fidélité de Carlos, son bandit, car c’en est un. Si le Bossu marxiste savait ça, il décrocherait sans hésitation le téléphone : « Allô police ? » (…) Le jour suivant (les jours passent vite) pas un client : « Vous verrezl e jour de la foire ! » bredouille l’Alsacien sous ses bretelles. Donc, il n’est pas facile de se retrouver tous les Quatre en arrière-boutique, dont la fenêtre salle donne juste sur le caniveau de la ruelle. C’est le réchaud qui refuse de s’allumer, les allumettes détrempées. Quand enfin le gaz se fait jour, le brûleur pète, incolore, inodore, sans saveur, et Sophie-la-Blatte refuse de cuisiner. Carlos mange de tout. Pascal aussi. Simplement c’est lui qui s’appuie la corvée d’eau. Elle consiste à serrer sous les deux bras quatre à six bouteilles en plastique, vides à l’aller, pleines au retour, formant sous les aisselles un remous cadencé de piscine au chlore. Ils mangent sous l’ampoule, jaune, de 75W à l’époque, juste bonne à dorer les pâtes. Lesquelles font des courts-circuits dans l’estomac, et Carlos lance un concours de pets. Il a osé. Les pâtes collent et le riz tourne au plâtre. Carlos est assez pauvre en effets comiques. Les grognasses grognent ma ligne, mon tour de taille ! Alors les deux hommes claquent au cul chacun sa chacune en disant ce qui compte est d’être bien dans sa peau et pas dans la peau du mec. Ils se sentent très progressistes et rotent avec conviction. Les femmes ne le font pas. Elles accouchent et ce récit ne montre pas d’enfants. On devrait tous nous les livrer à quatorze ans, par adoption – avant c’est la chierie. De jour en jour la monotonie s’étend. Les menus de Sophie-la-Blatte copient exactement ceux de Jeanne. Pascal intervient : « Donc, dit-il, on ne me dit pas « savonnette » quand je propose l’auberge en face ». Et c’est ainsi que Mère Maud fait du bénéfice. On ne se soûle pas au Margnat-Village, en bouteille, elle aussi, de plastique. Ensuite vient l’heure des comptes. - Chacun sa caisse ! et ses bulletins détachables : vendu ceci, vendu cela. Violets pour la Jeanne, rouges pour Sophie. Mais la haine grandit vite car personne ne vaut rien. Une mémé avisant par la vitrine de fabuleux coussins de soie s’écrie mais c’est de la folie ! à la vision des prix. T’as qu’à aller à Monoprix ! lance Carlos. Ils sont mal vus. Forcément. Que fait Carlos, d’ailleurs, de toute la sainte journée ? Rien. Pas même de contacts avec l’extérieur : c’est dire ! Si par hasard – par hasard ! - Jeanne la Rousse de Schongau fourgue une saloperie de petit violoncelle en bois rouge, les autres exigent le partage des bénéfices. Mais si la Sophie, la maigre fouine au teint de furet, vend un carré de cou à un gogo, elle garde tout : on est fauchés, nous autres (nosotros) ! ...on réglera ça plus tard. De même pour les courses. Quand ils avancent de l’argent, il est à rendre. En sens inverse, on verra plus tard - « et comment ! » renchérit Carlos en se curant le nez. Jeanne souffle à Pascal qu’il est vraiment répugnant. F I) Promenade II) Quartiers III) Tant mieux quartiers commerciaux si rouvre un périphériques a) Tous se ancien bistrot a) Le tour par préparent a) L’épicier dit les remparts, et tendent « tant mieux », sa plan du vieux des guirlandes femme ragote Triffignac- dans la joie. sur les anciens Boudzégrand qui faisaient « je sais quel trafic, il y a encore une cache » porno+ drogue ? Carlos tique… b) Les vieilles bâtisses b) Le boucher, poète b) Le curé dit « Tant mieux ; j ‘ai trop croulantes, pas chères et littérateur de cons qui encombrent ma messe et qui vitrines d’agences seraient mieux au café ». c) Vue générale avec c) Il ajoute que le bar où a bu l’équipe du cinéma ne va pas accepter cela La joyeuse troupe s’ébranle ce soir, veille de la grande foire, pour voir tout en rond. Les aubergistes ont fort à faire. Les quatre héros déambulent, en commençant par le cercle extérieur de l’agglomération. Nous commençons par l’extérieur, parce que… - revoici Carlos qui trouve à tout des « parce que », parce qu’il faut profiter du calme sur les boulevards de ceinture avant de retrouver le vieux centre grouillant – parce que – c’est agaçant – ces raisons n’en sont pas – Carlos ne pense qu’à faire l’intéressant - le con. Sur les boulevards déserts : « Fort-St-Jacques, bâti en cercles concentriques, fondée l’an cinq cent vingt... » - Boulevard de la Marne, de la Somme, de Verdun – quatorze siècles vous contemplent – c’est coquet, avec de grands arbres indistincts dans la nuit, parce que « les réverbères n’éclairent que le bas » - plus haut règnent les éphémères « plus anciens insectes vivants » et des branches brouillées dans les ténèbres. Au niveau des yeux les tavelures des platanes en souffrance, qui dépouillés par plaques de leur écorce révéleraient punaises et cafards pittoresques : « Le bonheur de l’entomologiste » répète Carlos, el deleite del entomólogo! Et lorsque les importateurs ont parcouru le quart de la circonférence, ils présentent déjà des signes de fatigue. Le reste du cercle est remis d’un commun accord aux journées à venir : ces merveilleuses bâtisses poursuit Carlos remonte à ces temps obscurs – il ne se taira pas, bien qu’il ait si peu bu tout compte fait. Les phrases ronflent et se veulent plaisantes, auquel cas l’autoproclamé guide tente de mouliner ses petits avant-bras. Sophie-Blatte hésite de l’extase à l’exaspération. Jeanne marquise de Schonberg se borne à l’exaspération. Pascal désespère et sourit. Jeanne lui siffle savonnette en se détournant. Foison de colombages, « encorbellements », pignons pointus… Portails rongés, pierres sous projecteurs… Les agences vous veulent du bien. Proposent des biens illuminés en vitrines Voilà ce qu’il faudrait pour nos étals dit Sophie-Blatte. Les prix d’achat sont dérisoires. À charge pour l’acquéreur de sauver les toitures, à grand renforts d’espèces. Carlos rappelle aussi cela. Et comme c’est veille de foire, l’église St-Jacques ouvre son porche. Surveillée d’en face par la fenêtre illuminée du Secrétaire de Mairie, athée, protecteur des arts. Et d’en haut, franchi l’escalier et ses araignées ouvrières, les Quatre découvrent le panorama du bourg : il est rond comme une bague, dont l’église est le diamant. Son aspect concentrique se distingue mal en perspective cavalière, voire brouillée : c’est à dessein ; des impasses s’embranchent sur des impasses, éclairées ou non. Le vent tourne malaisément dans ces recoins, soufflant doucement sans obstacle sur la balustrade du sommet : une note discrète et grave comme une rumeur d’essaim. Figurez-vous – Carlos se tait. Vingt-six degrés fin de juillet. L’œil silencieux réorganise l’incertain réseau des éclairages nocturnes : les boulevards en rond d’abord, puis des arcs interrompus par de gros buissons vus de haut, des toits de bâtiments à vendre, sans occupants sous tant de tuiles fendues et désaxées. Là-dessous bruit , et non pas bruisse, la bourgade affairée, par bouffées dans les pauses du vent. F ii) a) Ils redescendent, grâce aux faisceaux des projecteurs par les meurtrières. En bas les attend le Secrétaire avec sa clef, sa tête de hibou : « À 10h, on ferme ». Dans les rues, c’est l’animation, les commerçants sont de sortie en pas de portes, tenant à bouts de bras sur leurs escabeaux des guirlandes et sur leur face, quand ils la tournent, le sourire niais de la prospérité : demain la fouère, demain les bénefs et la rigolade. Ils s’interpellent entre eux, mais pas trop fort : les veilles de fêtes, c’est sacré. Les quatre héros passent silencieux, regroupés au sein des conversations calmes, avec parfois des flots de lumières latérales, qui sont les vitrines, où s’agitent comme au creux d’un cadre ou d’un aquarium les installatrices : « Un peu plus de côté. Plus loin, le mannequin, plus au fond. Le calendrier 1908 vers le devant. Juste après on ferme pour toujours, et ce sera très beau demain matin. « Les commerçants souffle Sophie ne font pas cela d’habitude. Mais à Fort-St-Jacques, ce sont les mêmes familles depuis cent vingt ans, ou deux cents. Mon père fabriquait des bas. - Tant de pièces ouvertes la nuit ! dit Jeanne. - Et nous allons y jouer ! complète un boucher, devant lequel ils passent justement.Tenez, (geste du bras) j’ai fait ôter la vitre de vitrine, une petite fortune pour « opération fragile ». Et cette fenêtre, il fera beau ! s’ouvrira sur la rue, comme une vraie scène à l’italienne. J’ai donc disposé des gradins (il les montre) en face de vous - et derrière. Ma pièce s’appelle Manche et gigot. Le héros s’appelle Don Quichote, et j’en suis l’auteur ». Il a voulu se faire admirer, aussi Carlos, feignant la stupeur, hausse un sourcil : ¡ Muy bién, muy bién ! - passe un quidam qui le reprend : « Très bien » ? tous les ans Maître Boucher compose une pièce de son cru. Pas de quoi s’étonner.  - Monsieur n’est pas d’ici, dit le Boucher en désignant le Colombien, et je voulais, pour une fois, exciter la curiosité ! » Le passant se défile en haussant les épaules, et nos héros s’attardent pour l’installation du décor : branches fraîches, et dans le fond, le bouclier dressé du Chevalier à la triste figure, de la cara triste. Une grande pièce de carton, rehaussée d’aluminium à rehausser les viandes, avec la lance en travers. F III) c) « Je vous le dis, fait le petit Bossu, c’est de la foire – de la diarrhée. C’est un endroit où l’homme vient voir l’homme à qui roulera l’autre. Pur commerce, fausse brocante ! - Mais toi, lui dit sa femme, tu vends bien du tabac ! » C’est une brune bien capiteuse. - Et de la lecture, aussi. - Pas un seul Karl Marx. - Ça ne se vend pas ici. - Ni ailleurs. C O L L I G N O N B L A T T E S , B L A T T E S Récit I Regarde-les, mon âme ; ils sont vraiment affreux - Baudelaire – Les aveugles a) Détail de la reptation, dans les angles, le long des plinthes. b) Le couple effaré, serré l'un contre l'autre, musique de Schubert. c) Vision élargie à l'ensemble de la cuisine et de la boucherie de Fort-St-Jacques II L'héritage a) Ils lisent, effarés,le document descriptif b) L'obligation de résidence alla Ponzia c) Ils prennent possession des lieux en se déplaçant, toujours l'un contre l'autre – musique III Les lieux a) Les aubergistes, sur leurs talons, expliquant. b) Montée de l'escalier, les douches, les chambres merdiques c) Le puits des miliciens, retour aux blattes Tout être qui se sent persécuté est réellement persécuté MONTHERLANT Le cardinal d'Espagne A I a Les blattes sont de petits insectes dégueulasses, hétérométaboles et dictyoptères. Ils trottent dans les lieux obscurs en faisant cra-cra-cra et se nourrissent de Nos débris. Les voici en pleine lumière, au plafond, sur les murs. Partout. Non pas en files ou queue-leu-leu comme les cafards noirs et ramassés, non, la blatte longue et brune a son identité, son autonomie. Elles sont toutes là en positions différentes, éblouies par l'ampoule à 100W qui les fusille aux yeux, les aplatit dans l'illusion qu'elles ont d'être invisibles, elles font les mortes sans penser encore à se contracter d'un coup les six pattes sur le ventre pour se laisser tomber et filer, sans pressentir encore leur extermination à grands coups de savates à même les parois et le plafond 2 nu. Et paf à deux tatanes chacun ça fait quatre taloches qui tapent et tapent sur les blattes qui tombent. La mort la plus simple pour l'organisme le plus simple. Ce n'est pas compliqué, un 2 rectangle brun qui craque à peine. Éviter de coller le cadavre au mur en claquant trop fort. A I b Sur les blattes les babouches à la main, carnage en dépit du grand nombre de planqués par tous les angles et toutes les fissures, deux humains crâne rasé, roux pour la femme : - Vingt-cinq dit l'homme. - Quarante-quatre dit la Marquise, rase, rousse, en sarrau bleu. Elle s'est acharnée la vache. Total 69. "C'est un hasard – Fait chier tes obsessions Pascal, cherche un balai." Pascal cherche au hasard vers le fond, là où c'est le plus sale, où trouvent les placards normalement, dans un appartement qu'on ne connaît pas. Les cadavres s'empilent sur la pelle et ça fait penser à Auschwitz c'est au tour de Pascal de gueuler T'en as pas non plus toi des obsessions dégueu? Donc ils débouchent leurs oreilles et coupent le son C'était quoi pour toi dit la femme Schubert comme d'hab répond Pascal Passe-moi la poudre à lessiver dans la bagnole il est tout pâle. Il jette les cadavres dans un grand sac en plastique. A 1 c Ils sont arrivés mains dans les poches, le reste suit par autocar. Les écouteurs au fond des oreilles, bonne provision de cassettes dans le sac, pendu dans le dos comme une couille arrière. Ici c'est une ex-boucherie, désaffectée désinfectée, avec des grilles serrées serrées de droite à gauche de la vitrine. Des barres creuses, étroites et rondes impossible à frotter sauf à la brosse à dents modèle enfant, semi-cylindres maculés de minium et de sang séché. Odeur fade et vague qui donne la sensation de mâcher du steak juste assez salé limite avarié. Une espèce d'arrière-goût dans la bouche, dont on veut d'abord s'assurer, puis se débarrasser en miappant dans le vide, et qui précisément s'accentue, dans la salive, là, juste au-dessous du creux de la langue. A l'arrière, non pas aveugle ni privée de fenêtre, l'arrière-boutique, le boyau-cuisine où se cache un vieux réchaud à gaz tout poreux, une table sous toile cirée. Très grasse. Et si, tout de même, une fenêtre aux volets clos qu'on ouvre à ras du sol de la ruelle latérale (dans un grondement d'espagnolette oxydée) avec vue sur le goudron, le caniveau cimenté mais fendu (ses eaux sales) ainsi que le plâtre du mur d'en face, où s'ouvre une fenêtre de chez les autres avec rideaux plus le 3 cul d'un appareil TV (A II a) - "...soit, pour les époux Schongau-Schongauer" (Marquise Arielle et Pascal Papier) "en propriété indivise un bâtiment sis au six, rue des Puniques sur trois niveaux dont une Boucherie désaffectée plus arrière-boutique, chambres et dégagement sur le premier étage" (toilettes et point d'eau), chambres et point d'eau, combles, le tout constituant immeuble de rapport dit "hôtel désaffecté" pour insalubrité par décision préfectorale du 20 juillet 84, chaque chambre pourvue d’une literie, de meubles hôteliers adéquats et de tous tuyaux, robinetterie, lavabos et bidet en bon état de marche, à charge tôt ou tard obligation pour les époux de réaménager à leur gré exclusif tout ou partie, intérieur ou extérieur des bâtiments décrits susdits – sous réserve d’habitation et occupation domiciliaire constante et définitive des lieux sous peine d’expulsion en vertu de l’article (etc). Jeanne de Schongau et Pascal Schongauer dit Papier, unis par cousinage impliquant bâtardise de branche et par liens de mariage, ont reçu et accepté le Six rue des Puniques à Fort-St-Jacques à charge d’habitation et d’ « occupation bourgeoise » des lieux » suite à condamnation par contumace de Blatt-Oliver Blattstein en poste puis destitué au Consulat français de Montevideo (Uruguay). » Pour trafics illicites Blatt-Oliver croupit dans les prisons dorées de Punta del Este sans extradition possible : c’est du gouvernement uruguayen lui-même qu’il est justiciable. « Que mes cousins » écrit-il « occupent cet immeuble. Tout, plutôt que l’Administration des domaines ; les Schongau-Schongauer, au moins, n’ont pas les moyens de transformer l’hôtel de mes ancêtres en minable palace de luxe ». Accord entre les parties. Dont acte. « Eh bien… répète Pascal en relisant les textes additionnels. - Parcourons, dit Jeanne, Marquise de Schongau. Pascal replie lentement le document, et, main dans la main, écouteurs pendants, tous deux s’engagent sur le raide escalier de bois noir qui monte là-haut. A II c) A la douzième des vingt marches, Pascal s’arrête net : « Douzième marche de ma vie ; à 4 ans par marche, me voici à 48 ans sur 80 ». Jeanne de Schongau ricane. 