TELS QUELS B
COLLIGNON TELS QUELS 84
54 04 09
Dans un poste de haute montagne je suis inspecté en demi-groupe de sixièmes. Il ne me reste plus que 20 mn de cours, le groupe est incomplet, je ferai la même chose que pour l'autre section : remise d'un devoir. Je veux que ce soit drôle et décontracté, mais c'est surtout improvisé. Quelque temps plus tard, mais aussitôt après dans le rêve, je lis un compte rendu non personnel mais où je me reconnais fort bien. L'inspecteur parle de moi comme d'un Père Noël flottant dans les airs qui de face semble bien équipé dans une tenue rouge impeccable, mais de dos laisse dépasser de son sac des rouleaux trop longs de documents en pagaïe. Et de railler ma prononciation (pourtant juste) de la bière “Krooone”, et autres allongements de syllabes, ainsi que ma propension à la légèreté et à la superficialité.
Ce cours en effet n'avait pas été fameux, reposant sur une improvisation des vingt dernières minutes. Je suis un peu blessé par ce ton de morigénation. Il est très facile de transformer n'importe quel cours par le biais d'un compte rendu hargneux. UTILISÉ
54 04 18
Je me prépare joyeux pour un petit voyage d'un jour, j'embrasse ma mère-femme dans un grand lit au sein d'un appartement aux belles pièces claires, et je fais ma valise. Mais il a neigé, je dois y renoncer. En fait, non, dehors il fait très beau. Mon père m'amène au bord de la route en petit avion, mais je n'ai que des sandales d'été. Son avion disparaît en faisant une courbe. Je suis joyeux mais j'ai froid aux pieds. Retrouve Lippa dans un lycée où nous devons corriger des dictées, je saque un malheureux élève sympathique ayant multiplié les fautes. Lippa repasse derrière moi
croyant que j'ai exagéré, mais si j'ai compté des fautes en trop, d'autres se révèlent. La copie est toute rouge d'observations. Rencontrant l'élève,sympathique, blond, cheveux en pétard, dans la cour, je lui signale que ce n'est pas fameux. Je me renseigne sur deux grandes lesbiennes qui sont revenues. C'est ma sœur, et une autre. Moi je ne faisais que me renseigner, mais il prend la défense des deux filles en vantant leur très haut niveau d'études musicologiques. UTILISÉ
COLLIGNON TELS QUELS 85
54 04 24
Immenses salles et ateliers de lycée technique, plus personne ne me reconnaît sauf un ou deux élèves ; personnel inconnu, collègues aussi. Je ne suis plus rien, malgré mes sourires. Je ne suscite plus aucune réaction même amusée, des ordinateurs, de l'espace, du métal, de la lumière, tout est neuf, et j'erre là-dedans, seul… UTILISÉ
54 05 03
Je suis un fils de Mme Aziz et je dois partir en train, elle me retient, c'est en même temps Annie, je descends l'escalier de la rue David-Johnston, je pars à pied, je reviens chercher mon sac oublié, nous redescendons la pente ensemble, en bagnole je débouche sur une route encombrée. Un jeune homme (30 ans) brun à moustaches vient de se faire renverser, il crie quand on le déplace, et je dois poursuivre ma route pour ne pas rater le train ; il faudrait ne jamais quitter personne, j'ai promis de revenir, j'ai le cœur gros, pourquoi part-on, les ronflements d'Annie figuraient les cris du jeune homme. Cauchemar. UTILISÉ
54 05 10
Ayant gagné 150 000 € grâce à la « croquette d'or » Friskies, je pars en voyage organisé jusqu'à Stockholm, avec Corinne et d'autres collègues. J'oublie le dernier tramway de retour, Corinne me fait dire que je peux rester coucher en ville. Or, j'y ai fait connaissance d'une charmante fille d'étage pendant qu'elle retapait les lits. Elle est suédoise et ressemble exactement à Isabelle Brenuchot. J'apprendrais le suédois. Je me fixerais là-bas. J'entends bien le faire savoir à ma famille restée en France. La fille et moi nous embrassons passionnément. La ville de Stockholm est toute petite et ne correspond absolument pas à ce qu'elle est en réalité : pas de canaux, et vers le nord, en contrebas, une mairie (c'est la preuve que le pouvoir n'est pas très autoritaire) et un petit cimetière. Je me réjouis de commencer là-bas une nouvelle vie. UTILISÉ
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54 05 17
A
Dans un train de nuit, deux rêves de suite. Je hurle sur Annie et la frappe sans pouvoir m'arrêter, jusqu'à ce qu'elle devienne une victime des convois de la mort. Elle gueule, moi aussi, iil n'y a pas moyen que je cesse, le degré de haine est incroyable. C'est effroyable. Les scènes se passaient à l'étage supérieur d'un train couchettes ou d'une cabine de navire. Annie s'engloutissait de plus en plus dans les draps et couvertures en suppliant d'un air de plus en plus désespéré...
B
Avec Annie et d'autres je remonte une pente le long d'une falaise à Laon, où s'ouvrent des cavernes et des casemates comportant des inscriptions commémoratives : A nos héros, etc. Parfois figure sur un panneau le plan des ramifications, ou une illustration, pour qu'on ne soit pas obligé de tout visiter. Pourtant, on n'a pas beaucoup combattu à Laon pendant la guerre 40. Des installations militaires existent encore, administratives, ou des entrepôts. Sur le plateau, la ville. Je traverse une boutique où l'on vend des huîtres sur des étals, je fais des réflexions agressives, on me délègue une femme souriante à qui je dis “Puisque c'est vous, tout va bien.” Avec Annie nous nous retrouvons à une grosse table de bistrot en bois, où pendant qu'Annie est aux toilettes je discute de mon métier, “dont je suis en retraite Dieu merci”, m'indignant sur les fautes d'orthographe : “...et devinez comment on m'a écrit “ils sont” ? - “E-s-t” ? - Exactement !” - etc. - bref, je fais mon numéro, mais une collègue de mon âge tempère mes amertumes et je repars avec Annie, mon cirque est fini. UTILISÉ
54 06 08
Je passe quelques jours dans un bourg de Corrèze (6/700 m d'altitude). Un porche du Moyen Age me rappelle Nouvion-le-Vineux et Metz. Restes habités d'un château. De gros chiens m'accompagnent, un seul est à moi. D'autres touristes sont là aussi. Le propriétaire dit qu'on ne visite pas, qu'il y a seulement quelques meubles à voir. D'ailleurs on voit déjà à peu près tout par les fenêtres. La ville organise un défilé de gonzesses de tout âge, bleues rayées blanc, ignoble. Tout est
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joyeux. Les flonflons retentissent, grosse joie vulgaire style majorettes de 45 balais. L'un des chiens, trempé, se précipite affectueusement sur un touriste très mécontent. J'espère que ce n'est pas le mien, je joue les détachés.
Au retour, je vois un camion-poubelle qui recule tout contre une vitre, malgré les gueulements d'un éboueur à l'égard du conducteur. A l'hôtel, la chatte “Isa” que j'aurais cru perdue vient miauler contre la vitre : pas de mauvaise nouvelle donc à annoncer à Annie par téléphone. UTILISÉ
54 06 09 Chez Blanchard, je trimballe une méchante humeur de suicide. Toute la famille se rassemble alors pour me chanter à plusieurs voix une antienne où je me vois ironiquement reprocher de ne pas suffisamment m'intéresser aux projets des “aûûûûtres”. C'est choralement très élaboré : ils ont dû longuement répéter cela. Une maquette d'article dans Sud-Ouest m'est montrée, avec les linéaments d'un portrait, d'une ancienne édition. Je suis en rage, tripote des vieilles pièces de 20 et 10 centimes, et un tube à monnaies style “ronds de Roquefort”, dont l'intérieur valide l'authenticité. Je médite un droit de réponse, m'imagine qu'il m'est refusé, que l'on m'accepte pour 3000 €, ce que je dénonce auprès de la direction.
J'ai l'intention de répondre que l'intérêt ça ne se commande pas, et que l'on ne peut ainsi s'intéresser à quoi que ce soit “sur commande”. Autour de moi je sens une compassion condescendante, exaspérante. UTILISÉ
54 06 11
Dans un bar américain je remplace à une table (c'est comble, atmosphère hitchcockienne) un pasteur qui est allé assister une de ses amies à l'agonie. Mais je ne prends pas d'alcool (un picon-bière) contrairement à lui. Avec deux autres femmes que je connaissais nous discutons entre Européens de cette place que tiennent les confesseurs de toutes religions dans l'intimité des familles américaines. Je vais alors me promener, car on étouffe dans ce bar-restaurant.
C'est une pente descendante le long d'une muraille délabrée à la sortie d'un village. Des vorbeaux agressifs me croassent dessus, mais je les effraye facilement et ils forcent l'entrée de refuges pierreux, cognant contre le fond de leurs trous avec un bruit sourd.
Je reviens au bar, le pasteur est revenu en robe sombre, très Montgomery Clift. UTILISÉ
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54 06 18
J'étais André Gide, vieux et ricanant. Me promenant près d'une pièce d'eau de mon château, je voyais une poupée y tomber, persuadé que c'était une petite fille qui se noyait, et mes muscles restaient noués, et je ne me résolvais pas à plonger dans cette eau profonde et sale. Un chien plongeait, et rapportait un rat sur les lèvres d'Added qui gueulait comme une hystérique : “Un rat, un rat !” Ensuite, je me trouvais sur mon lit d'agonie où je m'enlisais, et ça faisait ricaner tout le monde. La main de ma mère, que je ne voyais pas, m'appuyait sur la bouche pour m'enfoncer. Puis je voyageais en train vers la région parisienne et la Somme, un prospectus vantait les châteaux de Nietzsche (au lieu de Gide), qu'il avait fait construire avec sa fortune, chacun imitant un château connu ; or, autrefois, il y avait un grand “piétage” (distance à parcourir à pied avant de parvenir au bâtiment).
On disait que jadis les visiteurs avaient été très sensibles à cette démesure et à cette juxtaposition de styles, mais que désormais, ça impressionnait bien moins. Et je devais visiter, après ma mort, tout ce vaste domaine boueux… UTILISÉ
54 07 10
Sonia est confiée à une misérable déguenillée anglaise style “Dickens”, qui habite au sommet d'une tour branlante aux parapets trop bas, plate-forme envahie de végétations sales. Ça me fout le vertige. Elle meurt, nous reprenons Sonia, sale mais en bonne santé, et apparemment aimée. UTILISÉ
54 09 02
Rêves immenses. Arrivée d'un autocar de lycéennes allemandes, toutes blondes, souriantes mais épuisées. Visite de Parrical, d'un Allemand. Je vois une église en poussant un caddy. J'aimerais que d'autres la voient à leur tour. Un homme de peine est bourré devant le réfectoire du lycée. Rue David-Johnston, Annie s'apprête à partir avec Parrical pour visiter cette église. Elle me tend un écouvillon pour brosser mes vêtements. Je ne veux pas rester seul. Annie me
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file quelques cigarettes. Mes habits sont noirs ou marron. L'Allemand raconte qu'il a suivi un camion qui puait, et traduit pour d'autres Allemands (dont l'un a la tête de Barbosa, élève portugais...). Je me réveille très triste. UTILISÉ
54 09 16
Tout le monde à la plage en auto. En chemin, Annie rencontre un ours et batifole avec lui sur la pente d'un sous-bois. Je suis alarmé car il peut la décapiter d'un coup de patte, surtout qu'elle veut remonter avec lui vers ses petits. Ville et plage, donc, près de Paris. Je retourne travailler, ayant promis de revenir me baigner. Mais il est près de 19h quand j'y repense. Je rejoins toute la famille, rue David-Johnston “améliorée”. Sonia, plus petite, frisée. Elle me demande tout simplement quel était le nom de la ville – je ne l'avais pas remarqué au premier voyage ! Il y a beaucoup de monde, on en oublie de me faire la gueule. Une livreuse apporte à manger, “c'est tant d'euros ou cent balles”.
On lui donne 100F mais elle demande s'il n'y a pas plutôt là un beau bibelot à lui refiler.UTILISÉ
54 09 17
Une église trapue (style Palais des Papes), sur le parvis de laquelle joue un orchestre. J'imagine qu'il se fait massacrer. La tour comporte à trois mètres de haut une ouverture lumineuse par laquelle j'entends jouer de l'orgue, assez maladroitement – un enfant ? Je renonce à m'introduire, crainte de rester coincé. Ce doit être un enfant qui joue en effet.
UTILISÉ
54 09 20
Mon père est instructeur de l'armée américaine. Il nous fait placer en rangs, avec ma sœur (Annie) et moi, et nous devons reculer tout au fond d'une prairie envahie de flaques marécageuses pour former des colonnes complètes. Nous devons ramper dans l'eau croupie, nous y étendre. Le danger vient de partout. Un sauvage arrive avec une grande sagaie. Je l'aplatis contre le
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mur du fond et le piétine sans regarder. Plus tard il nous exhibe une main déformée et noircie : “Nous avons retrouvé ce débris non humain”. Ce terrain est parfois notre salon. J'abandonne l'entraînement, mais une maison flottante s'effondre dans le salon parce que nous avons négligé l'entretien du bois : ma sœur n'a pas abandonné ; cet incident prouve que nous devons reprendre l'entraînement.
Alors j'éclate contre mon père, l'accusant d'avoir sciemment détérioré le salon, le traitant de salaud, de sadique, et autres qualifications. Je visite une maison ouverte à tous vents dont les habitants, que je reviens visiter, ne me reconnaissent qu'à peine, s'entraînent mollement au fond d'un beau jardin potager ensoleillé, car le terrain est détrempé mais il fait beau. Sympathiques, mais indifférents. UTILISÉ
54 09 23
J'attends mon tour pour passer devant une commission de psychiatres qui me trouvera une solution ou un traitement. Nous entrons par groupes de trois dans une vaste salle champêtre plus ou moins aménagée. La psy à gauche croit me reconnaître : “Ce n'est pas vous qui m'avez entourloupée ?” Elle ressemble à la Commissaire Renard (cf. feuilleton sur le Palais des Papes). Je dis que ce n'est pas moi ; mon reflet dans une glace me montre que j'avais un sourire inversé, avec de grosses lèvres cordées. Les cas se succèdent par groupes, ce que je trouve bizarre tout de même. Progressivement, sur des chaises, je me trouve déplacé vers la droite. Une jeune fille s'inquiète de savoir si les psy donnent des cours de rattrapage en orthographe.
Je lui affirme que non ! Justement, c'est ce que déclare, loin sur ma gauche, l'aréopage de psy... Je m'ennuie un peu, serré entre les jeunes filles et je me tortille nu sur mon siège tournant.
Un faux mouvement envoie mes jambes contre celles de la voisine qui dit :”Quand on ne sait pas maîtriser son érection...” (“...on ne se balance pas”). Je fais valoir que j'ai 63 ans, proposant de montrer ma carte d'identité, elle n'en revient pas, et j'ai la paix. UTILISÉ
54 10 08
Avec Annie dans une station touristique pyrénéenne espagnole toute en longueur. Elle
s’extasie devant des produits artisanaux d’une boutique tenue par un vieux Catalan, mais n’achète
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presque rien. Exaspéré, je ressors en lui laissant le chéquier, et j'attends sur un banc au milieu du flot énervant des touristes. Elle ressort avec un sac et plein d'achats. La rue se terminait par des arcades d'aqueduc donnnant sur le vide, et à l'autre bout, un pilier d'église où figurait un témoin de plomb pour vérifier l'écartement des pierres. Avec le vieux Catalan je ne parvenais plus à comprendre ni à parler l'espagnol. Atmosphère pénible d'engueulade conjugale. De retour chez nous, je découvre d'anciens souvenirs sans valeur déjà entassés au pied d'une étagère, et des photos.
Rêve pénible. UTILISÉ
54 10 16
Rentrée à Libourne, mi-prof mi-élève. Retrouve Mme Hugues (vieillie) que je pelote longuement. Mets le nez dans le dos du manteau d'un grand prof, je dis qu'il y a des mythes (“mites” !) Cherche mon cours à travers les couloirs. Une dame, petite, me fait faire du chinois, je déclame en hébreu, avec mon voisin, le Chéma Israël. Nous demandons pourquoi nous venons, et écrivons, si cela ne doit pas nous mener très loin. La dame s'extasie du fait que nous ayons achevé tous les exercices, “tous les chalibim”. Il s'agissait d'exercices de création spirituelle et littéraire. Et pour une fois je suis sorti des chiottes pour être initié... UTILISÉ
54 10 26
Je veux aller à la messe de minuit avec Annie et fais la queue à la porte de l'église (il y a du monde). Elle me plante là en rigolant. Je m'enfuis vers un studio de radio, un groupe veut interrompre mon émission pour annoncer la sienne ; un pote que j'avais invité, beau, diabolique et intimidant, mais avec des chaussures “Richelieu” démodées, s'est assis sur un meuble. Je danse sur un disque que “X”, cet ami, aime beaucoup, mais il y a très peu de sillons sur la face B ; je mets ensuite la face A. Du monde plein le studio, dont Poivre d'Arvor, qui danse aussi. J'ai peur qu'on me voie une couille, rouge, mon phalze n'y est plus. Un homme me piétine à terre, très léger cependant, je dis “Je sens que l'on m'encule”, ça fait rire un peu.
Ambiance profane de gigantesque foutoir. Puis je rentre chez moi. David m'y avait accompagné (avant, je collais des cahiers avec des magazines découpés, style Mickey), et je faisais
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la gueule parce qu'Annie n'était pas rentrée. J'écoute un kyrie chanté en grec par des arabes et soudain je vois par la fenêtre tout un pavillon de banlieue qui s'effondre, puis une passerelle en fer où passe un train, qui s'effondre aussi, dans le silence. Je sors dans la rue avec juste mes lunettes, un pain, et le portable, essayant de crier “Au secours ! Sortez vite, sortez tous, un tremblement de terre !” Mais ma voix ne porte pas, il n'y a pas de maisons à proximité. Seule une famille passe près de moi protégée dérisoirement par des sacs à congelés “Carrefour” sur la tête.
Je me dis que c'est une catastrophe épouvantable si même Bordeaux est secouée ; tout se passe sans cris, sans panique, je me réveille alors que j'essaie toujours de crier... UTILISÉ
54 11 07
A)
Retour triomphal dans un établissement scolaire d'architecture futuriste. Une haie d'honneur m'est faite, du moins j'affecte de le croire. La salle où je vais discourir a la forme d'un amphithéâtre biscornu à couleur de plastique. J'ai préparé des notes auxquelles je me tiens, ce que certains ne manquent pas de blâmer en douce. Mon cours est décousu. Je rappelle mes années d'activité, je reconnais des élèves qui ont fait deux secondes, une première et deux terminales – c'est pourquoi ils sont encore là. Parfois je me souviens de noms, et pas de visages ; parfois, de visages, et pas des noms. L'ensemble se passe bien. UTILISÉ
B)
Faisant la queue pour m'inscrire à la fac de Montpellier, je me regarde dans un miroir latéral et m'en trouve tout à fait digne. Deux femmes derrière un bureau, l'une d'elles belle et plantureuse, l'autre, en retrait, en civil, mais semblant une religieuse, m'informent tout à trac que je ne puis m'inscrire sans avoir souscrit à des formalités préalables, ni avoir payé 700 ou 800 €. Je m'insurge, il m'est représenté que les autres, dont un grand chevelu blond qui m'a précédé, s'y sont pliés. Je proteste en disant que chez moi aussi, tant qu'on y est, je n'ai plus qu'à instaurer des péages internes surprises pour passer à la salle de bain ou à d'autres pièces. Elles restent sur leurs
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positions... UTILISÉ
55 01 07 Avec Annie dans une hôtellerie bruxelloise. Nous bénéficions d'une entrée latérale avec l'aide de tout un jeu de clés faisant double emploi. J'en jette en l'air qui retombent entre les pavés, j'en dissimule dans un meuble à l'intérieur d'un autre hôtel. Hélas, l'un des jeux de clés se révèle indispensable. Je retourne au premier hôtel sous la pluie, juste avant sa fermeture. Une mémée distinguée a conservé des clés, dont l'une est trop grosse. La mienne est plate. Je fais croire que c'est un neveu, enfant, qui m'a fait une farce en les dissimulant là. La mémée me fait retrouver ma bagnole, à pied, sur une place. Nous rechan (r?)geons un moignon de clef plate (??) à la batterie de ma voiture, ça marcherait, mais elle a été cassée presque à ras du panneau. Ça remettrait le moteur en marche une seconde, mais il en reste vraiment trop peu. Je raccompagne la patronne à son hôtel en évitant les sens interdit. Annie lève les bras au ciel, difficile de rentrer dans notre chambre ou d'en sortir en toute indépendance... UTILISÉ
55 01 10
Je dois rejouer “Le banquier anarchiste” et ne sais plus rien. Stéphane me dit : “Tu ne vas jamais être prêt”. Il y a Carole à côté de lui. La représentation commence par un”seul en scène” balbutiant exprès, mais assez convenu. Je retourne chez eux pour trouver un exemplaire du texte. La chambre de Lino est dans un désordre fou. La leur aussi. Je ne retrouve que des vieux textes de moi dans “Eurêka”, fort médiocres. Tout en sachant que je rêve, je me concentre à mort pour essayer de retrouver le rôle. Je cours au désastre. Dans l'appartement, mes affaires, que j'ai laissées en vrac, sont recouvertes de tissus tendus. Je vais essayer de retrouver le texte, mais la catastrophe se précise.
Avant, cet appartement était supersnob, avec un bar à l'étage, et je disais à Stéphane que les serveurs étaient aussi des serviteurs, et qu'on pouvait compter sur eux. Je croyais aussi que pour
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faire “Le banquier anarchiste” je pouvais m'en tirer en caricaturant l'accent allemand. Je me trouvais aussi dans la classe de 5e H devenue adulte, à Meulan, et que je ne pouvais saquer. Ils me disaient “Tu sais, on ne t'aime pas beaucoup dans la classe” et je répliquais “Je sais ; personne n'a pu me voir depuis l'âge de six ans ; alors maintenant je vous encule tous jusqu'au nombril.” UTILISÉ
55 01 23
J'écris des choses très intéressantes avec de l'encre rouge mêlée à de la confiture de framboise. Domi et d'autres me lisent au fur et à mesure avec un grand respect. Je recopie même des choses en anglais, de Henry Miller : “Cesse de dire à la concierge qu'elle apprenne à parler un mélange d'anglais et d'italien, car ce que l'on souhaite devient vrai.” Il y a sur des bancs de pique-nique un camarade qui ressemble à Robespierre jeune. Il doute que la quarantaine soit un moment de faiblesse. Je dis qu'à ce moment-là j'étais déstabilisé et marchais aux calmants parce qu'Annie m'avait fait revenir “en Franfrance” - Annie à l'arrière-plan se tord les bras d'un air de dire “Le voilà qui recommence”. Moi : “J'allais au bordel” - puis je rectifie : non, c'était trop cher. Les autres vont et viennent autour de mes écrits, s'inquiètent de ce que de plus en plus de fils d'amis atteignent et fêtent leur majorité (aujourd'hui, le fils de Jeanson). Je remonte une pente sous les frondaisons, ne vais pas plus loin qu'une grille coulissante sur laquelle une jeune fills s'arc-boute pour m'ouvrir, mais j'ai promis de ne pas franchir cette grille. Elle donne sur une grande vue de Paris (ou Bombay d'après le reportage de la veille. La fille joue la blasée parce qu'elle est d'ici. Je redescends toute la pente, deux bonds à droite, deux bonds à gauche, en chantant un air sautillant. Je passe près d'un laboratoire désaffecté.
Un grand garçon brun (Steinmetz) est venu me rechercher, repart, satisfait que j'aie tenu ma promesse. Le chemin est mal entretenu et j'espère qu'on ne viendra pas sottement le rénover en lui ôtant toute son âme. Je gambade toujours, les autres occupent toujours les tables de pique-nique, ne font guère attention à moi, mais j'ai vécu intensément, dans la reconnaissance. UTILISÉ
55 01 25
A
En Hongrie, j'ai accepté d'éliminer une vieille en faisant croire à une caissière que je commandais mille exemplaires de je ne sais quoi. Impossible de me le faire avouer alors que tout le monde est à peu près sûr que c'est moi. Je finis par reconnaître la chose, chacun me félicite, un ami très cher vient me voir dans ma chambre, je deviens malgré moi une sorte de héros national. UTILISÉ
B
Pour un examen des os de la jambe le médecin convoqué à domicile par mes parents et ma femme me fait prendre J’EN SUIS ICI 670528un traitement préparatoire et me laisse à peu près à poil sous une couverture, sur un brancard, tandis qu'il examine un autre patient à côté sur un autre brancard. Mais ça s'éternise, je gueule que ce n'était pas prévu et sors dans la rue avec une serviette autour de la taille. Il y a une grosse flaque au bas d'une pente. Je remonte le boulevard, ma femme veut rejoindre la rue du Palais-Gallien, par un faux itinéraire. Je remonte jusqu'au mur du cimetière où je m'abrite dans un local de gardien. J'écris tranquillement. Un gardien qui s'exprime avec difficulté (Polonais?) me dit que je serai bien là pour travailler. Donc je m'y mets. Des enfants que j'entends dans un couloir finissent par entrer malgré moi et se chamaillent sur le lit : difficile de continuer à me concentrer… UTILISÉ
55 02 05
Promenade à St-Germain-en-Laye avec Annie, Sonia et David (plutôt frère et sœur, 13 et 8 ans). Nous contournons les portes du métro, en contrebas desquelles s'étendent des galeries mal aménagées. Nous perdons “les enfants” et passons plutôt par une galerie plus large ; il y a des magasins, des distractions. Un guitariste joue : c'est Gérard Manset. Annie lui pose une question sur “le supplément” qu'il trimballe, une femme qui l'accompagne parle de “petit bout de la lorgnette”. Nous mangeons des friandises très chères à un petit bistrot en plei air avec des loufiats un peu hautains. UTILISÉ
55 03 09
A la frontière espagnole, je dois enjamber une crevasse d'un mètre au fond de laquelle coule un torrent. La roche, en face, présente des anfractuosités où l'on doit poser les mains, comme des moufles en creux, qui vous réchauffent humainement. D'autres essayent en même temps que moi. C'est cela qui marque la frontière (côté catalan). Je me retrouve en Espagne dans une ville d'eau. Je chante en espagnol, en djungo D'où viens-tu Gitan, tout le monde danse dans une ambiance folle sur mes hurlements harmonieux. Ensuite, on fait passer un texte très bien manuscrit qui correspondrait à celui d'un élève de 3e, où il parle d'un léopard en captivité, et mal installé, avec un bassin d'eau trop petit ; on lui en fournit un beaucoup plus grand. Ce texte évoque aussi des chemins, autour de villages passablement urbanisés déjà, où l'on peut se promener pour se dépayser.
Une carte indique s'ils sont en pente ou non. L'un de ces chemins va chez Préault (ancien élève). Je l'ai déjà fait ; je confirme son pittoresque. UTILISÉ
55 03 17
Me promenant dans la rue je rencontre deux aimables jeunes femmes dont l'une, je le découvre avec plaisir, parle allemand. Nous prenons un pot, parfaite entente ; nous sommes rejoints par un beau grand jeune homme. Chemin faisant, il me tâte les couilles et je trouve chanceux que des femmes soient attirées par moi alors que je suis mal rasé, âgé de plus de soixante ans. Nous arrivons au logement des deux jeunes femmes, large plancher donnant sur le vide, où nous sommes parvenus par un système de tire-fesses accéléré qui m'a un peu affolé (pertes d'équilibre), mais je m'étais modelé sur les autres, qui ne semblaient pas affolés. Alors un type, de derrière un comptoir, me réclame 137 000 € ! (alors qu'il avait été question, avant le tire-fesses, de passer 10€ à deux copines étudiantes fauchées) (je m'étais finalement demandé qui allait coucher avec qui, et si nous n'allions pas nous retrouver entre hommes et entre femmes).
Je refuse de payer une somme pareille malgré les prétendues justifications, et m'enfuis sur les pentes de la montagne où se situe ce perchoir... On me tire dessus mais je m'éloigne rapidement. D'en haut, je vois défiler, emportés par une crue violente, toutes les vaches d'un village basque, puis tous les moutons, toutes les femmes, tous les enfants, tous les hommes... Il semble qu'ensuite un reflux ait remis du moins en place tous les humains… UTILISÉ
55 03 22
J'arrive dans une gare prétendue “de La Ciotat” ; un vieil accordéoniste joue depuis toujours derrière un comptoir, il y a des Arabes assis sur un matelas bas. Avec Annie nous avons loué une chambre, mais je veux, au bout de trois jours, en repartir. Elle tarde, je l'engueule, rien n'est prêt, nous devions partir un matin, puis le midi, puis pour le soir, puis pour le lendemain matin. Je redescends à pied après avoir gueulé qu'elle était toujours en train de dormir ; l'accordéoniste est toujours accoudé au comptoir. Je remonte avec du pain et un lourd chargement. La pente est raide, une petite vieille me suit, un clodo, un légionnaire. Tout ce monte grimpe assez lentement. Impatienté, le légionnaire descend le clochard d'une balle dans la tête. Je l'approuve. Il m'aide à transporter une armoire déglinguée que nous devons hisser au risque de nous casser la gueule. Nous parvenons au sommet de la pente, le pain se rompt petit à petit, il n'en reste plus grand-chose.
Reparvenu à notre location, je m'aperçois qu'Annie a refait le lit ; j'en fais des gorges chaudes : “Mais c'est un miracle ! C'est un miracle ! Le lit est fait !” Autour de nous des enfants rigolent... UTILISÉ
55 03 23
Je me retrouve en classe de 5e, mais avec mon âge, et des élèves que je reconnais. Mon professeur est M. Giot, colosse sévère. Il ne s'aperçoit pas que je n'ai pas fait mes exercices de grammaire, et crois que j'ai recopié quelque chose qu'il ne fallait pas. Je dois refaire une 5une 4e pour atteindre je ne sais quelle spécialité. Quand il est sorti de classe pour la récré, je mange en salle de cours ; mes copains ont placé sur son bureau une cuvette pleine de linge humide, dont mon pyjama : “Il n'a pas changé de pyjama !” Furieux, je passe la tête par la fenêtre : “Si vous n'enlevez pas ça je vous dénonce, toi” (un nom) “et toi, parce que je vous reconnais” (ils n'ont pas vieilli comme moi en effet). “Je suis de Laon, moi, c'est par hasard si j'ai passé 30 ans à Bordeaux, mais je suis de Laon !” Mouvements de satisfaction chez certaines filles dans la cour (or, le lycée n'était pas mixte). Quand je reviens dans la salle, la cuvette a disparu.
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55 04 09
Dans un château que j'ai déjà visité, avec un groupe. D'abord deux femmes plus une guide, puis d'autres. Comme ce n'est pas ouvert, on va repartir. Un homme atteint d'amabilité génésique veut flirter un peu avec toutes,mais la guide est lesbienne, comme l'a laissé supposer aux deux femmes (que ça fait rigoler) une main glissant sur les fesses. Le propriétaire du château est un paysan bougon qui ne veut pas qu'on allume la télé parce qu'il .ne peut capter que la télé bulgare et que ça lui coûterait cher... Il est question aussi d'acheter de quoi manger pour le groupe. Je plaisante, et une femme me dit sèchement que nous ne sommes pas amis et que j'ai une attitude peu liante, méprisante. Il y a sur la table des rapports en plusieurs exemplaires et sur chacun des membres du groupe, tous très critiques et désagréables. J'ai l'impression de m'être fait piéger par une structure quasi policière. UTILISÉ
55 05 11
Avec Annie à bord d'un véhicule militaire de fort tonnage possédant un canon. Nous devons effectuer une réparation et cherchons un endroit pour nous garer, dans un village04 constitue pas une menace. Je réponds à mi-voix : “On l'a volé ; si les flics nous voient avec ça on est bon...” Nous le suivons à l'arrière d'un hôtel, mais les emplacements, envahis d'herbe, à moitié défoncés, ne se prêtent pas à un parcage. Un haut-parleur envoie de la musique arabe, du fond d'un parpaing. Annie et son père s'assoient d'un côté d'une table de pique-nique, moi de l'autre. A un moment donné ils tombent dans les bras l'un de l'autre en pleurant. Puis ils se lèvent et s'éloignent un peu, j'entends son père lui dire : “Je vais te donner de l'argent... mais je ne te donne pas tout.” Je m'éclipse, d'abord en sous-sol derrière des panneaux de plastique transparent d'où je vois une assemblée de convives entassés qui se demandent ce que je fous là, il y a des gosses aussi qui jouent en courant. Je reviens par l'arrière de l'hôtel, il fait toujours très chaud, une ancienne élève noire ricane : “Le Collignon... Le Collignon...” UTILISÉ
55 05 25
Une cage d'escalier vétuste et effondrée ; j'ai mal à la plante des pieds sur des tringles à linge, . Un appartement somptueux, tout en couleurs, tapis, meubles, grande luminosité. Quatre ou cinq vieilles dont feue ma tante Raymonde, très aimables, voire entreprenantes. J'ai oublié de quoi manger, la tante s'affaire en cuisine, je reste vautré sur les tapis avec les autres. Je m'habitue à cet escalier en tringles à linge puisque les autres vieilles l'ont emprunté sans se plaindre. Je descends puis remonte avec un gros billot de bois sous le nez d'un jeune promoteur ahuri. UTILISÉ
55 05 27
Je suis sur un immense bateau qui descend le Brahmapoutre et le Gange. Ça grouille. Beaucoup d'Européens. Je dépose un plat devant un saint homme et me prosterne. Je suis adopté tout de suite par les femmes de service, misérables mais pleines de dignité, en beaux saris. Elles femmes me parlent dans leur langue. Une érection me prend, je commence à pleurer, ce voyage est sans retour spirituel. Le bateau est très haut, inépuisable, avec des provisions de bois. Je vais connaître un amour infini. D'autres Européens ricanent, ou ne sont pas dignes : attitude méprisante et colonialiste. Je ne reviendrai jamais et serai transformé. Je m'exerce à la langue du pays. Tout le monde couche sur les ponts.
