CARTES POSTALES

REGROUPEMENT DIFFUSION CARTES POSTALES BERNARD COLLIGNON DESCRIPTIONS FAYKOD 04 12 2052 Prospectus en version bilingue, dithyrambiques louanges de statues Faykod, ici reproduites sur papier glacé, fend ma statue de marbre d'une page l'autre tel un méridien vertical chinois, statue terrible cause mon recul. Monument funèbre, forme blanche et drapée (immonde) sur un corps d'enfant qui lutte, plaquant sa main sur le mufle engloutissant, dont la débordante capuche (…) un instant je crois à cette clémence mais l'ébauche d'esprit ne laisse aucun sursis ; le groin que l'on devine un instant arrêté reprendra sa reptation, la tête immaculée de l'enfant garçon dépourvue de tout pli ou ride n'offre qu'un deux tiers arrière sans traits précis, malgré ses longs cheveux sur les épaules et la jambe arc-boutée forme obstacle aux drapés de la bête. Jambe droite et bras gauche avec le cambrement dissimulé du ventre forment un trapèze irrégulier de 60% mais le flanc déjà coule dans l'indistinct, retourne à la matière, au ventre digérant de la mort blanche ; à peine sorti sans force ni musculature avec la seule arme d'enfance et de conviction que tout s'émouvra, détournant l'inéluctablemais déjà la jambre d'appui s'enfonce dans le sol sableux. Force anonyme et trop bien identifiée tirant du sol au contraire sa force de tornade – effet de surprise, et proximité du corps à saisir. Nul ne l'a vue venir car procédant de la pierre même – ainsi le mal s'incarna-t-il en immobile tourbillon, fatale étreinte bien noter au niveau du ventre et du sexe incertain, à demi engagé dans la pierre meurtrie comme on rentre au ventre natal. Justement (...) l'étreinte est fatale. Nous noterons au niveau du ventre et du sexe incertain de l'enfant, du genou à demi-engagé dans la pierre qu'il blesse et où ce faisant justement il s'enfonce et se perd, des aspérités aux contours paradoxalement arrondis, comme des os où tiendraient encore des boudins de chairs décomposées mais robustes et dures encore. Ce sont des côtes de carcasse suspendue, des dents qui déjà engloutissent tout en pétrifiant. Il court sur toute cette fantasmagorie un réseau terrible d'ombres et de lumières, l'ombre concentrée de préférence dans les parties hautes, telles ce dessous de capuchon monacal et tellurique, s'atténuant vers le bas, reprenant sous le pied dressé de l'enfant où se hausse l'arête du sable. Le dessus de la coiffe est blanc, de pureté, de froideur qui de nouveau s'épandra sur ce drame une fois digéré. Le blanc s'élève tout au long de la courbe du bras repoussant, aux doigts finement détaillés – l'un d'entre eux s'enfonçant déjà dans le hideux magma pseudofacial. Puis les cheveux, l'épaule, captent une blancheur éblouissante jusqu'au creux des reins, cambrure extrême, souple et fragile, sur le point de céder, et la hanche prolongée de précoce musculature féminine. Sur le cliché qui m'est présenté la jambe est mi-claire mi-sombre, ce qui diminue, afrêlit encore la résistance, l'élan vital de la prime adolescence engloutie avant d'être pleinement née. Ces sculptures figurent en plein air, dans un parc, où les variations diurnes de la lumière les animent sous le grand luminaire du jour, en Provence. Chacun peut l'acheter. COLLIGNON CARTES POSTALES LAPIN 61 05 22 1 Une carte postale de fête ou d'anniversaire présente une inscription, ici modifiée par la donatrice : "Si tu croyais que j'allais (t') oublier" (en bas) "c'est râpé" ! Le "t'" est ajouté au stylo bille, car on ne sait ce qu'il ne fallait pas oublier ; ce sera donc le destinataire en entier. "C'est râpé" se rapporte évidemment à la carotte, bien orange et oblique, tenue par le lapin ; elle n'est pas "râpée", même si les dents du lapin doivent en quelque sorte s'en charger, mais entière. Ses feuilles sont étrangement celles du laurier, bien vertes, la plus haute de dos avec sa suture, les deux autres plus petites assemblées fantaisistement à la façon d'un bec ou d'un poisson pointu bouche ouverte. Entre les feuilles et le cône carottier s'insinuent neuf ou dix poils de moustache lapinesque, reparaissant du côté gauche, moins marquées sur le blanc du pelage muselier proprement dit. Voilà bien du vocabulaire. Le lapin, assis et de face, semble saluer d'une patte pelue en perspective