4 Ils poursuivent épaule contre épaule, jusqu’à ce que leurs chaussures sentent la blatte. Ils débouchent, à quatre-vingts ans de marches, sur le grand palier, qui comprend : une pierre à eau (« évier », de « l’ève » ou «eau ») ; un coin douche, dont les deux parois, dans l’angle, n’atteignent pas le niveau du plafond. Et autres choses disgracieuses, armoires, coffres, et tout se qui se désaffecte, le tout affligé de poussière. Des bruits grinçants. C’est éclairé par une vue sur un boyau extérieur d’entre-deux-murs. 4 Comprenant de surcroît : un corridor tordu au plancher traître, plus, au bout à droite, une chambre en parfait état d’abandon d’un coup. « C’est la plus belle. - Sûr ! dit Pascal, qui n’en a pas vu d’autres. La cheminée grasse de poussière, une brochure d’histoires belges dans le tiroir de la table de nuit. Couvre-pied lourd, sol déprimé au centre, l’envie poignante d’habiter là, nulle part, à tout jamais, puis de peaufiner des premières phrases tout le reste de sa vie. * « La meilleure chambre » dit l’aubergiste. Et comme on ne l’a pas entendu venir, il frappe sur l’épaule de Pascal. «  Je vous ai suivis. Demandez les clés. Vous penchez pas trop. Votre fenêtre donne juste au-dessus de la porte au boucher. Ça c’est de l’étage : 4,50m. » La femme de l’aubergiste, sur ses talons, .prend la parole : « C’est lui qui vous a installé la pompe sur l’évier dans le dégagement. Et des toilettes dans le boyau. Vous avez pas vu les toilettes ? - Il y a des blattes, observe Jeanne, de Schongau. - Vous aurez du produit. » La femme souffle à cause de l’étage. Le mari aussi. Ils sont tous les deux très typés, sans intention d’être drôles, mais vraiment gros, très essoufflés. La femme plus que l’homme. À la regarder dans les yeux, on sent une jeunesse éternelle, poignante et poignardée, qui donne envie de la baiser, vers la quinzième marche sur vingt, par derrière, ou sur une table de son auberge. En même temps, le mari non plus ne porte pas à rire : très gros et grand, une forte carcasse 5 d’Alsacienne, avec des bretelles, un Schnurrbart et des restes de blond sur les favoris. Les deux couples se contemplent avec intérêt. A III c) Les aubergistes habitent à l’auberge, en face. Ils détiennent les clés d’ici, la gestion de l’hôtel leur a été retirée : « Insalubre » dit l’homme, « insalubre ». - Il faudrait des frais énormes, dit l’épouse, qui rougit. Ces deux personnes suivent Schongau-Schongauer, Jeanne et Pascal, de chambre en chambre, matelas roulés sur les sommiers, volets mal clos, donnant sur des portions de rues étroites, dans ce bourg mort classé « médiéval » : très haut directement sur le goudron, 5m 50. « Et tout là-haut, poursuit la femme, juste au-dessus de chez vous » (elle monte avec eux) « une dernière 5 chambre » - tandis que le mari, bricoleur et masculin, prétexte «j’ai à faire , Maud vous expliquera » et regagne le rez-de-chaussée. Maud explique au retour, une fois de plus, les délicatesses de la chasse d’eau, surtout ne pas en mettre trop, toujours sans intention d’être drôle. Récapitulation des avantages et des inconvénients, habile glissade sur les prix gros frais d’entretien et les blattes dit Jeanne ? - Passez prendre un produit. Les repas sont à 19h, et plus tard. » * A III c) Pascal Papîr Schongauer, bon prince, consent à prendre le repas du soir - « ...et sous l’escalier ? - Vous avez remarqué ? » - la Maud semble vivement flattée : « Nous avons ici un authentique puits intérieur » - elle tire une planche vers elle, descend deux marches en soufflant, et montre une ouverture d’abord horizontale, comme un enfeu d’église, puis, les yeux s’accoutumant, la margelle d’un puits obscur et vaguement fétide, grillagé. « Les gens d’ici disent qu’en quarante-cinq, des miliciens ont été jeté dedans. • - Par d’autres miliciens ? » Pascal n’avait pas l’intention d’être drôle. Maud se pique : « Il faudrait un vieux du pays pour tout vous expliquer ». C’est comme en bien des bourgs, « il y a eu des tas d’histoires à la Libération, je n’étais pas née, on s’est installé depuis quatre ans. 6 I) II) III) Entrée au restaurant Carlos et Cie à table Révélations et propositions a) La salle et les dîneurs a) Entrée de Carlos et a) Propositions de vol Sophie, subjugués par sur ce prodigieux appareil l’appareil sonore b) Le sexe de Caroline et b) Passent progressive- b) Révélations sur les identités : son couple niais ment du tapage bon « Vous, vous n’avez pas de Casier enfant à la discrétion Judiciaire ; faisons semblant de chafouine nous être connus. Associez-vous à nous » c) Le magnifique appareil c) Leurs manœuvres c) Mélange de sympathie et de à musique. d’approche chantage affectif (Jeanne y est sensible, mais Pascal est réticent. Pas envie de dîner dans ce trou à rats dit Jeanne. 6 - Il faut se faire bien voir. - Toujours aussi savonnette ? » Rien ne bouge dans ces maudits villages classés. Les bistrots restent comme avant-guerre, bouseux, royaux, avec leur planchers boueux, leur arrière-salle restaurant : six tables de quatre à nappes à carreaux serrées comme couilles en broche, plus l’odeur. Ceux qui bouffent sont sympa, représentants miteux sauf la cravate, trois touristes paumés remontés du camping inondé, deux camionneurs qui roulent. Toilettes en haut de l’escalier derrière la porte vitrée verre « cathédrale », mais pour y atteindre, il faut repasser dans la salle à boire et traverser la cuisine, où l’Alsacien s’avale une soupe en face de sa petite télé privée. Pascal redescend l’escalier vous prendrez bien l’apéro dit Maud j’en offre un à Madame aussi dites-lui de revenir, vous avez bien dix minutes… Une aubergiste causante : ...qu’il n’y a pas de clients, que les impôts… aujourd’hui, il y a du monde ; mais d’habitude… Les phrases habituelles. Pascal les écoute. 7 B II b « Caroline, trois Marie-Brizard ! » - c’est sa fille. D’une sveltesse. D’une grâce. D’une fé-mi-ni-té. Suivie d’un roquet humain coiffé en oreilles, qui court où elle dit, fait le beau et remue la queue. An-gé-lique. « Son fiancé. - Bonjour Monsieur, Bonjour Madame. » Il est poli. La relève donc, mâle et femelle, reste accorte. Le mec est mièvre toutefois : toujours à trottiner derrière le cul moulé de sa belle. Laurent. Il s’appelle Laurent – car ! ...la Caroline !… elle a pris sur elle toute l’harmonie corporelle de la famille, la fille des gros. C’est elle qui commande. Qui décidera – ou qui décide – si elle couche et quand, ou non. B II c « Voulez-vous de la musique ? demande le minet, le roquet, Laurent, on s’y perd. Il met en route, en branle, un appareil de toute antiquité, constitué d’un corps de buffet vertical et plat, et d’un cercle de métal blanc sous vitre. Cet entonnoir plutôt, très évasé, présente une multitude d’aspérités semblables aux picots suisses de tambours cylindriques, où de fines 7 lamelles égrènent de frêles mélodies. Un Polyphonn dit Laurent fiancé à DEUX balles. Tous les clients regardent. Cinq sous dans la fente et tout se déclenche Il glisse un Napoléon III tout lisse et conservé L’ancêtre du juke-box S’élève dans le bar une musiquette aigrelette et forte, où l’on reconnaît, détachée grain à grain comme un kilo de riz, La Marseillaise soi-même. Les représentants sont venus de la salle à manger, tout le monde écoute debout en s’essuyant les coins de lèvres avec la serviette. - Qu’y a-t-il sur l’autre face ? - La marche des petits Pierrots, répond le patron qui sort de sa cuisine en se torchant les moustaches ; c’est toute une histoire pour changer ça, il faut enlever la vitre, etc. » L’appareil date de 1910. Il en existe cinq en France. Le son est celui d’une harpe, pincée très fort. 8 B II) a) Deux touristes surviennent à ce moment-là, des touristes pas comme les autres, mais qui s’arrêtent d’abord sur le seuil dans l‘émerveillement la surprise et l’émerveillement le plus total. « C’est très chouette ! dit l‘homme, et ce sont ses premières paroles. Très important, les premières paroles d’un homme. Sa femme renchérit, et ils ne sont pas fringués comme les miteux du parking inondable, mais élégants d’une façon bizarre, le type, bien gros, bien opulent, la barbe mal mais savamment taillée de Zapatero contemporain, elle en organdi à volants de vingt ans minimum en retard sur la Mode. Puis commanda d’une voix flûtée hors de propos deux repas « très simples ». - Ici nous n’avons, dit la patronne, que du très simple », tandis que le Mexicain écoute religieusement La Marseillaise jusqu’au dernier frémissement de lamelle. Ils prennent place. L’homme commande deux apéros, puis trois ou quatre. Finalement, personne ne mange plus, et les écoute : le nouveau venu raconte des histoires à la Gaudissart, détend l’atmosphère. Il s’appelle Carlos, et plus personne ne pense à manger, mais à boire. B II) b) Carlos propose enfin de passer à table, « la vraie ». Tous repassent, à sa suite, dans la petite salle à manger aux relents de graillou. Le couple se place face à face, à la table qui jouxe très précisément celle des Schöngau-Schöngauer. Très vite alors, et de façon très agréablement inattendue, l’éclat des nouveaux venus (l’homme, comme il est de règle…) s’estompe, au