Je me sens complètement perdu et complètement retrouvé. Annie est quelque part sur le
bateau, dans la foule. Je laisse tout derrière moi, ma vie ne sera plus qu'une immense prière. Je
pourrai aimer sans être obligé de baiser. Les femmes m'exercent à prononcer “Brahmapoutre”, sans le “-re” final. Elles s'appellent entre elles selon un système de délinaison. Des Blancs ricanent. Il y a à peine de la place pour s'étendre ou manger. Pas d'hygiène. Je m'en fous. Je ne reviendrai plus en arrière. UTILISÉ
55 05 28
Salle basse, qui est aussi une salle des profs. Pas de lumières sauf quelques bougies pour un groupe de privilégiés dont Junca, vers le fond. Je lâche des bordées de juron contre l'Éducation nationale en lui souhaitant de crever, j'insulte mes godasses en les mettant. Me retrouve élève de Descroix dans la pénombre. Je ne parviens pas à traduire du Tite-Live : ne peux consulter mon énorme traduction, qui concerne un autre auteur... Descroix est bougon, mais très aimable. Il reçoit un coup de téléphone : “Non, pas pour elle !” Sylviane et une autre secrétaire s'éclipsent le doigt sur les lèvres avec l'appareil. On habille sa petite fille à deux, elle dit : “Pas trop fort, pas trop fort !” - elle doit être emportée de l'un ou de l'autre côté, les deux habilleuses tirent dessus.
Pendant ce temps j'aurais dû faire cours, heureusement qu'il ne s'en est pas aperçu.
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55 06 15
Je suis dans un train russe en période révolutionnaire. Je chie dans des toilettes où sont déjà assises trois personnes. Michel Polac se penche sur moi :”Essaye de chier avec trois personnes dans la pièce”, lui dis-je. Il me répond en souriant qu'en effet je suis ridicule. Surtout que j'ai attendu que l'on quitte une gare, et qu'à peine installé voici un autre arrêt. “Estime-toi heureux de ne plus être au temps où l'on s'arrêtait pour une durée indéterminée”- rien ne marchait. Il faut donc que je me retienne. Quand enfin un peu de merde sort, la puanteur fait que tout le monde se lève et s'en va. Je me “colmate la brèche” avec un bouchon de papier cul. Je pense que je parlerais le djungo pour faire semblant de m'exprimer en russe. Le djungo, avec des accents différents, servirait pour toutes les langues...
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55 07 06
Réunion électorale au village, c'est en même temps la fête patronale, une petite foule se presse sur une place. Il y a Josette et Mme Dorelon. Je vote, mais sans avoir le droit. Je porte un petit garçon, Jean-Pierre, sur les épaules, son échine présente une croûte, comme mon chat. Je recherche sa mère (Marie-France Gouat) pour signaler qu'il faudrait établir une liste électorale. A chaque fois qu'on vote on reçoit une hostie. Je dis à un participant : « Attention de ne pas avaler de travers. » Présence de chats, de boue, de joie populaire.
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55 07 10
Concert donné dans une salle de spectacle dépendant de l'ancien collège de Meulan. La salle, en amphithéâtre, est complète. Un abbé dirige le chœur et l'orchestre, beau, grand, soutane noire, très XIXe siècle. Il est très applaudi. Je vais aux chiottes à côté de l'avant-scène. Java, qui est apparemment trésorière, lui révèle qu'il possède désormais une fortune de plus de trois millions de francs. Il s'étonne, fait signe qu'il n'y est pour rien. Java s'exprime par gestes et mimiques. Le prêtre serait donc sourd et muet ?... A l'énoncé de ce nombre je déclenche à moi seul une nouvelle salve d'applaudissements. Je remonte dans les gradins où j'inspecte et reconstitue maints numéros froissés du Canard Enchaîné et de Sud Ouest, afin de retrouver une photo prouvant ma non-culpabilité dans une affaire de mœurs.
Je retrouve le dessin que j'ai fait d'un visage de femme choriste, superbe, mais on ne peut bien le voir qu'en le tenant à contre-jour. Je n'ose le jeter. Mais la page manque toujours dans les journaux, y compris dans le Sud Ouest du jour, reconnaissable à une boîte vide et collante de camembert oubliée entre les pages. Impossible de me disculper : quelqu'un a fait disparaître le témoignage favorable. “Ce doit être dans le cimetière”. Un ami hongrois me dissuade d'y retourner. Je me suis aperçu en effet que j'étais nu, parce qu'il faisait très chaud là-bas dans l'amphithéâtre ; si l'on me voit dans cette tenue je risque à peu près le lynchage car il s'agit de ma supposée inconduite en collège autrefois.
Mais les voitures du public sortent à présent du cimetière abandonné où elles étaient garées, tandis qu'un vaste engin de chantier au bras d'acier puissant démolit là-bas les tombes enfouies dans le sable. Je gagne ma voiture garée non loin et renonce à retourner chercher mes habits dans l'amphithéâtre : il faudra que je conduise nu. Je manque presque dans un virage l'entrée d'un enclos délimitée par un portail de vieilles pierres, et la voiture prend de l'élan. Malheureusement elle s'enlise en pleine pente dans le sable épais, au-dessus du vide tellement c'est devenu raide. Il me sera impossible de descendre, à poil, pour la désensabler, car de plus c'est dangereux. Je reste là coincé, voyant mon véhicule de l'extérieur, et de loin.
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55 07 13
A une cantine, les femmes me servent avec mauvaise grâce : je suis un chipoteur, donc je n'ai presque rien. Et j'en renverse – il m'en reste encore moins ! On me soupçonne de savoir quelque chose au sujet de Chevènement disparu dans la Sarthe... UTILISÉ
55 07 21
A
Consultant mon agenda, je constate qu'une fois de plus Anne a dessiné des caricatures, de plus en plus foisonnantes et talentueuses. Je regrette presque qu'il n'y en ait pas davantage, mais la recherche, pour lui administrer une superratatouille. UTILISÉ
B
Sur le chemin du retour à la maison, j'aperçois en contrebas un attroupement autour d'une dizaine de femmes, les unes voilées, les autres non. Une des premières s'est fait agresser, les autres se sont rassemblées pour soutenir les premières. Elles sont très belles et dignes. Il règne une immobilité menaçante. Pour moi, je perds le souffle et m'agenouille en pleurant sur la connerie humaine. Aucun son ne peut sortir de ma bouche, on commence à me regarder.
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55 07 23
En panne de batterie, je dois passer la nuit dans un village, et rien ne sera rechargé avant le lendemain après-midi : “Votre voiture est à 67” (ce devrait être “167”), “ça suffit pour repartir !” Je retourne finir ma salade dans un restaurant de routiers, me lève pour dire que ce sera dégueulasse et le mange debout dans un entrepièces. Ensuite, que de choses j'ai rêvées. La fin d'un bouquin sur “le corps”, dont le dernier chapitre, trop loin, était “La mort”, seul moment où enfin le corps se réalise dans son apogée. Puis je traversais un parking très boueux où les voitures démarraient, très sales, avec des passagers hilares, édentés. C'était, précisément, à Orléans, devant une église, à la place des tombes d'un cimetière.
De nouveau chez moi, après un coup de téléphone, je m'étendais, m'apercevais en me relevant que la porte du palier était restée ouverte. Alors je parcourais l'appartement tout en criant “Y a quelqu'un ? ou quelqu'une ?” Et justement, poussant une porte, je sentais une résistance, alors je balançais mon pied dans l'embrasure, et c'est Annie, en vrai, qui recevait le coup de pied dans le lit en me disant “Que ça fait mal “, et je m'excusais : “C'était en rêve”. Si je me rendors maintenant ce sera une belle série de cauchemars... UTILISÉ
55 08 08
Notre appartement, mi-rue David-Johnston mi-allée des Tulipes, envahi par une famille de réfugiés, mi-maurétanienne, mi-cinghalaise. D'abord c'était Fatimatou, puis sa sœur, puis ses parents ; alors je me fâchais, ils prenaient leurs aises, bloquant les toilettes : celles du palier étaient dégueulasses, inutilisables. Je finissais par brailler, désignant tels et tels hommes à grosse tête et bons bouffeurs, disant que je n'avais pas l'argent pour nourrir tout ce monde, les autres râlant dans leur langue. Je parle même d'appeler la police, parce que ce sont peut-être des dissidents, voire des terroristes. Mais ensuite, au troisième (ailleurs), qui était tout ce qui nous restait, je parlais de vendre, en rangeant des assiettes.
Anne prétendait que, si nous vendions, nous serions accablés d'impôts. “Première nouvelle !” disais-je sans vraiment le croire. UTILISÉ
55 08 09
En voiture au sommet d'une pente au pied d'immeubles formant une sorte de place sans issue, je tourne en rond, partout des sens interdits. Je suis sans doute parvenu à me garer, parmi d'autres dans le même cas que moi. Je me retrouve au sommet pelé de cette colline, dans un lieu clos à ciel ouvert, sorte de transformateur d'où s'élève comme un sifflemet menaçant de bouilloire surchauffée (c'est en fait le signal des éboueurs comme je m'en apercevrai au réveil). J'essaie d'introduire une clef mais ça ne s'adapte pas. En redescendant la côte, coincée entre deux falaises, je croise une multitude de pélerins du rien, car là-haut, ils ne trouveront que ce transformateur menaçant.
Je croise des autocars, des groupes. Des femmes se précipitent par en bas, se suicidant d'exaltation. La radio commente tout cela, émettant des doutes : accidents ou suicides collectifs ? Je croise au bord du précipice une gigantesque pyramide humaine masculine vêtue de brun, vraie muraille vivante. Tout le monde se dirige vers les hauteurs stériles et dévastatrices de l'amour, tandis que je redescends peu à peu vers la plaine, soulagé. UTILISÉ
55 08 13
Dans un CDI en restructuration, une vieille documentaliste. Je dois monter un volume dans des étagères au-dessus de lits superposés. Je l'embrasse. Lippa aussi, il n'y a pas coïncidence des deux désirs. Je suis déjà venu dans cet endroit, avec Sonia transformée en vélo dans une impasse et David en automobile : village en fête, prenons congé d'une famille d'accueil chez qui nous nous sommes introduits. Ecoutons un vieil ivrogne pris d'eau-de-vie. Un phénomène survient dans le ciel. Démontage d'immenses chevaux de bois. Ce rêve, retranscrit à contrecœur, me semble très dangereux. UTILISÉ
55 09 14
Nous habitons une villa, et nous entendons parfaitement avec nos voisins d'en face. Il fait beau, c'est l'été. La voisine vient me demander d'ouvrir la porte de mon cagibi, plein de cartons, que j'essaye de vider et ranger, “parce qu'il fait chaud” (bizarre...). Je vais chez elle, son mari est occupé à la même chose. Je repars sur un vélo à une roue, très haut. Je m'arrête juste en face d'un poteau dans les feuillages en précisant plaisamment que j'ai trouvé un bon moyen de stopper. Sonia se trouve avec une copine, elles ont dans les treize ans. A ce moment survient une voiture qui frappe la porte de mon cagibi en marche arrière, puis celle du voisin en marche avant, qui repart, heurte tout.
La petite voiture en question se retourne à moitié, il y a un conducteur et un passager arrière. Je demande aux filles de rentrer pour que nous nous enfermions, mais il est trop tard. Le conducteur descend, agressif, anormal, les yeux égarés, un collier de barbe roussâtre, tendant vers nous un couteau à huîtres. Il dit : “C'est aujourd'hui mon anniversaire.” Il semble complètement psychosé. Je le repousse. Fin du rêve. UTILISÉ
55 12 05
Avec David dans les rues d'une ville espagnole ; je chipe une voiture postale, qui d'abord ne veut rouler qu'en marche arrière. Nous parvenons à une montée en plein cagnard, où la température atteint 32°, m'avertit le jeune garçon qui m'accompagne. Nous descendons une pente routière, faisons demi-tour devant un camion qui montait, et nous klaxonne. Nous parvenons devant une haute maison de bois et de briques, où se trouvent de nombreux tableaux. Nous montons, avec Parrical jeune fille, l'escalier extérieur de secours, très raide, très instable, qui s'effondre sous nous. Mais nous parvenons à nous rattraper, Anne Parrical si ça appartient à quelqu'un et si c'est bien fixé.
Elle se lance, avec l'escalier devenu souple, au-delà de l'angle du bâtiment, et arrive à atterrir à un niveau du sol surélevé. Nous l'imitons, mais elle a eu du courage. La maison prend feu avec tous ses tableaux ; nous pensons que cela ne fait rien, que les propriétaires en rachèteront bien d'autres. Le bon gros gardien, nommé Gardien Grillé, nous offre une collation de consolation. Nous avons tous 14 ans, j'ai à côté de moi une jeune fille du même âge, en petite robe, à qui je dis qu'elle
est belle. « C'est vrai ? » demande-t-elle en se serrant contre moi. Cependant, elle est déjà avec quelqu'un. Je vais dire que mes 14 ans à moi n'ont pas été du tout comme cela, du point de vue des filles.
Mais on propose un bal costumé, « contre les disputes d'enfants », et ma petite fiancée revêt une robe à tournure, avec deux gros élytres brun brillant à l'arrière... UTILISÉ
56 01 07
Avec Tarche et Hostalier, rentrant chez Carole en remontant une rue, après nous être arrêtés dans une maison délabrée. Des flics nous ont suivis. Carole a préparé le déjeuner : les pièces sont vastes, claires, à l'étage. Les agents de police montent, jeunes, aimables, nous demandant des nouvelles de nos santés. Je réponds : « Un rhume de temps en temps. » Puis je m'aperçois qu'insidieusement ils orientent la conversation vers les substances illicites. Ils commencent à fouiller, me placent un bandeau de laine blanche sur les yeux, qui manque m'obstruer le nez, puis me ligotent les mains pour me faire parler – dur, le réveil... UTILISÉ
56 01 13
Avec Blanchard, Annie et d'autres à cheval, nous descendons une vaste pente en sous-bois, où se trouvent de nombreuses personnes (pique-nique, etc.). Les couleurs d'automne sont magnifiques. Je me demande si les chevaux pourront emprunter une pente pareille. En bas, malgré les affirmations de mes compagnons, Mme Cholet dans un asile de fous m'impose une perfusion qui me fait très mal à la cuisse droite. Je hurle à l'injustice et j'ai très peur. Allée des Tulipes, on réveille tout le monde par des bruits divers, dont Geneviève enfoncée à l'envers dans son duvet. Dans une petite pièce, Domi, Yssev et Ranou le potier de Meulan discutent ; le potier est un ancien speaker de radio qui me témoigne beaucoup de mépris.
Je m'en vais puis reviens, tant le monde s'est débridé et déconne pleins tuyaux. Le speaker me demande alors, pour manger, « Du sel s'il vous plaît Monsieur – je dis « Monsieur », à présent ? » Seul, je rédige une lettre de rupture à Domi et Yssev. UTILISÉ
56 01 18
Je suis une femme de ménage espagnole de 45 ans, maigre, petite, vêtue de noirs cheveux plaqués. Je nettoie une grande chambre d'hôtel à grande baie, un peu renfoncée, donnant sur une pelouse ensoleillée. Je repasse dans ma tête mon journal personnel, qui se termine par «nous avons été réduits à baiser dans le patio », prononcé « sio », à la française. Je pense que je faisais auparavant partie d'un groupe islamiste syrien, qui chantait des couplets religieux guerriers, et s'aiguisaient des lames les unes aux autres. Ils finissaient par s'aiguiser leurs étuis, en ronde bosse, et je me demandais comment ces étuis pouvaient bien être tranchants... UTILISÉ
56 02 08
Dans une ambiance de fin du monde, à Guignicourt, chez ma grand-mère, une quantité de vieilles personnes cernées par les ténèbres s'agitent bouleversées en raison d'un attentat islamiste qui a fait 64 morts. Jean Bernard est présent. Tout le monde parle à la fois et j'ai la bouche pleine. J'essaye de m'exprimer, personne ne m'écoute, quel que soit le groupe vers lequel je me tourne. Alors je fais taire tout le monde, et, en achevant de mâcher : « Je vais vous lancer une pique d'ordre général, ne prenez pas cela pour vous : pour que vous soyez indignés comme cela, il faut donc que les victimes ne soient pas américaines... » Tout le monde se récrie : « Mais si, il y en a même beaucoup ! » Alors je m'éloigne par le couloir de la chambre en les complimentant, et je termine par un vibrant « God bless America ! » L'indignation et la compassion se déchaînent à nouveau derrière moi.
C'est la nuit. UTILISÉ
56 03 10
1) J'ai pris deux femmes noires en stop, de nuit, en ville. Elles s'inquiètent que je m'arrête le long des grilles pour poster une lettre. Celle-ci tombe dans la boîte, qui est très profonde, en s'ouvrant, et en éparpillant tout son contenu, des bouts de papier. Je rentre chez moi. Mon père est M. Nogaret. Nous habitons en bordure du Jardin Public.
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2) Je dois aller au lycée, en retard. Sonia a besoin de moi aussi. Annie est déjà dans la rue. Je noue des baguettes de pain dans mes lacets de soulier pour être original et faire « causasien » (?). Place Paul Doumer, je vois enfin Annie qui se prépare à se rendre au travail : il faut récupérer une voiture, à l'endroit d'un incendie de pneus. Les pompiers arrivent. Au comptoir d'un garage, impossible d'obtenir l'adresse d'un autre garage, où se trouve la voiture à récupérer. C'est vraisemblablement sur une bretelle d'autoroute. Le patron sort de son bureau, débordé, harcelé de clients. Annie voudrait lui demander le renseignement. Je tente de l'en dissuader. Je m'allonge par terre, avec mes baguettes de pain dans mes lacets, en disant : « Je m'en fous, appelez un psychiatre. » Comme personne ne fait attention, je me relève. J'ai peur aussi d'être enfermé, piquousé... UTILISÉ
56 03 22
Cauchemar
Je suis dans un train avec Leterme et d'autres. Ils sont bourrés. Leterme s'est engueulé avec d'autres et se bat au couteau. Chacun essaye de se protéger avec des bouquins, des épaisseurs de journaux. Je viens le protéger. Or je me trouvais en slip, particulièrement vulnérable. Et celui que j'ai tenté de défendre est descendu sans plus se soucier de moi... Je m'endors, plein d'alcool moi aussi. Au réveil, je m'aperçois que le train est reparti dans l'autre sens. Je demande aux gens qui m'entourent, debout dans le train bondé, quelle ville on vient de quitter. Ils me répondent des mots que je ne comprends pas. J'explique que j'ai bu et que je suis sourd, et Polonais.
Je crois comprendre des phrases comme « Ta gueule » - et ce que je crois comprendre change à chaque fois. Ou : « Vous nous étamez ! » [sic]. Ils finissent par me l'écrire sur le dos de la main : PARIS. Nous sommes donc repartis vers l'est ! « Vers les rives de la Pologne ! » dit un mec hilare en se penchant vers moi. Au premier arrêt, je descends voir le conducteur : «Vous n'avez pas trouvé une valise ? - Si, mais nous l'avons déposée à la première consigne ! - Mais je la vois, là ! » Les employés me disent que non. La première consigne est Buzancy (Ardennes). J'ai engueulé ceux qui restaient dans le wagon, toujours ivres, leur reprochant, en hurlant, d'avoir bu. Ils sont encore à se taper sur les épaules en braillant à propos de la présentatrice du Jeu des mille francs qui leur offriraient « la bière » - Mais qu'est-ce qui vous prend de boire, bordel ! » J'ai envie de gueuler « enculez-vous mais arrêtez de boire ! » Je rentre chez moi. Une voix off dit que les X... n'ont jamais été récupérer la valise, comble. Je déplie une carte de France, la voix off tirée d'un de mes romans précise que le couple s'est attardé sur les comptes rendus des séances « psy » de la femme au lieu de récupérer la valise. On faisait des gorges chaudes de ces « séances »... Cependant, tous
les villages habités jadis par mon père étaient touchés de catastrophes anéantissantes (Ardennes, Aisne). Il ne fallait pas s'y trouver, ces catastrophes étant subites et aléatoires.
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56 03 23
(…) Je m'arrête enfin près des fondations, à ras du sol, d'une fortification médiévale, réaménagée par Maginot. Deux couloirs, l'un vers le haut, l'autre vers le bas. Je descends, me trouve dans un emplacement double pour voir l'ennemi, par un trou si étroit, ébloui de lumière, que l'on ne peut rien voir. Et je me retrouve coincé par la séparation en pierre des deux emplacements...
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56 03 25
Une classe chuchote sous les hauts lambris. On vient enlever des tentures alors que les élèves ont eu tant de mal à consentir à composer, enfin, sur « le masque et la sincérité ». Je gueule contre les ouvriers, contre l'administration. Je sors dans le couloir pour trouver la proviseure, j'entends sa vois aiguë en conférence, alors je rejoins mes agités.
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56 03 26
Nous avons loué, Annie et moi, une cabane campagnarde sans confort et délabrée. La veille de notre départ, fête au village (pour Noël). Nous nous sommes trompés de chemin, nous affalant de fatigue l'un sur l'autre en pleine route. Puis nous avons rebroussé chemin, retrouvant l'église et la salle des fêtes. Dans un bistrot, beaucoup de jeunes en hippies 70. Je dis du mal d'un groupe musical, manque de pot, c'est eux qui jouent, je ne les ai même pas reconnus. Mais ils jouent sur une forte partie d'orgue enregistré. Tout le monde se vautre autour d'une table en bois où l'on sert du cidre très fort, il y a même un canapé-lit. Nous devons rentrer tôt car nous partons le lendemain. Nous empruntons du savon à la proprio, mais Annie n'a pas osé dire que nous partions.
Dans notre cahute, nous nous papouillons dans la Deux chevaux garée à l'intérieur. Nous libérons une espèce de salamandre vivante mais en plastique : elle sera plus heureuse ici. Les cloches jouent O stille Nacht.
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56 03 27
En Espagne, avec M. Nogaret, nous visitons en groupe une enfilade de pièces à l'étage, richement meublées. En attendant le guide, chacun parcourt tout : abondance de meuble magnifiques et d'instruments de musique. Je tente de jouer d'une espèce de pianoforte, mais il y a sous le couvercle des papiers raidis et entoilés, montrant que l'on n'a pas tellement envie que d'autres se mettent à jouer. Des courtepointes matelassées sont négligemment retroussées sur les
dessus de lit. Je dis à M. Nogaret que l'appartement rue David-Johnston pourrait bien lui aussi se transformer en lieu de visite. Il en est tout à fait d'accord. Je découvre en revenant sur mes pas qu'une grande glace murale reflète celui qui s'y regarde sous forme d'un riche personnage en toque, avec collier de barbe, qui reproduit tout vos mouvements.
D'autres s'y mirent, à mon invitation. Pour les femmes, la barbe du reflet disparaît. Le guide en retard arrive en courant, avec un autre groupe, flanque son coude dans l'œil d'une touriste, qui se met, par consolation, à rouler une pelle à sa voisine. Je pense plaisamment qu'avec le coude dans l'œil, elle ne verrait que la moitié des choses et ne devrait payer que demi-tarif. Enfin la visite va commencer. UTILISÉ
56 05 24
Terzieff joue de l'orgue en virtuose mais avec désinvolture. Il me parle en redescendant d'une espèce d'amphithéâtre, et croit voir dans mes yeux que je ne l'admire pas tant que cela, mais c'est faux. Il me considère en toute fraternité égalitaire. UTILISÉ
56 05 25
Après m'être garé dans mon quartier, je ne parviens plus à retrouver ma voiture. Désolé, je pousse la porte d'une maison ; en contrebas d'une petite allée de ciment vit une famille sympathique. Elle m'accueille, je mange un peu à la cuisine, la jeune fille est une lycéenne, il y a aussi les parents, plus une ou deux autres personnes. Dans la rue, ils s'imaginent avoir retrouvé mon véhicule, sous prétexte que son métal a été forgé en Autriche. Avec la jeune fille, j'ai parlé, pendant l'absence des adultes en recherche. La maison est très intimement arrangée. Elle appartenait au mari, la femme n'est venue qu'ensuite. Lorsque donc les parents reviennent, le mari veut m'inviter à dîner, et à passer la nuit.
La femme préfèrerait que je propose moi-même de repartir. Alors, je traverse un carrefour en « Y », la rue coupant la base de l' « Y » et poursuivant tout droit. Je ne retrouve toujours pas la mémoire, angoissé par un possible « Alzheimer » : les atténuations rassurantes que la famille m'avait prodiguées ne me servent à rien. D'ailleurs le quartier, les maisons basses impersonnelles, cimentées et délabrées, ressemblent de moins en moins à Mérignac et de plus en plus à la banlieue de Saragosse... UTILISÉ
56 06 06
Cauchemars
1) Nous sommes dans une auberge espagnole au service très mauvais. La patronne, chafouine, nous cherche des noises, demandant un prix excessif. Veut porter plainte parce que nous
aurions salopé toute la chambre. Elle propose de réduire la facture, je dis : « Si vous retirez la plainte. » Il n'en est pas question. Je pars sans dire au revoir, les autres m'ayant laissé en arrière pour me laisser payer. Elle pose une question perfide sur le fait que ma femme accepte de coucher avec moi alors que je sors des bras d'un homme. Son mari est là, menaçant. Je réponds : « Eso no importa ». Elle insiste : « ¡ No importa, les digo ! »
Je suis provoqué par leur petite fille de dix ans, qui me provoque à la pédophilie. Je la repousse : « Pas avec toi ! Pas avec toi ! » Elle veut me forcer à se battre avec elle, pour m'impliquer dans la violence à enfant. J'ai toutes les peines du monde à me débarrasser d'elle. Les dialogues se font tantôt en espagnol, tantôt en français. Il n'y a là qu'un vingtième de ces deux rêves. Je regardais aussi des contes projetés au mur indiquant les endroits où Untel avait cherché « quelque chose » : pointe sud-est de l'Autralie, région au nord de Buenos-Ayres avec une « réserve française » dont je n'avais jamais entendu parler, etc. Or, nous avons reçu Katy, de type nettement andalou. UTILISÉ
56 06 16
Avec Annie et d'autres, nous pénétrons dans une maison vide (cf. Buffet froid). Je regarde partout, prends bien soin de tout remettre en place. Puis nous fuyons, non sans dégâts. Une jeune fille de style gitan est témoin, je l'ai fait coucher à côté de moi au lit, en tout bien tout honneur. Pour partir discrètement, c'est difficile. Tous les chemins nous ramènent à cette maison ; deux bébés se contemplent, en haut et en bas d'un perron, étonnamment ressemblants. Nous fuyons en nous dispersant, le pays est humide, avec des prairies (Maine-et-Loire), très habité. Je m'abrite derrière une porte fermée dans une espèce de réduit, mais Annie me découvre et m'apporte à manger, tente de me rassurer.
Je repars, des maisons partout, j'essaye d'escalader en me dissimulant un mur extérieur d'église en prenant appui sur les sculptures, mais me retrouve vite entravé par des surplombs... UTILISÉ
56 06 25
Je raccompagne Tastet chez lui, dans la petite Corsa noire. « Tu tiens beaucoup de place, tu es trop gros ! » Il en convient plaisamment et monte chez lui. J'ai beaucoup de mal à refermer le hayon, je place un téléphone portable dans le coffre : c'est un petit enfant, face contre le sol du coffre, j'espère qu'il n'étouffera pas, ou qu'il disparaîtra, en tant qu'élément d'un rêve. Une troupe de jeunes garçons descend d'un autocar, encombre tout, et me retarde. Je repère l'immeuble de Tastet, son nom ne figure pas sur les sonnettes, mais je monte. Immense escalier luxueux de marbre ; sa porte, anonyme, est au dernier étage. Elle s'ouvre sur un invraisemblable jardin, clos d'un grillage, surmonté d'un vaste atelier-véranda. Un autre peintre y jardine, à poil, son sexe est ridiculement petit. Il m'indique un trou dans le grillage très épais, mais je ne trouve pas cette entrée. Je repars dans le bus, en conduisant tantôt ma Corsa tantôt le bus, qui à un moment donné, évidemment, court sur son erre, abandonné, puis dévie dans un terrain vague et se plante contre un mur, et prend feu : tout ce que je vais devoir payer! Alors je me dis très fort que c'est un rêve, et je me réveille. UTILISÉ
56 07 26
Dans un grand appartement abandonné (Condé-sur-Aisne), on frappe ; je me réfugie dans les chiottes-salle d'eau ; des feuilles de salade gisent partout, à demi-séchées, même près de la porte quand je veux chercher du papier en revenant sur mes pas le plus silencieusement possible.UTILISÉ
Dans l'atelier, je parle avec Domi. Tables, chaises, une assistance. Je lui raconte un film dans la dernière partie duquel jouait Beigbeder. Domi le singe : il répéterait sans cesse (paraît-il) « Alors je lui ai dit ». Nous prenons congé, l'assistance s'est transformée en atelier de repasseuses. Il me rappelle, je suis à peu près à poil, un auteur d'une soixantaine d'années est là, qu'il me présente. Ce dernier me bat froid malgré le serrage de mains ; Domi me dit que cet homme a les mêmes idées que moi, mais ajoute : « Tu verrais sa voiture... » (sous-entendu : « ...par rapport à la tienne... » Je les laisse parler, non sans avoir déclaré à Domi : « Ça ne te gêne pas d'être au milieu de toutes ces femmes ? Ça n'est pas trop dangereux ? » (humour).
Lui : « Non non... »
UTILISÉ
56 08 03
Un comité des fêtes nous confie une petite fille à trimballer en poussette dans la rue. Nous la poussons parmi les trottoirs encombrés (voitures en stationnement, revêtement plus ou moins défoncé, gens) – je chante ou j'imite la trompette (Michel Strogoff)(des enfants, de loin, reprennent la sonnerie), regrettant de ne pas avoir un nez rouge de clown. A un certain moment, je prends la petite fille dans les bras pour la calmer ; elle s'est plus ou moins transformée en gros chat blanc). Nous nous reposons dans un café-restaurant arabe. Nous sommes assis à une table au fond. Une
employée redescend des chambres en se rajustant un bonnet de soutien-gorge, elle dit qu'elle a bien nettoyé. La conversation se poursuit en arabe avec la patronne. Annie me demande la signification de « goy ». Je lui réponds que c'est de l'hébreu. Je m'aperçois alors que la petite a disparu, Annie a dû la confier à d'autres tandis que je batifolais pour attirer l'attention des gens.
Il est impossible de lui arracher des précisions, car elle sourit et parle tantôt d'une chose tantôt de l'autre : affirmant que Sonia, curieuse de moi, aurait lu de mes carnets personnels qui de mon propre aveu traînent partout. Je vais m'installer, exaspéré, seul à une table, déjà garnie de son couvert, mais il n'est que 4h 7 (47 !) Des vieilles servantes viennent me rejoindre ; je passe à l'une d'elles ma main entre les cuisses car elle s'avance pour se faire branler, je la défends envers les autres qui se moquent un peu d'elle. Une autre me fait du gringue, elle était à Soissons en même temps que moi quand je me trouvais en 6e, elle a connu le camp de Margival et habite en Dordogne. « Malheureusement, ajoute-t-elle, « à cause de mes déplacements professionnels ».
Nous voici au nord du Lot-et-Garonne (Villeréal, Lauzun ?). Je prétends avoir quitté la table de ma femme parce qu'elle tenait des « propos incohérents » (c'est ce que j'avais affirmé en la quittant). Je me retrouve entouré par trois ou quatre vieilles qui me draguent, et j'envisage un excellent avenir. Je reste là très longtemps, n'ai pas vu ressortir Annie, mais la vois de dos, de loin, portant une queue de cheval auburn. Dans la rue, allre-retour, impossible de retrouver la gamine, des arabes passent en discutant de banque, de ce qu'il est possible de faire en cette matière à un juif ou non. UTILISÉ
56 08 09
Atmosphère d'ennui pesant. Tarche, Odile et Dépont viennent nous rendre visite en voiture dans notre immense HLM. Nous devons aller vers eux pour les guider. Très vite, ils sont déçus parce que je n'ai rien à dire et me montre indifférent. La seule chose qui réveille Dépont est la vision, à gauche, d'un gros rhinocéros noir à bosse torsadée. Chez nous, j'essaie d'expliquer, en les prenant par les épaules, que je me sens dépressif ainsi avec tout le monde. Ça les rassérène un peu. Ils n'avaient pas voulu voir notre ancien appartement sur l'autre versant de la vallée urbanisée. Ils auraient préféré (Dépont surtout) d'autres buts plus intéressants touristiquement. Ils doivent repartir bientôt mais il me faut achever un examen au milieu duquel je suis parti, afin de les rencontrer.
Sur un escabeau extérieur je manque oublier mon appareil photo qu'Annie, râleuse, me fait rentrer.
Puis il faut qu'elle me passe de quoi écrire : une plume à l'ancienne (« Mais enfin, on ne se sert plus de ça depuis longtemps ! « ), un stylo bille vert (« Tu me vois rédiger en vert ? »), enfin, un stylo convenable. Nous rentrons donc l'escabeau. Je pourrai peut-être achever l'examen (latin, français), mais peut-être pas me présenter à celui d'italien, parce que j'ai dû recevoir mes invités. Il s'est créé aux USA un Etat italien où l'on comprend cette langue, mais dont la langue est l'anglais (le « Saporta » ?) J'aimerais m'y rendre. UTILISÉ
56 08 21
Dans une communauté aveyronnaise. Je suis accueilli à bras ouverts par une femme qui ressemble à la fois à Josette et à l'hôtesse de St-Bauzille-de-Putois. Des enfants partout, une liberté totale. Je monte au sommet de la maison, regarde les lits faits dans une chambre, avec des toiles d'araignée. Un type passe l'aspirateur et me dit en colère de ne plus monter ici, car une petite fille aurait pu tomber dans l'escalier (j'ai laissé un passage ouvert). Annie vient, il n'est plus question d'attendre huit jours, comme me l'avait dit un jeune homme américain ayant reçu mon chèque d'inscription de 60 euros - « il n'était pas au courant »). J'ai toujours quelque chose à faire. Le père d'Annie est venu effectuer des recherches généalogiques, Annie descendrait de Berbères.