très raccourcie ; l'autre patte maintient la carotte sans réalisme : cela tient plus de la reconstitution pelucheuse que d'un croquis à la Dürer ! Les pattes postérieures, bien hautes, vigoureuses et développées comme elles le sont effectivement chez le lapin, exhibent des dessous très dodus, tout recouverts d'une épaisse couche de poils attirant la caresse. Entre les deux bien écartées règne une peluche blanche asexuée comme il convient pour un tel jouet animal d'enfants ; ce lapin ne doit pas lui non plus être si âgé, d'où son aspect complice. Le corps est un ventre aux modulations bien rendues, où différents blancs et bistres dessinent sans doute involontairement les yeux rapprochée ainsi que le petit museau d'un chaton, peluche dans la peluche, première étape retouchée peut-être et considérablement agrandie en lapereau. A noter que les deux puissantes plantes de pieds de lapin se rejoindraient, si l'on prolongeait leurs talons vers le bas, un angle droit, et que la patte droite par rapport à nous se ttrouve en parallèle exact avec la ligne inclinée de la carotte. Noter aussi que le bord inférieur de l'improbable panache carottier passe en tangente sous le bout du museau rose du rongeur, et du cercle de la patte antérieure tendue. Toute la géométrie concourt donc à l'apaisement de l'enfant spectateur, celui que l'on réveille en nous ! L' "y grec" du museau finement dessiné dans le rose tendre s'insére dans un quadrilatère blanc : ce sont deux triangles habilement joints, l'un tourné vers le bas, droit et isocèle, avec en haut l'autre isocèle, plus élancé, frangé de petits poils follets, tout neigeux. L'œil gauche semble cligner par effet de perspective, car l'animal ne nous regarde pas en face mais tourné vers la pointe de la carotte ; l'œil droit bien ouvert, bien creusé, offre un bistre foncé très humain, dans un rendu de poils plus clairs, et les oreilles, dressées, jointes, coquines, elles pourraient s'empoigner sans douleur, comme un petit chapeau pointu, ou la partie supérieure d'une pâtisserie appelée "diplomate". La petite bête nous parle : une petite ombre souriante se fend d'un sourire en V sous le museau, combinant réalisme et plaisant anthropomorphisme. L'expéditrice ajouta aussi sur la carte un cœur, un monogramme, et son initiale...
ORGUE DE ST GUILHEM-LE-DESERT 14 10 05 1 Tout texte libre, générateur éventuel de très bonnes choses, doit décrire une image ou s'inspirer d'elle. Ou d'un événement, même infime. J'ai sous les yeux une carte postale, lisérée de blanc, représentant le buffet d'orgue ci-dessus mentionné. Les tonalités du cliché vont du jaune au bistre foncé, voire au noir sous la voûte de soutien. Ce fut pour nous une excellente journée, loin des méchancetés de Véra. La carte postale est ultraclassique. On voit sous une voûte, à peu de proondeur, le bufet d'orgue enchâssé dans la pierre. Il y a plus de mur à gauche qu'à droite. On y devine un haut et mince contrefort, une voûte aux deux bords rapprochés par la perspective. L'orgue se détache sur un fond maçonné, très haut. Le plain-cintre est pur, on en voit chaque pierre constitutive. Et juste au-dessous, faisantpanache, faisant aiguille, les traits aiguisés d'un petit ange armé d'une épée, tenant de sa main gauche une trompette qu'il vient d'écarter de ssa bouche. Derrière lui fulgurent des éclairs déchiquetés, groupés par deux, six de chaque côté, soit deux fois plus que des pattes d'insecte. Cet ange à contre-jour foule un piédestal de nuage, il figure au sommet d'une colonne regroupant trois tuyaux verticaux. Il nous est enseigné ou rappelé que ces tuyaux, malgré le réalisme de leur siflet, n'émettent pas de son par eux-mêmes. Plus bas que l'ange, au niveau de son nuage de sustentation, deux motifs parallèles, comportant chacun deux trompettes croisées comme les tibias de la mort, des palmes, deux rosaces ou ostensoirs laissant tomber Dieu sait quelles guirlandes dorées de concours agricoles à bestiaux, le tout très raide, très conventionnel et symétrique, outrageusement surchargé, baroque dans tout le sens du teme. Chacun de ces motifs surmontant, bien entendu, un trio arrondi de tuyaux moindres et de métal blanc. Tout cela fait très gratte-cul au cas où quelque ange s'aviserait de descendre pour de bon