profit d’une discrétion de bon aloi. Les voix retombent à leur diapason ordinaire, et Pascal Intello est le 8 seul à entendre commander le menu du jour, comme tout le monde. Les Schöngau-Schöngauer redeviennent aussi observateurs que discrets, sans rien perdre de l’éclat des bagouses et des lunettes noires de comédie. De son côté, la nouvelle venue, compagne du Mexicain, répond au nom de Sophie, envoie des œillades discrètes, pour inviter, sans autre obligation, à nouer plus ample connaissance. Sophie fait dans les trente ans, porte un petit nez retroussé, peau laieuse, et sensualité partout répandue (ou feinte, les femmes y excellent) tout au long de Sa Silhouette Assise. Le 24 août 2041, je passe à 60mn. 9 B II) c) ...Ainsi donc, tables différentes mais contiguës, disposition éminemment favorable aux palpations d’antennes, sourires de proximité, passages de sel. Au thon à l’huile on s’échange des considérations gustative, et le poulet au riz s’avère on ne peut plus propice aux points e vue sur le tourisme. « C’est la première fois que nous venons dans la région » dit le nouveau couple avec un sens aigu de la banalité. Tous quatre conviennent de l’extrême « radicalité » du Périgord (de radix, la racine). Avec parfois, vu les lenteurs du service (Maud et sa fille s’activent à grands renforts de rebondissements lourdauds sur plancher plastique), des silences, des apartés instinctifs, afin que nul ne se sente obligé de pérenniser le quadrille convivial. - Loi : chaque homme trouve à la femme de l’autre un goût de séduction sournoise, une prometteuse chafouinerie, de vice peut-être, sous cheveux blonds bouclés, roux coupés ras. Les femmes soupesées se laissent percer par la basse du gras zapatero, ou les trous du cul de furet, jaunes et rapprochés, servant d’yeux au Pascal. Ce sont là des pensées d’avant-dessert. Hommes et femmes s’estiment supportables, riches en devenir, tous autant qu’ils sont ; au pluriel, le masculin fait neutre. 9 B III a Au premier petit café Carlos parles des vieilles pierres et du trésor de l’abbé Saulnières ; puis des Templiers, des Cathares et des Néo-nazis de Norvège. « Même en Norvège ? dit Jeanne. Sa naïveté excite. Sophie, fausse timide,  aborde ses peintures : « Moi je fais sur soie des Signes du Zodiaque et des symboles maçonniques. Pascal prend la parole pour sa femme comme il fait toujours : « Parfois c’est l’horoscope sexuel : les signes du ZoBiaque ». Oui bon. « ...elle attend cent quatre-vingt six (186) parfums en flacons d’échantillons, par le prochain car de Bajac. «  Et sur les murs, nous exposerons des miniatures d’instruments » Jeanne complète de 10 musique. Carlos parle bas à l’oreille de Pascal en étouffant un gras fou-rire. Pascal trouve l’hispanique sympathique. En tout cas sans façons. B III) b) « Faisons semblant de bien nous connaître et depuis longtemps » murmure-t-il encore à l’osseux Pascal. Je suis un envoyé de d’Oliver Blatt-Blattstein. Ne me regardez pas avec ces yeux de grands brûlés ; faites venir de la crème (poursuivant ses confidences) : Sophie est mon alter ego.Elle peint réellement d’incroyables choses, sur toile, sur bois. Nous exposerons ensemble, je trouverai toujours quelque chose à faire. - Pas de police surtout, pas de police ! intervient Jeanne de Schongau. - Cessez de murmurer. Patronne ! Trois cognac. ! - Quatre ! crie Jeanne. Ils se regardent tous dans les yeux, pour voir. Autour d’eux, représentants et dîneurs divers ont pris le ton de laisser-aller qui suit le deuxième pousse-café, la « rincette ». On mange bien dans le Périgord, à mi-distance du Chanturgue et du Madiran. B III c) Il est inimaginable, mais vrai, qu’à la fin d’un repas l’envie vous prenne de tout confier à des 10 individus dont on ne soupçonnait pas l’existence avant d’avoir bu. Carlos venait espionner l’éphémère nichée de l’hôtel déclassé ; déjà pesait sur tous le malaise des situations fausses. Mais Jeanne voyait avec horreur la solitude partagée avec un époux épuisé, au fond d’un petit village ; mais Pascal éprouvait le besoin de se sentir en porte à faux, pour l’équilibre d’expier. Il laissa pressentir qu’il n’était pas exempt de quelques taches pénales , afin d’attirer la louche bienveillance de semi-malfrats métèques. « Je fais ce qu’on me dit de faire », répétait le gros dans sa barbe grasse. Vous n’aurez pas d’ennuis avec les flics aussi longtemps que je serai là. - On appelle ça un condé fit observer Jeanne de Schongau. - La petite dame est bien dessalée ! s’exclama Carlos. Sophie sortit d’un sac à main des reproductions qu’elle fit admirer. Des convives représentants eurent bientôt retourné ses photographies dans tous les coins gras du local à manger, échangeant des soupirs gavés d’admiration. 12 C 1) Les Carlos s’impatronisent II) Déprime de Pascal III) Scrupules des Bidochon a) Discours emphatiques a) L’épicerie a) Vidage de la bouteille d’attaque La vieille et la jeune à peu près à poil b) Lamentations ridicules d’ivrogne b) Engueulades pour le b) Le Margnat-Village nettoyage et la peinture en plastique et le cinéma qui s’ensuit c) Scène puérile de part c) Râleries beaufiques sur c) Pascal y retourne et d’autre, considérée « ces intellos » et c’est pas beau avec effarement C I) a) Discours emphatique d’attaque « Messieurs, dit Carlos, revenus en Boucherie qu’ils étaient – puis s’apercevant du seul Pascal et se rectifiant : « Monsieur, Mesdames, nous voici tous en Mission d’Art, chargés… - … et éméchés dit Jeanne. - ...chargés de faire luire en cette basse bourgade les Arts et leurs supports. La tâche sera malaisée, car ils ne font pas différence entre foulards imprimés à la chaîne et chefs-d’œuvres manuels, et nul ici à Fort-St-Jacques ne voit l’intérêt d’acquérir un flacon, une clarinette miniature, ou que sais-je ; il nous faudra conquérir les populations. « Pour cela, présentation : soyons toujours soignés, ivrognons-nous élégamment, montrons notre entente et notre soudage. «  Puis, préparons bien les lieux, lessivons, repeignons, vernissons. - D’autres activité ? propose Pascal. - Nous avons une vraie religion du passé, dit Sophie, en aiguisant son museau de fouine. - J’aurai enfin de la compagnie, soupire Jeanne avec résignation. - Répartissons-nous les tâches, reprend Carlos en titubant. Les Hintzelstein, ou « aubergistes », fournissent lessive, peinture, brosses et seaux. - Et rouleaux, susurre Sophie. C I) b) Pour être bandit colombien, on n’en est pas moins mesquin : déjà Carlos a pris le meilleur pinceau, la plus large cuvette, et gueule d’abondance aux moindres maladresses de ses trois partenaires, ses « co-peintres » dit-il. Tout retentit de ses cris. Les parois du caveau que c’est retentissent de jurons pleurards – car le bandit prenait de tels accents – que les deux femmes, accroupies près des plinthes, accompagnent finement de leurs plaintes : l’ivresse se dissipe pour tous, douloureux moments, et Pascal ne dit rien. Pascal en effet peignait avec minutie un angle de plafond tout embubonné de moignons de tuyaux, pour ne plus avoir à se soucier d’ensembles, et tout là-haut, sur son escabeau, son chef tournait dans les effluves. Si Carlos gravissait à son tour les planchettes et se répandait en mépris sur ce « gâchis de bureaucrate », Pascal se sentait profondément découragé, parfaitement inutile, et cætera. Qu’il est incongru ma foi d’avoir un malfrat bricoleur, admirateur de beau bricolage bricolé ! (rester à 50mn, 41 08 29) C I) c) Pascal rejette et hait sans pardon ceux qui ne lisent pas, reconnaissables à ceci : leur amour du bricolage, du nettoyage, et des moteurs. ; les certitudes qu’ils ont, tous, de tout ce qu’il y a de plus con, en politique en particulier, mais surtout, à leur attachement au méticuleux : une couche de peinture mal passée, une poussière mal alignée :; capables de raboter quatre minutes montre en main le petit bout d’on ne sait quoi qui procure l’étincelle en extrémité de bougie, capables de se passionner jusqu’à l’excitation sanguine et d’éclater, pour peu qu’un pédé de liseur ne parvienne pas à accomplir ce qui bon Dieu de merde n’est tout de même pas si difficile pour un mec qui a fait des études. Pascal détestait définitivement cette engeance de diarrhée. « Et j’étais à sa merci, racontait-il. Je devais faire tout ce que cet abruti m’ordonnait dans les rugissements ou le mépris, alors que je n’avais strictement rien à foutre de ce réaménagement de boucherie. Il fallait bien aussi que je jette le masque, que je sorte de mes gonds, etc. Carlos finit par tout faire lui-même en pestant, mais quelle jouissance de l’entendre pester. Plouc illettré, démerde-toi donc, puisque tu es si génial de la pogne. 