Je m'enferme dans des chiottes à battants, Josette pousse les portes et se retire en disant « Pardon ». Il paraît qu'on la traitait de « briside » (?), ce qui est typiquement bordelais. Je me récrie là-dessus alors qu'en réalité je n'en sais rien. Ici tout le monde s'aime, les enfants veulent faire voir leur sexe, la fillette me prend par les épaules : le nouvel arrivant est roi. UTILISÉ
56 08 30
Mes parents et moi habitons la maison des Varoqueaux à Chauny. Je dois aller prendre livraison d'une auto acquise par petites annonces, à midi. Ma mère se propose d'y aller, je refuse. J'intercepte mon père qui part à moto afin d'arriver là-bas à midi, sur le chemin de son travail. Je proteste, on veut m'ôter mon initiative. Je monte en passager de mon père. Nous nous retrouvons à gravir, à Vienne, une forte côté à virage et à grande circulation. Mon père s'arrête en plein tournant, je l'engueule, il veut s'orienter. Il y a beaucoup de danger, nous sommes dépassés par de grosses bagnoles. Le propriétaire habite au-delà d'un pont-levis sans trou dans le tablier, au-dessus d'un abîme.
Mon père le franchit à moto tandis que je suis resté seul en plein virage, frappant de mes mains le mur de soutènement et braillant qu'on attente à mon indépendance. UTILISÉ
56 10 12
Une location chez des grincheux. Je dois dormir entre l'homme et la femme et fais passer la femme sous moi en m'arc-boutant pour qu'au moins elle soit à côté de son mari. Elle me dit : «Pas d'humidités, parce qu'il y en a eu un, une fois... » Je réponds que je ne suis pas une femme. Je me relève pour pisser car j'ai demandé pour cela l'itinéraire, c'est au sommet d'un talus dans un terrain (une cour) accidenté. Je rencontre des tas de garçons debout qui fuient eux aussi des lits surencombrés, et se retrouvent dans un club de lesbiennes. Elles sont très aimables, très accueillantes, ça parle, ça chante partout. On peut lire, mi-dehors, mi-dedans. Le bled s'appelle Saint-Jean-de-Comminges.
Un type imite, au sol, un cor de chasse (« taïaut taïaut ») et je le reprends à la tierce, on fait la moue gentille parce que j'ai essayé de le supplanter. Il y a des jeunes des deux sexes, partout, on se frôle mais sans ambiguïté directe, on lit, on feuillette, puis tout s'apaise, chacun rentre dans sa location pourrie, les couples de femmes se forment discrètement. Pour venir je passe sous des réseaux de sandows au ras du sol, j'ai doucement heurté dans l'ombre un vieux chien gros et doux comme un mouton. Une fille a repéré mes Contes de Perrault trouvés par mon père, un gros livre rouge à couverture illustrée, puis le repose dans l'herbe en pensant que son propriétaire viendra bien le rechercher. Revenu dans mon lit étroit, je trouve tout le monde allongé à la lumière dans des postures diverses, mi-râlant mi-souriant, « Trop de bruit » (musiques médiévales), deux filles en chemises de nuit rouge, une atmosphère de douce liesse incroyable, des couleurs, des frôlements, chacun musiquant ou discourant à son tour, un grand esprit de fraternité.. UTILISÉ
56 10 28
Rêve de tentative de tripotage de Babette au sous-sol, après que nous avons beaucoup babillé en pleine nuit. Elle crie en réclamant de se rhabiller. Je m'empresse d'obéir. Une foule de membres de ma famille visite un vaste cimetière nocturne. Une porte donne sur un enclos sinistre, sans lumière. Je serre le mollet de l'oncle Martial dans l'escalier du cimetière, et tout flegmatique qu'il soir, il sursaute. Je suggère de faire cette farce impressionnante à d'autres. Recherche alors de la t ombe de Martial ; justement, il me demande d'aller voir des inscriptions, placardées, “plus claires qu'au fond d'un cœur ouvert”, mais je ne veux pas m'éloigner seul. UTILISÉ
56 10 31
Parvenu avec des élèves et d'autres jeunes gens au sommet d'une colline herbeuse (nous faisons un rallye), nous recevons, apportés en voiture, trois sacs en plastique, garnis de carnets de mémoires. Je les distribue dans le désordre. C'est amusant, tout le monde lit (« j'ai le 75, mais c'est le 1980 »), puis je m'aperçois que ce sont les miens, en souhaitant que personne ne s'en rende compte. Des murmures commencent à s'élever : le secret perce. David se met à gueuler qu'on n'a pas le droit de fouiller dans sa culotte de cette façon.
Je raconte mon rêve à Jacques, resté à l'écart avec Accornero dont je veux vérifier qu'il n'a pas une phalange sectionnée. Il étale ses deux mains à plat pour me prouver le contraire. Les jeunes mangent à part, après nous, en consultant les notes sur la table. UTILISÉ
56 11 01
Il ne me reste plus que deux ou trois jours avant ma retraite, on ne m'a pas confié de classes. Dans les couloirs, je gueule “Saloperies d'humains, charognes, crevez, pourritures”, etc. Les élèves s'écartent de moi respectueusement, comme s'ils me donnaient raison. Un collègue de physique, collier roux et front dégarni, cherche une salle avec sa classe. Il parle du droit du travail à un jeune homme qui s'assoit en haut d'un escalier en pleurant, et lui administre des bourrades au lieu de le consoler. Je manque tomber dans un espace étroit entre deux rampes d'escalier sous moi, et dis que je ne tiens pas à maigrir, afin de ne pas pouvoir y tomber. Personne ne fait plus attention à moi. UTILISÉ
56 11 10
Je passe un examen de grec, avec Gourribon derrière moi. Le texte est indéchiffrable, mal imprimé, encombré de notes au crayon entre les lignes et à moitié effacées. On dirait que le grec ne m'est plus familier. L'examinatrice, une grande blonde de 55 ans, me le fait observer avec une hauteur sarcastique. Pendant ce temps se déroule une grande manifestation paysanne, à Cahors – qui ressemble plutôt à la ville d'Albi. Quelques dégâts et désordres, moins qu'on aurait pu craindre. Je repars de là en autocar, assez désolé. Je vire le chat Iris par la portière, et une paire de pantoufles. Plus tard, je récupère les pantoufles. Ma mère me demande de lui dire au revoir (j'avais oublié de le faire) tandis que je suis aux toilettes.
Je lui fais juste un signe de la main par-dessus la porte, elle s'en va satisfaite.
UTILISÉ
56 12 12
Appartement rue Quevedo, à Tanger. J'ai à la fois 18 ans et mon âge. Je fais une scène à mes parents, pleurant, hurlant que je m'ennuie ici, qu'on n'y rit jamais. Mon père est Nicolas Sarkozy. Il tente d'être aimable, pose sa grosse tête aux cheveux raides et sales sur mon ventre. Je me demande même s'il ne va pas me sucer, cela me répugne. Je pleure de rage en disant que je veux partir, même si Sarkozy me répète qu'on est bien, là, et que je dois rester. Mais je n'ai plus que très peu de temps, je ne sais ni où m'enfuir ni ce qu'il faut faire. Ma mère allongée dans la pièce d'à côté ne dit rien. Sarko ne m'a jamais autant débecté. UTILISÉ
56 12 21
Invité chez une famille autrichienne, je suis engueulé du haut de l'escalier par un grand et gros barbu qui me dit que je n'ai plus rien à faire à l'étage familial. Je rassemble mes bagages dans ma chambre à grands rideaux. Un dernier repas de conciliation a lieu à l'extérieur, mais le père (le barbu) n'est pas là. D'autres échangent des plaisanteries sur un but de football, des vieilles dames se rapprochent de la table, pour ne plus voir l'arrière de mes mains. Atmosphère fausse. Je pense (ou je dis ) : « J'étais en asile, je repars pour l'asile ; entre deux dépressions je suis normal ». On me dit : « Vous reviendrez. » Je réponds : « Warum sollte ich ? » (« Pourquoi le devrais-je ? ») UTILISÉ
56 12 29
Je titube dans une rue aux murs crépis ; c'est une vieille ville où j'ai vécu enfant (peut-être Laon). Des ouvriers qui réparent les murs me regardent. J'hésite entre remonter ou descendre la rue, puis trouve enfin une transversale où je m'échappe de plus en plus vite ; ma démarche est désormais assurée. Il s'agit d'un sentier herbeux, large, descendant par sections coudées successives. Une fille me suit sur ses talons plats, se débrouille malgré tout dans l'herbe. Nous parvenons à une bouche de chemin de fer ; sur les rails passe un train sans s'arrêter, nous nous mettons à courir, elle devant et moi derrière, dans un tunnel sinistre, et je suis devenu la jeune fille, tandis qu'elle est devenue moi-même.
Le quai n'est plus qu'un talus qui se rétrécit dans le noir. Au-dessus, dans l'épaisseur de la terre, quelqu'un se déplace pour nous accompagner, sans que nous le voyions. Il s'appelle Christophe. Nous espérons que ce talus entre deux voies va maintenant nous mener quelque part. Nous éprouvons seulement une vague inquiétude. UTILISÉ
57 01 05
Dans un train, Sarkozy me demande si j'ai connu Roger : je réponds oui ; son fils aimait étudier l'évolution des partis conservateurs, ce qui suscitait les moqueries, et j'avais perturbé les cours de son père en y jetant du papier hygiénique. Sarko se montre tout attendri que j'aie connu le fils. Puis il envoie un gros pain à travers le compartiment, ce qui touche le cou d'une boulangère plaisamment offusquée. S'ensuit une bagarre jubilatoire à coups de gâteaux énormes envoyés et renvoyés de partout. Je scande : « Un baba ! Un baba ! » Nous parvenons à Nogaret, où son fils me conduit chez lui, fils dont la mère tient une espèce de bazar campagnard. Je vois aussi sa sœur de douze ans, très jolie.
Il m'offre un fascicule présenté comme neuf, or, une mention de ma main (« Livre du prof, littérature du XVIIIe s. ») prouve que je l'ai lue trois fois, cette brochure racornie, « fini un 10
juillet ». Il va me chercher quelque chose de mieux, mais préfère m'indiquer une galerie marchande où je trouverais «du grec moderne ». En chemin, je pianote sur un clavier détraqué, sous un plastique, fixé à un pilier extérieur. La galerie est belle, mais il n'y a pas de « grec moderne ». Pris de malaise, car il y fait très chaud, je me retiens de tomber grâce au mur courbe, orné de mosaïques moirées. Je reprends pied sous le regard inquiet (« Il ne va pas nous déranger au moins ? ») de chalands pressés.
Je passe devant un étal de papiers peints, juste avant la sortie. Le marchand me crie ironiquement, comme si je voulais me faire plaindre : « Vous n'allez pas vous imaginer que je vais vous donner du papier peint ? » Je dis que non, et dehors, sur un talus herbeux, je le traite in petto de connard... UTILISÉ
57 01 23
Sur les marches de la médiathèque, une femme me sonde pour savoir les dix villes où j'aimerais habiter. Je cite New York (oublié la première ville), St Petersbourg (A. se récrie, comme la sondeuse), Lyon (la sondeuse est surprise), Lima, Caracas, Buenos-Ayres, Mexico... J'ai gagné un flacon de bonne eau de Cologne qu'un homme; à un stand voisin, me donne en souriant. Nous montons dans un immense autocar. Un employé m'indique une cabine individuelle, et des toilettes avec deux cuvettes (je pense « On peut chier deux fois »...) Espace très vaste, et clair. Quand j'ai fini et me suis torché, me retrouve sans cloison de séparation, en vue de tout le monde, l'employé lui-même à un bar.
Mais personne ne me fait de remarque : beaucoup de personnes âgées ; on me sourit. Revenu à ma place, je lis le journal, et je parcours le véhicule, très grand, qui se rend en Espagne du sud (Séville ? Jaén ?) Je crois alors petre revenu à ma place, veux emprunter un bloc-notes bleu, mais un Japonais à lunettes me dit : « Je me sers ! » Il montre à un autre Japonais, en face, qu'il a résolu un problème technique en resserrant une vis à tête cruciforme. Une prof me passe l'envers d'une en-tête de copie (3,5/20), c'est insuffisant. Une autre personne me refile un bout de papier écit d'un côté, tout chiffonné et troué.
M'étant mis en quête dans l'allée centrale (chacun dispose d'un espace considérable), je redécouvre enfin mon vrai fauteuil avec mon vrai grand bloc-notes à côté de ma femme. Je vais alors m'installer près du jeune conducteur, espagnol. Nous roulons actuellement vers Madrid, à l'intérieur d'une ville. Je confonds un infime ruisseau, presque à sec, au lit couvert d'herbes) avec l'Ebre ; nous arrivons à Saragosse. Le conducteur me donne le nom d'un autre cours d'eau. Le pare-brise panoramique permet un large point de vue. Le conducteur me dit en espagnol : ¡Parece la televisión ! Je demande en français si l'on a toujours l'intention de détourner l'Ebre pour irriguer les provinces du Sud.
Il me répond en français que le projet fut abandonné (sauf un canal pour la résidence du roi, à Aranjuez ?) - mais que ce dernier a demandé « une exploitation moderne avec des moyens anciens ». Le chauffeur trouve cette formulation ridicule, pas moi. Je rejoins ma femme sur son siège, regrette avec elle que nous n'ayons pas mentionné, parmi les dix villes, Bruxelles. Je le dis assez haut pour que l'entourage entende. Et comme cela semble lui indifférer, je dis « Le Belge il vous emmerde ». Puis j'écoute les nouvelles du Sud de l'Espagne, en précisant : « A Séville, 45° l'été, ce n'est pas un problème. » Cet autocar pouvait avoir la taille d'une cabine d'avion, et nous emmener après coup dans l'hémisphère sud... UTILISÉ
57 02 09
Dans une annexe de l'église « la Madeleine » à Bergerac, où fut enterrée ma mère, je découvre à l'angle un grand escalier tournant menant au clocher ; mais j'explorerai tout cela plus tard : aujourd'hui on enterre mon père et je roule dans ma tête cerains fragments de phrases afin de prononcer un discours funèbre. Alors arrivent en vrac sur la place plusieurs véhicules, qui livrent le cercueil et plusieurs assistants, plus le curé. Il y a Tastet parmi les assistants. Un cercueil gris style Samsonite. Et qui est-ce qui descend d'un taxi, vieux mais en pleine forme ? Mon père lui-même. Je l'évite, repasse dans la nef où j'ai envie de défoncer le cercueil devenu inutile. Mon pote Everaerts de Velp connu à Tanger me dit qu'il n'a pas envie « faire partie de ma patristique » - je m'étonne, il me révèle que mon père, admiratif, lui a fait lire le projet d'un ouvrage sur lui : il n'a pas envie d'être le sujet d'un roman.
Je le rassure : ce projet m'avait échappé, je ne me souviens plus ou presque de lui, mon intention est de ne rien écrire à ce propos. Je suis dans une véritable rage, surtout que ma mère, en fantôme gris, se met à tourner aussi avec mon père, et pourtant je me souviens très bien les avoir enterrés déjà tous les deux. Everaerts me rappelle alors qu'un mois en maison de retraite coûte 2400
euros par personne, soit la totalité de ma retraite ; il n'y aura pas assez d'argent pour les deux. Je pourrais selon lui qui connaît des adresses discuter le prix, mais ce sera toujours excessif. Je fais chercher dans ma voiture des cartes ferroviaires et routières pour emmener mes parents dans une maison lointaine, meilleur marché, en pleine cambrousse. Je fous toutes sortes de papiers par terre.
S'apercevant de cela mon père et ma mère se vexent, remportent le cercueil Samsonite en le traînant par terre. Je suis dans une colère folle car les voici de nouveau en pleine forme, tout est à recommencer. Sans oublier que Katy se trouve là aussi, me rappelle que Denis était venu prendre un pot chez moi le jour des vraies funérailles de ma mère, avait fait la gueule, et s'était montré jaloux de n'être pas le centre d'intérêt de tout le monde – évidemment... Je revois la scène, alors qu'il buvait du café... Quand je me suis réveillé, j'étais dans une vraie rage. UTILISÉ
57 03 06
Je dépose ma bicyclette contre un mur après avoir cherché une bibliothèque dans le XXe, ça monte. En retrait de la ligne de maisons, je demande mon chemin, alors que le propriétaire me surprend à remettre d'aplomb un autre beau vélo que j'ai bousculé. A l'intérieur, de vastes salles aménagées dans le roc rouge, un peu comme de la brique toulousaine, reconstituée à Paris. Un prêtre dit une messe pour des prisonniers. Un prof d'histoire m'accompagne, il n'a plus qu'une jambe et un bras et demi, mais toujours de bonne humeur. Il déteste les simagrées ecclésiastiques, se moque des signes de croix des forçats dans les fers, qui auraient entraîné leurs pieds symétriquement.
Il me fait un peu tout visiter. Quand je reviens dans la grotte à messe, où l'on a communié à l'eau dans des gobelets en plastique, j'en prends un à part et je bois dans un lavabo, pour ne pas tout mélanger. Je lui demande quelle époque il aime enseigner (je suis prof d'histoire aussi, comme je le lui ai répondu, et je cherchais, au début, de la documentation dans cette bibliothèque. ), il se renfrogne et disparaît dans une voiture hermétique de fabrication brésilienne, au ras du sol, de marque « Oriba » ou quelque chose d'approchant, je lis dessus « otage de l'Oriba ». Son fils de 10 ans me montre une splendide Ford remontée par son père, avec des chromes dorés rutilants.
Je passe ensuite dans une pièce où se trouvent une quinquagénaire et sa fille, qui ont connu, à Bordeaux, un médecin, le Professeur Moreau (je crois me souvenir de lui). Il y a partout des images et des renfoncements dans le roc. Ce Professeur Moreau ensorcelait sa clientèle au nom d'un socialisme dévoyé. Sur le buffet encombré d'images, la photo découpée d'une femme, peut-être celle qui me reçoit, peut-être l'épouse décédée, et révérée, du propriétaire (celui-là ne s'est jamais fait voir). Je me balance sur un siège que j'ai renversé, au risque de le briser. J'ai auparavant mordu dans une grosse miche dorée que me tendait avec deux autres, toutes chaudes, un boulanger, membre de toute cette communauté finalement qui occupe ces lieux.
J'achète la grosse miche. Anne en mange aussi, tant pis pour le prix. Atmosphère générale étrange et familière à la fois, on se sent libre. L'ensemble est spéculaire et complexe : nous sommes en plein Paris comme si c'était Toulouse ou Albi. UTILISÉ
57 04 02
Avec Anne dans la rue. Nous sautons sur un toi et un capot de 4x4, nous laissant glisser. Nous pénétrons chez le propriétaire et nous vautrons sur un gros édredon. Le proprio survient, grand, sec, sévère. Il se demande ce que nous faisons sur sa voiture. Il demande et obtient mon nom. Il paraît que je suis fiché au grand banditisme et que Sarkozy me tient à l'œil. Je suis relâché. Arrivés chez M. Nogaret, nous voyons ce propriétaire et un ami qui lui ressemble. Il nous refait la morale, exhibe un type qui porte mon nom, misérable, petit, bouffi, presque pas d'yeux, l'air inintelligent et féroce au possible, à qui je veux parler mais ne désirant que me casser la gueule. Je commence à rédiger à la machine une protestation, Sonia me rassure car il n'a pas vu mes papiers, n'en ayant pas le droit. A 2h ½ je dois être chez un psy mais j'ignore son adresse. Je la trouve dans le gros carnet d'Annie, son nom commence par un E (« Estrosi » ?) mais il est trop tard, j'irai une autre fois.
Mon entourage m'a soutenu. Je n'ai pas volé, ni commis de dépradations. UTILISÉ
57 05 28
Christophe, Sonia, ma femme et moi, et des enfants, habitons très unis dans un pavillon de bois en hauteur avec balcon. Il existe entre nous et la plage à 1 km des bunkers, certains sans fenêtres, où vivent des immigrés arabes ou gitans. Sur le chemin de la plage je revois ue jeune fille naine, difforme, œil unique et saillant, sein unique et pendant. Elle me fait des propositions et je ne dis pas non, plus tard. Elle dit que j'ai (ou qu'elle a) « de jolis yeux ».
De retour, j'entends des bruits de bombardements. La ville à 3km est l'objet d'un furieux pilonnage, des avions s'acharnent, des murs tombent, des flammes rouges immenses montent jusqu'au ciel. Autour de moi personne ne semble effrayé ni ne veut s'enfuir. A la télé, pas de nouvelles, ni à France-Info, ni nulle part sur la bande FM de la radio de bord. Christophe continue à se vautrer dans le sable avec les enfants et un chien. Je m'affole complètement, car je suis le seul à voir cela, à en mesurer l'extrême gravité. Les bombardements terribles se rapprochent, la maison voisine est touchée. Le lendemain matin, qui arrive aussitôt, un flic nous dit en souriant d'un air blasé qu'il s'agissait d'un feu d'artifice, la maison atteinte était abandonnée.
Il nous demande de changer les pneus blancs d'un tricycle, complètement lacérés, inutilisable. Je me rends compte que s'il y a une catastrophe, je serai le seul à m'en apercevoir, et qu'il faudra que je meure sous les bombes à cause de l'inertie des autres. Dans le même rêve, préparatifs de l'enterrement du père Bedu dans une église en processus d'effondrement, je ne veus pas suivre un compagnon nord-africain mais un catholique. Je pleure, et j'associe ce deuil à celui de l'abbé Pierre. UTILISÉ
57 06 14
Dans une maison aveyronnaise aux planchers défoncés, mais très ensoleillée, mes parents préparent une réception. Je transporte deix cocottes l'une après l'autre, du bouillon, un poulet aux légumes, et trébuche, tout est flanqué par terre. Plus rien à manger ! Mais ça ne fait rien, tout le monde continue d'être de bonne humeur. J'apprends que mes parents avaient acheté cette baraque, et que Sonia pourrait en profiter plus tard. Du coup, je me mets à fouiner partout pour voir comment elle pourrait aménager tout ça, jusqu'à ce qu'ils réfrènent mon enthousiasme : rien ne it qu'elle voudra y résider. Je ressors, cette maison s'achève par des contreforts romains et débouche sur un amphithéâtre qu'on est en train de dégager, où se pressent déjà les premiers touristes. Le nom du patelin est en deux parties me dit-on, avec un trait d'union, mais personne ne s'en souvient (Pont-de-Rhodes ? Roda ?)
UTILISÉ
57 07 04
Je chante des sourates sur mes citations, l'une après l'autre. Ce sont des séquences sonores très brèves et gutturales. J'ai beaucoup de peine à passer d'un paragraphe à l'autre, les numéros stagnent au lieu d'augmenter. Des gens m'écoutent avec grand intérêt. Je sens qu'il aurait fallu suivre cette voie, mes vocalises sont d'une grande subtilité voire sophistication, mais j'aurais dû découvrir cette vocation plus tôt, et travailler considérablement. Mon intérêt en effet se porte plus sur le son et la syllabe, et non sur le sens d'un texte. Je poursuis de belles vocalises sous le regard distrait de « pgde fec », « sacris », dédaigneux.
En route vers la gare avec des passagers, bloqués par un embouteillage dû à une déviation pour travaux. Nous parvenons place Pey-Berland. Je m'aperçois alors que l'immeuble faisant l'angle avec la rue des Remparts est quasi démoli, pour se faire remplacer par du moderne. Je hurle mon exaspération par la fenêtre entrouverte : « Assassins ! Architectes de mes couilles ! Salauds ! », etc.
Toujours ce sommeil quand j'écris... Amiel ! Amiel !
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57 07 11
Une maison en forêt au pied d'une pente de sable. Je suis en compagnie de je ne sais qui. Nous montons. Au sommet, deuxième maison dont les rochers occupent tout le terrain. Haute porte de métal. Je parviens à voir l'intérieur par une fente : tout paraît très ordonné, ceux qui m'accompagnent sont mes parents, jeunes, enthousiastes. Je leur crie : « C'est abandonné seulement depuis les années 60 ! » Tête pleine de projets. Une Allemande avec ses deux enfants francophones utilise le même chemin pour descendre que nous pour monter. Elle dit à son garçon : « Toi aussi tu penses que l'hystérie est constitutive du tempérament des filles ? » Le garçon, blond et suffisant, acquiesce. « Eh bien ta sœur n'est pas d'accord du tout, bien qu'elle soit turbulente. » Et ils discutant des mérites d'un certain psychiatre allemand dont je m'étonne qu'un si jeune garçon puisse connaître l'œuvre ; quant à moi, du talon, j'efface les marches de sable en glissant, me souciant peu des difficultés que cela engendrera pour remonter - j'ai toujours des projets en abondance, cette maison s'appellera de l'ancien nom du lieu-dit où elle fut bâtie. UTILISÉ
57 08 22
Je suis remplaçant en 1e à Brioude. Mes cours sont préparés avec des 6e à une table de bistrot. Ils me considèrent avec un amusement quelque peu condescendant. L'un d'eux me demande si je ne m'appelle pas Collignon par hasard. Je dis que non. Je dis à d'autres, venus à ma table : “Elle ne s'appelle pas Brioude, au moins, cette ville ? parce que c'est d'un con, ce nom...” Silence gêné. Je finis pas projeter un cours, ligne à ligne, mais je ne crois pas qu'on ait suivi beaucoup.
Me voici logé dans un hôtel, en bas d'un escalier. “C'est pratique si on rentre bourré”. Un employé débordé, “qui n'est là que depuis quinze jours”, me fait compléter une fiche sur papier glacé. Les chiottes sont très salles. Je demande à chier derrière une cloison coulissante, au niveau de jeunes gens qui sont en train de manger.
L'un d'entre eux : “Ah non ! pitié !” Aux autres : “Vous ne vous rendez pas compte ! C'est insupportable !” Je trouve à chier rue David-Johnston, chez Coco : il y a donc là ma belle-mère, Françoise et M. Terrasson, qui ne veut pas être appelé ainsi, dit-il avec agacement, comme si le nom n'appartenait qu'à sa fille dont il serait, lui, le mari. Un lit m'est préparé dans le grenier de Condé-sur-Aisne, mais le plafond s'effondre comme chez Mme Marqueton, et il est difficile de trouver un emplacement solide pour le lit, où je ne devrai pas trop remuer. UTILISÉ
57 09 01
Expulsion d'un membre de VVS pour dissidence envers le Parti Communiste. Ambiance électrique. La plupart soutiennent le dissident, dont moi. Le rassemblement se fait d'abord en plein air. Les conversations sont houleuses. De vieux pontes qu'on n'avait jamais vus viennent se joindre au groupe. Ils sont sans doute délégués par des instances supérieures. Je revois même Marcel More, ancien ami d'enfance, mais je l'accueille raidement, tant qu'il ne se sera pas décidé pour l'un ou l'autre parti. On grave ou gribouille des “K barrés” sur les poteaux téléphoniques. Tous ont un verre à la main. Nous nous dirigeons vers une salle où sont disposés des buffets apéritifs. Nous chantons l'Internationale, mais les paroles que j'emploie sont grossières et rebelles.
On me demande de chanter seul : “Camarade, quelles sont tes paroles de l'Internationale? - Je suis trop patriote pour chanter l'Internationale. Parfaitement. Pas fasciste, mais patriote.” En temps ordinaire, on ne m'aurait pas laissé m'exprimer ainsi. Nul ne sait ce qu'il adviendra du vote, vu le nombre d'éléments extérieurs importés. Quant au type en question, le dissident, je ne l'ai jamais vu.
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57 10 07
Thiébaut et Tarche, jeune, attendent que je parte pour se livrer à une conversation importante. Je lâche tout à trac que je déteste la logique : “Les maths sont la seule science où la somme de deux carrés soit inférieure à un seul de ses carrés” [sic], et il en est ainsi de toutes les sciences dites “exactes” - en réalité je défie toute rationalité, toute morale, tout raisonnement. Ils se regardent, stupéfaits. Je pense à part moi que si j'avais été un homme célèbre, tout m'aurait été permis, et ce que j'aurais dit admirable : il faut, paraît-il, suivre sa voie sans se soucier des règles, condition de la découverte géniale ? Mais moi, je suis toujours rabattu par les autres sur le principe de réalité, de vérité...
Alors commence une réunion professionnelle de type syndical. Annie fortement dépressive se trouve avec moi. Je dis assez fort que sa place est dans un établissement (psychiatrique) et non pas ici. Les voisins, assis, entendent. Impossible que je me retienne : je réitère mes piques. Un assistant se penche en arrière sur sa chaise et me dit que je suis un salaud.
Pendant ce temps, le président (Tarche ?) affirme qu'il n'y aura rien à manquer cette fois en raison de tracasseries administratives radines, qui, “dès qu'on racle une feuille de chou”, soulève des difficultés et compte les centimes. Je me suis un peu beaucoup servi au buffet. La réunion, plus courte que prévue, s'achève. Un compte rendu exact en est distribué à tous : le texte est très exactement semblable, mot pour mot, à ce que le président a peut-être lu ; il n'a rien proposé de nouveau. Annie et moi partons à pied dans les rues populeuses, l'un à côté de l'autre et marchant très vite ; elle fait la gueule et fonce, nous faisons même une queue de poisson à un couple de vieux, et comme je le reproche à ma femme, elle manque m'incendier, alors nous poursuivons.
Nous devions prendre le tramway, mais je me retrouve seul en voiture, essayant de me garer rue David-Johnston. Impossible de rester parallèle au trottoir, je multiplie les manœuvres comme pour un créneau alors qu'il n'y a personne, enchaînant les marches arrière rapides et sans visibilité. Cela se passe contre des grilles de parc où courent des chevaux de petite taille. Beaucoup de monde sur mon trottoir. Un homme expliquent pourquoi ils courent : ils sont très heureux de la grande dimension du parc. Une jument a mis bas, mais en regardant bien, il s'agit d'un tout petit lion, déjà pourvu de sa crinière, et qui plus tard deviendra féroce.
Me serais-je trompé d'animal ? La jument le lèche et s'occupe de lui. Ma voiture enfin garée, assez loin (des travaux barrent la rue, juste devant ma porte. Il y a un trou dans la chaussée, des engins énormes et jaunes (fuite de gaz ?). Je sors de mon véhicule un carton ramolli, une partie de son contenu, des victuailles, tombe dans la tranchée. Je jure très grossièrement, en français, en arabe, et récupère une partie de la bouffe. Un type descend et récupère d'autres choses plus ou moins mangeables de part et d'autre de la buse au fond de la tranchée. Beaucoup sont témoins. Je remercie à peine, et retrouve ma femme dans l'appartement que nous occupions pions pions pions (Noël-Noël ?) Anne m'engueule et me jette des trucs à la tête, je tâche de parer en m'efforçant de pleurer : j'y réussis mais ça ne dure pas.
Elle m'accuse de la renfoncer sans cesse et devient de plus en plus névrotique. Ce rêve, dû à l'absence de Sertraline, m'effraye assez, car il représente mon inconscient, juste sous la surface. Si c'est vrai, que de haine en moi. Et si je vais au fond de moi, deviendrai-je sage ou fou ? Plutôt : pourrai-je supporter ma vérité ? Or je ne veux plus souffrir. Garder ma médiocrité, renoncer à la
gloire et à toute action. Dès que je revois X., mes résolutions s'envolent, pourtant elle n'arrive pas à égaler ma femme en estime portée... Il va falloir affronter cela sans faire de mal. UTILISÉ
57 10 25
Je dois passer un examen d'orthographe et de rédaction, la salle est comble, les candidats confiants. Mais en relisant ma dictée, je m'aperçois de grossières inexactitudes, avec insertion de jurons et expressions populaires... en norvégien ! Mon voisin, c'est un élève d'Andernos qui s'étonnait que l'on pût être considéré comme pédé à 16 ans. Il rappelle aussi Verhak et Daknenberger (d'origines flamande et norvégienne). Mon voisin a commis des insolences similaires dans sa copie, j'inscris mes appréciations sur son devoir et convoque la surveillante, “pour voir si je ne suis pas en infraction”.
Elle examine une chemise que j'ai laissée à mes pieds, en extrait des documents dont mon annuaire téléphonique, c'est un peu gênant mais ne constitue pas une tentative de fraude. Elle me raconte (grande blonde quinquagénaire bien enveloppée) qu'elle a dû soustraire non sans mal sa fille aux avances d'une autre femme, en a des larmes aux yeux. Je repars chez moi, allée des Tulipes, où ma femme m'a préparé de la purée pour le repas et entend bien me la faire manger sans me presser, alors que je lui répète, de fort mauvaise humeur, que je n'ai pas le droit de m'absenter ainsi en cours d'épreuve. Survient une femme qui défend mon point de vue, mais Annie le prend de très haut : “Imaginez que j'aie un cancer” - sous entendu, j'ai le droit de retenir mon mari pour le repas.
Je parviens à quitter mon appartement, les laissant s'expliquer. Rêve imprégné d'un climat de haine universelle et de détestation de soi et de toute sa vie, qui survit à mon réveil, ce qui est extrêmement pénible. Il est survenu à la suite d'une émission tardive, “Ces Messieurs-Dames”, où des personnes plutôt âgées se déguisent en femmes, tout en restant la plupart du temps hétérosexuels : des “transgenres”… UTILISÉ
57 11 18
Des gars pénètrent dans un magasin avec un revolver. Je ferme la porte de la cave. J'ai fait les courses ailleurs, en jetant des ordures sur le dessus du sac. Ils m'entraînent chez moi en frappant violemment à la porte, bouffent tout ; l'un d'eux croit que les légumes rendent impuissant. Je me verse une bière et dis : “Non, c'est ça qui rend impuissant.” Ils se livrent à une représentation théâtrale dans une enfilade de greniers avec installations gymnastiques, puis se retirent. Ma grand-mère est scandalisée par les dégâts causés (une serviette dans la chasse d'eau !) et c'est elle qui a interrompu la “fête” en forçant une porte intérieure, elle découvre un bison mécanique... et deux “relevés” de skate-board. Deux jumelles de 20 ans dansent pour finir dans les décors de théâtre ruinés. UTILISÉ
57 12 06
Annie me demande de rédiger une sollicitation de vente à une agente immobilière, naine, aux membres immenses, féminine, fardée, irrésistible. Alors je m'aperçois que cette vente s'est effectuée sans moi, sous prétexte que le terrain au Cap Ferret n'appartenait qu'à Annie. Un gros Russe style Lonsdale est dans le coup aussi. Je gueule qu'on se fout de moi, je ne suis pas consulté, je change de place lors d'un entretien, isolant le Russe. Je refuse de voir qui que ce soit. Annie m'appelle pour manger, se justifie de loin en s'enfonçant dans l'appartement, de sorte que je n'entends qu'un vaste gloubiboulga auditif. Je trouve qu'on s'est mal comporté avec moi, ludion, guignol. Moi aussi je vais vendre des choses qui ne m'appartiennent pas, pourquoi pas la tombe de la grand-mère.