sur cet instrument. Le reste est à l'avenant, une muraille de tuyaux, soit sept, très minces, de part et d'autre de la colonne centrale et aboutissant aux piliers intermédiaires, et sept autres plus petits encore, en dégradé, vers des piliers cette fois moyens, soit un total de 3 tuyaux en rond plus sept à plat, plus trois en rond, plus sept à plat, ce qui fait 20 de chaque côté, 23 en comptant les plus gros et les plus élevés de tous, au centre. Tout cela mathématiquement réparti sur cinq encorbellements arrondis (2 plus 1 plus 2), portant moulures en haut et en bas, rejoints l'un à l'autre par des plagesplates et moulurées à l'identique. En dessous, toute une menuiserie s'éclaire d'un halo jaune d'or, atténué sur les côté, bien vif au centre où l'on devine, caché par un autre motif central, le pupitre du joueur, ORGUE DE ST GUILHEM-LE-DESERT 14 10 05 2 pour l'instant absent, tournant comme chacun sait le dos à l'assistance. De même en effet que le buffet ornemental s'étage en pyramide, solennellement, de même le véritable buffet, dont les tuyaux deux fois plus petits résonnent peut-être effectivement, se creuse en revanche, symétriquement, la plus petite colonne occupant cette fois le centre, les côtés, sur uen largeur moindre, se relevant, en forme de V. Soit une grand A, sur un petit V. La grille de part et d'autre permet à l'organiste de ne pas tomber lorsqu'il évolue, ou parfois vient saluer lorsqu'on applaudit, chose qui m'a toujours paru incongrue dans une église. Non que l'on salue, mais que l'on applaudisse. Tout cela sent le bois et l'encaustique. C'est un Cavaillié. C'est peut-être après tout très moderne, très saint-sulpicien, cela sent la copie de baroque à plein nez, j'espère qu'il s'y donne d'excellents récitals. Il aut faire abstaction de toute cette géométrie parfaitement froide et insipide. De même les joueurs d'orgue sont-ils pénétrés desolège, et les facteurs de maths, d'après ce que j'ai lu dans l'Encyclopaedia. Les musiciens sont mathématiciens. Pour bien maîtriser le solfège, il faut assimiler une technique bien aride, et adopter une façon de penser horriblement logique. Cela fait partie du grand mystère, qui unit dans la même personne le fonctionnement des cerveaux droit et gauche. Il faut admettre hélas que le calcul ne tue pas la sensibilité. Et d'admettre qu'il me manque, à la lettre, toute une moitié du cerveau, ce qui me rend fumeux… PHARE DE LA VIEILLE 121123 Phare de la Vieille, raz-de-Sein. Des photos de tempêtes comme s’il en pleuvait.Une carte de chez Amalgame, photo Philip Plisson. De grosses déferlantes, blanches et sinistres, pourtant si familières car nous en provenons. Une grosse tour carrée bâtie sous la IIIe, rude comme une prison. À droite un embarcadère qui pèche par son modernisme, avec sa flèche de palanet son tout petit port à une place avec le cul dans les vagues. Nous sont signalés l’habituel parking (ailleurs) et son inévitable galerie marchande, mais il faut bien entretenir le site que vous PHARE DE LA VIEILLE souillez. Un jour le tourisme sera interdit, remplacé par la réalité virtuelle et les succédanés. J’espère le voir. Le Phare de la Vieille, « de la Sorcière » en Breton, se dresse sur «La Roche la plus éloignée ». La roche est un gros animal bossu, vaguement baleine cabossée, noir, peu hospitalier, peu doué pour la conversation. À sa base règne un mur de protection, irrégulièrement haut, mangé par la pente côté effilement. Une petite bâtisse adossée aux basses pierres, c’est ce que l’on voir d’abord : les rajouts, les aménagements, ce qui est blanc et vous attire sur la mer quand règne l’obscurité dès 17h. C’était plus beau quand c’était plus sauvage, observation banale. Passé le niveau de la porte, quinze rangs de grosses pierres noires , puis les baies lignées à la verticale, des niveaux 2 à 5, meurtrières d’éclairage bien closes, avec balcon courbe pour ceux qui veulent voir le frais. Les vagues franchissent (atteignent quelquefois) les contreforts encorbellés. Une loupe est nécessaire pour apercevoir un escalier externe, un autre mur une plate-forme, la coupole du signal, une boule terrestre et la croix régnant sur tout ce danger à peu près conjuré. Nous sommes dans la main de Dieu. Beaucoup d’écume décorative. À gauche le blanc