13 C II) a) La différence entre l’Intellectuel et le Bricoleur, différence essentielle c’est-à-dire d’essence même, c’est que le Bricoleur sera toujours en tout temps et en tout lieu de son absolu et irrémédiable bon droit. L’Intellectuel en revanche sentira toujours qu’il lui manque quelque chose. Il est faible, infirme, le fait de ne pas se servir de ses mains lui fera toujours aussi cruellement souffrir que le manque d’ailes. Il déprimera ! Il sera toujours fasciné, tétanisé par la Bête-qui-Bricole, le Manuel au crâne obtus. Donc Pascal va « faire les courses », c’est tout ce qu’il sait faire ; une vraie bonne femme. À la Supérette du bled. Il y a là une petite vieille sèche comme un fourmi, qui papote avec tous ses clients, sert la moitié de l’un et le tiers de l’autre parmi ses rayons maigrichons ça sera là demain on vous le commande ! - mais, mais : ...il y a aussi sa belle-fille, la jupe à ras du poil, paupières en capote et cuisses au moule, et qui se tord comme une colique. Prête à gueuler à la moindre allusion comme toute féministe qui se respecte. Pascal achète en balbutiant, ou balbutie en achetant du thon et des zeuffs, plus un double litron de vin sous plastique. Il n’ose pas guigner la jeune et flaire la Vieille, mais la ruse est vieille. C II) b) Dans la boucherie-exposition, c’est le délire des pinceaux, des rouleaux, des salopettes souillées à grande vitesse, et Carlos le Gras peinturlure avec frénésie. Ça c’est de l’ouvrier, du con, du pétant. Pascal demande piteusement ce qu’il peut faire, on lui fait poser son sac à bouffe sur la table d’arrière-cuisine. Il revient tout épouvanté sous les escabeaux en brandissant sa vinasse. Il chante et braille, débite des histoires de bite et se la joue griot cornique. Il prend un ton tellement chialard que même Carlos lui demande de la fermer du haut de sa double échelle de quoi je me mêle ? Voilà-t-y pas des ramassis de caniveau qui se mêlent de donner des ordres ? ...le gros mâle tout seul, parce que les fumelles, attention : c’est ultrasensible aux biceps romantiques, grosses pines et tournevis à piston. Qui dira le charme du gras pue-la-sueur en leu de travail – faut bien qu’il leur reste quelque chose. C II) c) Alors tout vire agressif. Pascal ne sait plus ce qu’il devient. Il sombre dans un désespoir d’ivrogne et le nihilisme à deux balles n’essayez pas de me raisonner – je ne sais pas ce qui m’arrive il renverse la bouteille et pompe au goulot, privé de peinture et frustré du pinceau je sais pas m’en servir et les trois autres pataugent dans la compétence ; Pascal serait le pochard du Fort, il tituberait partout, sur le seuil de l’expo pour commencer, brame à la cantonade en soignant bien le pâteux de l’expression. Repart chez la belle-fille pour les fromages ils auront la surprise les autres même pas pensé à bouffer moi aussi je suis indispensable refilez-moi deux litres – En plastique ? - En plastique » on voit les jambes quand elle est debout et le sourire gras quand elle s’assoit. C III) a) « Bon ça suffit ; » Jeanne la Rousse réagit du haut de son 1,5m d’escabeau. Elle réussit ce qu’elle peint, ce qu’elle touche, Pascal reste inférieur à ras du sol (tête à mi-cuisse de Sa Femme), il secoue sa bouteille àla verticale, - Bien amousé ? dit Carlos perché. Pas besoin de radio. On n’entend que toi. Tu nous emmerdes. - Il est grossier, le monsieur qu’on ne connaissait pas tout à l’heure. - Arrête quoi putain, crie Sophie du haut du 3e escabeau – non,vous tout seul, Pascal ». Sophie crie qu’on peut le tutoyer, descend pinceau en main, tord en deux la bouteille de vin en plastique, l’arrache au soûlard et dans la foulée passe en arrière-cuisine. Pascal croit d’abord que les glouglous viennent d’un gosier et puis ça se prolonge : vue de dos Frau Schongau vide le picrate sur l’évier, de la bonne qui râpe. Son vin ne fait qu’un tour, que va-t-il devenir ? C III) b Il bégaye et vomit un peu c’est la peinture et puis le gaspillage aussi le gâchis c’est brutal, tout le rend malade, il part dans une diatribe de délire chie sur le monde entier les deux cons d’à côté qui n’en perdent pas une et peignent comme des rats. Sophie surgit vos pinceaux vous pouvez vous les Tourne-toi seulement vas-y tourne  super je verrai plus vos têtes de mort Ça nous diminue le loyer crie Sophie – c’est vrai  l’aubergiste l’a dit. Le loyer. Les pinceaux. Le con-cret. Ils ne pensent qu’à ça. « Et ton plastique, et ta vinasse, c’est pas du concret , - J’ai fait les courses ! Moi-même ! ...pas foutus de penser à la bouffe ! - ...tu vois bien ! ...qu’il en faut, du « concret » !… - Mais j’ai besoin de vin ! (...ça ne leur vient pas au cerveau qu’un intellectuel puisse avoir des tourments) parfaitement des tourments, et sans le vin, je fais quoi ? - Surtout pas de la peintoure ! crie Carlos de l’escabeau – tout résonne entre les murs nus, à faire tourner la tête. C III) c) Pascal en folie éclate en bruits buccaux suraigus, tout le monde l’empêche de peindre puis se fout de sa gueule, Jeanne la Rousse descend de l’escalier en glapissant, l’Apocalypse entre quatre murs, n’y aura-t-il dans votre histoire aucun personnage auquel notre acheteur puisse s’identifier NON. Carlos et Sophie la Blatte restent interdits brosses en l’air et se regardent avec commisération – ô misérable humanité ! C arlos se gratte la peinture sur sa troisième bague (majeur). Sophie soupire qu’il « va falloir vivre avec ça » en allongeant son museau de fouine. Le diable nous préserve des parties croisées. Les cris se poursuivent en mordant l’un sur l’autre, un vrai diskant breton. Le thème de Jeanne est « gueule pas si fort » et « arrête de brailler », ce qui s’applique à tout, donc, Pascal a raison. Vraiment ? Dit-elle, et c’est le premier mot articulé depuis longtemps que l’on entend. Par comble jouissif d’abaissement, c’est Pascal qui se jette à quatre pattes pour nettoyer le vin ou ce qui y ressemble, et le plastique éclaté, avec serpillière et manches de chemise, en sanglotant « ma bouteille, ma bouteille... » - Sophie souffle « petite bouteille » car l’ivrognerie apitoie 50 % des dames. Carlos n’imagine pas la grosse scène qu’il pourrait développer sur le thème « Tu salis le ragréé avec ta vinasse à neuf francs ». Pascal se tourne vers lui, et lui décoche en se torchant le nez « Tu vois bien que je nettoie ». D I) Arrivage II Chipotage III Les mâles prennent parti a) L’autocar Compliments aigre-doux a) Carlos pour Jeanne, sans sincérité, & de façon excessive b) Flacons et foulards de Sophie b) Jeanne laisse Sophie prendre b) Sophie se rebiffe, soutenue toute la place par Pascal, sans sincérité non plus. c) Instruments, toiles c) Jeanne revient sur sa fausse c) Tout le monde s’engueule et peintures sur bois de Jeanne générosité de façon névrotique, à répliques entrecroisées culpabilisatrice et hystérique pour insincérités réciproques. L’AUTEUR N’EST PAS ASSEZ MÉCHANT.IL DOIT INTERVENIR.TROP DE GENTILLESSE D I) a ) Le bus fait son entrée. Comme chez Flaubert, comme en Sicile, etc. Tous les chauffeurs de bus ont une trogne, ils ne sont pas lavés depuis trois jours et, au lieu de parler, rogomment. Ils balancent toujours les paquets du haut du toit, et, à ce moment-là, fatalement, il pleut, ou le soleil cogne. De la boue, à moins qu’il n’y fasse poussière. Ce jour-là nous avons une forte chaleur à Fort-St-Jacques. Et le chauffeur balance le bras pour projeter tout le chargement de flacons. Sophie pousse les hauts cris et monte chercher tout cela en personne « v’nez donc eul’chercher toute seule la p’tite dame! « comme si vous ne pouviez pas vous fatiguer à notre époque pour avoir des soutes ? » - en tout cas Sophie montre son châssis qui ,n’est pas des plus avantageux:des mollets de coq tout maigres sous des chaussettes jadis blanches, mais Carlos et l’amour s’en contentent. « Il reste un paquet pour l’autre dame » fait le chauffeur Mon Dieu quelle coïncidence glapit Jeanne marquise de Schongau, voyant déballer de sous l’engin d’autres