Je me réveille dans un état de haine indescriptible, attendant qu'Annie se réveille pour l'engueuler. Il faut que je reprenne de la Sertraline ! Dans le rêve, Annie m'a dit que le psychiatre lui avait demandé pourquoi elle me haïssait autant...UTILISÉ
57 12 11
Le médecin de la rue Turenne examine mes organes génitaux devant K., tout le monde affectant un grand détachement. Il prend un double décimètre, ayant trop de talon, puis un petit, et déclare : 12 cm”. Je dis “Un de moins”. Il ne comprend pas. Laissés seuls, et tandis que K. poursuit son babillage, nous nous retrouvons sur le parking du Carrefour de Flins. Pendant ce temps j'ai pensé ne pas pouvoir donner de plaisir aux femmes, recourir à des procédés “enlarge your penis”. K. me parle d'un de ses collègues : “Il s'ennuie avec sa mère, il ennuie sa mère...” - à ce moment malgré moi mes larmes montent, je m'enroule autour d'un grand réverbère en tremblant dans mes larmes et en répétant : “Excuse-moi... excuse-moi...” (de pleurer...) UTILISÉ
57 12 21
Vente de guitares. Je m'exhibe face à un élève qui trouve cela sans gravité. Mais rien n'a été acheté. J'ai offert une revue à un petit Noir qui n'en veut pas, un autre se l'approprie. Nous allons à un repas “rue Napoléon”. Vieille bâtisse introuvable. Plein de gosses dehors. Annie surveille avec une autre,
prof revêche. La prof soulève une petite dans ses bras et la couvre de baisers : “Je te croyais méchante mais tu es une gentille petite fille.” Laquelle hurle désagréablement, tandis que les autres huent la vieille prof. Nous redescendons, je déconne un peu, après avoir affirmé à la patronne que nous reviendrions ma femme et moi (elle nous demandait si nous voulions des médicaments). Je me repose à un café. Des jeunes sèment partout des pétards à retardement. J'attends que ça se passe. Il y a en terrasse des pontes bien habillés. Je me dégage en tombant de ma chaise doucement, la braguette ouverte, en short. Il s'agit du Conseiller Général. Des élèves qui m'ont suivi disent qu'en allemand (nous sommes halb in Österreich halb in Meulan), il a l'accent d'Allemagne. Je monte une pente en voiture à contre-jour, afin de regagner la Cité du Paradis. La pente devient de plus en plus raide et bien que ma voiture prenne son élan elle ne peut sortir d'un puits devenu vertical, baleinier, vaginal. Or une autre auto, piégée elle aussi, apparaît loin dessous. Pas moyen de rester là-haut, sauf à remettre le moteur à plein régime, sinon je la pulvérise en retombant. UTILISÉ
58 02 18
A l'écart sur le sol battu d'une pièce abandonnée, j'aperçois une planche mal dégrossie comportant des courroies pour les pieds. Je l'enfile et à ma grande surprise,si je le désire, je peux quitter le sol. Je m'exerce et m'aperçois que j'augmente mon altitude et modifie ma direction. D'abord je m'exerce dans la pièce, pusi passe dehors par la porte ouverte. Je parviens même à monter très haut, sans peur ni vertige, car je reste étonnamment stable. En redescendant, je trouve quelques témoins. Il y a même un médecin qui examine les planches et n'y découvre aucune propriété surnaturelle. Or je suis monté au-dessus des arbres, et peut-être même à 100 m. Je sais qhe l'individu que je représente a été arrêté pour fraude, ainsi qu'une femme, seulement, je ne me vois pas en fraudeur du tout. Aucune sentiment mystique ou religieux non plus. On arrête une jeune femme simplette qui avait profité d'un don analogue pour aller donner de ses vêtements, laids et bariolés, à une association caritative de semi-débiles mentaux. On la rabroue, ouf, je serai donc le seul à pouvoir ainsi profiter de ces pouvoirs. UTILISÉ
58 02 19
Dans une ouverture de galerie de métro à même le sol, je rencontre un petit Arabe tête baissée, à vélo. Je pense qu'il s'appelle Samir. On le hèle : “Samir !” Je me réjouis de cette oïncidence. Des enfants sautent de très haut sur la terrasse étroite d'un restaurant. Je me suis énervé contre un enfant qui raisonnait comme un petit vieux technocrate ; c'est François Hollande qui dirige une réunion sur le marketing. Ils parlent d'abstractions sans aucune marque de spiritualité. Je m'emporte pour cause d'insensibilité totale. Je pars dans des baskets sans empeigne à gauche, en plastique, sans parvenir à les nouer. Annie m'assiste maternellement dans mes pleurs et admet que je veuille partir.
En me promenant, je retrouve ce groupe dans une maison communautaire ouverte à tous vents, ne salue que peu de monde, ils font des projections murales, je ne reconnais rien. François me demande comment je choisis mes trains en fonction du prix, puis il se tait, car j'ai pris mes distances. Je lui répondrais que je prends le train, comme ça, en fonction de mes envies, que ce soit cher ou non. Il y a là des Allemands qui célèbrent une noce ; les femmes montrent leurs jambes en posant le pied sur une chaise, les hommes sautent, tout est ritualisé, la Blechmusik joue très fort. Dehors, la population assiste à tout cela. Un jeune gars, tout nu, s'exhibe. J'en fais la remarque à un autre qui le prend mal puis rigole.
Des enfants m'entraînent, filles et garçons. L'un d'eux emploie des mots de leur argot à eux. Je me mets sur le canapé. On m'a montré des petites boîtes contenant (“Il y a de l'argent dedans ? - Oui !”) de l'argent de poche. Ils m'accueillent tous avec confiance. Je dis : “Dans l'histoire que je vis, je suis juif. D'ailleurs, en vrai, je suis juif. - T'as l'air d'un flic.” Mais ils me croient, ils m'apportent à lire des livres pour enfants.
J'aimerais être débarrassé de tout souci adulte et redevenir un enfant.
GOSPODA POMILOUYI
UTILISÉ
58 05 22
Suis allongé dans une vaste salle avec des candidates, nous attendons que l'examinateur nous appelle pour l'oral. À l'écrit, j'ai produit un poème censé en expliquer un autre, mais je me demande s'il ne faudrait pas le commenter, tout de même. La fille de l'examinateur, sur le lit de derrière, me laisse entendre finalement que cela vaudrait mieux. Ce dernier passe et choisit ses candidats, je me signale car c'est mon auteur... Je rejette mon drap et apparais, comme les autres, en pyjama. Mais il m'ignore. Je me confie à l'une de ces grandes filles dont j'étais si dévotement amoureux à Tanger. Un nommé Serfaty, que j'ai bien connu, me téléphone, et me prodigue aussi des conseils. Atmosphère d'extrême confiance, d'extrême tension, de danger. "Danger à Tanger". UTILISÉ
58 05 29
Je voyage en voiture, de Béziers vers le Massif Central, et m'arrête assez tôt (une vingtaine de km). Comme j'écris assis à une table de bistrot, une jeune fille me confie ses manuscrits, que je me mets à lire. Ce sont des cahiers d'écoliers, assez dépenaillés. Elle attend mon verdict. Ça m'empêche de composer, sa prose n'est pas mal, mais sans plus. D'autres nous rejoignent, de 18 à 40 ans, un chauve ahane contre une table à ma gauche comme s'il la tronchait et je dis : “Il baise la table ?” Rires, gêne. Une autre jeune fille lit mes écrits sur les rapports avec les femmes. “On voit bien dès le premier abord que vous avez des problèmes avec les femmes. - Oui, j'ai une tête de con.
C'est cela.” Nous rigolons en camarades. Deux ou trois jeunes filles se donnent rendez-vous au cimetière pour se tripoter entre elles. “Tiens, dis-je, le rendez-vous au cimetière, je n'y avais jamais pensé, il faudra que je l'utilise dans mes écrits.” Cependant je sais que je n'en toucherai pas une, comme d'habitude. Nous montons sur un plateau puis en redescendons à pied, comme si j'étais du coin, et du groupe. En montant je chantais admirablement de l'opéra en faux italien, puis en mode tyrolien ; en redescendant, j'empêche les demoiselles de trébucher, commence “Travadja la moukère”, chanson reprise par un trentenaire qui avec moi tente de mettre le groupe au pas, mais ça reste pagaillique.
Le groupe en bas de pente bute sur deux chevaux à belle crinière blonde, et nous disons : “C'est la cavalerie”. J'aimerais bien quitter ce bourg où nous sommes revenus, même sympathique : “Je remonte vers Nant, Rodez” - on ne me croit pas. Le groupe me conseille d'aller voir les ermites, des fous qui vivent tout nus en plein hiver sur les montagnes au-dessus d'Alzon. Il me rattrape alors que je remonte la pente vers ma voiture garée là-haut ; chemin faisant je passe sans m'arrêter (c'était bien tentant) devant une bouquinerie qui vient d'ouvrir et que je n'avais pas vue à l'aller. Cette cité me semble de plus en plus riche intellectuellement, et intéressante, les autres m'entourent et discutent entre eux mais sans m'exclure, me sera-t-il possible de reprendre ma “route solitaire” et de parcourir une étape suffisamment longue avant la nuit ?
Car je vois bien que tout le monde a l'air bien parti pour une bonne bouffe amicale et une soirée plutôt arrosée, puis prolongée... UTILISÉ
58 06 15
Deux énormes panthères, mâle et femelle, passent d'un canapé à l'autre pour dormir. S'ils se réveillaient, ceux qui viennent me consulter dans mon étroit cabinet et moi-même risquerions gros. L'équipe du film “Pourquoi tu pleures” - des juifs donc – vient me voir. Grande séance de vidéos. Je me mets en pleine lumière, les yeux fermés. Je ne suis pas admis à leur cantine, dans l'autre pièce, sévère, nourriture cachère. L'un d'eux m'a pris en sympathie, me remmène pour retrouver ma voiture. Je dis : “Elle est derrière toutes ces étendues d'eau.” C'est un lac urbain, mais eux pensaient à la Mer du Nord; d'où leur hilarité. Mon accompagnateur m'abandonne pour aller chercher sa voiture à lui. Un type en double un autre à l'entrée d'un pont et me broie presque la jambe. Je ne suis pas arrivé à franchir ce pont, rien n'étant prévu pour les piétons. Quelle idée aussi de descendre les escaliers…
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58 07 13
Je conduis un autocar de Bordelais depuis le Médoc, tantôt au volant avec GPS, tantôt de l'extérieur, en cliquant sur un symbole avec un pointeur. Je ne me démerde pas mal en campagne, puis cela se complique à l'arrivée en ville, par le nord. Le véhicule devient peu visible sur l'écran. J'arrive encore à l'arrêter aux feux rouges, mais deux fausses manœuvres se succèdent, provoquant un puis deux attroupements, symbolisés sur l'écran (la voix du GPS me le précise, puis l'on voit des petits points humains). J'espère que les Bordelais regagneront leur domicile par leurs propres moyens...
Redescendu de mon volant, je me fais engueuler par un sous-patron basané à l'accent espagnol incompréhensible, qui me dit, méprisant : “Et que je ne vous revoie plus lundi. Avec votre petit col glacé de merde...” (une chemisette en satin...) Aux chiottes, je médite sur un dialogue que j'aurais pu avoir avec un accusateur : “Il faut bien que je me trompe une fois”.
...Or, je n'avais pas droit à la moindre erreur. Ce rêve a fini en cauchemar.
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58 08 08 Je retrouve Brigitte Giraud dans une vieille chambre d'étudiant à l'ancienne. Annie est déjà là en arrière-plan et ne cesse de grommeler discrètement. Nous n'avons pas très envie de partager la même chambre Brigitte et moi pour cette rentrée. J'encombre sa table pour chercher un hameau sur la carte. Elle fait brailler sa radio, style variétoche Sylvie Vartan. Elle a retrouvé sa jeunesse et sa beauté, blonde éclatante, toute en rouge. Elle prétend ne pas avoir besoin d'aide mais déclare, en alternant raideurs et tendresse, qu'elle va m'aider, elle. Pour moi, je me trouve égalemen coincé en voiture à flanc de falaise au-dessus de la Méditerranée en plein cagnard, et je dois détacher du roc la scupture en haut relief d'un sanctuaire, mais le burin est émoussé.
Or je dois atteindre au sommet une église orthodoxe à trois bulbes magnifiques, faisant l'inventaire des sanctuaires du cru. Et je cherche aussi le hameau sur la table que je partage avec Brigitte Giraud. Sur le palier (on entend tout) parlent très fort des hommes que j'imagine en costumes sombres et chapeaux. Je pense aller leur demander moins de bruit, mais Brigitte et moi nous en retenons, car ce sont “de riches bourgeois”, nos propriétaires sans doute, qui nous attireraient des ennuis, nous expulseraient peut-être. Brigitte et moi sortons dans la rue, moi en longue chemise bleue sans rien dessous, pour chier de conserve dans des WC publics. Nous nous jetons un coup d'œil satisfait dans un haut miroir extérieur.
Annie est restée à râler toute seule dans la vieille chambre. Je n'ai identifié Brigitte qu'au réveil... UTILISÉ
58 08 12
Partons Anne et moi de chez mes parents pour passer quelques heures à l'hôtel afin de revivifier nos ardeurs amoureuses. Nous sommes logés dans une alcôve donnant sur une brasserie, tout le monde sait ce que nous allons faire là-dedans. Cette alcôve a des rideaux ("Nous ne restons que l'après-midi !") qui ferment mal et se déchirent, parce qu'ils glissent sur des barbelés. Je serais assez disposé, mais il s'agit, d'un seul coup, de Sonia, qui nous fait ressortir, traverse une étendue d'eau où l'on a pied la plupart du temps. Elle m'éclabousse, montre beaucoup de joie, de jeunesse et d'énergie. Elle veut que je lui vole une poupée à l'étalage (il suffirait de faire coulisser une vitrine arrondie en plastique), se fait chiper une boîte d'allumettes par un Japonais qui demandait du feu mais la récupère un peu plus tard en la lui resubtilisant avec le sourire.
Et moi je déplore de ne plus être jeune, de n'avoir jamais été audacieux. UTILISÉ
58 08 13
Dans un CDI en restructuration, une vieille documentaliste. Je dois monter un volume dans des étagères au-dessus de lits superposés. Je l'embrasse. Lippa aussi, il n'y a pas coïncidence des deux désirs. Je suis déjà venu dans cet endroit, avec Sonia transformée en vélo dans une impasse et David en automobile : village en fête, prenons congé d'une famille d'accueil chez qui nous nous sommes introduits. Ecoutons un vieil ivrogne pris d'eau-de-vie. Un phénomène survient dans le ciel. Démontage d'immenses chevaux de bois. Ce rêve, retranscrit à contrecœur, me semble très dangereux. UTILISÉ
58 10 08 Salle des profs un jour de rentrée. Une jeune femme me dit : “Je sais que tu es à moitié sépharade à moitié askenaze, mais comment fais-tu pour être dans la (ici un mot hébreu (“téchouva”?) que je ne comprends pas)” .Je réponds évasivement après avoir dit que je serais net...
Repas, un jeune homme me dit : “C'est comme si je disais que je n'étais pas pédalo”, or il l'est. Sourires réciproques. Lui raconte “la différence entre un juif et un pédé ? ils partent dans la même fumée.” Nous sommes aux environs d'Athènes, dans une ville côtière. Je monte sur une échelle double en métal rouillé, menant à une rue de village pensais-je, mais qui redescend dans une immense propriété privée. Seule Sonia m'a suivi, alors que des voix voulaient m'en empêcher en criant “Malheur !... Malheur !...” Il se déroule un immense repas d'anniversaire. Après avoir parlé au jeune homme qui me draguait, je sors pour trouver des toilettes.
Des chiens me suivent en parallèles. Des écriteaux que je vois ne portent pas le mot “toilettes”. UTILISÉ
59 01 08
En famille, y compris la grand-mère Fernande. Annie ne va pas bien. Me dit que plus je suis forte, plus elle est forte ; plus je suis faible, plus elle est faible. Je lis, au fond du jardin de Guignicourt. La grand-mère soigne des ruches menaçantes ; le bourdonnement s'intensifie parfois de façon inquiétante. Les abeilles sont noires comme des mûres. Pendant que je lisais, Annie s'est heurtée à toute la famille. Sonia et ma mère viennent m'avertir que lundi, ma femme sera internée, car elle devient incohérente. J'arrive à maîtriser mon exaspération après avoir confondu deux citations à recopier dans mon carnet. J'avais tout rayé, puis colorié par sections de différentes couleurs. Je cherchais aussi une rue sur un plan, en sortie de ville, après des montées.
Je suis revenu en protestant à la maison : pas question qu'Anne soit internée, ou je la fais ressortir dès le premier jour de notre retour. Je suis très déterminé. UTILISÉ
59 01 13
Au collège de Meulan. Mes cours de français (deux heures) n'ont pas été préparés. J'escalade une échelle, clenche la porte : c'est fermé. Mme Martin n'a pas fait le nécessaire. Vers ma classe au 1er je me bricole un cours sur l'intervention de l'OTAN à Sarajevo. D'autres portes sont également fermées, cependant des élèves me rejoignent. Par les baies du couloirs, ces derniers (1es ou Terminales) me désignent : “...Des gens comme ça...” ; mais ils parlent aussi d'autobus bondés, entourés de CRS en noir. Ceux-ci devraient nous protéger mais il n'en est rien. Une voix m'explique:”Ce sont de jeunes domestiques venant attaquer le lycée, rosser les élèves.” Tous ceux qui n'ont pu réussir leurs études et qui mangent de la vache enragée dans des emplois sous-payés.
Ils débordent littéralement des bus. De telles attaques se sont déjà produites ailleurs en France. Je veux dire qu'il s'agit là du résultat de la politique sarkoziste, qui dresse les catégories sociales l'une contre l'autre. Les élèves ont l'air de dire “cause toujours” et m'entraînent dans leur fuite. J'espère qu'ils ont refermé derrière eux car les ratés vont trouver la faille et nous tuer. “Exactement comme lorsqu'on rend la bague perdue à une jeune fille et qu'on la viole”. Ils acquiescent et tout le monde se bouscule vers les étages supérieurs abandonnés. Je sens bien que les élèves, dans le fond, sont d'accord avec les attaquants. Ils me persuadent de laisser là mon portefeuille, puis réflexion faite je me le fais rendre : je veux mourir sous mon identité.
Je veux prendre un escalier montant, souhaitant que l'on ne me suive pas, car on me livrerait. Je me réfugierais derrière les portes en bois des chiottes palières et on m'abattrait en tirant dedans. L'escalier est délabré. Le danger extrême. Certains me suivent, j'espère qu'ils se répartiront dans les vastes étages à l'abandon. Tout est si grand que je trouverai bien à me planquer au 2e. Tant pis pour les massacrés… UTILISÉ
59 01 30
Annie a voulu que nous partions à Berlin, où malgré mon âge on m'a donné un poste au Lycée français. D'abord nous logeons dans un hôtel très cher à l'écart, style quartier de la Défense. Nous allons au Lycée par le bus, de nombreux monuments intacts s'offrent à nous. Je déclare qu'à Vienne comme à Berlin tout vient avec dix ans de retard. Pas content du tout de reprendre du service, ensuite de se faire virer. Essaierai de n'être d'aucune faction. Annie se rend en classe à ma place, je le dis aux collègues assis contre le mur qui rient sympathiquement. Un élève débile et très fort terrorise tout le monde. Il me prend par les genoux et veut flirter. Des profs embrassent des travelos barbus, et le débile, déguisé en dromadaire.
Je me sens exilé, incapable. Annie est ravie. J'appréhende de retrouver des Rossi-Calori, ma pire élève. On m'a logé salle 101, il ne restait rien d'autre, je devais me loger en fonction de mes possibilités financières. Je suis désolé d'avoir dû rompre avec mes amis et mes habitudes de Bordeaux. Nous nous sommes acheté des sandwiches, et une sono diffusait des Ave Maria... de fantaisie. Je retrouve deux femmes avec lesquelles je flirtais à Bordeaux, pas la peine d'avoir voulu les éviter ! UTILISÉ
59 02 04
Descendant la rue d'un village trop connu, je repère sur le mur délabré d'un lavoir une affiche de Bresdin ou apparenté ayant emprunté un dessin d'Annie. Je me rappelle lui avoir dit qu'elle devait se sentir flattée mais elle a fait observé que ce n'était pas signé. En bas de la pente s'ouvre un diverticule remontant. Il est possible aussi de regagner le haut du village par un immense arbre. Mais je manque de souffle pour l'escalader. La pente est trop raide aussi ; je longe un petit mur cimenté où s'ouvrent, à hauteur de mon visage, des orifices dégageant de petites explosions de fumée, dissuasives. Comme cela pourrait s'accentuer et que je suis déjà fatigué, je redescends. UTILISÉ
59 04 28
Dans notre chambre, au lit, gît un malade, grand, assez âgé, cheveux gris. Il a laissé à fond un transistor avec des infos en arabe. Je baisse le son. C'est un ancien directeur des postes. Le bureau nous a laissé un diagnostic de cancer aggravé au diagnostic redoutable. Des adolescents de 15 ans se pressent dans la chambre à n'y pouvoir remuer. L'un d'eux me dépasse déjà de je ne sais combien. Il m'est demandé si ça ne me fait pas drôle d'être dans un corps si grand et gros. J'explique que non, que pour un homme de mon âge, 55 ans (j'en ai 67), ce n'est pas trop gros. Accueil dubitatif de ma phrase. Je dis à un autre, qui ne trouve pour s'assoir que le rebord de la fenêtre, qu'il vaut lieux quelque chose de dur sous les fesses que dans les fesses.
Cécile est venue en stop de Pessac avec un conducteur très jeune. Elle est toute rose avec des bouclettes, mais trouve que je ne remarque pas assez son changement de coiffure. Nous retournons dans la chambre, le vieux malade s'y trouve encore. Il ne respire plus. Annie retourne les draps et l'entraîne en même temps, il retombe en chiffe en libérant de longs cheveux blancs de poupée (Annie l'avait auparavant tâté, ne l'avait presque plus trouvé chaud, et s'était retirée avec répugnance) : je propose alors d'appeler un médecin. Annie pense qu'il vaudrait mieux que ce médecin soit une femme. Mais l'homme n'est toujours pas mort ! Nous ne pouvons pas coucher en même temps que lui !
M. Lebourg de Meulan ne veut pas de médecin, c'est lui le gérant de l'hôtel, il va bientôt prendre sa retraite. Rien n'est décidé. Nous espérons que le vieil homme va du moins se remettre à respirer normalement. UTILISÉ
59 06 13
Je passe un oral d'agrèg, ayant été dispensé d'écrit. L'examinateur me remet un très vieux livre mal relié, de Thucydide. Je voudrais bien en acheter un semblable. L'examinateur reste de marbre. Il m'indique d'un mot grommelé le début de mon texte : Ἴαρτας. Or mes connaissances ne me permettent pas de retrouver ce nom. Je feuillette les vieilles pages sans succès. Il me dit : "C'est dans les écrits de jeunesse". Alors j'erre dans le bâtiment, immense, aux salons luxueusement parquetés. Des fauteuils rouges ou pourpres sont en carré, avec des numéros semblant correspondre à des notes : 0,5 – 5,5 – 8,5. Des lecteurs vont de ci de là. Quand je reviens, une candidate m'a remplacé, d'autres attendent, parmi lesquelles une demoiselle "Mélenchon". Je ramasse mon cartable, l'examinateur ne me salue pas, je n'ai pas proféré une parole. Je redescends les étages, passant d'une salle à l'autre, immenses, toutes boisées.
Auparavant, un de mes amis avait voulu demander une chambre d'amour pour son copain et lui, sans connaître la procédure d'obtention ; l'autre, en pleine dépression, était désespéré. Il m'avait été impossible de m'empêcher de pouffer : "Quoi ! Tu veux demander une chambre devant un film télévisé, et tu ignores la démarche administrative ?" Les lits sont rouges, larges, ronds, fréquemment utilisés. UTILISÉ
59 07 02
En voyage avec Annie, qui se réveille tard et veut s'arrêter presque tout de suite pour le déjeuner. Elle s'engage à pied dans une impasse au bout de laquelle se tient un supermarché. Je l'attends au volant en grognant, des voitures me frôlent pour sortir de l'impasse car je suis mal garé. Très vite nous nous retrouvons dans un restaurant, à une table ronde où discute déjà tout un groupe. Ce sont des comédiens locaux déjà bien connus dans le quart Nord-Est. Ils parlent d'un gros bourg dont les habitants, par alternance, pratiquent une mise en avant, puis un retrait. Je dis que cela me rappelle les Amazoniens de Johann Strauss, puis je me reprends, non sans me récrier bruyamment sur ma sottise retentissante ! je voulais dire Lévy-Strauss...
Ils n'y croient pas tellement, car ils ne connaissent pas Lévy-Strauss. Au bout de la table le costumier présente des oripeaux verts ; un autre homme vient d'une table voisine vêtu d'oripeaux comparables, mais pour la pièce suivante, qu'ils projettent. En repartant, j'avise les petits-beurres sur une table, et j'annonce à un client que je ne les prends pas, que je n'ai plus faim. Nous partons à pied avec une jeune comédienne charmante ; Anne discute avec elle. Cependant je cours dans les feuilles mortes sur le bas-côté d'une route très fréquentée, sous des surplombs de rochers semblables à la Grotte de Lourdes. Un homme nu (sauf le slip en nylon) déambule au centre de la circulation routière très dense.
Je distance Anne et la comédienne, qui s'est fait inviter pour la prochaine Fête des livres, car elle est vraiment plus jeune que nous. Nous n'avons pas pensé à lui demander la route la plus courte pour gagner Marseille. Nous l'avons perdue derrière nous, j'ai pris les devants. Nous arrivons dans les faubourgs d'une grande ville, Le Puy... mais qui ressemble à Bayonne. Nous rencontrons deux jeunes hommes très grands, en qui je reconnais deux visages de mon enfance, mais sans pouvoir les identifier. Le premier, lui, m'a parfaitement reconnu, refuse de dire son nom et se retire pour m'éviter. Je demande au second s'ils n'étaient pas l'un et l'autre mes persécuteurs, jadis. Il le semble en effet, il m'évite à son tour.
Annie me dit que s'ils sont assez mufles pour nous traiter ainsi, cela ne vaut pas le coup d'essayer de leur reparler. Nous entrons donc dans Le Puy en Velay, ville très animée. UTILISE
59 07 12
Je rentre de voyage par Nîmes. Cherchant à glisser mes manuscrits dans les boîtes aux lettres. Pénétrant dans les cités sans trouver. Même dans les classes, où je discute avec deux garçons de 6e qui m'avertissent que mon pantalon est coincé dans ma chaussette, et que je suis mal habillé : "J'en conviens : je marche dans les buissons", etc. L'instituteur arrive et interrompt ma conversation. Pour ressortir je devrais appuyer sur un bouton vert. Le caddie que je continue à pousser devant moi entrave la manœuvre, mais je finis par passer la porte. Un gros métis m'aide. " Pourquoi est-ce si étroit ici ? - Parce que c'est le bâtiment E 3." Je me fous de lui et il se rend compte de l’absurdité de sa réponse.
Puis dans une autre cour, un étal de gants et de portefeuilles se fait couvrir de merde par u n chien. Le propriétaire s'exclame qu'il est foutu et lâche son chien à lui sur le coupable, tenu en laisse par une quinquagénaire bon chic bon genre : "Je sais" dit-elle. Cependant le maroquinier a disparu dans un immeuble. J'y pénètre pour le retrouver, une femme en se retournant m'indique le 11e étage (je voulais assurer à cet homme que j'avais tout vu et me proposais d'en témoigner). Impossible de trouver l'ascenseur. J'y renonce, repasse par la cour, très pittoresque par sa répartition architecturale des pleins et des vides. Un bâtiment est occupé par une association caritative catholique. En remontant, je fais le tour d'une place ronde en automobile, rate une rue, refais le tour en pensée en souhaitant que cela suffise.
Un éléphant erre sur les terre-pleins sablonneux. Il poursuit mollement certaines personnes, puis son propriétaire vient le chercher sous les applaudissements. L'animal entraîne un grand drap. Il nous poursuit à notre tour, je dis par plaisanterie que nous aurions dû porter un panneau "non-chasseurs". Je me retrouve coincé dans une rangée d'arbres noueux qui dominent un boulevard en contrebas. Des gens y sont suspendus, c'est leur promenade du dimanche. Il ne faut pas tomber. Quoique non habitué je parviens plus ou moins à reprendre l'équilibre en m'aidant des branches (d'abord c'est difficile, en raison de mon âge). Comme on est en période électorale, les gens me prennent pour un candidat qu'ils viennent d'entendre dans une réunion, et me plaisantent sur la capacité de mon parti ou du parti adverse de se rétablir.
Un professeur de philo me donne 4 ou 5 livres alors que je suis déjà surchargé, les ouvrages que je distribue ne me soulageant pas assez vite. Je refuse l'auteur "Lejeune" et tente de me raccrocher aux branches. Le philosophe me tire de là et nous discutons sur la terrasse à côté des urinoirs. Il me demande ce que je fais en voyage et m'incite à rentrer chez moi. Je sors alors mon couplet sur les vingt ans à Bordeaux, toujours la même poussière, les mêmes lieux, les mêmes gens. "Aimez-vous les immigrés ?" Je réponds que non. "Pourquoi ?" J'évoque leur cruauté, alors que des personnes, dans les arbres, auraient pu essayer de me percer une couille avec une épingle. Il me demande où je vois les exactions des intégristes (couper un doigt de pied...), force m'est de constater qu'il ne s'agit que de craintes. Je me dirige vers la pissotière où ma corpulence m'empêche d'entrer, et je pisse en disant : "Vous voyez, s'il y avait eu un Arabe, là, il serait venu me tâter les fesses".