et noir, à droite plus d’écume encore, COLLIGNON « DESCRIPTIONS » CARTES POSTALES PLACE DE L’OPERA 70 06 25 1 Quoi ? quoi, « Place de l’Opéra ? Mais tout le monde a vu ça ! Sans doute : mais pas en 1895. Il y a là des réverbères, quatre, le premier tronqué an premier plan, le second tronqué plus haut, plus à fauche, et deux autres au fond plus petits par perspective. Entre eux, et sur le trottoir, une foule clairsemée, endimanchée, en sépia noir et blanc. Toutes les femmes en robe longue, tous les hommes en costume et haut-de-forme, dont un, parapluie sur le bras, nous regarde ravi au-dessus de sa moustache. Son copain aussi, planqué derrière le gros réverbère. Trois femmes en jupes longues et marchant vivement (le temps de pose était bref) , se tiennent par le bras, celle de droite tenant par le main une petite fille visiblement apeurée, contrariée, hargneuse de voir ce monsieur qui forcément lui veut du mal avec son gros engin. Ils sont à peu près douze qu’on peut identifier. Puis le trottoir se rétrécit, cela se densifie par simple effet de resserrage, et par derrière alors, semblable à ce qu’il sera, horizontal, massif et percé de sept fenêtres closes, l’Opéra lui-même, relégué dans la PLACE DE L’OPERA petitesse, dont on sent bien qu’il n’est pas le sujet principal, mais le tombeau qui attend. Il sera là, tous les humains vivants auront disparu. Tel est le destin des pierres ; produire du plaisir, et peser sur l’invisible. Trois musiques : celle de grands galas, celle des foules qui s’y rendent, celle des sabots et des omnibus couronnés de couvre-chefs. Et d’autres perspectives urbaines s’éloignant vers le nord-est, bien séparées du reste par ce fameux gros pilier de réverbère, que nous avons vu encore avant le grand saccage municipal. Tout se monde s’affaire et se croit seul vivant. Des employés de Change, sous le panneau, devisent en belles chaussures, un pied en avant, le dos appuyé aux colonnes jumelles, qui se poursuivent vers le fond Un profil souriant se détache, précis, anonyme et minuscule. Ces quatre jeunes gens tiennent et maintiennent une société de courtiers, fournissant aux élégants et gantes leur cadre de vie d’abonné au parterre. Tout le monde est constant, confiant, sûrs qu’un jour nous reprendront l’Alsace et la Lorraine. Le mouvement, la vie, le bruit et la lumière, en un éclair, ressuscités. Les personnages forment un angle vers le fond, j’aurais pu le faire observer plus tôt. COLLIGNON DESCRIPTIONS CARTES POSTALES POISSON ARLEQUIN 13 10 2022 Que c’est triste un oiseau sous-marin, poisson tombé des cieux, dans la lumière claire-obscure faussement dorée. Avec son masque de monstre, ses deux yeux séparés l’un de l’autre aux deux extrémités d’un tube bleu, vu de trois quart avant fonçant en raccourci, bariolé d’orange et de blanc. Triste bariolage de face plate, que termine une blanche excroissance dentaire, écumant de canines faites pour déchirer d’en bas, par dessous, comme un crachat malsain. Effroyable chanfrein plaqué sur un visage distordu dont nous croyons distinguer les traits mal masqués, là-dessous, juste rabattu à partir du cylindre oculaire. Survienne la proie et s’ouvre alors le meurtrier capot ; monstrueuse béance, que ce soit la mâchoire du haut, ou du bas, qui se distordrait autour des chairs tendres.Mais poisson n’est pas chair dixit Ecclesia. Poisson carnivore pourtant. Lèvres botoxée de sous-star, orange et pulpeuse. Qu’il est joli le clown. Non. L’Arlequin. Plus inquiétant encore. Ne mordra pas mais de justesse vous a évité. Une nageoire à gauche immobile, une à droite levée pour tournée. Nageoires courtes pour un corps si replet, si ramassé, comme compressé vers le haut. Et ce que nous devions dire dès le début : un bariolage, pointe orange, 4 en descendant l’échine vers l’avant, alternant vers vous, la mandibule inférieure seule blanche en bas. Un œuf de Pâques intensément rayé. Inutile et grotesque, beau comme un anniversire, lampion dans l’orange infiltrant tout le brun de l’obscur. Quelle technique a ainsi présidé, quelle nuit choisie, quels néons branchés ou débranchés au loin. En bas à gauche par 20° descendant sud ouest, une caudale gouvernail fichée dans le cul. Je ne sers à rien de plus.

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