gros paquets – j’en ai, des soute, nargue le chauffeur – qui contiennent des « reproductions d’instruments classiques » (c’est sur l’étiquette) et des peintures sur bois vernis ; icônes et tableaux inspirés de Bacon. Sophie chante « j’ai de beaux foulards-euh, j’ai de beaux foulards-euh » du haut de ses maigreurs. Le couple des grands roux, Pascal et Jeanne, échange des regards consternés : « Sophie est folle ». Carlos s’en contrefout. Les foulards sont étalés en boutique, c’est-à-dire précautionneusement dépliés sur des tréteaux (fournis par l’auberge) dans la boucherie. Enveloppés dans ces tortillements de soie reposent de fragiles flacons de parfums, ayant ou n’ayant pas (les neufs) contenu d’odeurs, qu’ils se passent tous quatre de nez en nez : - Sentez-moi ça ! Flairez-moi ça ! - Tout ça c’est de la connerie dit Carlos. - Tu verras quand je vendrai tout. Je vous nourrirai tout, Pascal s’achètera du vin, du meilleur cette fois. - C’est très beau dit Jeanne de Schongau. Rien de plus vrai. Les formes flaconniques vont des effilements les plus piquants aux représentations les plus triviales, cochons dont la queue fait bouchon. Parfum pour fillettes, les garçons sentent comme ils peuvent. Mais la plupart du temps, le flacon ne représente rien. Juste pour la gloire. D I c) « À mon tour » dit Jeanne qui trépigne. Pascal tout gêné déballe des tas de trucs, trompettes, accordéons, violons de 15cm. Carlos pense que Tout ça c’est de la connerie. On l’entend penser. Je me demande ce qu’il vient foutre pense Pascal. Surtout pas de l’artisanat, ah, ah ! Jeanne peint sur toile, « Vous aurez un chevalet de ma cave » - l’aubergiste pourvoit à tout. « Tout ça ne rapporte pas un rond » grommelle Carlos. Dont le tic consiste à s’essuyer le front. Il ferait même un régime. « Surtout il faut aider nos femmes » Pascal répète c’est très joli en boucle. Sophie se pince les lèvres pour ne pas sourire, et minaude du cul. Tous se demandent ce qui a bien pu leur prendre pour venir exposer dans ce trou. Pascal sentant venir le vent révèle avant qu’on l’interroge qu’il occupe un assez brillant poste d’informaticien aux Tissus Tex. « Ah bon » répond Carlos en se tenant la main/ D II a) Jeanne et Sophie s’examinent leurs charmes, se battent les flancs, leurs seins ballent, ce sont de très, très valables artisanes. Concert de vous êtes jolie, de vous me semblez belle, de sans mentir, on sent comment ça va se terminer comme entre toutes les femmes. La plus petite trompette a son sort, le plus réduit pot de patchouli au pas de vis qui se bloque, les cordes qui se détendent et les filles qui se tutoient. Carlos dit qu’en effet, il serait temps. Devant les productions personnelles de ces dames une rafale de reculades et d’œil en biais pouor mieux voir, de têtes penchées si si je vous t’assure, on se rend mieux compte Pascal est dépassé. « C’est de la connerie trop personnelle » dit Carlos en se tenant la main. « Pourquoi Fort-St-Jacques ? » Sophie se retourne sans répondre puis revient sur de grandes Vierges vertes sur fond d’or un peu déshabillées pour le culte orthodoxe. « Oh, nous n’avons pas de Russes dans ce village dit Jeanne, tandis que Pascal émet l’hypothèse évasive qu’on y trouverait des Grecs. D II b) Sophie prend toute la place. Elle partage la vie du Gros. Elle a son audace. Elle étale ses œuvres sur deux tréteaux et demi, la soie faut la déplier sinon ça ne vaut pas la peine. Jeanne la Rousse épouse du plus roux insiste : « C’est vrai qu’on les voit mieux comme ça, les chatoiements, les jolis chatons, les taureaux, le bœuf ! - C’est un Tigre. - Ou un bœuf. - Tu fais semblant de confondre. Tire un peu sur la soie, là,  bien à plat, tu vois bien que c’est un tigre tout de même. Il manque 50cm pour bien développer la queue du tigre ». Carlos s’éponge le front et s’allume un cigare. Il a toujours dans sa poche un cigare et un foulard en boule. Ses bagues cliquettent, les femmes disent des conneries mais il ne veut pas se répéter. « Que c’est beau ces Vierges vertes, vrai vous tu n’veux pas m’en donner UNE ? Jeanne la Rousse n’est pas enthousiaste, mais donne un cornet en laiton de 1883 « si les ventes ne marchent pas fort ». Elles verront cela en fin de séjour. D III c) Elle disait, dignement d’abord puis en chialant un peu que ce n’était pas si attirant ces flacons et ces soies, « mous », « fragiles », « glaireux ». Et que c’était plutôt à elle, la Rousse, d’exposer à la meilleure place la production solide : icônes sur vrai bois, instruments bien chantournés. De son côté Sophie la Blatte geignait sur l’exigence de place de tous ces foulards, sans que personne pourtant ne se donnât la peine de les déplier pour admirer tout le motif du tronçon de queue de tigre. Et puis les flacons, tout de même, c’était tout de même quelque chose de dur, aussi, de définitif, d’original. Personne n’avait jamais eu l’idée d’en exposer. Alors Jeanne la Rousse, marquise manquée, sombrait dans la vulgarité : « Mon cul à moi, jamais personne non plus n’a eu la moindre idée de l’exposer ». Sophie sur le même ton gonflait ses lèvres pour dire que de toute façon cet article-là ne se vendrait pas mieux que le reste - « mieux vaudrait fermer le rideau pour ne pas faire fuir le client et autrea arguments de cet acabit. Pour finir elles se crêpaient le chignon, le Schongauer avait tété le pinard au plastique, la Marquise Sa Femme ne le lui vidait pas toujours, ces dames se chambardaient tout l’attirail… D III aà Et Carlos, qui ne serait jamais qu’un Olivier Blatt-Blattstein, et même sentimental, prenait fait et cause pour la Marquise afin de ne pas sembler soutenir Sa Femme à Lui. Il avait confié que les icônes l’avaient toujours transporté de joie dans sa cellule – oups, dommage… Il prenait à témoin Pascal la Loche, qui tirait sur son goulot larme à l’œil. Carlos Blatt suggérait alors aux femmes de se répartir l’espace bon Dieu c’est tout de même pas sorcier. Pascal rotait misérablement son Margnat-Village en proférant des pâtosités : « Le mieux est l’ennemi du bien » ce qui cassait la conversation – les trois autres se taisaient d’un coup pour le regarder comme un gosse qui dégueule. Carlos reprenait alors son éternelle proposition d’ « insérer » la production de l’une dans la production de l’autre vous placerez les flacons près des instruments et les triptyques sous les carrés de soie. La  marquise se grattait la tête au niveau de l’écorchure, c’était l’autre qui s’était mise à taxer toute la place. D III b) … et ça repartait se taper dans les murs et à l’envers de la vitrine aux petits barreaux anti-mouches qui les attiraient, trois passants se regardaient on appelle les pompiers ? pendant que le Marquis tâchait de rattraper le coup en zigzaguant : les foulards étaient tout de même plus féminins même au lit t’enlèves pas tes godasses à la Vincent van Gogh sur quoi la Marquise invariablement répliquait que ce n’était pas lui qui allait en refaire, du van Gogh, et que ce n’était pas l’oreille qu’il devait se couper. C’est d’ailleurs tout ce qu’on aura bientôt retenu de van Gogh. Là-dessus Carlos-Olivier Blatt-Blattstein engueulait l’ivrogne de soutenir sa femme, et ils se jetaient leurs patronymes en pleine tronche en se traitant respectivement de Bougnoule et de Nazi. Marquis Schaungau posait sa boutanche au bord du secrétaire (« un secrétaire dans une boutique à viande ! franchement ! ») d’où elle tombait régulièrement si ça commence comme ça « mais non » criaient les autres «  juste les petits accrochages du début ! » D III c) Quand les dames ont voulu s’inerrompre pour passer à plus intelligent, par exemple se répartir l’espace, tout a recommencé de plus belle, puis intenable, au point de s’envoyer les objets sur la gueule. Les mâles rattrapaient les violons au vol et les flacons de Givenchy, mais Pascal si bourré que le dégât était pire. Les aubergistes se sont pointés plus bonne partie de la rue marchande, c’était très instructif, de quoi remplie les veillées des chaumières pour trois mois. L’épicière en jupe rase-poils trouvait curieux ces artistes qui s’engueulaient à ce point, ça ne devait pas être des vrais juste des commerçants, mais à ce moment-là le cocu s’est mis à brailler quoi quoi les commerçants et sa femme a dit sur un ton très calme « ils doivent faire du trafic de copies », sur trafic