UTILISE
59 07 17 A Andernos, au lycée. Je m'occupe de quatre garçons de 6e, dispersés dans la classe. La leçon porte sur un texte à mon avis intéressant ; je leur fais écouter le premier morceau d'un disque, et le début du deuxième (groupe "Simply Red"). Je finis par les regrouper près de moi. L'un d'eux, interrogé, s'en fout visiblement. D'autres se sont installés en terrasse, les plus proches nous écoutent, se pressent à nos côtés. Je dis : "Ce que vous avez entendu" (je marque sur la table un rythme très rudimentaire) "c'est de la mu-sique ; et si vous ne répondez pas mieux que ça, vous n'allez pas remonter votre moyenne". Moqueries et menaces bonhommes... A côté, foule ; queue pour un téléphone à pièces, un fil serpente au sol et fait des boucles autour des pieds, je parle d'une "chasse à l'homme". Il est 1h 25. Le parking (et au-delà) est encombré de stands extrêmement serrés. La foule y circule difficilement. Il me faut à manger, les fruits d'étalage sont énormes. Passant et repassant devant un restaurant sous tente à 15€, je me décide à commander une pomme. Une femme rougeaude m'apporte une tasse sale et ébréchée où clapote une sauce brunâtre : "15 €". Je refuse de payer. Elle remporte la tasse, revient m'expliquer qu'on ne peut me rendre l'argent (d'ailleurs je n'ai pas payé...), parce que ça m'incitera à revenir, comme si je devais me faire couper un bout d'intestins à Andernos ou par un chirurgien local. Les propos de la grosse rougeaude mal fringuée me deviennent de plus en plus confus, ainsi que ceux d'uun couple âgé qui se mêle de la conversation et semblent donner raison au restaurateur (ce dernier ne peut ou ne veut se déplacer). Je dis que j'en ai marre, que je recommence à travailler dans 1/2h ; j'ai même craint que mon heure de cours ne soit déjà commencée). Tout le monde semble de bonne foi, et je continue à réclamer 15€ - payés d'avance, je m'en souviens à présent. Je prolonge mon rêve dans l'espoir qu'on me les rende… UTILISÉ
59 07 24
Gare de Rome. Avec Guy Simonin, attendons Marie-Laure, du train de Paris. Elle
pas. Je parcours les deux côtés du train. Des larmes me gagnent. Guy est sorti pour discuter avec d'autres : je fais signe en ce sens à une autre passagère, qui s'en montre rassurée. Ma recherche est interminable. Avant d'être une gare, ce bâtiment était l'atelier rue David-Johnston, qui se transformait progressivement lorsqu'un train y pénétrait. Puis me voici dans un grand Opéra où se creuse, au milieu du parterre, un gouffre. À chaque problème grave, le gouvernement y descend sur un plateau soutenu par un palan. Cette fois-ci, c'est très impressionnant. Se trouvent sur le plateau Sarkozy, Jospin, et un troisième de cette importance. Tous admirent le courage de ces hommes, et par curiosité je dirige ma lampe de poche dans le puits au-dessous d'eux. Or, arrive en bas, le Président est acclamé par une trentaine de personnes qui l'attendaient. Quand nous ressortons, nosu nous trouvons sur l'Acropole. La circulation est intense, contrairement à la réalité. Je cherche à téléphoner à mes parents ; pour cela il me faut un coin tranquille, et les grands hôtels gardent leur porte fermée. Découverte d'une poutrelle de ciment qui dépasse. Une infirme est guidée par ses proches pour ne pas tomber. Le Parthénon est retenu par du ciment encore frais, à sa base. Le vacarme des camions devient insoutenable dans ce creux qui concentre tous les échos discordants. Et quand je vais former le numéro, la terre se met à trembler, je risque l'engloutissement, je panique et me réveille. Les camions, c'étaient des ronflements. UTILISÉ
59 07 30
Me retrouve dans une réunion d'amis, la plupart juifs. Fais semblant de connaître tout le monde, embrasse sur la bouche une jeune fille qui se laisse longuemenht faire. Discussions avec Renaud sur un livre concernant une enclave israélienne, qui m'a été passé par quelqu'un qui n'aimait pas cela. Aimer ou non un livre dépend aussi de ses orientations politiques ! On m'entend beaucoup, j'ai le verbe haut. Pour je ne sais quelle raison (Renaud est devenu Terzieff ?). Ce dernier se voit condamner à deux jours d'enfermement. Tout le monde l'accompagne. C'est une espèce de pigeonnier circulaire. Sur le chemin, Terzieff se plaint d'être condamné à la forteresse : "C'est Dantzig!" Je vais avec lui, le sol est sale, je montre qu'on peut escalader les grilles, il le fait, je lui demande s'il dépend des autorités militaires, il me dit que non, mais que ses crises psychiques le placent sous dépendance médicale. Ce traitement lui est nuisible. C'en est un autre, exactement opposé, qu'il lui faudrait, autorisé seulement à l'étranger. En ressortant de là, je dis que s'il avait un
portable, évidemment, ce ne serait plus un cachot. Terzieff devient mon ami. Une femme plus âgée que je prends un instant pour sa mère avoue qu'elle n'a pas pensé à s'en pourvoir. La fille que j'ai embrassée me retend son visage et déclare : "Je suis le péché". Elle semble pourtant extrêmement pure. Je lui cite du Baudelaire. Nous repartons tous dans un grand autocar de 20 personnes, mais dans une pente les freins ne sont plus très sûrs. Tout le monde parle, excellente ambiance, (…) UTILISÉ
59 08 03
Repas avec Manset et d'autres, B. à l'autre bout de la table, qui se désappointe de ne pouvoir lui parler. L'assemblée est moins nombreuse qu'il ne semble, car des miroirs de part et d'autre entretiennent l'illusion d'optique. "Et quand je me suis reconnu, j'ai bien vu que nous étions entre deux miroirs." Manset me tutoie et nous parlons de ses chansons avec beaucoup d'animation. Il est remplacé par un autre chanteur, blond, mèche de cheveux, très affable lui aussi, que nous sommes également très contents de voir, même si nous ne savons pas son nom. Je prends la place d'Annie pour me trouver au plus près de ce nouveau chanteur. Elle a pour voisin un petit enfant. Juste avant ou juste après cette séquence, elle avait tenu à me faire incruster dans l'ongle une vignette de Gérard Manset, et nous avions pour cela consulté un grand médecin, Giscard d'Estaing, 50 ans, portant beau, élégant. Il avait fallu me limer l'ongle, l'enduire, le panser, et rester immobile 50mn, un genou en terre. Le chien de Giscard avait bouffé le pansement. Mais la greffe avait déjà bien pris, quoiqu'on ne dût l'obtenir qu'après dissolution progressive d'une couche protectrice. Avant de partir, je regrettai que nous ayons laissé le bureau dans un tel état de désordre, mais j'ajoutais que ce meuble n'était sans doute pas celui où il recevait ses patients. Peut-être alors seulement somme-nous allés au banquet décrit plus haut. UTILISÉ
59 08 21
J'ai enlevé une jeune fille de bonne famille et nous errons tous deux dans les environs. Mais notre itinéraire nous rapproche de la ville périgourdine où elle vivait. Des travaux sont effectués pour agrandir un bar-tabac. Ses vitrines de voitures occupent déjà un angle aigu dans la rue même. Les rapports entre nous sont tendus et maussades. Elle va faire une course, et c'est un beau jeune homme brun qui la remplace. Il porte des chaînes d'acier au cou. Il m'interroge sur mes motivations, me montre des photos que je porte sur moi : l'une d'elle vient d'Afrique noire où l'on voit dans la rue des femmes voilées parmi d'autres personnes. Dans cette ville mon père fabriquait des rails de chemin de fer pour Dakar et Abidjan. "Y es-tu déjà allé ? - Oui. - Tu as de la veine", dis-je au jeune homme. "Tu ne serais pas un peu flic ? - Si." Il me montre également quatre photos sur une seule feuille. Je m'y vois moi-même, deux fois ; et deux fois mon père, que je ne reconnais pas. Il me propose de participer, dans une expression différente, à un atelier d'écriture thérapeutique. Les documents qu'il apporte sont bien colorés, ils me convainquent : ainsi, je serai dirigé, épaulé, même si mes écrits ne risquent guère d'être connus en dehors du cercle psychiatrique. La jeune fille est repartie chez ses parents comme il fallait s'y attendre : le jeune flic bronzé l'en a persuadée. UTILISÉ
59 09 16
Je suis un petit garçon de l'Antiquité. Avec d'autres, nous devons représenter des scènes de textes qui sont lus, devant un maître exigeant. Chacun s'efforce de lui plaire pour obtenir ses faveurs. Je réussis pleinement mon rôle, qui consiste, à la fin d'une histoire, à recevoir un grand jet de sauce à travers la figure. C'est tantôt un épisode tantôt l'autre d'une histoire qui doit être jouée devant lui. Il m'accuse d'avoir ri exprès, avec complaisance. Nul ne sait exactement ce qui lui plaît. UTILISÉ
59 11 09
Avec un groupe d'élèves j'erre dans les couloirs à la recherche d'une salle pour donner un cours d'allemand, pas préparé. Le bâtiment a été rénové, les numéros ont changé. Heureusement les élèves s'y retrouvent. La salle est immense, occupée par une vaste piscine où la réverbération des échos oblige à hurler. C'est moi qui reçois le cours ? Des "Lettoniens" sont là, et parleraient allemand... Cinq garçons rougeauds skinheads exhibent des marques de coups sur leurs profils. Très loin, un enseignant parle dans un micro derrière une immense vitre. Avant d'entrer, j'ai laissé dans le couloir deux grands couvercles de cuisine en métal ; on ne me chipera pas ça ! Dans cette piscine pédagogique (l' "immersion" linguistique ?) je me sens complètement perdu : Stéphane, à travers une autre vitre, m'a montré que le cours se donnait dans mon dos...
Je renonce à me faire entendre, enragé contre un renouvellement si brutal et si stupide de la pédagogie. L'accompagnateur des Lettons (Tékoutcheff) m'adresse la parole en anglais, je réplique en allemand hésitant, pour dire que je m'appuie tout le ménage chez moi. Impression d'impuissance et de submersion totales. UTILISÉ
59 11 12
Après une discussion souriante sur le bien-fondé de mes voyages, Anne et moi nous quittons, et je prends la route, au sud de la Dordogne. La route n'est pas très large mais il fait beau. Je dois m'arrêter dans un petit bourg pour faire connaissance d'un notable qui aidera à promouvoir ses tableaux, j'en ai un avec moi. Au café, ce sexagénaire bien en chair s'entend avec moi, me donne son adresse en cure dans le Jura, fait allusion à ses ennuis de santé. Me redonne son adresse jurassienne, mais oublie la sienne propre. Des enfants sont venus avec leur instituteur s'installer dans le bar. Je parle au bistrotier en plaisantant de ce "malotru" en montrant mon homme qui se marre, nous nous quittons amis.
Il faut que je décharge des ordures de ma voiture "dans une forêt", "dans une déchetterie" rectifié-je devant les sourcils haussés du bistrotier. Mais quand je ressors, le tableau sous le bras, plus de voiture. On me l'aurait volée ? À pieds, mais comme si je flottais, je prends d'autres rues, vois une église, ne reconnais rien. Des Allemandes très blanches appuyées à leur clôture se sont retroussées, montrent leurs cuisses immaculées et dodues. Je m'assois en terrasse de restaurant, demande où je suis : j'aimerais reprendre ma route car ma femme se demanderait comment il se fait que je ne sois pas plus avancé que cela. J'interroge de dos une cliente qui répond avec l'accent anglais qu'elle va s'installer ici, au lieu de me dire le nom de cette agglomération. "Cette ville oou l'autre", poursuit-elle. Je plaisante sur l'accent du coin, "Velcôme cong", puis m'adresse à d'autres convives à qui je révèle que je suis "fonctionnaire en retraite, ce qui est le comble du romantisme". Les yeux écarquillés, ils ne répondent pas, et j'ignore toujours où je suis, ainsi que l'endroit où ma voiture a bien pu disparaître.
Bref, j'ai bien fait du charme à tout le monde, mais (l'Anglaise ayant dérobé sa tête à une caresse), sans obtenir de résultat. UTILISÉ
59 12 13
Ma grand-mère Fernande détient un cadavre à l'étage. Elle ne veut ni prévenir la police ni s'en débarrasser. Prenant un repas chez elle, je la presse de se décider. Ça sent une drôle d'odeur, bien lourde. Je répète : "Ça sent ! Ça sent !" Elle finit par m'envelopper dans le couvre-pied qui a servi à recouvrir le cadavre, une étoffe humide de jus suspects. Je hurle sans parvenir à me défendre de cette étreinte. UTILISÉ
59 12 23 En revenant de voir la belle-mère, nous manquons un embranchement et nous nous retrouvons ("Je sais où je vais") au bout d'un chemin qui s'efface dans les blés en herbe. Après un demi-tour, nous entrons dans une maison bien tenue mais déserte. Anne va aux toilettes. Arrivent les propriétaires du lieu, une grande blonde bouclée à l'air niais et un petit taurillon avec une tache de vin sur la figure. Je m'avance vers la femme surprise, en lui demandant de nous excuser pour notre invasion : ce couple était allé promener leur petit Dimitri, petit brun mignon. Le mari nous raccompagne avec fermeté. En ressortant, ma femme me montre un sablier qu'elle a chipé, "pour améliorer nos relations sexuelles" (?!), et moi j'ai pris une vieille boîte à épices percée de trous. Pour le sablier, on risque de s'en apercevoir. Nous retournons donc le rendre, prétendant que nous ne nous en étions pas aperçus. L'homme est devenu un élégant mannequin Marseillais (Giacobini) qui vient de sortir un disque. Chez lui, la bibliothèque est garnie de daubes littéraires et je pense beaucoup...
Le mannequin nous confie que c'est chiant : il n'arrive même pas à lire ces navets ! Il prend une voix susurrante : "Pourquoi est-ce que tu ne demandes pas à ta femme de t'acheter un anneau de bronze pour le passer à ta ceinture ? ...Puisqu'elle est tellement chaude, pourquoi est-ce que vous ne me montrez pas vos attributs génitaux ?" Je réponds : "Oui, je suis crétin, "crétin" attribut du sujet "je". Il semble comprendre, mais sans trouver ça drôle. Ma femme rigole, et en repartant me dit : "Devine ce que j'ai chipé cette fois ?" - c'est un immense baquet à fleurs piqué dans le jardin, taillé dans un tonneau. Là, je proteste : "Mais tu as vu dans quel état il est ? - Ce n'est pas une raison !" Nous regagnons notre voiture et j'ai peur d'être rattrapé. Cependant, je me jure bien de rapporter ce baquet pourri tout seul dès que l'occasion s'en présentera. UTILISÉ
60 01 16
Avec Anne en voiture, nous devions d'abord nous rendre à la Victoire, et nous retrouvons en plein Médoc. Arrêt dans un petit chemin, je ne comprends plus ce qu'on me dit, me heurte à des pierres d'achoppement. Anne avait envie de voir la mer à Andernos mais nous sommes peut-être aussi à St-Georges-de-Didonne. Marchons dans des rues fraîchement arrosées. Nous y trouvons des touristes, de l'animation. Anne voudrait rendre des palmes à un commerçant, mais elles nous appartenaient et j'y tiens. Pas mal d'enfants. Deux d'entre eux sur un banc. Le garçon grimé, avec une barbe abondante, embrasse sa partenaire en disant : "Finalement, quand on est vieux, ça ne change rien du tout." Cela nous fait rire et détend l'atmosphère, mais nous n'avions pas d'appareil photo. UTILISÉ
60 04 11
Dans le train qui mène à Bergerac, ambiance anti-FN exaltée, on se montre des numéros de Télérama où se relate une joute oratoire télévisée récente ; un type est caricaturé, il répète "L'avance nazie" (de 1940) à trois reprise, en avançant son poing de façon grotesque. Les gens se parlent entre eux sans bien se connaître. Je dis que j'ai hâte d'arriver chez moi pour lire le Télérama bien à l'aise. Ce qui me choque est l'invasion en moi d'un sentiment de communion joyeuse, comme si j'étais guéri d'une infection droitière, et de ma peur irraisonnée des musulmans. Monte dans le train un infirme corpulent avec trois perroquets vivants. J'aide à en monter un dans le panier, demande ce qu'il y a dans le paquet : "Un requin" répond l'infirme en s'affalant sur la banquette.
Quand je reviens (des toilettes sans doute) il veut me rendre ma place mais je m'installe sur un strapontin. Je montre un dessin à une jolie brune : "L'évêque X et sa suite ont confondu l'autel avec la sacristie, tant il y avait (selon eux) d'obscurité ; j'y suis allé, voilà ce que j'ai vu" – la page est devenue entièrement pourpre. Une autre femme, joyeuse, parcourt le train à la recherche de l'infirme ventripotent, avec sympathie. Je dis qu'il est descendu à Vergt. La femme se rassure. Npus arrivons au centre de Bergerac en empruntant une voie ferrée qui servait autrefois à un tramway. Je descends, alors que je devais poursuivre mon voyage (vers la vallée de la Garonne). Ma femme et ma mère en une seule personne m'attendent, il y a des achats à faire parce que nous allons chez Anne Faivre, "que nous n'avons pas vue depuis 5 ou 6 ans", et je dois m'adapter à cela.
Je voudrais confier mon sentiment d'intense confusion lorsque j'ai senti en moi se dissoudre mes convictions pour le Front National. Nous repartirons dans un tramway découvert. UTILISÉ
60 04 13
Deux familles pour deux filles. La première me la joue "honneur". Sa famille veut me tuer parce que j'ai flirté avec elle sur un lit. Cette fille est belle, impétueuse, et moi bien plus jeune qu'aujourd'hui. Nous sommes en danger de mort, les pièces sont nombreuses. Après avoir pris contact avec un tueur moins zélé que les autres, je suis reçu par le père qui après tout me veut bien dans sa famille en tant que "guignol". L'autre fille me fait aussi connaître son père, d'origine hongroise, extravagant, self-made man, qui me promet des biens des "deux belles-familles", qui habitent l'Alsace, où se situe cette scène. Je mange, la seconde fille me fait la gueule, ma mère m'a aussi préparé un repas qu'il faudra bien que je goûte.
Le père chante des airs hongrois, moi aussi j'ai un disque, il me propose une maison à Paris léguée par un frère sur un passeport défraîchi. Les usines se trouvent près de Chauny dans l'Aisne. Ensuite nous irons nous promener dans la campagne alsacienne. J'hésite entre les deux jeunes filles mais l'une me la joue "grandiloquent", l'autre "fadasse" : en train de lire ou de se taire. Il y a beaucoup d'argent des deux côtés, il faudra d'abord divorcer, le père hongrois me plaît bien mais ce n'est pas lui que j'épouse... il raconte des cochonneries à l'oreille de sa fille et le petit frère s'exclame : "C'est par là qu'on fait les enfants". Mais les deux filles sont bien chieuses, la Hongroise (je me remettrais à cette langue !) bien pataude et bougonne... UTILISÉ
60 04 14
De Meulan je rejoins mon poste à Paris. Au lieu de prendre l'itinéraire habituel je tourne à droite dans les lacets de la gare et emprunte les transports en commun. D'abord un autocar où je reste au fond avec beaucoup de jeunes alors que le reste est libre. Puis, bus 8, vers le sud. Descendu, je m'introduis chez des gens où je fais beaucoup rire en jouant l'idiot, il y avait là toute une famille. En ressortant je me demande si j'aime mystifier ou bien m'humilier, en faisant le bouffon. Puis me voici dans une ville de banlieue inconnue, bien que j'aie aperçu dans une trouée de maisons Notre-Dame de Paris qui semble toute proche. Je m'introduis chez un homme plus ou moins malade et sans cesse couché (c'est la tête).
Il m'a offert un petit-déjeuner et j'ai lu dans son jardin, écrivant pour finir "merci" sur la coupe transversale d'une bûche. Le fils, ressemblant et barbu, se lève et m'indique la route, mais les bus ici ne passent que toutes les heures. Il me dit que j'ai mangé des pommes. Je réponds "2", alors que ce n'est pas vrai. (Les rêves sont les seuls endroits où il se passe désormais quelque chose). Le remps est humide sur la banlieue. Je dois prendre la ligne 5, dont je n'ai jamais entendu parler. "Il est fréquenté par des jeunes gens très fiers. - Ça ne fait rien, j'ai l'habitude. À présent il est trop tard." Je demande à une serveuse le chemin, j'aimerais bien qu'elle me monte sur le ventre, elle le ferait presque. Je parviens dans un bar, parmi les herbes on me filme tel que j'étais chez le "fatigué des méninges", où je me suis beaucoup attardé, faisant comme chez moi, comme si j'étais de sa famille. Au bar, la clientèle me reconnaît et me plaisante d'avoir été ainsi filmé à mon insu. "Vous avez en somme raison", me dit un Eurasien admiratif. Je lui réponds : "Je crois, en effet", mais dès qu'il a tourné le dos, je lève les yeux au ciel pour me mettre en doute et ne pas me faire passer pour un prétentieux. Rêve frais, la pluie venait de tomber, j'errais en essayant de rejoindre mon lieu de travail, mais mon absence serait passée inaperçue. Seigneur prends pitié de ton serviteur vieillissant qui s'affole. UTILISÉ
60 04 16 (?)
Je partage le lit d'une femme qui ressemble à la fois à la petite fille de L'exorciste et à la sœur aînée de Muriel. Ses dents sont très proches de ses lèvres, qu'elle porte serrée en forme de petit mufle. Ses jambes sont couvertes de tavelures plus ou moins lépreuses, très raides et remuant sans cesse dans le lit. Elle semble avoir envie de faire l'amour et moi aussi, elle alterne aguicheries et rebuffades. Quant à moi, mon désir n'étant tout de même pas irrésistible, je me flatte de parvenir au moins à des fins partielles, car j'ai grande envie de l'apprivoiser. Elle grogne terriblement. Lorsque je m'éveille, eh bien, c'est ma femme qui rouille... UTILISÉ
60 05 07
Toilettes ignoblement sales, quoiqu'une cabine soit occupée côté femmes. Je déplace une poubelle roulante de grandes dimensions. En remontant chez moi je m'aperçois que toute une famille dont une Arabe en costume se prépare à quitter ma femme. Je m'enroule nu dans une serviette de bain et salue cette famille très aimable. Je serre des mains en évitant de lâcher ma serviette. Cela se passe dans le grand hall du rez-de-chaussée. À l'étage, Annie m'annonce qu'elle a trouvé quelqu'un et veut revendre la maison pour s'installer vers Arcachon afin de se rapprocher de cet homme. La famille que j'ai croisée se composait de sa femme actuelle, qui était d'accord. Je réponds que mon épouse aurait du mal à trouver une maison abordable dans cette région.
Cette dernière m'accorde que je pourrais loger dans une caravane. Ça ne me fait pas trop sourire car finir en région d'Arcachon me semble encore plus monotone que de finir vers Bordeaux. Des pins, toujours des pins... A côté de moi, Sonia, 25 ans, petite blonde boulotte, dont je pense qu'avec sa copine, d'ici trois ans, elles formeraient des couples, et qu'il faut profiter de sa fille pendant qu'elle vit encore à la maison. Avec une amie, elles ont allumé la radio, très fort (c'est du rock) et je la fais baisser un instant pour vérifier qu'on entend bien des aboiements de chien. Je dis : "Es-tu sûr que ça va tenir ?" Je l'espère, mais j'ajoute, pour ma femme : "Tu vois que pour ma part je ne te fais pas de scènes parce que tout rate , comme tu m'en a fait toi, chaque fois que c'était moi qui voulais partir." Elle proteste.
La femme de l'autre, toujours aimable, est remontée dans l'appartement. Je suis envahi d'une grande tristesse en repensant à tout ce que nous avions vécu ensemble. Annie se trouve avec Lauronse dans l'appartement de Meulan. Elle m'envoie acheter du tabac. J'embrasse Lauronse sur la bouche pendant que Sonia tourne les yeux. Elle et moi nous rendonc au tabac du Paradis, qui Dieu merci a changé de propriétaire. Mais Sonia n'arrive pas à dire précisément ce qu'il faut acheter. Je recompte ma monnaie dont je n'ai pas assez, je cède mon tour au suivant. Puis, dans un repli de la bourse, je découvre 70F ce qui est bien suffisant. Sonia jubile. Je passe au comptoir de l'arrière (comme aux Mureaux) et demande du tabac "Daniel".
Sonia continuant à manquer de précision, je lui avais dit qu'elle n'aurait pas à se plaindre et que sinon elle pourrait toujours former ses cigarettes par le cul. Le vendeur s'étant marré, Sonia me reproche : "Il ya des choses qu'on ne dit pas." UTILISÉ
60 05 22
Avec Brigitte Giraud, ancienne élève, plus jeune, dans une chambre gratuite à dominante bleue d'un gîte pour pélerins. Nous nous sommes seulement caressés car je suis impuissant, mais à la satisfaction des deux. Cette chambre jouxte une cathédrale où j'aimerais rejoindre un groupe de touristes religieux enthousiastes devant une chapelle interne à saint Antoine de Padoue, des gens entrent et sortent par des portails étroits. Quelqu'un nous précise que les chambres sont réservées aux retraitants, il sera difficile de la réutiliser. Brigitte m'entraîne vers la sortie, et après une montée assez boueuse nous parvenons à un bistrot plus ou moins privé. Devant une amie, B.G. me dit que jusqu'à la fin du dîner que nous avions pris la veille elle était vraiment avec moi ; ensuite, je l'aurais étourdie avec des plaisanteries incessantes. Je réponds, prenant l'amie à témoin, que je n'ai malheureusement le choix qu'entre devenir ennuyeux ou devenir bouffon. Pas de remède. UTILISÉ
60 05 24
Décide d'aller voir seul un match de foot contre une équipe d'Angleterre qu'il faut absolument avoir contemplée dans ses œuvres... La foule est considérable dans les entrailles du stade : ceux qui s'en vont, ceux qui arrivent. Je dépasse une ancienne élève (14 ans) qui me sourit, et c'est une autre qui me précède. Dans les gradins se vendent les tickets (prix : 6€50). J'ai sur moi deux billets de 10 000 AF. Le vendeur me dit : "Rangée 12, il faut jeter l'éponge après telle porte." Je parviens à une salle aux fauteuils de luxe, sans visibilité, où les gens attendent, face à des écrans luxueux – mais je n'ai pas payé pour voir un match à la télé ! Je retourne auprès du vendeur : "Tant que vous ne m'aurez pas conduit vous-même jusqu'à ma place je n'y arriverai pas". Il le fait. C'est un emplacement d'où l'on ne voit rien du tout, d'autres s'en plaignent. Un voisin entre en conversation. Je lui demande d'où vient la chanson Père Dupanloup. Il me répond qu'il a connu ce joueur, qu'il a joué avec lui, qu'il a récolté une grosse cicatrice à la lèvre supérieure (de près, c'est impressionnant).
Il avait sur ce camarade composé une chanson qui ensuite le rendit célèbre, il m'en montre les paroles, très élogieuses, mais pas comique du tout. Et comme je veux lui demander de quelle façon tout le monde en est venu à ces autres paroles grotesques, il se détourne en se retenant de pleurer : "Excusez-moi". Ses pleurs me gagnent à moitié et je réponds : "Je suis navré". Mais il ne faut pas se faire remarquer. Or, les gradins s'ébranlent, nous voici tous dans un wagon automatique , devant rejoindre un emplacement d'où nous pourrons voir le match. Tantôt le train s'arrête, tantôt il repart, mes compagnons de voyage ne semblent pas inquiets, j'aurais bien envie de déconner mais il faut se fondre au groupe.
La chaleur est étouffante, ma montre marque 2h1/2 et le match ne commence qu'à 3h : peut-être, enfin arrivés, trouverons-nous un "chauffeur de public" – pour l'instant, c'est bien guindé. Majorité de mecs habillés de blanc, très musclés.
UTILISÉ
RÊVE LONG ET TOUFFU DU 60 05 31
Lors des préparatifs d'un grand repas de fin d'année au Lycée d'Andernos, Blanchard et un autre installent des lustres dans la grende salle de réception. Ils sont juchés sur des échelles. Blanchard ne cesse de dire des horreurs sur moi, que je suis lâche et traître. Il ne sait pas que d'en bas j'entends tout. Je décide, profondément vexé, de ne plus jamais lui adresser la parole de toute la soirée. Il me fait consulter un correcteur pour me faire expliquer trois erreurs graves dans une version grecque d'agrégation. Il y consent, avec des notes qu'il tient à la main. J'ai confondu avec un autre, de façon étourdie, le verbe "empoisonner". Puis le raout se déroule. Des discours ont lieu, un bal terminal.
Pour éviter cela, je me réfugie dans des toilettes aux parois réfléchissantes, où grouillent des enfants des deux sexes qui courent partout. Certains me regardent avec curiosité, et voudraient même jouer les voyeurs. Quand je reviens dans la salle, tout le monde mange, il y a là plus de cent personnes. Je quitte ces lieux avec mélancolie en fredonnant du faux Nino Rota, et le dis à un jeune collège sympathique marchant à côté de moi : je suis en retraite, mais avais besoin lui dis-je de me renseigner sur une version grecque. Mmes Corrado, Verrières et Dessales se plaignent de l'ambiance détestable du repas, Torrente n'a pas cessé d'accaparer toute la conversation, et de plus, ce n'était jamais elles qu'on photographiait.
Pour une fois qu'il ne s'agit pas de moi... Pour regagner Bordeaux, je prends dans ma camionnette Mme Dessalles et sa petite fille. Cette dernière doit maintenir une tige de métal graisseux qui ballotte debout près de son siège, ce n'est pas très commode. Avec son mari, Mme Desalles née Abdelkader s'installe à l'arrière. Le retour s'effectue de nuit, heureusement, le parking du lycée n'était pas fermé derrière son portail grillagé. Des coureurs nocturnes visiblement ivres ou drogués s'exercent imprudemment sur la route, ils sont en shorts rouges, ils proviennent d'une base militaire toute proche où l'on a la bouteille facile. Puis un autre s'abat presque sous nos roues ; je n'ai rien pour le soigner, mais d'autres, derrière nous, s'arrêtent pour lui porter secours.
Une 4L débouche en zigzaguant d'un chemin forestier. Mme Dessalles n'est pas rassurée. Passé le rond-point, nous faisons escale dans un grand café. Ma passagère et sa famille buvons un soda à une table ; son mari prendra le relais, il est venu à sa rencontre dans un véhicule en bien meilleur état que le mien. C'est très bel homme aimable et cultive, ressemblant à Scipion Emilien. Je ressens à faire sa connaissance un certain malaise de nature raciste, car il est arabe. De plus un autre collègue également maghrébin s'est assis à côté de nous. Pour repartir, seul, je rejoins mon véhicule. D'abord, je cours à pied, un aller-retour, sur une tombe de poète occitan aux mentions effacées, il mourut en 1917, sa tombe mal entretenue porte la mention de ce qu'il fut, dans sa langue. À ceux qui m'observent, par manière de plaisanterie amère, je dis que c'est ce qui m'attend, et encore, au mieux. Mon véhicule se trouve bien coincé entre un scooter et un pilier, à l'étage. Comment sortir ? Il est possible de se dégager par une savante manœuvre latérale, il faudra redescendre en marche arrière par des escaliers plats, de la hauteur d'un entresol. Ici, ma femme m'accueille gentiment car elle était inquiète. UTILISÉ
60 06 15
En Suisse, dans un bureau de poste. Un quinquagénaire basané aux longs cheveux bouclés magnifiques me demande, avec la complicité du guichetier, de signer des fiches de recommandé pour jouer le rôle de destinataire afin de réexpédier trois paquets. Je m'exécute en complétant sans qu'ils s'en aperçoivent les reçus, car je suppose qu'il y a là-dedans du matériel optique ou photographique. Ensuite, on réexpédie le tout. C'est une fraude pour tromper les douanes. Puis au lieu de repartir avec Anne et des amis, je prends la route tout seul en voiture. Dans un restaurant routier je retrouve mon compagnon de la poste, à une grande table ronde où nous sommes seuls. Il me tutoie avec sympathie et s'abat à côté de moi le nez sur la table, "dans mon plat" mais je rectifie car cela le vexe, son nez est resté en dehors du plat.
Comme c'est un grand plateau de friands, il m'en fait choisir un offert par la maison, bien rôti, en forme de caille miniature, la servante me soulevant le plateau amplement regarni. D'autres hommes, sex agénaires, trapus, sont à parler avec la barmaid. Plus ou moins ivres. L'un d'eux affirme que toutes les trois générations, un homme naît avec trois doigts de moins. "Qui a dit ça ? - Adolf Hitler." Alors un mec exhibe en riant grassement ses deux mains qui ne sont plus que des moignons, avec lesquels (il ne reste plus que les paumes) il mange un sandwich, visiblement habitué depuis longtemps. Tout le monde s'esclaffe avec plus ou moins de malaise. Nous revenons sur le stratagème de la poste, je raconte que je me suis déjà fait gauler par la douane par un procédé analogie, et que j'ai dû payer une amende qui me doublait le prix de mon acquisition...
Fin du flirt homo. Je me retrouve à pied dans un tunnel routier avec le danger de n'être pas vu par une voiture. Aussi je rase la paroi et me retourne souvent, appréhendant d'être traîné par un véhicule. A la sortie je m'allonge sur un lit sur le bas-côté et commence à lire. Une famille veut passer avec un enfant sur fauteuil roulant, mon lit est dans les flaques et barre le passage. Mais le père m'invite à consulter une grande bouquinerie à droite au croisement. Je retrouve là toute une armoire, de chez moi, que je viens d'apporter par camionnette. Il faut que je compte 47 volumes à partir du dernier que j'ai lu, mais je ne m'en souviens plus. Les livres sont très dépenaillés, dont un sur la grammaire latine. Je demanderai que l'on mette cet ensemble d'étagères à part et de ne pas le vendre pour le moment, car je n'ai pas la place à bord. Surviennent Annie et nos amis bien contents de m'avoir retrouvé car ils étaient inquiets. Nous repartirons ensemble. Il y a tant d'actions dans mes rêves, que ma vie m'interdit ! que je m'interdis dans ma vie... UTILISÉ
60 06 16
Annie dans son atelier voulait une étagère en surplomb sur tout le tour de son atelier à 2m de haut et semblait joyeuse à cette perspective.
Olivier m'engueule à la fin d'un repas rue David-Johnston. Il y a aussi ma femme, Sonia, Coco ma belle-mère. Je chie à table devant eux en m'excusant, et la cuvette est dégueulasse. Puis Olivier m'engueule : "On n'a tellement rien à se dire que dès le premier mot prononcé, chacun se récrie, glose, et en rajoute." UTILISÉ
60 07 10
Nous repartons de chez Véra en pleine forêt. Ses deux filles sont encore des enfants. Je retourne sur mes pas croyant avoir oublié quelque chose. On nous regarde partir avec une certaine ironie parce que j'engueule plus ou moins Annie, d'avoir retardé le départ le plus possible, nous contraignant ainsi à rouler de nuit sans voir les paysages. Je lui reproche de ne pas aimer ni savoir voyager. Nous devons d'abord traverser la forêt avant de rejoindre une grande route. Je me retrouve seul, à Laon, explorant la bibliothèque sur plusieurs étages. Tout va fermer. En remontant l'escalier tournant, je croise le rire sympathique (va savoir...) d'une grande fille blonde qui redescend. Dans le jardin de la bibliothèque j'ai ramassé de la neige avec une pelle et l'ai mise dan sdes sachets de plastique.
Et comme tout va fermer je demande à l'employé le temps de récupérer les sacs que j'ai posés pleins sur le sol, précisant que j'habite un pays désormais où il pleut mais où il ne neige pas.Je prétends que je reviendrai ce qui est hautement improbable mais l'employé reste indifférent. Je me retrouve vers un village côté nord, une jeune fille dans un bistrot m'assure qu'il n'y a pas de gare, qu'il faut retourner vers la cathédrale, mais je ne reconnaitrai rien, lui dis-je, je ne suis pas venu ici depuis 20 ou 30 ans. Le soleil se couche, j'ai pris un autocar en montée à travers une forêt, il ne va pas plus loin ce soir qu'un petit village perdu, le chauffeur ne m'en avait rien dit. J'envoie une jeune fille se renseigner auprès de lui, je l'entends dire qu'il "faut réserver", et j'ai l'intention de lui foutre mon poing sur la gueule en lui demandant : "Et ça, tu l'avais réservé ?" Il faudrait rejoindre la gare de Scolarieux (ce lieu n'existe pas). Je suis en train d'expliquer cela au portable en braillant dans mon fauteuil ; Annie est partie avec Sonia en voiture et je n'ai que les cars et les trains. Réveil en grand état de détresse : ne plus me rendormir après 5h1/2. UTILISÉ
60 07 16
Le collège de Meulan est immense et donne des cours jusqu'au bac. La cour est comble. Je viens de m'absenter pour plus de trois mois parce que ma femme m'a fait chier, m'a totalement déséquilibré. Mon remplaçant vient de donner une dissertation sur Deleuze et d'autres, que je n'ai presque pas lu ou que je n'aime pas du tout. Comme souvent dans mes rêves, ce que j'imagine se mêle à ce que je vis. Depuis le rez-de-chaussée, j'entends Mme Martin me parler de "garçons" et de "filles" devant des témoins qui sont autour de moi, l'air assez rébarbatif, comme des soldats qui défilent le 14 Juillet.