Olivier a sursauté comme une taupe au piège. E I) Accoutumance II) Resserrement III) On se retrouve aux lizux des liens avec les seulâbres pour le aubergistes, les etit repas du soir les épiciers, le dans l’arrière-cuisine buraliste bossu et sa femme a) Les aubergistes a) Les aubergistes a) Tristesse du décor et reparaissent et et leur fille plus le lumièrer jaunâtre, refont un baratin racontent leur vie, avec le sentiment de sur les WC, l’eau malaise, ça va trop n’avoir rien à se dire, et les douches/ vite dans l’intimité baisse brutale de tension. b) Repassage en b) Arrivée du ménage b) Les nouilles au beurre revue de toutes des épiciers : allusions et le riz au plâtre les chambres à des partiouses quand les touristes, les « cloches », ne seront plus là (cf. Les Andelys) c) On est de nuit. c) La conversation marxiste c) L’heure sinistre Déclenchement de éouisante du nabot bossu des comptes la dame blanche buraliste effraie E I° a) «Pour les chiottes, faudra vous méfier, pas en mettre trop, pas bourrer de papier/ - Serrer les fesses pour chier des merdes fines, pour l’insistance vous mettez le paquer, pourquoi vous êtes tout le temps sur notre dos comme ça dit Pascal d’une traite. - On rend service et on veut pas être emmerdés tout le temps pour du débouchage, c’est votre merde pas la nôtre. - C’est pas ça » dit Sophie, c’est l’eau qui remonte, on a le cul qui trempe, bravo le paysage quand on se retourne. - Les douches c’est oas ça non plus, mon mari a passé une heure à bricoler un coin pour se laver les chosses. - Ouais les douches ça va, dit Pascal, on s’aperçoit juste qu’il y a quelqu’un dedans, on vott la serviette sur la porte. - Putain jamais contents, je vous ai prévenu aussi que l’eau potable c’éait pas ça, venez pas vous plaindre pour les amibes, il faut chercher l’eau fraîche à la fontaine dehors, on vous en passerait bien de not’restau, mais vu comment vous êtes aimables… - Bon on ne va pass’engueuler, mais vous êtes toujours là derrière, on avait compris la première fois, on n’est pas débiles.On va même prendre le repas chez vous ce soir. E I) b) La nuit tombe et c’est tout ce que trouve à écrire, franchement… Pascal parcourt toutes les chambres, pour voir si vraiment ils ont choisi la meilleure, et juste aussi pour voir, la poésie et tiout ça. Il trouve des matelas rayés comme des Auschwitziens qui se renroulen sur eux-mêmes, des volets qui décanillent avec des espagnolettes oxydées à rendre l’âme. On a donc tant baisé sur ces lits sans compter les nuits solitaires et ça devait grincer salement les planchers eux aussi élastiques à la façon du Restaurant d’En Face. Boules de cuivre et côtes en long, ressorts à la Dion-Bouton, Pascal est démangé de les essayer tous l’un après l’autre, toutes les chambres ont une âme, une âme de ruine et d’abandon proche. Là-dessus des dégoulinades de lumières jaunes si lumière il y a, des interrupteurs en papillons de faïence à s’électrocuter pour peu que les deux doigts se posent à la fois sur les deux vis de fixation branlantes. Pascal en sursaute, d’appréhension. Ça y est cette fois je m’électrocute. E I c Et d’un seul coup d’un seul, Pascal sursaute jusqu’au plafond jusqu’au fond des moëlles, car il entend d’un coup des oreilles à l’extrémité de l’intestin une espèce de gigantesque feulement d’outre-tombe : un gosse qui agonise dans une chasse d’eau. Le soir au restaurant : « Toujours aussi lavette Pascal ? » - Vous en avez marre » (dit la Femme Aubergiste) « de nous avoir sans cesse aux fesses » un temps « eh ben vous ne saurez rien ». - Fais pas la vache ma Maud » (ajoute le Mâle) « dis-leur que c’est rien que la dame blanche, la chouette quoi, l’effraie » (tourné vers Pascal) « avec un peu de chance vous lui verrez le cul quand elle calte, toute une nichée dans le bâtiment d’en face, que des ruines par ici ». Alors Pascal et les autres prennent un rab de potage, après tout, l’ambiance est sincère, les gens sont bons par ici, pas rancuniers. À la fin du repas la grosse Maud vient s’assoir et détaille ses souffrances et varices anales en soufflant, avec renouvellement des Marie-Brizard. E II a Maud refuse de voir en face qu’elle est au grade des caricatures, je pèse peut-être autant que 2 sacs de patates mais moi je baise « Pour sûr » approuve le Mâle en remontant sa braguete. Sophie détourne les yeux, Jeanne B-Blatte le nez ça serait-y pas du lait que t’as mis dans ma tasse à café Schätzi ? et certains spécimens bouffatoires commencent à se confier en douce sous serviette et sur la nappe en petits schémas érotiques. L’aubergiste et sa Maud sans doute se passent par derrière vu la corpulence des deux actants car l’homme ne se courbe pas comme un déboucheur furet. Pascal tripote son crayon. La table voisine pouffe hypocritement ça nous regarde ce qui ne répond à aucune interrogation explicite et que c’est dommage proteste en douce Blatt Jeanne Blatmann – l’intimité s’invitait trop vite et voici que ces deux jeunes inconnus maigres et bloqués viennent vous torpiller l’excitation (fantasmée, Jeanne, imaginaire et pour tout dire provinciale) – ces deux baise-froid n’ont jamais lu le Chateaubriand du « sacerdoce de la chasteté » . E III b) Déjà le soir, le quatuor a passé le joouur comme il a pu, déballant fripes et autres articles. « Nous prendrons le repas chez vous. - Savonnette, disent en chœur Pascal et von Schon, femelle. - Vous ferez des connaissances, mon mari boit son chocolat, je vous présenterai d’autres commerçants ».  Tous de Fort-Saint-Jacques. Intégration. Digestion. Sophie-la-Blatte se réjouit sous son nez de fouine : elle entrevoit des bénéfices. Et la conversation s’engage vite, le sexe et la télévision sont les deux mamelles de FSJ, le fond de la France est frais. C’est l’épicier qui arrive. Sa femme est la même que tout à l’heure, la grande aux grandes jambes, la plus intelligente du bourg avec son air con, qui lit Kant dans le texte et répète moi je suis fidèle. Comme si on lui demandait quelque chose. Son mari va-t-il enfin porter ses cornes de cocu. Les cocus ont toujours la calvitie précoce. E III c) Tout se passe en terrasse. Il fait chaud. Laurent, garçon de café, poursuit sa promise en servant ses consommations : les maigres nourrissant les gros. À table défilent les théories sexuelles. Pascal ne veut pas se montrer méchant : il fixe à pleines prunelles un petit bossu qui vient du bureau de tabac, qui combat sa mauvaise haleine, et prétend que le communisme, effondré, entretenait tout de même jadis « l’espoir des gens ». Il récite bien. Sa femme est fière de lui. Dans ce pays tout se fait par couples. Au pays des ploucs. Il est dur de suivre un propos marxiste si l’on a face à soi des genoux de femme qui ne cessent de se croiser et de se décroiser. La propre femme de Pascal ce soir lui fout la paix. Le gros Carlos le regarde du fond de sa barbe grasse. Il n’en perd pas une du manège des genoux. Il sait déjà si l’épicière porte culotte ou pas, et Sophie la Blatte s’en fout:elle est sûre de la fidélité de Carlos, son bandit, car c’en est un. Si le Bossu marxiste savait ça, il décrocherait sans hésitation le téléphone : « Allô police ? » (…) Le jour suivant (les jours passent vite) pas un client : « Vous verrezl e jour de la foire ! » bredouille l’Alsacien sous ses bretelles. Donc, il n’est pas facile de se retrouver tous les Quatre en arrière-boutique, dont la fenêtre salle donne juste sur le caniveau de la ruelle. C’est le réchaud qui refuse de s’allumer, les allumettes détrempées. Quand enfin le gaz se fait jour, le brûleur pète, incolore, inodore, sans saveur, et Sophie-la-Blatte refuse de cuisiner. Carlos mange de tout. Pascal aussi. Simplement c’est lui qui s’appuie la corvée d’eau. Elle consiste à serrer sous les deux bras quatre à six bouteilles en plastique, vides à l’aller, pleines au retour, formant sous les aisselles un remous cadencé de piscine au chlore. Ils mangent sous l’ampoule, jaune, de 75W à l’époque, juste bonne à dorer les pâtes. Lesquelles font des courts-circuits dans l’estomac, et Carlos lance un concours de pets. Il a osé. Les pâtes collent et le riz tourne au plâtre. Carlos est assez pauvre en effets comiques. Les grognasses grognent ma ligne, mon tour de taille ! Alors les deux hommes claquent au cul chacun sa chacune en disant ce qui compte est d’être bien dans sa