Je réponds que les jeunes pensent "cause toujours" parce qu'unjour ils nous domineront, enfin "vivront", tandis que nous aurons diminué. Ensuite, elle me parle de mon emploi du temps le vendredi, où je lui rappelle que j'arrête à 15h. Puis elle se tait. En prenant mon énorme voiture luxueuse, je pense qu'il faudra expliquer ceci : il est dangereux qu'un prof n'aime pas un auteur proposé, car cela signifie qu'il ne l'a pas compris et ne peut valablement l'expliquer. Il faut que je manœvre très doucement parmi toute cette foule, les portails de grille s'ouvrent automatiquement, j'ai juste la plade et dois me repositionner deux fois. Je regrette de ne plus pouvoir discuter avec des élèves d'excellent niveau. UTILISÉ
60 08 02 Courses alimentaires. Parking, place difficile à prendre le long d'un grillage, des Noirs essaient de guider mon placement. Pas mal de Noirs. Des bruits insistants courent sur des mains et autres débris humains que l'on aurait retrouvés, déjà plus très frais, et qu'on aurait mangés. Je suis fortement soupçonné d'avoir fait cela, et j'en ai même déterré pour les planquer, afin de ne plus être suspecté.Fermement décidé à tout nier, même si j'en ai déjà goûté. Un caissier Japonais, à l'entrée, vend de tout petits fromages entamés. Finalement je les repose, je n'en veux plus. Une partie de mes courses précédentes est restée dans ma voiture. Je dois prendre un sac bariolé du nouveau magasin.
Dans une maison abandonnée dont le toit fuit je dois balayer par terre, je le fais en chantant à tue-tête, mon père me suit en bougonnant vaguement. Tout est tellement sale et humide que de l'herbe pousse dans les fentes du plancher. Dans le ciel, un rapace en poursuit un autre, un compagnon me le fait observer et prend des parie. Le petit rapace dépasse le grand, se retourne pour l'atteindre à la gorge, le sang de ce dernier tombe non loin de moi. Puis nous partons, Anne et moi, très brusquement, vers le Midi. Elle en a eu marre tout à coup de cette maison sinistre rue David-Johnston, et nous partons avec nos provisions, que nous mangerons en route et à l'arrivée au lieu de rester sur place comme je l'avais pensé.
Partent avec nous Sonia plus petite avec une sœur plus jeune. Nous traversons Cadillac inondée, heurtons légèrement, au cours d'une manœuvre, un pare-choc, l'homme reste au volant et sa femme descend, souriante, pour constater qu'il n'y a rien du tout. "C'est mieux que l'homme ne soit pas descendu" ai-je dit. Rappelons cet accident où le père Nogaret s'était engueulé avec une automobiliste au point que tous deux s'étaient cassé la gueule et que le beau-père donc avait été condamné. A uen étape, alors que nous occupons une vaste salle à grande table dans une maison elle aussi abandonnée, tandis que les deux fillettes discutent et jouent, Anne m'annonce qu'elle veut divorcer, pour que nous nous expliquions après.
Je suis abasourdi : "Logiquement, ça se fait en sens inverse". Je fais remarquer que je commence à trembler de tout le haut du corps. Anne est très calme et déterminée : elle en avait marre non seulement de "tout ça", notre cadre de vie misérable rue David-Johnston, mais aussi de notre couple, de mes tics et manies, etc. Quelqu'un l'aime et veut l'épouser avant Noël, ce qui ne laisse que quelques mois (voir le film "Les poisons de la couronne"). Elle laisse échapper un prénom qui ressemble à "Jacques" puis se reprend en souriant, elle ne veut me le confier vraiment que plus tard. Il ne s'agit ni de Charpentier ni de Greig. Je suis absolument effondré, tremble de plus en plus et lui reproche d'avoir décidé ça comme ça, sans m'en parler, sans se soucier de l'état où elle va me laisser, en pleins tremblements intenses : finalement, elle agit comme toutes les autres qui demandent le divorce en premier. Les fillettes suivent de loin la conversation sans se troubler autrement. Anne essaye de me rassurer mais le mal est fait, à mon âge il n'y a plus de perspective pour moi et j'entrevois des abîmes.
UTILISÉ
60 08 09
Avec Gourribon nous avons passé le pont avec les pieds qui dépassaient en dessous du tablier, les coudes sur la chaussée. Vraisemblablement, nous avions les jambes dans l'eau mais ne sentions aucune humidité. J'aurais bien vérifié mais sentir l'humidité eût été effrayant. Foule compacte entre deux rangées de baraques tout au bord de la Garonne où l'on vend toutes sortes de produits artisanaux et de brocante : poupées criardes, animaux mal fabriqués. Gourribon achète quelque chose pour sa mère en train de mourir. Je déconne à sa suite, parle un jargon faussement germanique. De l'argent tombe dans la boue il m'en repasse un peu, nous faisons semblant de nous quereller à propos de centimes sous les yeux amusés de l'exposant. Il passe derrière une boutique pour discuter d'un produit médiocre avec le vendeur, je lui fais observer qu'ils se tutoient, il prend deux objets finalement.
Un autre lui présentait un montage grossier très bariolé. Gourribon le lui refusait en apprenant que l'objet avait été trouvé à Rabat, mais c'était faux, alors, l'objet était de nouveau considéré. Il fallait remonter toute cette foule compacte. Un type en blouson s'y frayait un chemin contre nous en disant "Je vais m'énerver". Nous sommes ressortis, et mes souvenirs débouchent sur un autre rêve, où la foule remplissait une vaste avenue comme la rue Grammont de Tours.
60 08 13
Maître Faget notaire à Mouleydiers me confie au-dessus de son bureau, comme une grâce, pour me racheter, des bons de vacances expliquant aux destinataires comment profiter de séjours confortables exotiques. Je m'emploie à les distribuer, tandis que ma compagne elle-même prépare nos bagages dans un but similaire. Je dois entasser des affaires tout en accomplissant ma mission. Malheureusement de grandes réfections et constructions d'immeubles ont eu lieu aux n° 1-2-3-4 Cours de la Marne. Les gens vont et vient entre des tours nouvelles mal numérotées. Ils semblent en proie à une préoccupation commune que je ne décèle pas. Je tiens toujours une liasse de documents permettant de se payer d'excellentes vacances. Nul ne peut me renseigner. L'une des personnes présentes me dit que j'ai l'air très fatigué. Enervé, mais sans vouloir non plus perdre la face, je déclare que je ne trouverai jamais les adresses, à moins que je ne finisse par connaître quelqu'un qui connaît quelqu'un qui connaît quelqu'un qui connaît quelqu'un qui connaît l'endroit où livrer mes précieux dossiers ; car on m'attend chez moi pour partir en vacances.
Les gens s'interrogent entre eux pour me venir sincèrement en aide, mais nul ne trouve...
60 09 16
Katy m'a confié ses deux enfants, nous sommes devant une église, prenons le bus. Denis se trouve là aussi. Pas de contrôleur. Nous déposons les enfants à un arrêt parce qu'Annie ne pouvait pas supporter tout à fait la vue de Katy. Je montre, sur un plan affiché sur l'Abribus, que nous sommes à deux pas de notre destination.Cet autobus était supersale. Notre entente à tous quatre apparemment parfaite. Je côtoyais une de ses amies, la baisais, mais elle se desséchait et nous avons cessé. Cette amie, blonde et grosse, disait à Katy : "Je n'en peux plus de supporter cette tristesse dans l'évocation de cette histoire, depuis cinq ans." Moi je rêve d'une réconciliatoin universelle et de vivre, les deux familles, ensemble.
J'ai visité Greig, aussi ; 72 ans, en retraite, affable, mais nous n'avons pas abordé les problèmes de fond. Il me faut tourner un film aux USA, avec une jeune fille turque, Maria (que je préférerai appeler Nilgün), et un acteur plue âgé, M. Turk, bijoutier cambriolé à Nice, qui porte un nom inorthographiable et imprononçable. Avec Annie je prépare mes bagages, mais il ne reste plus que de vieux couverts dépareillés et crasseux, l'atmosphère est aigre et tendue , et Annie pleure presque ; je renonce aux couverts. Il semble qu'elle ne parte pas avec moi. L'heure de l'avion approche : il est 18h. 15, il décolle à 19h !
Je passe chez Nilgün, qui me plaît, coup de foudre réciproque, nous sympathisons et nous embrassons. Nilgün s'est attaché un pied à l'autre. Aller-retours entre chez elle et chez moi avec une seule chaussure, mais elle se redresse et je la reconnais. Elle veut dire par là que mes vêtements sont négligés : en effet, je viens tel quel, sans préparation. Son père nous dit au revoir, mais nous partons COLLIGNON
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pour trois à six mois. Le film se fera en français, en noir et blanc, à petits frais. Son père baisse les yeux, cache ses larmes. Elle a également une mère, et des frères et sœurs plus jeunes. Je dis que "sous des dehors bourrus, son père est à ses pieds, soumis. - Non, mais en adoration." Nilgün et moi devons nous aimer dans le scénario, il en sera ainsi pendant le tournage. Si cela marche, nous reviendrons riches. L'atmosphère est excellente, nous avons dans l'avion une vue panoramique et je prévois un grand amour à vivre.
60 10 15
Je suis avec Johanna, ancienne élève, lesbienne. Elle m'aime et m'admire. Je lui raconte des bobards sur de prétendues origines russes, et l'attachement que j'éprouve envers un ancien ami très religieux (orthodoxe). Nous nous rendons à un spectacle délirant, avec musique, dans un amphithéâtre, style Rocky horror picture show, dans lequel on lance au public des "émeraudes" qui pétillent dans la bouche. À l'entr'acte, suffisant pour qu'on puisse rentrer chez soi manger, nous allons chez ma mère/Annie, qui nous couve avec bienveillance. Johanna s'inquiète lorsque nous retournons au spectacle : j'ai fait croire que ma mère était russe, et celle-ci a reconnu que d' "être russe, ça rend fou".
En réalité, tout est calculé : c'est pour trouver des prétextes de laisser tomber Johanna, ou de la reprendre, à mon gré. Nous nous séparons sur le chemin, avant que le spectacle ne reprenne. Je marche seul sur une allée qui longe nue route à grande circulation, croise un jogger et son bouledogue, qui court. Les chemins qui descendent à gauche de la route sont bloqués, on en évacue des véhicules, il s'y déroule aussi en conrebas un jeu radiophonique ; à peine un automobiliste a-t-il pointé son capot au-delà d'un feu rouge que la police, en embuscade, verbalise, sur une grosse moto. Mais on explique au conducteur que c'est seulement un jeu. Nous coupons la vallée du Gard, tout petit, et voici déjà le stade de Toulouse, ainsi qu'une structure blanche : les spectateurs s'y pressent en rangs serrés ; il n'y a que des hommes sur un rebord, sauf trois filles, en soutiens-gorges pailletés, qui ne refusent pas de se laisser peloter. Je dis à mon voisin : "Enculé !", puis je plonge dans ce magma, au pied du rebord, en criant : "T'as pas pété ?" Cette platitude n'est pas relevée. Le torrent humain escalade les gradins ; Johanna, que j'avais promis d'attendre, avec de gands moulinets de COLLIGNON
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bras pour qu'elle me retrouve, n'est pas là – d'ailleurs, le spectacle aurait-il lieu ? ne serait-ce pas plutôt mardi ? Or c'est aujourd'hui mardi quand je me réveille, et le soir précédent, j'avais regardé une émission sur l'effondrement de la tribune de Furiani en mai 92... Mais je regrette les moments où Johanna se tenait sans culotte sur mon ventre également dénudé, bien que je ne pusse bander. "Ça ne fait rien" disait-elle. Un homme alors nous demandait peu aimablement pourquoi nous faisions cela sur le bas-côté juste devant chez lui. En ville, j'ai vu également un immeuble à deux niveaux qui montait du sol, ou y redescendait, si le couple qui l'occupait appuyait sur une sonnette extérieure, au sommet d'un escalier de métal : le bloc d'habitation était noir...
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Avec un ami reporter, nous allons voir un espace de grève de la faim des lycéens musulmans qui demandent une nourriture hallal. Petit matin, bruine, trottoir. Une dizaine de corps d'enfants grévistes à même le sol, isolés par une clôture. Des petits chiens blancs gisent aussi sur le sol. Une grande conférence doit avoir lieu. Des adultes attendent dans un salon, 50/60 ans. Je parle un peu aux uns, aux autres, et finis debout tout seul, comme d'hab. Au mur une carte d'Amérique Centrale. Autour du lac de Managua, des intervenants viennent dessiner des symboles et des commentaires, un conférencier les y encourage, en évitant la zone sud qui n'a pas été atteinte par le phénomène. Un intervenant trace une ligne rouge, puis, vexé par je ne sais quoi, refuse de poursuivre et raye sa ligne.
Le présentateur blâme cet illogisme. Arrivent des autocars chargés de gosses grévistes, qu'on emmène dans un sous-sol où se trouve un réfectoire et des pâtisseries. Il est question, dit mon accompagnateur au micro, de rejoindre tout ce monde itinérant à Irún, et comme je suis claqué cela m'inquiète beaucoup. Ce qui cause le plus de tort à ces jeunes, c'est non pas l'opposition frontale mais la charité des organisations alimentaires... Des négociations vont s'ouvrir. Une fille déclare en descendant du car : "Nous aurions dû apporter des biscuits, cela va peut-être réussir !" ce qui fait hausser les épaules. Je chipe un petit gâteau sphérique et jaune. Des élèves me voient, l'un d'eux me fait un clin d'œil. Il faut un adulte par longue table, j'hésite, voulant retrouver certains élèves suffisamment sympathiques. À présent tout le monde attend à manger....
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Grande communauté mixte, à l'emplacement de l'atelier rue David-Johnston, passablement délabré. Annie en fait partie comme moi. La grande question une fois de plus est celle des chiottes. Je couche dans une partie différente de celle de ma femme. Deux nouveaux voisins sont venus. Je me présente à l'un d'eux plutôt bourru. L'autre est un jeune, nerveux, souriant voire moqueur ; im m'a connu dit-il lorsque j'étais petit. Tanger ? Guignicourt ? Mais il élude, de plus en plus malicieux. Quand je veux pisser, le couvercle disparaît par l'ouverture, et la cuvette à sa suite. À l'étage au-dessous, j'entends "aïe". Au jet d'urine que je distingue d'en haut, c'est un homme. D'autres chiottes sont réduites à l'état de terre battue, sans même un trou.
Je chante une mélopée en faux mittelhochdeutsch : Mejne Vrouw is gestorben, und mijn Hus verbrandt, mais d'autres recouvrent ma chanson, que je croyais très belle, par leur musique pop passe-partout. Le voisin n° 1, bourru mais compréhensif, me demande de me retenir d'évoquer les juifs ici. Il y en a ; en revanche, lui-même est tout disposé à les aider en cas de difficultés administratives ou financières. Malgré tout ce qui précède, l'atmosphère est fraternelle et constructive, au milieu des plâtras. Anne non plus ne trouve pas de solution pour les WC : il faut apparemment se rendre à l'étage au-dessous. Et je suis sur le point de lui demander si nous ne devrions pas nous installer ici pour y vivre définitivement, bien quenotre famille et nos amis nous attendent ailleurs, mais il faut tenir l'hiver. "Nous sommes vendredi", m'annonce le bourru mal rasé, car je n'ai pas compté les jours ; cependant mon estimation temporelle était juste.
Quelqu'un doit partir, et ma femme pourra peut-être me rejoindre dans une chambre proche. Elle m'a maintenu sur le sol par manière de paisanterie et s'est assise sur mes jambes repliées, lesquelles sont la proie d'une violente crampe : "Tu vois, il ne faut pas faire comme ça" : je me réveille en effet avec de véritables crampes, douloureuses.
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1) En retard à mon cours de Meulan, je me vois prêter une motrice et deux wagons. Après une forte descente, j'ai perdu l'un d'eux. Une collègue m'aide à téléphoner à la SNCF sur son portable, ils me renvoient à la police : si un convoi percute le wagon, surtout de nuit, la catastrophe sera inévitable. Un petit garçon fils de flic rentre chez lui sous son enseigne, un agent m'accuse illico "du plus grand de tous les crimes" et sans tenir compte de mon exposé me reproche d'avoir entretenu avec Muriel COLLIGNON
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un échange de mails où nous nous vantons de fraudes fiscales. Je m'énerve et engueule tout le monde dans le bureau, qui en plus me traite de flemmard parce que je suis prof.
2) Un reportage TV rappelle ce que Marine Le Pen a dit dans une intervention publique : on es ten train de la raser et elle répète "Je suis pour la vengeance... Je suis pour la vengeance..." Puis une femme lui de mande une autographe : c'est Simone Veil (1909-1943), dont le nom s'écrit en réalité avec un W. Marine Le Pen s'appelle aussi comme cela à une lettre près et éclate de rire : "Weil, vous pensez si je connais !" Mais elle confond les orthographes et les personnages... Weil, la philosophe, porte deux enfant en bas âge dans ses bras, et le commentateur parle de l' "abstinence monastique", après laquelle se renforce la fécondité...
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En Serbie. Nous sommes en visite chez des amis ; d'autres, venus de l'Est, doivent y demeurer en attendant un mandat : "Nous avons de quoi manger" déclare l'un d'eux. Une grande réorganisation de la maison, un rangement, sont en train de se réaliser. Un homme bourru et menaçant m'envoie une claque en m'insultant. Probablement parce que je suis en train de lire sur un canapé. Donc un morveux de dix ans me fait la même chose, et je lui renvoie une gigantesque gifle en lui disant : "J'ai peur de ton père" (c'est le bourru), "j'ai peur de ma mère" (cela m'échappe, mais je dois poursuivre), "mais je n'ai pas peur de toi". Il me regarde goguenard mais n'y revient plus. Je séjourne là en compagnie d'Anne, et de Françoise T., plus jeune, qui se met à poil, maintenant bien foutue, et bronzée.
Ces deux femmes essaient de me protéger et d'éviter que nous ne croisions ce type, y compris à l'extérieur, où il cherche en lisière de forêt du bois à brûler. Il se retrouve mon voisin à table, mais nous évitons de croiser nos regards, même s'il change, pour finir, de place. Deuxième baffe quand j'émets une réflexion sur la grammaire du roumain, alors que j'aurais pu choisir un exemple moins pédant. La tension ne cesse de croître, je crains pour ma vie au milieu de tous ces indifférents et malgré l'amour protecteur de mes deux compagnes. Je préfère me lever.
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Je n'ai pas de recours de ce côté-là. Désormais Anne est endormie pour la vie, pour l'éternité. Je
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suis ses traces contagieuses comme les enfants le joueur de flûte. La place des Quinconces suite à l'invasion des hauts plonge d'un seul coup vers le vaste océan au bord duquel flânent des cavaliers. J'ai failli dévéler unepente à peu près verticae et glissante. Avec la permission d'Anne je me suis rendu à Prague pour éventuellement retrouver ma maîtresse; la rousse assistante du professeur d'allemand. Mais je me suis attardé dans un bistrot où tous les étudiants parlaient à peu près le français. J'ai feuilleté un livre en différentes langues en commentant tout sans cesse. Puis les étudiants en ont eu marre de m'entendre parler. Je suis ressorti avc mon sac et on appareil photo J'ai vu un âne, une atmosphère de saleté sympathique, un verrat aux couilles énormes fouiller du gronb dans une immense flaque où il disparaissait presque, une truie au soleil sur le dos que j'ai enjambée en grand danger qu'elle se jette sur moi.
Une dame a demandé que je me gare ailleurs que devant son garage, "Mais j'allais partir !" le feu en effet passant au vert. "Où y a—il le moins de danger ? -Eviter le centre-ville qui grouille d'espions et de soldats russes ; l'autre jour avec des amis nous mangions des saucisses, il nous ont pris pour des juifs qui enfreignaient la Torah, ils ont téléphoné à leur supérieur qui leur a conseillé de nos jeter à la baille (il le dit en tchèque mais c'est à peine articulé, sans ressemblance avec la lanue tchèque). Il faut aller de part et d'autre de la tour-horloge, à l'extérieur, et là, c'est sympa, il y a beaucoup d'étudiants.
Je téléphone à ma maîtresse que je n'aurai peut-être pas le temps d'aller la voir, feignant d'appeler depuis la France. Elle me dit de la rappeler plus tard. J'ai très peur de déménager ferme, mais je lutterai jusqu'au bout en appelant tout le monde à l'aide. Gospoda pomilouyi. Je suis maître de mon cerveau que vous avez formé à votre image.
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Pendant un voyage en Espagne, il me vient en fantaisie de franchir la frontière portugaise. Puis, avant qu'Annie, depuis la France, ne s'en aperçoive, je remonte dans un bus en sens inverse cette fois, qui s'était garé juste derrière moi. Je ne comprends pas le portugais, m'absorbe dans une lecture érudite, avec notes en bas de page. Je me ferais bien arrêter dans une de ces villes qui semblent très intéressantes au soleil couchant, mais finalement je vais revenir à mon hôtel espagnol de départ, où sont mes affaires de nuit, et finalement tout le confort.
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60 12 19 cauchemar
De retour de vacances où nous avons tout dépensé, Anne et moi dans un train bien plein. Une hôtesse et son accompagnateur nous intiment l'ordre de remettre un livre car il serait ibnterdit de lire dans le train. Il s'agit d'un volume bilingue Budé, grec-français. Je emande pourquoi alors on ne le confisque pas aussi à notre voisine vis-à-vis qui lit un ouvrage du même genre. Pas de réponse. En descendant, nous prenons note voiture. Nos roulons vers le centre de Mérignac orsque devantnos sur notre gauche un garage explose, projetant maints débris, ça hurle, des personnes se précipitent au dehors dans la fumée, le ne reste plus que quelques colonnes de métal noircies, tout a été rasé.
Anne revient sur les lieux pur faire vérifier la pression de nos pneus. IL y a des gens à terre, des faces déformées, des profils complètement écrasés sur la chaussée. Nous descendons de voiture, je reproche méchamment à Anne d'être vraiment conne, une vieille femme me jette un œil terriblement réprobateur : « Moi j'aurais pensé à fuir, pusi à me reposer chez moi, puis à manger. Toi tu penses à trouver un restaurant. » Nous serons plus vite servis sur une table double, dite « pour ocuple », à bascule, avec sièges incorporés. Il a dû y avoir des dizaines de morts. Ambulances, autochenilles Anne pense à des chars, je la reprends avec humeur). Finalement le reas n'a pas lieu, nos voisins de table s'en sont allés car ils n'ont pas, eux, de table « pour couple » et ne seront pas servis tout de suite.
J'envisage toujours avec rancune de réclamer mon livre confisquer à la SNCF ; peut-être lisais-je de façon trop avachie ? Une « zone jaune » est réservée à ceux qui veulent faire des dons. Nous n'avons plus sur nous que deux vinyles 45t des Lettres de mon moulin, je me demande ce que les sauveteurs vont bien pouvoir en faire. Un flic nous regarde par la vitre, soupçonneux : je suis très renfrogné. Nous n'avons pas eu d'enregistrement de notre don. L'ambiance est à la catastrophe, on entend crier partout, les corps ou les têtes séparées gisent sur les trottoirs et la chaussée. GOSPODA POMILOUYI.
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A la suite de nombreuses péripéties oubliées, je me trouve dans un couloir de lycée en train de lire un énorme bouquin sur des massacres interethniques en Afrique du Sud, avec une carte COLLIGNON
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indiquant les divers évènements. Je veux poursuivre dans une salle, mais trois lykcéens s'y trouvent et bavardent, je ne vuex ni les gêner ni être gêné. Il s'agit d'un mercenaire qui veut empêcher qu'on se tue. Dans le hall du Lycée une fille noire me demande si elle n'a pas trop grossi des fesses et je l'avertis charitablement que je l'en avertirais le cas échéant. Je prends place à bord d'unbus scolaire, avec un gros casque minoen vert et bleu, très ornementé. Les élèves semblent vouloir me parler, me demandent ce que je pense de Cestas : « Rigoureux ».
- Ça me rappelle M. Cesse » - C'est-à-dire ? - Il me regarde, moi et ma barbe de vieux » (ce jeune homme porte en effet une barbe fleuve auburn) ; je lui demande des renseignements sur le bac et ensuite je lui dis... » Une pause. Un copain en train de manger complète : « Est-ce qu'iil existe un bac « agriculture ? » Tous se marrent et ce doit être une de leur blague traditionnelle car je ne la comprends pas ; il a dû vouloir jouer au plouc. Ils recommencent à parler entre eux et j'esssaie de ramener la conversation sur Gestas et ses feux roulants de plaisanteries quand nous roulions dans sa 4L, pour ne pas avoir eu l'air de dénigrer mon ancien collègue.
J'exprime ma nostalgie des lycéens dans un soupir mais ils ne m'entendent pas. Le conducteur du bus tressaute parce qu'il croii que je l'ai chatouillé dans le cou. J'évoque le dessin de Michel Serres sur les enfants qui font « Coucou, qui c'est ? » sur les yeux de leur père qui conduit. Il doit me descendre, avec mon livre et mon gros casque, à un feu rouge du Boulevard, puis je demande « plus loin ». J'oublie de refermer la sûreté de la porte en descendant, une monitrice âgée m'en fait le reproche d'un air faussement sévère en me piquant d'une épingle, je réponds par un geste qui lui touche malencontreusement le sein mais cela semble l'avoir surprise agréablement. Puis j'essaie de pisser dans un renfoncepent de porte blanche, juste après s'ouvre un grand et profond atelier de menuiserie.
En revenant vers le premier feu rouge, plus commode pour retrouver ma voiture (j'avais cru que mon père viendrait me rechercher) j'appréhende de retrouver un troupeau de vaches mortes en décomposition dans un imense caniveau, que j'avais aperçu à l'aller dans le car ; les torrents d'eau boueuse qui se déversent sur elles n'empêchent ni les mouches ni la puanteur. Cela me rappelle le massacre des bisons (« Danse avec les loups »)Les fermiers (Mme Warlop) sont désolés. Alors je crois me réveiller, Anne veut m'annoncer plusieurs nouvelles. Non, son père n'est pas mort, et je m'en trouve soulagé, mais le Professeur Docteur Tourtut, propriétaire des autobus du même nom où COLLIGNON
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je suis monté, est mort d'un accident de bicyclette. Je m'éveille, cette fois, pour de bon, dans mon bureau pas chauffé.
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Je gagne un premier lot. Je laisse après moi des toilettes dégueulasses, un locataire me les a nettoyées en se renfermant dans sa chambre à vieille porte de bois. Il me faut ramper d'une pièce à l'autre par un passage étroit. Là, je rencontre un animateur qui me demande le nom d'une femme dans un roman, laquelle accompagne un jeune homme jusqu'à une ville ; mes réponses sont exactes, la ville s'appelle Capoue. L'animateur se montre surpris de ma si prompte réponse, soupçonne une tricherie et me demande de renoncer à ma récompense. Je proteste fermement, ce roman m'a passionné, je me suis identifié au personnage de ce jeue homme. Il consent de mauvais gré à m'abandonner un million d'anciens francs en billets.
Arrive une contrôleuse convoquée par lui, à qui je confirme ma connaissance parfaite du roman en question. D'autres personnes sont là dans cette pièce, me complimentent et m'envient. Maladroitement, je dis qu'à part quelques vols de saucisses, en général je suis resté honnête. Cette déclaration est accueillie avec une certaine réprobation, mais j'emporte mon argent.
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1) Chargé de faire un cours de philosophie en remplacement un lundim atin, je me retrouve au sein d'un amphithéâtre bondé mais attentif, et j'enchaîne les digressions instructives, au trapèze et sans filet, devant un auditoire qui n'a pas l'air mécontent du tout ma foi. J'écris au tableau un horaire de funérailles auxquelles personne ne pourra assister, peut-être celles du collègue que je remplace.
2) Un collège me propose une place de plongeur, pour que j'aie moins de trajet à faire. Cela m'est démontré sur une carte des Alpes-Maritimes. Je la recopie avec quelques indications de lieu, dont un point « C » au bout d'une presqu'île, « Mon secret », me dit mon informateur anonyme. A la rentrée mes collègues et moi-même trouvons un tout autre établissement, avec des tourelles néogothiques, en plein centre-ville. La circulation est épouvantable sur ce boulevard garni d'une ligne de tramway, je traverse pour ne pas être exposé au danger, mais les véhicules me frôlent en tous sens. J'ai demandé à as s'il aurait accepté ce poste de plongeur, moyennant un supplément de l'intendance pour que mon salaire n'en soit pas diminué. Il me demande d'abors « Dans quelle coopérative ? » puis, apprenant qu'il s'agit d'un lycée, me répond que non, il n'accepterait pas. Je suis mes collègues dans l'établissement, très resserré, tout en hauteur. Je reconnais des visages réellement connus, mais inidentifiable (intendante, etc.). Au passage, j'ouvre une porte en bois sur des chiottes style « au fond du jardin », m'excusant plaisamment : « Pour trouver les chiottes, j'ai toujours une espèce de génie ». Personne n'y fait attention, nous pénétrons dans dans ce nouveau bâtiment : c'est la rentrée...
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On a tout déménagé chez moi, il ne reste plus que la moquette dégueulasse et quelques meubles dans les angles. Des gens rôdent autour de la maison, sonnent, j'essaie de me dissimuler contre le sol mais la lumière du soleil me frappe en plein visage, ils emble difficile que les envahisseurs ne me voient pas. Ils finissent par entrer dans la maison pour en prendre prossession en rigolant très fort. Je surgis alors et les vire tous en gueulant. Puis je me rends à Paris pour voir un film burlesque. La salle est immense. Annie m'a dit, avant, qu'elle allait sombrer dans la maladie mentale, d'un ton triste et absent. Je suis au cinéma à côté de Simonin à qui je demande sans cesse des explications sur le film, l'héroïne est noire mais semble une Blanche mal maquillée, le film piaille et crie partout, les gens semblent comprendre mais je ne comprends rien.
Simonin en a marre de me donner des explications. A l'entracte, Blanchard vient me rejoindre debout dans l'allée, je téléphone devant lui : le film est nul, plus que Walt Disney, on ne comprend pas les motivations des personnages ni la problématique générale. Domi m'approuve tacitement. Puis, dans le métro du retour, je répète les mêmes jugements à Annie, après deux autres appels téléphoniques. Il y a avec nous sur le aussi un jeune homme déjà pourvu d'un collier de barbe à 14 ans, je lui recommande un jus de hareng frais tous les matins, car c'est du « hareng bu tôt ». Le calembour lui semble médiocre mais je le répère ave hilarité. Nous montons dans la rame de métro complète.
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Un cours de philosophie que je donne fait s'en aller petit à petit les élèves. Je donne donc un devoir en classe, que je me mets à faire en leur compagnie. L'une des sous-partie, à laquelle sans doute ils n'auront pas pensée, doit traiter du chien. Mais je ne leur en parle pas, pour avoir l'occasion d'une petite supériorité. Cela n'empêche pas que d'autres s'en aillent, par la porte ouverte.
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Avec Blanchard dans un vaste domaine éclaté, comprenant plusieurs maisons rustiques sur un terrain en pente. Il y a là plusieurs enfants d'on ne sait qui, des filles qui se lavent et demandent des serviettes ou du savon : je baisse les yeux pour ne pas voir les nudités. Un de ses ouvrages édités parle de radio, complétant mes connaissances. Deux petits garçons aussi virevoltent. Devant tant de public nouveau j'ai une forte envie d'aimer et de faire le con. Nous mangeons un peu au hasard des tables, il règne un grand bazar, Anita est joyeuse. Montanari se trouvait dans le train par où j'étais venu. Puis je monte dans les maisons ouvertes et accueillantes, un jeune homme tond le gazon dans une pièce en cours d'aménagement...
Du fromage ? j'en trouverai chez l'abbé Delaiguille. Mais pas envie de le déranger. Une femme sortie dans la boue des sentiers brandit et vante son fromage. Cela grouille de partout. Domi est devenu le patriarche généreux du lieu, le centre d'une vie culturelle locale.
61 03 27
Se glisser près des cabinets de jardin où chie ma femme, ne pas pouvoir pisser dans ce couloir de verdure parce qu'elle en ressort, d'excellente humeur. Aller s'installer en terrasse, mais à côté de sa terrasse à elle. Et puis, parcourir des étals de fromages. Toucher lesdits fromages malgré l'interdiction. Se retrouver dans un bus scolaire, le bas du corps, nu, recouvert d'un blouson que certains lycéens tentent mollement de soulever. À la fin d'un cours de latin, demander un classeur oublié par Favart, et l'inscrire sur son carnet. Plus tôt, mes parents m'ont contraint à manquer l'école parce qu'on avait tellement besoin de moi à la maison ! J'avais indiqué le chemin dans mon quartier : l'aller, soit, à bord de leur petit camion, mais le retour ?
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Tout seul, à pied : je n'y avais pas pensé. Ils avaient dépassé mon chez moi de plusieurs pâtés de maisons, que c'était dur de revenir ! Alors, dans l'autocar, j'avais vécu cela. Un autre lycéen voulait savoir le prix d'un petit gant de laine qui dépassait de ma poche. Et je répondais : «Mais ce n'est qu'un gant d'élève ! » A une fille qui gagnait, de l'allée, la sortie, je disais quelques plaisaneries salées, en précisant : « C'est toujours des mêmes endroits qu'il s'agit, n'est-ce pas ? » Cette brave fille épanouie répondait « Oui, oui ! » sans penser à mal, et la complicité s'établissait avec ce vieux malade attendri que j'étais. Mais qui étais-je, pour parler ainsi ? J'écris pour dans dix siècles, et je prends date !
DANS LE BROUILLARD, VERS LES SOMMETS, JE VEUX ETRE UNE MERDE , DANS LA LUMIERE. Plutôt que de l'or, sous le boisseau.
61 04 05
Fin d'un long rêve, avec la présence de Parrical. Un groupe de Vieux-Russes chante en gros plan, leur langue est peut-être du russe, ils semblent avoir une idéologie libertaire, Parrical les soutient, mais se tient à l'écart d'eux quand même. Ils seraient à la limite menaçants avec leurs convictions.
61 04 18
Sylvie n'est plus là pour mettre de l'ordre au CDI de Bombignac. C'est le joyeux bordel. On y bouffe, on y couche à 4 ou 6 sur des tables rapprochées, y compris avec des enfants en bas âge. On se bombarde de nourriture, le désordre et la saleté rendent les recherches improbables. Anne couche avec d'autres (en toute camaraderie), mais ça nous change ! La cantine des élèves se trouve tout à côté ; ceux qui attendent leur tour nous aperçoivent. L'un d'eux nous envoie un pot de yaourt vide, je réplique par un gobelet qui atteint au front un fils de Gronfe : inquiétude légère. COLLIGNON
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Poussant une porte puis une autre, j'arrive à une chambre pénombreuse où gît sur un lit une fille mal réveillée. Le tout se déroule dans une ambiance bon enfant, avec pas mal de nouvelles collègues vite apprivoisées, non sans de certains sous-entendus érotiques.
61 04 21
Foule considérable rue Esprit-des-Lois et sur les quais. Je viens de recevoir la visite d'un officier de marine qui m'offre de vieux fragments du Journal de Mickey en allemand. Je lui fais observer que ce journal a obtenu encore bien plus de succès en Italie. Une jeune file (Mlle Jean, de Cadillac) ne cesse de babiller, je la fais taire sèchement auf deutsch. Il semble que là-bas, de l'autre côté de la Garonne, on veuille m'honorer, moi et mon œuvre... Une délégation maritime m'attend. Je parle et chante, seul de toute la rue. Devant un bureau de poste, Edwy Plesnel s'entend dire qu'être encore timide après deux ans de Ministère des postes ne vaut pas le coup ; il inspecte, et dirige, le bureau.
Décrochant un combiné rouge sans avoir composé le numéro, je hurle, chante et déblatère Anna Ganna Genni Sauveur, formule de christianisme indien (??). Après tout, je le chante très très bien. Délis se fout de ma gueule, m'admire et me photographie. Je chante aussi, à présent à vélo, « Una mierda en el camino » avec de belles vocalises gutturales gitanes. M'approche ainsi du pont, et des deux passages souterrains pour piétons. Les stuctures du pont consistent en d'immenses poulies verticales. Un marchand de porte-monnaies s'en fait voler un que j'avais remarqué sur une rambarde, mais un élève s'en aperçoit et me le refauche sous le nez en disant « C'est pour le père François ».
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Je cherche le passage vers l'autre rive et ce pavillon éclatant de blancheur où je pourrais être couronné « comme je le mérite ». Toujours la foule, considérable et dynamique.
61 04 29
1) Chez mes parents, je les trouve inquiets : des mafieux veulent les liquider. Après hésitation, je décide de fuir par l'arrière, jusque loin dans le nord.
2) Métro. Un contrôleur me regarde bizarrement puis me sourit : non, je ne veux pas me jeter sous la rame. Dans le wagon, j'essaye de rester bien à l'écart, comme si j'étais contagieux.
3) Mes classes sont vides, les élèves se répandent un peu partout, en toute bonne camaraderie excessive. Je menace de les signaler comme absents, quelques copies sont remises : Parrical a 10. C'est tout ce que j'ai pu faire. Peur aussi de communiquer à mes élèves un éventuel sida.
61 05 07
Dans la prairie laissée libre derrière la maison s'installent de nouvelles personnes. Nous sympatisons : une femme seule avec une petite fille et deux grands garçons dans les 18 ans. En visite chez eux, je subtilise une carte de crédit avec son encart de papier. Dans un magasin, il se trouve que cette carte (violette) fonctionne, mais j'ai inscrit quelques chiffres sur le carton qui la sertit. Je lui rends sa carte chez elle avec pas mal d'embarras, ayant d'abord consulté ses garçons, très francs et riants. Avec eux je me suis promené sur un canal où une péniche traîné derrière elle un vaisseau de plaisance de type égyptien tardif, mais sur lequel personne ne peut monter, que le propriétaire qui la remorque...
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Bref, je rends cette carte avec laquelle tout de même j'ai effectué un paiement frauduleux. Cette femme qui tente de me charmer ressemble de plus en plus à Ysilde Lebescot...
61 05 15
Avec Lageyre et un ami. Raconte sa vie de soldat et les putes de Toulouse qui otn l'air si naturel, et d'un abord facile, alors qu'à Marseille tout se déroule à toute vitesse. Ils restent là y compris à l'heure du dîner ; je leur offre un chocolat. Apparition d'un chien, hirsute, tout gentil : « C'est mon chien sale ! » Ma femme arrive, je suis à poil d'en bas. Lageyre continue ses anecdotes : on avait décidé de mettre à poil les circoncis. Or je suis l'un et l'autre (?). Le lendemain, Anne et moi partons vers Toulouse,où je suis convoqué à une conférence pédagogique. Mais Bordeaux et Toulouse semblent se confondre : rue Judaïque barrée, parquage difficile ; je me retrouve dans la Ville Rose.
D'ailleurs je suis en retraite, à quoi bon une telle conférence ? Nous errons en touristes, pas question d'aller voir les prostituées bien sûr.
61 05 20
Il y a d'abord ce premier rêve, réunion de Terminales dans notre ancien atelier rue D – J, où il faut baisser la tête à la porte, où l'on se presse à l'infini, où je serais le seul de mon âge.
Puis cet autre : la préparation, dans ce même atelier, d'une conférence au dernier moment, sur les petits rats masculins de 7 ans, à qui l'on fait croire qu'ils dansent pour faire plaisir au petit Jésus : aliénation, ambiguïté ! Ceci doit être présidé par Nicoles Beau ou Colette Courtaud, il existe aussi un homme à l'arrière-plan, qui
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attendent mon résultat. Je notre entre les lignes d'un document, ou même au dos de ma chemise, qu'il me faudra donc ôter. Je dois rassembler mes idées, faire un plan, au moins, mais impossible de me concentrer. Les volets de l'atelie restent fermés longtemps, même leur ouverture procure peu de lumière. J'ai vu l'un de ces petits garçons : on lui ment, on l'étouffe, on le déforme.
Il s'en tirera par son art, s'il parvient à un niveau suffisant, mais après quelles contorsions de bonzaï ! Même réveillé, je m'efforce de rassembler mes bribes de raisonnement, de construction. Mais l'essence s'en est évaporée.
61 05 22
Après une dispute à l'auberge où nous logeons, Annie se sépare de moi et veut garder la voiture mais repart à pied. J'emménage à l'hôtel en face où c'est un Noir qui veut me sodomiser tandis qu'un de ses camarades me maintiendrait. Mais chaque fois qu'il m'approche à moitié fou d'aillleurs une grande flamme qu'il déclenche entre nous me brûle. Je parviens à m'échapper mais impossible de reprendre ma voiture vers Bordeaux afin de me documenter : deux heures de Terminales restent sans préparation, de 9 à 11h, non plus que les première et dernière heure. À l'étage de l'auberge suivante je me retrouve marié à Mélanie, mais sans grande attirance de part et d'autre, malgré mes efforts pour accéder à la passion en forçant la fenêtre de la chambre.
Ma mère note une trace dans les draps : bons à changer ; marié depuis deux jours déjà je voudrais rompre ou m'éloigner. Poursuis ma route vers Allaigne où vivaient des chevaux aux temps préhistoriques : d'immenses statues se détachent sur la falaise qui s'effrite à toute allure au point que je me retire précipitamment : comment ces hautes roches brunes ont-elles pu tenir tout ce temps, pour ne céder qu'à COLLIGNON
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présent ? Avec Mélanie, les rapports sont aimables mais forcés, je ne la ressens pas du tout : ni chaleur, ni amour.
61 05 23
J'habite une espèce de cité universitaire à escalier tournant, et j'arrache une marche : c'était un livre traduit, une fois de plus, du suédois. Et l'on secoue ma porte pour savoir si c'est bien moi qui ai démoli l'escalier – mais je fais la sourde oreille. Je redescends au galop les cent étages du vétuste immeuble de ciment avant qu'il ne s'effondre ; mais entendant du classique, voulant vérifier s'il s'agit d'un orchestre ou d'une partition enregistrée, je rebrousse chemin vers le haut. L'étroitesse de la pièce sommitale ne me permet pas d'en juger, mais la place manque pour tant d'instruments ; j'entreprends alors toute la redescente, affolé, souvent jambes et cul par-dessus tête – en fait il n'y a que 20 ou même 10 étages.
Parvenu en bas, il me faut admirer au rez-de-chaussée un vaste cabinet médical réaménagé, dont les vantaux vitrés mentionnent DOCTEUR NOGARET. C'est très clair, juste en bas de cet immeuble vacillant. Le vestibule, bien éclairé, comporte une bibliothèque où resplendissent de très beaux livres qui nous ont été « empruntés », mais sans grand espoir de retour... Après quoi, ma « mère-et-femme » me reproche de ne pas avoir suffisamment souhaité son anniversaire : j'ai offert de la bière – « oui mais elle était tiède » - et ainsi de suite pour d'autres cadeaux pourtant plus substantiels, dont je ne me souviens plus, mais systématiquement dénigrés. Anne me montre un sein en prétendant qu'il pue : c'est archifaux, mais il est tout grisâtre, peut-être malade...
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61 05 30
Adolescent, je me trouve au milieu d'une grande réception de l'ambassade d'un pays arabe, genre émirat. L'ambiance est fastueuse, les buffets sont abondamment garnis, mais tous attendent un signal du diplomate, une certaine heure n'est pas encore arrivée. Impossible de chaparder un sandwich ou une pâtisserie. Enfin le représentant de l'émir fait un signe de consommation, vers 20h, alors que le soleil n'est pas encore couché ; il ne s'agit donc pas du Ramadan.
61 06 18
a) Je coulais en essayat de me rattraper à l'eau gélifiée formant une sorte de pente au-dessus de moi, manquant d'entraîner Sonia et David qui préféraient lâcher prise. On m'avait retrouvé, tel un nouvel Ulysse, au sommet d'uen toute petite pointe de rocher émergeant de la mer, du côté d'Alboran, île de Calypso.
b) Cela se termine ainsi : je demande pour mon chat des renseignements administratifs à ma proviseur d'Andernos, qui me les fait parvenir en les glissant sous la porte des cabinets, puis qui y entre avec son adjoint, tandis que je les engueule pour leur incorrection, même s'ils ne me regardent pas : « On dit que les hommes sont vulgaires et grossiers, mais quand les femmes s'y mettent, c'est encore pire. » Je reçois ensuite une lettre mal déctylographiée et mise en page où elle retourne la situation et m'énumère les torts qu'elle va me causer. Mais je lance des seaux d'eau sur mon chat, noir dans mon rêve, et qui s'enfuit.
61 07 02
1) Avec Stéphane, le lendemain, je dois jouer en récitant un texte de Pablo Neruda. Ce dernier est présent, quasi agonisant, et se réjouit de ce dernier plaisir. Mais on me COLLIGNON
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présente un texte en espagnol que je dois traduire en français à mesure que je le récite ! écrit sur un papier froissé, à la main ! Tout le monde m'encourage à table la veille de la représentation, mais sous ma chaise le plancher s'est effondré, je proteste en vain : tous me font confiance, et Neruda me sourit.
2) Arrivé à Marseille, dans un quartier que je ne connais pas, après une bretelle d'autoroute particulièrement ramifiée sur les panneaux indicateurs : j'aurais plutôt tourné à droite, mais c'était à gauche. Bref ! la mer, les mouettes, une opposition soleil et ombre en biais sur un bâtiment que je prends en photo. Trois gosses qui dévalent une pente en rigolant sans m'agresser, je monte sur un mur au sommet sculpté, mais quand il faut redescendre, il s'est surélevé, je saute avec appréhension après m'être retenu le plus possible à une moulure.
61 07 08
En retard pour les cours de l'après-midi, un jour de rentrée de petites vacances, je me retrouve bloqué dans un faubourg de Vienne. « Ils » veulent y manger, je les cherche dans un restaurant populaire mais « ils » sont partis boire l'apéroje ne sais où. Je connais cette ville. Je parviens à dénicher un numéro de téléphone : ma mère me dit que je ne lui écris plus ; mon père vit loin d'elle. Au Lycée, on ne s'est pas aperçu de mon absence. Il me manque les 9/10e du rêve.
61 07 10
Redescendons de la chambre de Véra au deuxième étage de la rue Leupold, elle vient d'accoucher. Nous fait promettre d'adopter son chat, noir et blanc, cf. publicité « Félix ». Nous devons nous rendre à un récital de poésies organisé par des profs, dans notre petite auto noire. Annie conduit, l'auto se renverse, je m'affole et dis
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vouloir m'y rendre à pied car nous bloquons toute la situation. Enfin tout se remet vertical et notre ami l'électricien peut tourner à gauche avec sa camionnette. Nous parvenons à un théâtre de quartier. Je m'égare dans une impasse construite, me mets à y hurler de désespoir. Deux chiots féroces me poursuivent, le propriétaire a bien du mal à les rappeler.
Il y a queue pour le récital ; je reconnais Rinder, une élève de Vienne ; je me suis mis, dans la chambre de Véra, une kippa qui dépasse sous un chapeau haut-de-forme ; le préposé aux billets, chauve, en porte une aussi ; j'effleure des lèvres sa calvitie, nous échangeons un chalom bien que nous soyons le soir. Annie a du mal à retrouver son billet. À l'intérieur, le parterre est vide mais le balcon rempli. Un premier chanteur arrive (melon et papillotes) ; la musique couvre sa voix : il se rapproche de la rampe et fait ses efforts, les sons qu'il émet deviennent plus graves. Le texte est de Jacques Brel : Quand on n'a que l'amour... Mais le récital s'interrompt tout de suite : déjà l'entracte ? Je cherche évidemment un endroit pour pisser, d'abord dans la rue Leupold, mais tout a été repeint par le propriétaire, et l'appartement demeure inaccessible. Je trouve alors une salle de bain abandonnée (mais je n'ai pas d'appareil photo...) figure une vasque où je dois pisser en évitant de me faire surprendre.
61 07 13
Mon père m'emmène à scooter voir une maison qu'il m'a achetée sur un terrain extrêmement pentu à la sortie de Montauban, avec traces de vigne. Le terrain est très allongé, ancienne voie de chemin de fer. Je me retrouve dans un train qui fonce, mais qui finit par s'arrêter. Dans la maison une débauche plus ou moins homo : un type s'envoie une chaise, BHL pérore, je me retrouve au lit avec trois gouines, c'est très
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étroit, je me suis couché sur l'une d'elle. Elles nous donnent (à tous?) des sacs à provisions. Je m'habille, en essayant de renfiler mon pantalon sans exhibitionnisme. On peut accéder à la maison par en haut, à partir d'un pont routier urbain.
61 07 25
Anne et moi devons loger chez un couple de jeunes instituteurs savoyards. Ils habitent au sommet d'un village en côte, déjà vu dans un autre rêve. Ils ont une charmante petite fille avec laquelle je converse. Le mari me ferme mon téléphone portable. Anen regagne notre chambre, je redescends. La femme corrige des cahiers. L'homme a laissé un texte en prose travaillée, où peu à peu le sujet devient financier. Il a emprunté chez Bouygues, qui lui dit que c'est bien beau de prendre, mais qu'il faut aussi se disposer à rendre. Le téléphone, que je récupère, délivre un message oral semblable au texte que j'avais lu, tandis que la femme, aux longs cheveux blonds, se pressait un peu contre moi, assis, en train de lire.
À ce moment, je ne sais quel véhicule interne m'amène vers le bus du village, lequel se prolonge plus que je n'aurais cru. La porte de l'église déserte est grande ouverte. En remontant la pente, je lis à terre une rédaction sur cahier, d'une petite fille qui raconte ses rêves de voyage. J'en découpe deux pages que je rapporte chez mes logeurs, puis le redescends avec des plantes séchées entre les pages pour que l'autrice de ces lignes les retrouve ; ce n'est pas la fille de mes hôtes. Le soir, dans le noir, sur l'herbe et les feuilles mouillées, je pisse sans être vu, rue Romain Rolland.
61 07 31
J'étais à Athènes, en groupe. Nous montions une ruelle en impasse, au bas de laquelle se trouvit une cour. Anne et moi sommes restés en derniers, les autres ont rejoint en COLLIGNON
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barque une frégate invisible pour continuer leur voyage. Une partie du mur s'effondrait. Je la repousse pour la remettre en place. De là-haut, par une lucarne, le paysage est splendide. Pas moyen de redescendre sur les rochers en contrebas. Une fille se faufile par un trou dans la pierre, remonte dans les sous-bois clairs, revient nous rejoindre. D'un autre trou sur ma gauche montent les accents d'un bouzouki. Toute une famille vit à côté, elle nous invite par leur fenêtre ouverte, tous s'installent à côté de nous sur le balcon qu'envahit la marée.
Musique constante. La vieille mère voit deux billets de 20€ qui dépassent de mon foutoir de revues. Je ne veux ni vin ni fromage. Mon français maladroit n'est pas toujours compris. S'il y a un tremblement de terre, un touriste, resté avec nous, affirme que nous serions tous écrasés. Il se dégage une paix profonde ; partout des enfants, des gros chats.
61 08 07
Sonia est inhumée dans les Pyrénées, puis à Meulan. Puis elle ressuscite. Nous revenons avec elle, et dans notre appartement de la Cité du Paradis. Elle insiste pour qu'on retrouve une autre tombe. Elle est munie d'une énorme masse. Nous démontons en vain une énorme tombe, et, après recherche, elle veut en démolir une seconde. Elle me menace, alors que je veux tout arrêter. Des passants écoutent notre scène et se marrent. J'échoue dans un appartement où j'expose à tous les prolos la situation. Un petit vieux qui fume la pipe et fait l'important m'informe qu'il fallait une autorisation préalable et d'autres démarches, que ça ne se faisait pas « comme ça ». On me demande aussi pourquoi je parle de « grossièreté » à propos de Sonia.
En réalité c'est « menaçant ». Toute la cité va être au courant... « Elle ne savait pas ce que je suis ». Nous allons tous encore passer pour des fous. En ressortant, je dis COLLIGNON
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au revoir, seule une petite fille me répond. Deux femmes de cinquante ans préfèrent continuer à se parler, en polonais. Je rejoins un sentier de campagne
61 08 13
Un hôtel complet m'envoie chercher un gîte dans la nuit pendant une tempête de neige. Heureusement, Marine S., amoureuse de moi mais mineure (de plus j'ai mon âge actuel) accepte de me recevoir chez elle où ses parents m'accueilleront. Josette me conseille d'accepter, moyennant bien sûr, de ma part, une conduite parfaire. J'étais très heureux d'aller chez mon amoureuse...
En banlieue, une jeune femme blond filasse habillée d'une atroce jupe vert pâle me fait du gringue après que je l'ai prise en stop. A cela je réponds je ne sais quelles niaiseries, elle redecend en me faisant la bise et en me traitant de gamin. Ce n'est qu'alros que je me rends compte de l'occasion ratée. Elle refait du stop avec une copine noire, mais le suivant ne veut pas l'embarquer, tant mieux. Repartant dans ma voiture, je tourne en rond, cherchant la direction de Paris, mais les panneaux verts de direction m'apparaissent brouillés.
61 09 02
Anne a l'idée d'inviter au restaurant Jacques et Muriel dans le quartier de la gare, alors que j'ai cours dès le début de l'après-midi. C'est une grande salle aux tables sombres, assez solennelle. Et je reproche de plus en plus fort à ma femme ce repas, car, moi, je travaille. Je finis par me lever, quitter la table, revenant cependant sur mes pas pour faire croire aux autres convives que « le parquet et le barreau » m'attendent, pour ne pas révéler que je suis prof, car « ça fait mieux » d'appartenir à la justice. Or, COLLIGNON
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ma voiture est perdue, il ya des travaux, j'aimerais bien me renseigner auprès des passants, l'un d'eux enlève sa capuche : c'est Madec, aussi ahuri que moi. Anne me rejoint, je pourrais aller au lycée, mais sans mes préparations ni mon carnet de notes, ce qui m'affole complètement et me rend infernal.
Voiture toujours introuvable, je crois que les autres finalement sont restés à leur repas.
61 09 10
Qui est cet homme qui m'a conseillé sur mon œuvre ? Il a parfaite ment compris mes malheurs passés, mais demande que j'écrive à présent le versant favorable de l'existence. Il est âgé, corpulent, impressionnant, majestueux. C'est le père de Mlle Abdelkader. Laquelle me donne 5€, en insistant pour que je n'en prenne pas d'autres, même si cet homme m'en propose. Or, ce respectable vieillard ne m'a confié ensuite que sa propre œuvre, quelques feuillets. Puis il acheta 6 chiens, dont un particulièrement affectueux. Il les a ensuite attachés, puis s'en est allé avec eux, afin de les dresser pour la chasse. J'étais très impressionné d'avoir été pris au sérieux, même respecté, par tant de personnages considérables.
Cet homme était un mélange de Cuny et de Renan, il s'exprimait avec la voix prenante du premier, tout en ayant aussi celle d'Artaud, je le faisais observer. Il m'aurait protégé. Il le refera quand il reviendra de ses chasses. Tous ses chiens portaient des cornes recourbées, en forme de saucisses noires.
61 09 11
Ce que j'ai voulu faire s'est transformé en ce que j'ai fait.
Nous devons partir, Anne, Muriel, Didier et moi, en voiture à Paris pour y séjourner
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quelques jours. À 16h 30 nous en sommes encore à trier des documents ; j'emporte les méthodes de grec et de turc. Ma belle-mère Coco fait un peu la tête, mais s'occupe de remonter des choses de la cave, rue David-Johnston, avec Emma, petite, qui s'exclame « Quelle clarté ! » dans le hall effectivement transformé en cage de lumière. Coco reçoit un Singe Vert mais ça ne lui fait aucun plaisir. Enfin nous partons à deux voitures et parvenons vite (depuis la banlieue) aux portes de Paris. Il s'agit de se repérer au pifomètre pour notre hôtel bouibouiteux, près de l'Odéon, où Anne et moi réussissons à pénétrer, au premier étage, en faisant croire à la réception que nous sommes les clients d'avant...
61 09 13
J'ai rêvé de foules immenses et misérables aux Indes parquées dans la boue, ou dans un creux énorme, avec une falaise, d'où sautaient vers nous des enfants. D'un Bouddha énorme violant trois fillettes sous la vénération des spectateur, ou volant mon manteau. Je devais être à Srinagar pour 8h, or, impossible de téléphoner avec mon portable ; le Bouddha s'arrêtait menaçant devant moi qui ne « suivait » pas - « je suis professeur », disais-je. Dans le creux, une femme gourou demandait qu'on se serre sur les bancs. On se battait à coups de coussins. Anne, en violet, se trouvait là, je la perdais, la retrouvais, tout en violet. Stéphane nous attendait toujours à 8h, toujours impossible de téléphoner, nous avons donc dormi sur place.
Anne se montrait passionnée, je lui reprochais de me retenir au lieu d'aller voir Stéphane elle-même. Toute la fin de ma nuit se passait à rater un bus plein d'enfants, croyant qu'Anne était malgré tout dedans. Des militaires revenaient fusiller des enfants sous un hangar. Je finissais par repartir à pied, avec une seule sandale.
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61 09 20
Mon chat transperce de ses dents une faible taupe. C'est la deuxième fois. Je m'aperçois qu'il ne s'agit que d'un chaton... Nous habitons avec mon père sa maison de Mussidan. Anne a fait ramener ce chaton depuis Sore, à mon insu. J'essaie d'inventer un langage pour parler de ce chat, le djungo finalement suffira. À table, Anne et moi vidons une cannette de bière, mon père n'en aura pas. Puis tout le monde se planque dans sa pièce, un livreur sonne, je lui réponds en balbutiant du faux russe, les autres portes se rouvrent... Il s'agit de produits pour le chat, éléments de plastique et autres choses inidentifiables. Après tout, je finis par adopter ce petit bout de chat fragile et de m'amuser avec lui.
61 09 23
Chez Véra Benazerraf, au sommet d'un escalier périlleux d'immeuble. Confrontation avec une autre, dont j'ai oublié le nom. Il va falloir jouer serré. C'est l'autre qui l'emporte. Il y a un chien, il y a Leslie. Comment dissimuler à chaque femme l'intention que j'ai de conserver l'autre ? Simonin nous entasse à 5 en 4L vers le Bassin d'Arcachon. Véra B. vaincue s'effondre dans le sommeil sur un siège arrière. Nous roulons lentement. Je voudrais faire dire à Véra B. un mot déformé, en portugais. Mais il n'y a pas moyen dans cette voiture de se retourner vers les passagers d'arrière. Qui était l'autre femme ?
61 09 27
En Russie, mais tout le monde parle français. Des savants ont découvert comment développer ses facultés sensorielles et actives. Pour cela il faut réussir une manœuvre informatique simple. J'y échoue avec quelques autres (n° 129 à 23) (???). Pourtant il
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s'en est fallu de peu. Nous sommes promis à une élimination. Un homme-lapin m'empêche de rejoindre le monde où nous pourrions nous échapper. Mais je parviens à fuir, en arrachant l'herbe, en projetant de tuer le plus possible. Ici, nous avons pu faire grimper notre voiture au sommet d'une immense muraille. Nous rerrouvons des formules mathématico-cybernétiques.
Anne y renonce, pas moi. La voiture s'est retrouvée redescendue. (Tout s'est évaporé).
61 10 14
Retrouve Françoise par une visite surprise, dans une grande maison grise et blanche très éclairée. Lui propose de fonder une association des maires de France. Nous ne serions que deux, pensons-nous. Robert téléphone dès la cinquième minute où je suis là. Je me suis mis sur le dos de Françoise dans le couloir, avec tendresse. Telle est ma vie, et je l'ai ratée. Que les idées de tous restent confuses ! Nous balaierons tous ces affreux. Je chie portes ouvertes, traces de merde dans la cuvette, Françoise s'en contrarie, « de toute façon chez toi tout est ouvert ». Nous nous mettons à table dans le gris et l'air frais. « Je suis bien content de te voir quand même. » Seulement, que de regrets...
61 10 17
Avec Olivier Gomez et Lauronse, nous occupons une location à trois chambres séparées. Pour faire notre toilette, cela prend du temps. Je m'empare d'une chambre inoccupée. Cependant, Olivier me gourmande : ne suis-je pas allé faire du vélo en compagnie sur une route menacée par des bombardements ? Il ne me reste que
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très peu de souvenirs de ce rêve, et je devrais les noter, ici sur cet écran, dès mon réveil.
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Visite avec Christophe un appartement qu'il nous a découvert. En descendant, il me fait voir un petit retrait sous un escalier, où l'on peut se suspendre de façon à ne laisser voir que ses pieds, comme un pendu. En face, un petit jardin interne avec porte vitrée. Il semble satisfait de cette astuce. Les autres, dont Anne, attendent avec inquiétude au niveau supérieur.
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10 19
Vaste saga. Avec des lycéens je fais le siège d'une
forteresse en carton-pâte, sous le commandement d'un chef japonais
hystérique qui se reçoit des levants de pont-levis sur la gueule,
puis nous ordonne de charger en sens inverse, en montant, avec
d'immenses lances nippones. Nous le faisons avec enthousiasme et
dépassons les bâtiments d'une firme « OSAKA ». J'arrive
enhaut dans les premiers, mais un haut-parleur proclame vainqueur un
gringalet de nom germanique, tout surpris, qui tient déjà dans les
mains un vase d'argile qu'il a gagné, catégorie
tous vases ! Il
a l'air parfaitement ahuri et tout le monde rit d'un sous-entendu
sexuel débile. Puis, en autocar, nous partons pour l'Allemagne, très
loin, vers Francfort-sur-l'Oder.
Bonne entente avec une famille bilingue qui nourrit tout un chacun (nous ne sommes plus qu'une demi-douzaine). La mère est charmante, elle a un mari, un garçon, deux filles, le père se fiat charrier gentiment par ses enfants question autorité ; j'ai à côté de moi une fille garçonnière de 14 ans, qui tente de cacher ses seins nus, prétendant, au contraire de moi, qui en ai horreur, avoir besoin d'une autorité
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rassurante. Je me suis allongé sur son dos tête-bêche, tout le monde feignant de l'ignorer, et l'ai emmenée avec moi en stop à travers toute l'Allemagne à bord d'une voiture de luxe conduite très vite par une très belle femme, et me retrouve dans une chambre d'hôtel. Je la laisse, et visite une grosse ville auvergnate en pleine foire au saucisson ; des jeunes gens m'abordent pour me dire à quel point ils sont passionnés par des reconstitutions de vies minières, y compris dans des bas-reliefs.
L'église est immense et domine la ville, dont le nom ne me dit rien, aux alentours de Monistrol sans doute. Je suis moi-même avec un pic et un levier de mineur, et tâche de ne pas avoir l'air trop effrayant : « Dans quelle ville suis-je ? » Alors une femme, effarée, me répond d'un nom inconnu, tandis que sa fille observe que la question n'est pas très maligne, le nom figurant sur le bureau de poste tout proche (petite boîte jaune encastrée dans le mur, minable – sans nom). Et de retour à l'hôtel, où ma jeune fille est restée, je m'avise qu'on doiut nous chercher tous deux dans la famille d'accueil, faire le rapprochement, s'imaginer les pires choses, enlèvement, séquestration et tout ce qui s'ensuit, alors que l'idée ne m'en avait jamais effleuré l'esprit.
C'est d'autant plus stupide d'avoir pris les devants (par ennui) : nous devrions, nous, Français, reprendre le car du retour, avec une seule étape à Strasbourg. Je m'éveille, sans avoir pu infléchir le rêve jusqu'à téléphoner à cette famille si unie : retourner avant la nuit là-bas pour en repartir le lendemain matin relève de l'impossibilité temporelle – comment avons-nous pu si rapidement parvenir dans le Massif Central ? (Il est presque 8h du matin...)
61 11 08
Qu'est-ce que nous avons renié ? ("Qu'avons-nous renié ?") - Une immense falaise entaillée comme un coeur, stratifiée et dorée comme un Colorado sur la mer, près de la frontière italienne. Ces reporters aigris qui grimpaient en chantant le long des pentes abruptes pour flasher les derniers couples anglophoners exilés. D'abord les arrivants s'étaient montrés timides, hostiles, puis ils leur ou nous apportèrent des canettes, bière ou coca, et reprenaient pour nous leurs poses lassées sans plus nous voir que l'abîme glorieux qui s'ouvrait à leurs pieds. Plus tard nos écrits déjà rédigés révélaient l'interminable liste des familles déjà contaminées, puis englouties par la vague extrême-orientale au prix de concessions, d'abandons, de mariages, et de tant de décès ui sans cesse montaient et les submergeaient toutes.
Le soleil cependant n'en finissait plus d'exalter les plaisirs et je chantais douloureusement, mais enthousiasmé par ces courants de pensées qui sans cesse m'avaient guidé, envahi, au point que jamais, jamais je n'étais parvenu à penser par moi-même ; à peine un reflet imposé par le monde, constituant pourtant mon souffle et ma fraternité.
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61 12 20
Rattrapé par Domi en voiture autour de Bordeaux mais dans un paysage bien trop vallonné. Nous aboutissons dans un luxueux pavillon de série télévisée mais ne pouvons éviter que tout le monde se lève (c'est très tôt le matin) : chacun présente un modèle de folie agitée, le directeur exerce un pouvoir discrétionnaire sur chacun. Voix off (de lélé) : « Qui est le véritable personnage principal ? Le directeur ou ce très jeune garçon ? » (8 ou 9 ans, d'une beauté et d'une insolence à couper le souffle. Nous sommes partis en raison de l'atmosphère malsaine, juste avant, supposons-nous, une espèce de délire collectif partouso-pédophilique). C'est très pittoresque cependant, voire émouvant. Je voudrais bien à présent revenir chez moi, avant qu'on y soit réveillé. En voiture, Domi, très calme, me conduit dans un chemin que devient sablonneux ; demi-tour pour ne pas s'ensabler.
Un chien nous a suivis depuis l'asile, blond, de type labrador. Domi fume et me vante ses explorations. Pour moi les environs de Bordeaux sont trop connus, mais ces paysages bocagers (!) sont de toute beauté. Pendant tout ce rêve Domi était équilibré, modeste et sympathique.
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61 12 30
Nous avons été conviés, Anne et moi, à une vaste frairie en plein air par Lazarus. Se trouvent là toutes sortes d'illustres que nous devrions connaître. Et moi comme d'habitude je cherche les chiottes. Au sous-sol, des filles s'habillent et se chatouillent quelque peu, je rigole bien. « Qu'est-ce que ces façons de s'esclaffer ? » J'entends Lazarus émettant des réserves sur nos relations qu'il a bien condescendu à reprendre, mais pas au point de me sentir sans gêne chez lui. Au premier, pas de chiottes non plus : l'accès est condamné par des cartons. Au-delà, on fait des restaurations. Puis je me rappelle avoir déjà pissé. On me présente un vinyle dont il faut absolument que je connaisse l'auteur.
Je refuse. D'ailleurs un trou rond, dans le vinyle, empêche qu'on s'en serve. Hélas l'auteur-compositeur est là, mielleux, poisseux, bourré. Je dois feindre d'apprécier sa chanson comique sur des légumes et des crèmes... Enfin je m'installe en coin de table, à côté de Lazarus qui me présente, m'encourage et me lance des piques à la fois. J'enfourne une énorme bouchée encombrée de béchamel ou de meringue molle, en essayant de la rattraper de façon élégante et humoristique, mais ce n'est guère convaincant. Les mots se suivent. Que de monde autour de cette table, et que j'aurais dû connaître ! Veut-on enfin me reconnaître, ou m'administrer une leçon publique ? « Je sais dans quel état tu as laissé ma dernière lettre » : en effet, toute froissée, sur le point d'être jetée.
62 01 18
Avec Sonia en voiture au sud de la Belgique. Un panneau indique « Givet ». Je ne nous pensais pas si proches de la frontière et le nom de la ville apparaît tout de suite. Je montre à Sonia tout ce que j'ai déjà vu, en vantant la particularité, la beauté du site. Mais nous nous sommes garés trop tôt et devons longer à pied une interminable COLLIGNON
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rangée de maisons, sur des trottoirs frôlés par la circulation. Nous parvenons enfin à des tours médiévales, alors que les forts de Givet sont bien plus contemporains. Voici un type qui vient nous vendre « 800 balles » un collier pour un chien noir qui nous a suivis tout au long. Je refuse, même s'il affirme que nos ne trouverons rien à moins de 500€. Je laisse Sonia contre son gré dans un bistrot pendant que je retournerais à pied chercher la voiture : elle ne veut pas « rester avec des Arabes ». « Mais il n'y en a pas ! » - si, juste à côté.