peau et pas dans la peau du mec. Ils se sentent très progressistes et rotent avec conviction. Les femmes ne le font pas. Elles accouchent et ce récit ne montre pas d’enfants. On devrait tous nous les livrer à quatorze ans, par adoption – avant c’est la chierie. De jour en jour la monotonie s’étend. Les menus de Sophie-la-Blatte copient exactement ceux de Jeanne. Pascal intervient : « Donc, dit-il, on ne me dit pas « savonnette » quand je propose l’auberge en face ». Et c’est ainsi que Mère Maud fait du bénéfice. On ne se soûle pas au Margnat-Village, en bouteille, elle aussi, de plastique. Ensuite vient l’heure des comptes. - Chacun sa caisse ! et ses bulletins détachables : vendu ceci, vendu cela. Violets pour la Jeanne, rouges pour Sophie. Mais la haine grandit vite car personne ne vaut rien. Une mémé avisant par la vitrine de fabuleux coussins de soie s’écrie mais c’est de la folie ! à la vision des prix. T’as qu’à aller à Monoprix ! lance Carlos. Ils sont mal vus. Forcément. Que fait Carlos, d’ailleurs, de toute la sainte journée ? Rien. Pas même de contacts avec l’extérieur : c’est dire ! Si par hasard – par hasard ! - Jeanne la Rousse de Schongau fourgue une saloperie de petit violoncelle en bois rouge, les autres exigent le partage des bénéfices. Mais si la Sophie, la maigre fouine au teint de furet, vend un carré de cou à un gogo, elle garde tout : on est fauchés, nous autres (nosotros) ! ...on réglera ça plus tard. De même pour les courses. Quand ils avancent de l’argent, il est à rendre. En sens inverse, on verra plus tard - « et comment ! » renchérit Carlos en se curant le nez. Jeanne souffle à Pascal qu’il est vraiment répugnant. F I) Promenade II) Quartiers III) Tant mieux quartiers commerciaux si rouvre un périphériques a) Tous se ancien bistrot a) Le tour par préparent a) L’épicier dit les remparts, et tendent « tant mieux », sa plan du vieux des guirlandes femme ragote Triffignac- dans la joie. sur les anciens Boudzégrand qui faisaient « je sais quel trafic, il y a encore une cache » porno+ drogue ? Carlos tique… b) Les vieilles bâtisses b) Le boucher, poète b) Le curé dit « Tant mieux ; j ‘ai trop croulantes, pas chères et littérateur de cons qui encombrent ma messe et qui vitrines d’agences seraient mieux au café ». c) Vue générale avec c) Il ajoute que le bar où a bu l’équipe du cinéma ne va pas accepter cela La joyeuse troupe s’ébranle ce soir, veille de la grande foire, pour voir tout en rond. Les aubergistes ont fort à faire. Les quatre héros déambulent, en commençant par le cercle extérieur de l’agglomération. Nous commençons par l’extérieur, parce que… - revoici Carlos qui trouve à tout des « parce que », parce qu’il faut profiter du calme sur les boulevards de ceinture avant de retrouver le vieux centre grouillant – parce que – c’est agaçant – ces raisons n’en sont pas – Carlos ne pense qu’à faire l’intéressant - le con. Sur les boulevards déserts : « Fort-St-Jacques, bâti en cercles concentriques, fondée l’an cinq cent vingt... » - Boulevard de la Marne, de la Somme, de Verdun – quatorze siècles vous contemplent – c’est coquet, avec de grands arbres indistincts dans la nuit, parce que « les réverbères n’éclairent que le bas » - plus haut règnent les éphémères « plus anciens insectes vivants » et des branches brouillées dans les ténèbres. Au niveau des yeux les tavelures des platanes en souffrance, qui dépouillés par plaques de leur écorce révéleraient punaises et cafards pittoresques : « Le bonheur de l’entomologiste » répète Carlos, el deleite del entomólogo! Et lorsque les importateurs ont parcouru le quart de la circonférence, ils présentent déjà des signes de fatigue. Le reste du cercle est remis d’un commun accord aux journées à venir : ces merveilleuses bâtisses poursuit Carlos remonte à ces temps obscurs – il ne se taira pas, bien qu’il ait si peu bu tout compte fait. Les phrases ronflent et se veulent plaisantes, auquel cas l’autoproclamé guide tente de mouliner ses petits avant-bras. Sophie-Blatte hésite de l’extase à l’exaspération. Jeanne marquise de Schonberg se borne à l’exaspération. Pascal désespère et sourit. Jeanne lui siffle savonnette en se détournant. Foison de colombages, « encorbellements », pignons pointus… Portails rongés, pierres sous projecteurs… Les agences vous veulent du bien. Proposent des biens illuminés en vitrines Voilà ce qu’il faudrait pour nos étals dit Sophie-Blatte. Les prix d’achat sont dérisoires. À charge pour l’acquéreur de sauver les toitures, à grand renforts d’espèces. Carlos rappelle aussi cela. Et comme c’est veille de foire, l’église St-Jacques ouvre son porche. Surveillée d’en face par la fenêtre illuminée du Secrétaire de Mairie, athée, protecteur des arts. Et d’en haut, franchi l’escalier et ses araignées ouvrières, les Quatre découvrent le panorama du bourg : il est rond comme une bague, dont l’église est le diamant. Son aspect concentrique se distingue mal en perspective cavalière, voire brouillée : c’est à dessein ; des impasses s’embranchent sur des impasses, éclairées ou non. Le vent tourne malaisément dans ces recoins, soufflant doucement sans obstacle sur la balustrade du sommet : une note discrète et grave comme une rumeur d’essaim. Figurez-vous – Carlos se tait. Vingt-six degrés fin de juillet. L’œil silencieux réorganise l’incertain réseau des éclairages nocturnes : les boulevards en rond d’abord, puis des arcs interrompus par de gros buissons vus de haut, des toits de bâtiments à vendre, sans occupants sous tant de tuiles fendues et désaxées. Là-dessous bruit , et non pas bruisse, la bourgade affairée, par bouffées dans les pauses du vent. F ii) a) Ils redescendent, grâce aux faisceaux des projecteurs par les meurtrières. En bas les attend le Secrétaire avec sa clef, sa tête de hibou : « À 10h, on ferme ». Dans les rues, c’est l’animation, les commerçants sont de sortie en pas de portes, tenant à bouts de bras sur leurs escabeaux des guirlandes et sur leur face, quand ils la tournent, le sourire niais de la prospérité : demain la fouère, demain les bénefs et la rigolade. Ils s’interpellent entre eux, mais pas trop fort : les veilles de fêtes, c’est sacré. Les quatre héros passent silencieux, regroupés au sein des conversations calmes, avec parfois des flots de lumières latérales, qui sont les vitrines, où s’agitent comme au creux d’un cadre ou d’un aquarium les installatrices : « Un peu plus de côté. Plus loin, le mannequin, plus au fond. Le calendrier 1908 vers le devant. Juste après on ferme pour toujours, et ce sera très beau demain matin. « Les commerçants souffle Sophie ne font pas cela d’habitude. Mais à Fort-St-Jacques, ce sont les mêmes familles depuis cent vingt ans, ou deux cents. Mon père fabriquait des bas. - Tant de pièces ouvertes la nuit ! dit Jeanne. - Et nous allons y jouer ! complète un boucher, devant lequel ils passent justement.Tenez, (geste du bras) j’ai fait ôter la vitre de vitrine, une petite fortune pour « opération fragile ». Et cette fenêtre, il fera beau ! s’ouvrira sur la rue, comme une vraie scène à l’italienne. J’ai donc disposé des gradins (il les montre) en face de vous - et derrière. Ma pièce s’appelle Manche et gigot. Le héros s’appelle Don Quichote, et j’en suis l’auteur ». Il a voulu se faire admirer, aussi Carlos, feignant la stupeur, hausse un sourcil : ¡ Muy bién, muy bién ! - passe un quidam qui le reprend : « Très bien » ? tous les ans Maître Boucher compose une pièce de son cru. Pas de quoi s’étonner.  - Monsieur n’est pas d’ici, dit le Boucher en désignant le Colombien, et je voulais, pour une fois, exciter la curiosité ! » Le passant se défile en haussant les épaules, et nos héros s’attardent pour l’installation du décor : branches fraîches, et dans le fond, le bouclier dressé du Chevalier à la triste figure, de la cara triste. Une grande pièce de carton, rehaussée d’aluminium à rehausser les viandes, avec la lance en travers. F III) c) « Je vous le dis, fait le petit Bossu, c’est de la foire – de la diarrhée. C’est un endroit où l’homme vient voir l’homme à qui roulera l’autre. Pur commerce, fausse brocante ! - Mais toi, lui dit sa femme, tu vends bien du tabac ! » C’est une brune bien capiteuse. - Et de la lecture, aussi. - Pas un seul Karl Marx. - Ça ne se vend pas ici. - Ni ailleurs.

Commentaires

Articles les plus consultés