Elle n'a pas aimé Givet
62 01 10
A l'hôtel, je me taille soigneusement les cheveux sur le côté avec de tout petits ciseaux devant deux servantes que je voudrais séduire. Elles viennent de me changer le radiateur électrique. Puis je gagne la gare de « Prague-Budapest » toute proche. Mes pas glissent sur le sol. Je chante en faux italien-roumain. Un homme ne veut pas que je chante dans une longue impasse luxueuse peuplée des Français. Il me parle avec des gestes, comme si je ne comprenais pas ; me laisse entendre que là, l'air est pur... Un peu plus loin je descends une autre rue, et m'allonge sur de l'herbe. Simonin se trouve là, assis, je fais semblant de ne pas le voir en me protégeant les yeux du soleil. Mais nous nous reconnaissons, finalement.
Il vient auprès de moi en compagnie de Marie-Laure dont je vois le sexe, très large et très marqué. Je leur dis que je drague toutes les femmes (il en est venu, de leurs connaissances, autour de moi), « y compris ma fille » ajoutai-je ; ils se mettent à rire, car c'est en tout bien tout honneur. Plus tard, dans un bar, des Français discutent. Une femme en embrasse une autre en lui disant de ne pas avoir de préjugés ; d'essayer d'abord « avec une pelle ». Je me lève et gagne le bar. Une troupe de danseurs et de musiciens exubérants : je me mêle à eux en dépit des réserves du patron. Ils dansent et
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m'entraînent en rond, mais je ne puis me positionner autrement qu'à l'horizontale et tout raide, au niveau de leurs épaules.
62 01 15
Je suis un serviteur dévoué de la maison des Habsbourg, ou des Hohenzollern, fin XIXe siècle. Il ya déjà un an me fut confiée la délicate mission que j'accomplis à nouveau, mais de façon peut-être définitive cette fois : faire chier une dernière fois le monarque dans une pièce retirée, à l'intérieur d'un pot exigu à couvercle ouvrant métallique. Je dois prendre garde que le souverain ne soit pas vu de l'extérieur, car des gens de cour se sont installés en hauteur autour d'une table de jardin pour discuter, avec vue plongeante par une large lucarne. Il n'est pas question que ces augustes personages soient déplacés, car tout doit demeurer secret. De l'autre côté, une mince cloison sépare la pièce-à-chier d'un salon où l'on cause. Les femmes portent des habits de 1875. Je calcule l'endroit où l'Empereur devra s'accroupir, loin de tous les regards. Il me revient de tout préparer secrètement, et je finis par trouver l'angle obscur adéquat, malgré certains, dans l'ombre, qui feraient mieux, sans doute. Ensuite le souverain décèdera. Sa « relique » sera hermétiquement conservée. Une personne me monte le même certificat d'accréditation que l'année précédente, où figurent tous les noms de la famille impériale ; or moi-même, serviteur gradé mais serviteur, chargé, en somme, de l'essentiel, n'y figure évidemment pas.
Il peut s'agir aussi de Napoléon III, mais c'est peu probable (mort en 1873). ou Frédéric III (mort en 1888, même remarque) ou même de François-Joseph, mort en 1916. C'est bien tardif.
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62 01 15
Nous habitons allée des Tulipes, les immeubles me semblent bien plus hauts, as if I were a child. Et je rencontre un pilier de bistrot sympa ; je ne savais pas qu'il habitait la porte voisine. Quand je crie, des têtes inquiètes apparaissent aux fenêtres. Une voisine écoute de la très mauvaise radio, ça crachouille ; je fais observer à Arielle que c'est inspiré de La mort le roi Arthur. La femme essaie de mettre la radio plus nette. Et moi, j'écoutais sa conversation avec une autre, sur la santé du pilier de bistrot ou je ne sais quoi – des vies privées que j'aurais aimé connaître. J'étais allongé sur la pente du talus, parmi les saillants de racines, jouant les endormis mais parfaitement repérable. Ensuite, il s'agit d'éviter les gosses trop familiers.
Un groupe se raconte l'histoire d'un poisson grand « comme ça », où le voisin se prend une baffe dans la gueule à cause du geste, mais quant à moi, j'ai paré, et nous sommes redescendus au pied du talus, très verdoyant. Atmosphère sympathique malgré tout, dans un climat d'acceptation progressive de la population.
62 01 27
Nous sommes invités chez monsieur Afonso, devenu turc dans le rêve. Il est parent d'un de mes élèves. Dans son jardin je découvre des « groseilles de bruyère », ce qui n'existe pas, perchées sur la plate-forme d'un arbre coupé. Je les rapporte et les jette un peu partout en les mangeant, invitant les autres à en faire autant. Le repas se prépare. La femme est grasse et discrète. Anne repère un livre du XIXe siècle, croit en reconnaître un des nôtres et l'emballe dans un Sopalin pour le chiper malgré mes remontrances. Au transistor on annonce des attentats contre des touristes français.
Monsieur Afonso semble vivement contrarié, il remplace sa chaise par un tabouret, moins confortable et plus bas. Anne repère un bibelot, qu'elle emballe aussi.
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Je suis presque sûr que cette fois, on nous a vus. En ouvrant le programme du dîner, je m'aperçois qu'un excellent groupe indien a été invité pour nous tous. Les conversations se poursuivent, je suis un peu tendu. Tout le monde est petit, gros ; oriental typé.
62 02 02
Nommé à Bourganeuf. Avec moi, à l'hôtel, une fille de 15 ans que j'ai kidnappée, possessive, qui m'entrave dans ma préparation pour aller au lycée. J'y pars, mal fringué, sans trop d'affaires, et l'établissement est cerné d'une foule d'élèves. Je suis donc bien arrivé pour 8h1/2, mais je n'aurai pas de cours avant l'après-midi. Un occupant du lieu m'indique un secrétariat éloigné en ville, où je me promène : dans les 10 000 habitants (dans les 4000 en réalité) - c'est moins que Guéret. Le secrétariat est éloigné du lycée ; il ne s'agit d'ailleurs que d'un bureau annexe.
Quand je rejoins enfin l'établissement, je tombe sur le proviseur, sur fauteuil roulant et qui fonce partout. Il me demande de mettre au moins ma ceinture à l'endroit, bien qu'il sache qu'il envoie ses collègues "à la misère". Il semble paternaliste et intrusif. Je m'installe dans une classe où se tient une réunion informelle. Repas pour les collègues. On m'a précisé une longueur d'onde pour que je puisse diffuser mes émissions. Mais tout semble bien calibré : je ne suis que le "nouveau" dans une structure établie bien conformiste. On prononce déjà mon nom comme celui d'un original. Au repas, un collègue s'adresse à un autre : "Salut cocu !" Je réponds pour lui, à part moi : "Salut pédé" - rires. Pas de place à la grande table. J'en avise une petite, passe la main dans le dos et pose la tête sur l'épaule d'une collègue, manifestant ainsi que je la drague à fond. Et toujours pas moyen d'obtenir un emploi du temps. COLLIGNON
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Bien entendu je n'ai préparé aucun cours. Tout a l'air de nager dans une joyeuse pagaîe où je suis l'intrus, pagaïe manipulée par un proviseur sur fauteuil électrique, lui-même bien lunatique et manipulateur.
62 01 07
Des autocars de manifestants se remplissent en faveur de l'Ukraine. Josette et Anne s'y trouvent, ainsi que nombre de connaissances agréables. Je ne parviens pas à y monter, d'ailleurs, je soutiendrais plutôt Poutine. Tout le monde parvient dans une prairie bosselée, en bordure d'un cantonnement de séparatistes. Pendant le pique-nique, ces derniers franchissent par curiosité le mur qui les maintient enclos. Nous sympathisons, mais certains les remettent aux autorités ukrainiennes. Je repars de là à pied jusqu'à une lointaine bourgade d'Allemagne profonde, où je me suis déjà rendu dans un autre rêve.
La partie basse de cette petite ville, en particulier le pont, est restée dévastée par une inondation. Je cherche un asile pour ne fût-ce qu'une nuit, car je suis épuisé, mais tout va s'arranger. En attendant le repas que l'on m'offre, je parle en français avec un jeune homme charmant, érudit, à petites lunettes, qui me parle de ses travaux sous le regard affectueux de sa soeur.
62 02 10
Je nage dans la boue, à même la chaussée. Mes grands bras raclent l'asphalte. Personne n'y prend garde depuis le trottoir. Je parviens dans un petit théâtre. L'équipe (d'anciens amis, que je ne saurais identifier) me semble bien plus sympa que celle de Stéphane, qui y figure pourtant, en simple visiteur. Quand je repars, je me perds. Mon téléphone portable ne marche pas, les messages que j'y reçois sont tous destinés à COLLIGNON
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Stéphane. Je me retrouve le long d'un long mur de cimetière, et d'une route à quatre voies, paysage déjà vu dans d'autres rêves.
62 02 11
Avec le père N. très affable, qui habite mon appartement de Meulan. Il dispose des tableaux. Il reçoit un confrère et me demande de ne plus me vautrer sur la table de cuisine, d'en débarrasser le pollen. Le confrère trouve que ma main, qu'il serre, est bien humide. Nous échangeons des plaisanteries de bon ton. Quand tous les invités s'en vont, je reste, à hauteur de chat, derrière un trou dans le mur, et les compare tous au moment qu'ils partent à des animaux. Ils doivent pourtant me voir, à travers ce grand trou, mais je peux passer pour un chat moi aussi.
Le père N. m'entraîne en promenade, dans la forêt, pour glaner des mûres ou piller des plantations privées. Il m'a mis des raisins frais dans les poches. Nous parvenons en vue de deux fermes côte à côte ; je suis surpris de n'avoir pas connu ce chemin bien que je me sois déjà promené par là. Il me fait jeter les raisins.
62 02 16
Domi et Anita, rongés de cancer par le soleil. J'embrasse le dos d'Anita. Domi rappelle toutes ses nostalgie. Je devais faire promener Arielle, c'est exclus. Je pisse au fond d'un établissement pour enfants, dans l'herbe. Ils me disent que si je ne fais pas partie de leur établissement, je dois m'en aller. Sur un chemin longeant une petite rivière, je retrouve des textos où Anne s'entendait bien avec Katy dans une amitié amoureuse. Pas moyen de les effacer. Je jure comme un charretier.
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62 03 07
Me suis aventuré en Algérie. Occupe une chambre minable, hôtel minable. Deux serveuses, une blonde et une brune, très aimables, parlant français sans accent. Un meurtre s'est produit dans la chzmbre d'à côté. Mais elle a été fréquentée, piétinée, des sandales y ont été abandonnées. On la mure, et je baise plus ou moins la plus blanche de peau alors qu'elle "refusait" un garçon blond dans la rue. "Chaque fois que j'en vois un beau, il faut qu'un homme le repère avant moi. Tu es intéressé ?" Je feins de l'être, car je me suis répandu en admiration. Un enquêteur vient pour le meurtre, tout est à nouveau bien ouvert.
C'est Raspail. Je me mets dans son axe pour qu'il me voie et me reconnaisse. L'affaire sera traitée négligemment. Sur le route j'essaye d'envoyer un texto à mes parents : "Suis en Algérie, ça n'est pas trop cher" mais il faut diriger l'appareil vers un point d'eau, dans le creux de la main. Parviens à un bistrot rudimentaire où va se transmettre un match de championnat, contre une équipe anglaise. Je lis cela de biais sur le journal d'un voisin, article en espagnol. Les murs se garnissent de spectateurs. Je consulte mon portable sur le comptoir dans le dos du barman qui évolue à mi-longueur.
Un peu de musique, des appareils là aussi difficilement utilisables. Pour ne pas être coincé par la foule, avant qu'elle ne devienne compacte, je ressors, et reviens à mon premier hôtel. La fille blonde y est toujours et me sourit ; je l'avais crue morte dans une fusillade. C'est la première fois que je rêve d'une Algérie profonde, campagnarde, presque européenne, dans une contrée fertile grande comme la Limagne. Et le bistrot du match retransmis était contre la guerre. Mais j'aurais bien voulu m'enfuir, ne me sentant vraiment en sécurité nulle part.
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62 03 09
Accompagne avec d'autres (Santianez) un voyage scolaire alpeestre. Notre établissement se trouve aussi dans les Alpes, et le réfectoire se prolonge par une supérette qui suit la pente de la montagne, et comporte des étalages de grosses tomates bien fermes. Le patron est un peu bourru voire débile, mais favorable à ma présence. Ensuite, avec les élèves, nous gravissons une oblique à travers la roche grâce à un ascenseur longiligne (cf. Roc-Amadour) ; mais le voilà qui retombe en arrière. Tous s'en sortent, je dois regravir les escaliers, dernier du groupe, et regagne le restaurant des élèves, là-haut, très essoufflé.
62 03 11
Anne et moi venons d'emménager à Tours dans une grande maison claire. Nous avons dû descendre deux tracteurs perchés sur une estrade dans une grange, à l'aide d'un plan incliné. Le beau-père nous a aidés. Puis Jean Dépont et Tarche nous ont invités dans la maison de ce dernier, à flanc de colline : vue sur un terrain de camping, herbeux, où vit aussi un sculpteur écolo qui aligne des têtes sur son établi en nous regardant d'un air soupçonneux. Mais Anne ne vient toujours pas, je raconte à quel point mes rêves se sont développés quand j'ai vu que ma femme ne sortirait pas des siens.
Mes hôtes reconstituent, à même deux tables de bois vernies, les éléments d'une structure en forme de flèches de grues à peu près symétriques. J'essaye d'y ajouter une structure à moi, mais j'y aurais inclus un élément de plastique susceptible de moisir : ils me la font enlever. Je me demande s'ils font cela habituellement ou si ce n'est pas un passe-temps pour cacher leur ennui. Ils me suggèrent de reprendre la route vers La Roche-sur-Yon : d'après la carte, ce n'est pas loin, et ce queje prenais pour
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Tours ne devait être que Luçon. Je vais donc là-bas, et me demande ce qu'est devenue une lettre sur la chaudière, que nous avions envoyée à l'administration.
Bien que je m'adresse directement, à l'étage, je suis reçu aimablement, on cherche une madame Würger ("L'Etrangleur"). Et l'employée supérieure vide une corbeille à papier où se retrouve une vieille carte Michelin des années 30, bleu foncé, portant la mention "Germany" - mais mon affaire "suit son cours". *
62 03 15
Au nord de l'Angleterre avec une petite fille; moi-même petit garçon, le long d'un canal gris et froid, où nus devons nous tremper sans cesse pour poursuivre notre route. Des petits garçons s'interpellent: "Est-ce qu'il est au courant ?" Ce qui veut dire : "Est-ce que tu (est-ce qu'il) fait partie du jeu ? Tout le monde s'exprime en français. Enfin la fillette et moi parvenons au bord d'un grand jardin ; Aline est en contrebas. Nous y attend un petit chat blanc et uu ballon. Nous jouons en bas de la pente ; mais la maman de la petite fille la rappelle de tout en haut : nous n'habitons plus ici, nous devons abandonner le chien.
Je hisse la fillette et divers jouets et vêtements, elle me les demande, sans tenir compte que mes affaires à moi restent en bas. Je lui en fais reproche. Alors qu'elle est sauvée, avec sa mère, en haut et à l'extérieur, je dois ramper encore sous la barre de fer atteignant presque le niveau du sol. Je recaresse quand même le chien que je ne reverrai plus jamais plus jamais. La maman reviendra habiter ici toute seule. Je dois quitter ce paradis triste. J'aime tant ce petit chien blanc, et je ne sais si j'aurai la force de regravir cette pente si raide d'où nous nous éloignons.
(...)
( le plateau de Millevaches. Recherchons le gouffre de St-Pardoux, où "cette rivière" [sic] prend sa source : laquelle est si profonde qu'elle mène au centre de la Terre. C'est une longue flaque sale et traitresse où l'on ne plonge qu'en risuant sa vie, même équipé. L'endroit doit rester désert. Consultant des lives par internet, je n'en vois aucun de valable : il existe aussi un autre St-Pardoux aux USA ! Des boîtes aux lettres, auprès desquelles je vais comme d'habitude, révèlent un habitat caché derrière les hautes herbes : j'aperçois des toits. Mme Nicole Marqueton pense qu'un jour ce sera gâté par le tourisme ; elle aura révélé cette entrée déserte à sa mère, puis le bruit s'en répandra et cela deviendra construit.
Je reste hanté par cette large source en bas d'une pente, je voudrais l'explorer avec une combinaison de plongée si j'en étais capable. St-Front / St Pardoux, St-Front-de-Pradoux. Politiciens gardez vos idées pour vous. Vous pourrissez et vendez la France aux étrangers.
62 04 26
Mantra. Je suis heureux de vivre et je ne me plains pas.
Je suis chargé par une assistante sociale de classer des dossiers d'aspirants à COLLIGNON
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une bourse. Ils doivent avoir dans leur ascendance au moins un roi ou une reine de Pologne. Je dois vérifier leurs revenus (bourse antérieure, etc.) et l'inscrire au verso de leur couverture de dossier. Comment faire ? L'assistante reste évasive à ce sujet. Le premier candidat est petit, boulot, celui qui emportait les préférences de ce prof de gym privé, Lassalle, à Tanger, qui m'en excluait pour les airs pleurards. Il commence à se déshabiller car il faut ue je supervise (discrètement)la confection de valises d'internat.
Il ne s'agit pas de "Babin", mais, rectifie-t-il, de "Vinetas", ordre alphabétique inverse - la confusion s'explique par une éventuelle prononciation à l'espagnole. Et puis, c'est le congé. Avec Anne, direction campagne, vers Limoges. Or, dans le bourg où nos faisons étape, Annie a multiplié les achats de bibelots, dépassant les 7€ par jour que nous nous étions octroyés. Pas question de dormir au même hôtel-restaurant d'où nous sortons. Elle part seule, et j'arrache des herbes non loin des maisons, essayant de ne pas détruire les plates-bandes de fleurs (non fleuries). Je découvre ainsi, sous les herbes, une ou deux chaussettes sales, et décide d'arrêter cette occupation vaine et salissante.
Anne reprise avec la voiture, dont le coffre est resté ouvert. Au lieu de nous retrouver comme prévu à Nontron mais comment y serais-je parvenu à pied, sans cicrulation non plus pour faire de l'auto-stop ?) -elle me reprend à son bord, et nous coucherons plus loin, malgré la situation financière.
62 05 15
Parrrical et moi projetons de coucher ensemble. Annie, plus ou moins d'accord, revient sur ses pas en prétextant avoir oublié quelque chose. Le coït a lieu
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sans enthousiasme et sans dépasser la moyenne (levrette). Le lendemain, visite de David qui frappe à la vitre du salon mais accroupi. Je le prends pour une fille. Il entre avec Antoine. Ils nous rabaissent la porte d'une pièce où il faut se courber pour entrer, et où, disent-ils, je serai enfin tranquille et indépendant. C'est grossièrement cimenté et inutilisable. Annie et moi rejoignons la gare par la ligne B toute droite (Bordeaux) mais nous devons, après avoir marché - deux jeunes Françaises se parlent en Russe avec l'accent français ; un client se plaint de cette "démonstration d'Assimil", mais un promoteur de cette maison lui répond qu'il y en aura bien d'autres à suppporter, car la méthode gagne du terrain - nous devons, donc, regarder par une fenêtre où le couvert est mis pour dix personnes dans une pièce très petite à meubles Formica).
Nous nous retrouvons dans un bureau encombré. Annie se montre joyeusement agitée, se fait remarquer, puis rembarrer par un grand con sévère qui, lui, dépasse encore Paris et se rend même à Bruxelles. Une revue parle de vandalisme subi par les statues au Moyen Orient, et montre, en comparaison, un visage humain dont les zones détruites seraient en grève. Je veux écrire "Vandales !" sur la revue comme s'il s'agissait d'un Commentaire sur Facebook, mais ne retrouve ni stylo ni ticket de train dans le foutoir de paperasses que je serre dans ma main gauche. Enfin le bus arrive, Anne est remontée me le dire, il est bondé.
A l'arrivée je dois faire baisser une jambe qui me barre le passage. C'est la cohue, dont nous nous extirpons pour gagner le quai.
62 05 08
Avec un organisateur (style Amarys Lemarié) qui nous conduit vers un arrêt de bus au Pays Basque. La circulation commence à être rétablie. Bus bondé, je dis que ça va être jusque sur le toir, comme au Pakistan. Il m'a reconfié des textes à moi, que je lui avais prêtés. Dessus, il a indiqué : «Inutile de s'arrêter à toutes les pages multiples de 47 ». Je les emporte avec moi. Des fûts attendent au bord de la route : « Faire attention au trou du fût ! » Je lange des pâtisseries tombées à
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terre (choux à la crème) en prenant garde qu'on ne m'interdise rien. Dans l'attente d'autres autobus, tandis que mon boy-scout attardé tient à tout organiser, à faire chanter les poireautants pour leur donner patience, je m'éclipse sur les chemins ensoleillés.
Me retrouve dans un passage privé à l'intérieur d''une maison, n'ose boire à un robinet d'eau sale coulant dans une cuvette, me renseigne auprès du propriétaire. Beau Basque aimable et costaud. Je me tiens, de la tête, au plafond bas, prétextant ne pas me sentir bien pour excuser mon indiscrétion. Il se trouve tout près de la frontière (« ...qui passe par ce couloir ? - Tout de même pas »). Il m'explique l'itinéraire, je trouverai les panneaux. Mais je ne comprends pas grand-chose. A présent j'essaierais peut-être de rejoindre le groupe.
62 05 17
Sortant du lycée d'Andernos, dont les herbes ont poussé, je rencontre Mme Brust qui raconte à l'une de ses amies qu'un type a voulu sortir de l'enceinte broussailleuse à l'aide d'une masse contre le fil de fer de clôture. Je gagne ensuite la ville le long de la route, où la nuit tombe rapidement. J'éteins ma torche et marche sur le bas-côté. Dans a ville se tient une conférence syndicale, Une vaste refonte de l'enseignement a eu lieu, nous ne serons plus profs mais des sortes de notaires gravissant ensemble les échelons vers les grades de prêtres et d'imams : retour au Moyen Âge.
Les collègues boivent et sanglotent. Des femmes ont les lèvres couvertes du lait des cocktails. "Comme ça elles n'auront même plus besoin de se former, les connes". C'est extrêmement grave. Nous revenons à l'obscurantisme.
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Une femme de service accuse : "Vous avez humilié plusieurs élèves !" - ce qu'il nie avec la plus forte énergie. Puis il s'était dirigé vers sa classe, en diagonale dans la cour, en sautnt comme un kangourou. A treize heures, il arrivait en dernier à la cantine, sans un rond, sans ticket. On accepte de le servir, en ronchonnant, car cela fait du tort à l'intendance. Il contourne donc le guichet fermé. Quatre ou cinq autres, assis, parmi lesquels un personnage impressionnant : Plus loin, une femme accroupie sur la moquette : depuis quand trouve-t-on de la moquette dans une annexe de cantine ? Il faut passer par-derrière, tandis qu'on le retardataire se voit chercher querelle : "...Que peut-on vouloir dire à une femme, dis-moi, quand on lui touche les fesses ?" ...C'est elle-même qui s'est reculée ! Rodolphe En-Retard revient dans la cantine, où la veille il a oublié Dieu sait quoi.
Il repart;, sans avoir mangé. Dans la rue, un homme et deux femmes se dirigent en riant vers un Institut d'Informatique. Il les suit. S'assoit devant un écran. S'informe : "Que signifient [certains sigles] ?" Les explications manquent de clarté. L'informatique est plus rébarbartive encore que les maths, la physique et la chimie réunies : il faut ue cela soit dit à haute voix. "Même les invités doivent travailler", lui est-il répliqué. Partout il se sent importun, nulle part il n'a le bon comportement.
62 05 27
Ne pas oublier ce très long rêve, où Lanxholm, vautré sur moi mais habillé et sans érection (ce que je me réjouissais de constater) me confiait un de ses projets en cours : s'imprimer lui-même sur des rouleaux de papier-cul, ce qui se vendrait très bien. Et je cherchais, y compris par le calcul, de lui démontrer que ce ne serait absolument pas rentable.
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62 06 03
Dans un établissement scolaire, une espèce de vandale transforme les cours en animation : le prof de géo (en fait, Souvy) essaye de se déguiser en girafe. Je refuse avec effroi de me laisser aller à détruire mon enseignement. Le principal m'adresse la parole, je réponds "Mais c'est qu'il me parle !" Ce qui le fait rire. Nul ne comprend mon animosité extrême : je l'ai déjà vu nu et bariolé danser sous les projecteurs, je crie que je ne montre pas mon noeud aux enfants de 4e, il esquive mon crachat. Transcrire ce rêve m'a fait perdre le suivant... Je reste dans une salle de réunion jusqu'à plus de 22h, des collègues me demandant s'ils peuvent se réunir là, même si je tape à la machine une feuille manuscrite oubliée, d'une émission de radio.
Puis ils changent de salle, et moi aussi. Mon voisin me plaît, je me l'enfilerais bien. Il n'a pas connu ce destructeur mentionné plus haut. Je suis reparti en voiture, m'égare dans une impasse de boue neigeuse dont lers habitants laissent leur voiture brailler du jazz ("Ce sont d'excellents solistes !" me crie une femme). Me voici à vélo dans un garage que je veux traverser en guise de raccourci. Un Noir me vide les poches, crainte que je ne trafique de doses de clopes électroniques. Il me confisque un gros papier couvert de signes mystérieux, au verso duquel j'avais écrit des notes, pourtant. Et me revoici en voiture, sur deux roues, pour emprunter d'étroites pistes cyclables.
Des passants m'aident à la soutenir, elle est dégueulasse, je roule derrière un jeune couple d'étudiants, très minces, n'ayant certainement pas encore couché ensemble. Me revoici à vélo, encore. Je passe derrière eux à la queue-leu-leu. Mes moyens de locomotion varient sans cesse. Quel rêve étrange.
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62 06 26
Avec Josette et Véra. Vaste assemblée où chacun vienet faire son numéro. Je suis dans un coin, tassé à poil sous des couvertures. Ce ne sont que peintres et artistes pénétrés de leur importance. Un type arrive, roux, torse nu. Il déclame péniblement, puis s'exclame que personne ne dépasse du lot, que tout le monde est affalé. Anne est venue me rejoindre, sans avoir envie de se faire valoir. Un portrait se trouve au-dessus de moi. Je lui trouve une tête de Rezvani. Or, c'est justement le nom du peintre. Un autre peintre, à côté demoi, s'offusque. Je dis alors : "Un grand moment de solitude".
Ambiance infecte.
62 07 03
Mon père nous égare dans Paris (XIe), en voiture dans de petites rues. Nombreuses maisons très hautes style Henri IV à parements blancs et rouges. Paris peut donc être une merveille architecturale. Nous retrouvons M et Mme Nogaret dans un appartement que nous avons loué pour un jour. Le repas est pris en commun. M. Nogaret se montre joyeux et animé. Mme, en retrait, s'occupe d'un vieux chien. Mes parents (présence ressentie de ma mère) et beaux-parents s'entendent bien, et nous ne sommes pas accablés de reproches.
62 07 15
A Profitant que mes parents parlent avec Hitler, je vais chiper sur son bureau le plus de stylos bille que je peux, en remets, en reprends. Son bureau et celui de son secrétaire sont de véritables bordels. Je sors dans la rue, sachant que si je suis découvert je suis mort. Je reviens sur mes pas mais ne replace aucun stylo.
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PERPETUA TOME 1I 99
62 07 15 B
Avec Tarche, au Maroc. Je reviens d'un guichet où une jeune femme m'a remis un ordinateur en forme d'équerre et de règle, pour que je cesse d'oublier un rapport quotidien de tous mes élèves à propos de leur situation avec la Sécurité Sociale. Je la remercie trop, elle me lance un regard lourd et excédé. En compagnie de Zink, transformé en Tarche, au sommet d'un immense bateau, le paysage est vivement coloré mais nous ne faisons que parler. Ses pieds sur mon giron évitent mon sexe. La fille qui nous a introduits là-haut vient nous rechercher : "Il faut bien qu'on se reproduise". Elle sourit d'un air entendu. Nous avions tant de choses à nous dire, ne nous étant pas revus depuis des mois : "Au Maroc de 14 à 18 ans, avec mes parents, ce n'était pas drôle".
Quelques falaises, mer bleu turquoise. Nous avions négligé de regarder le paysage. Sur le pont, j'esquisse des rythmes arabes, une fatma devant moi marue le rythme avec son cul. Nous redescendons au bar. Le mec de Tarhe lui fait une violente scène de jalousie. Tarche hurle : "J'ai envie d'être aimé !" puis s'effondre, mais l'autre revient le chercher. Ils se redressent, prêts à se battre. Je dis : "Ca va être le Krav-Maga". Je passe mes bras entre eux deux en hurlant dans la langue d'Israël de cesser immédiatement : "Krav Maga ! sur la Torah ! Chalom !" L'autre est un grand Martiniquais costaud. Je montre un grand courage. Ils ne se battent pas.
Ensuite je suis remonté vers Tanger, d'où je repartirai en France.
62 07 22 A
En retard au lycée. Le proviseur, qui parle avec Rousselot en retard aussi, ne répond pas à ma main tendue. Je traverse la cour, remplie de quatre carrés de tombes d'élèves, qui rient tous l'un après l'autre du fond de la terre quand je passe. Je dis que c'est la tête qui ne va pas, mais que je tiens à continuer mon service. L'établissement occupe tout un village lointain, avec son clocher. Je ne connais ni mes classes, ni mes salles. Je n'ai rien préparé.
62 07 24
Nous descendons d'une ville perchée. Grand restaurant. "Je veux que mon mari obéisse". Pour donner le change, je jargonne. Les plats sont très chers. Nous montons dans les étages : "Les sandalettes à la main !" Deux femmes installées près de nous saliront la nappe avec leurs chaussures. Mes mains sont surchargées, car je porte mes sandalettes. On nous parle d'Ehud Olmert, passé conseiller du gouvernement allemand.
(...La France doit-elle conserver sa morale et devenir le dernier des Etats ?)
62 07 26
Rentrée misérabiliste, âgé comme je suis. Difficultés à se garer. Reviens en arrière, à pied, pour prendre de mes affaires. Il fait nuit. Au café, des clients râlent parce qu’on l’on ne change pas leurs chaussettes détrempées. Je proteste, on exagère ! (qui?) Pour atteindre l’établissement, je dois escalader une échelle scellée dans un mur. Le tableau est dégueulasse, les élèves sympa, mais goguenards aussi. Je ferai cours de latin. Je suis sur la corde raide. Il faudra que je trouve un accès au collège en voiture, car d’autres y sont parvenus. Un gigantesque plongeoir de 40m de haut, d’où certains exécutent des figures.
Ce ne sont pas vraiment des êtres humains ! Avant que j’entre aux chiottes un élève me dit « T’es beau ». Je réponds « Ta gueule » - Impression de grande fatigue.
62 08 01
Avec Stéphane et Carole dans une villégiature avignonnaise. On m’ réservé (et me fait répéter) le rôle d’un type à poil allongé dans un drap projeté en l’air de façon qu’on me voie les fesses pendant une réplique. C’est supperrigolo. Ils doivent faire les courses je propose 50F mais leur donne un billet de loterie bariolé. Ils rigolent (« acte manqué ! ») mais je préfère donner 50F plutôt qu’un billet de loterie !
Alors je me gratte furieusement la poitrine, Stéphane soudain très grave me demande d’arrêter, des marques rouges apparaissent, et c’est comme cela qu’il a attrapé le cancer, Arielle était endormie à côté, mais l’ « aide financière », c’était de moi...
62 08 15
Grande fête en Charente. Caresses, enfants artisans, musique, effervescence. Mêlé en spectateur à tout cela. Rejoint derrière un comptoir par trois jeunes femmes que je ne connais pas. L'une d'elles : "De toute façon, personne ne me reconnaît". Leur dis qu'un homonyme a traîné tout le comité des fêtes dans la boue. On parle de lui dans le journal, mais ce n'est pas moi ! J'accroche dans un couloir des réalisations à base de fruits qui manquent s'effondrer. WC trop bas avec la mention "assommoir".
62 08 21
Cité du Paradis, avec mes parents. Emmerdé par un garçon et quelques filles dont Mimi Mathy, Destouesse, et autres Lolita, style Laetitia jeune. Je suis élu pour un voyage interplanétaire, voire uen colonisation extraterrestre. Mais je dois subir des persécutions, des piqûres de Mimi Mathy. Mes parents me reçoivent de mauvaise humeur, observebnt que malgré toutes mes précautions, je reviens avec des foulards d'autres filles autour du cou alors que je suis fiancé. Ma prochaine épreuve consiste à me faire tailler le masséter. Je proteste et résiste, Mais qu'est-ce que j'ai à perdre. J'aimerais bien naviguer dans l'espace...
63 02 13
Mon lycée est tout proche de la mer. Me promène avec Blanchard et Veyssy. Blanchard m'offre une superbe sucrerie. Dans un bar-tabac, je demande à la patronne de sortir pour me laisser seul, et je prends une grande carte postale. Domi me rejoint, et sur le chemin du retour nous apercevons Veyssy, sur un immense piédestal de statue, en train d'écrire. Nous prenons chacun une photo en nous esclaffant. Nous pénétrons chez un fournisseur. Une employée me montre que nous COLLIGNON
NOX PERPETUA TOME 1I 101
sommes assez perturbateurs, vu notre façon de procéder, administrativement. Retour au bar. Je suis aux toilettes (avant que nous ne reprenions la route). Une femme ouvre, je me cache le zob, je ne vois que son ventre, elle insiste. « C'est pour fermer » dit-elle. Autrement dit, les toilettes et le bar-tabac. C'est la première fois dans mes rêves qu'on force l'entrée de mes chiottes. C'est donc pour tout fermer…
63 02 27
Je me promène à pied dans les montagnes savoyardes. Passage étroit entre muraille et vallée. Rencontre de chevaux bistre jaune. Maisons abandonnées en bois. Dialogue dans la tête avec un homme qui m'avait prévenu : “Ne jamais demander à s'y installer, elles appartiennent toujours à quelqu'un”. Je vois aussi une église, où je n'entre pas. Un trou dans le sol semble correspondre à une fosse violée, le cimetière s'étend sans doute au-delà, sous les broussailles. Je me retrouve dans une espèce de long enfeu rocheux, d'où j'aperçois trois têtes de jeunes filles. Je pourrais me masturber au niveau de leurs nuques. Ne veux ni me montrer ni revoir les chevaux, qui sont descendus à ma rencontre.
Donc je reprends le chemin de l'aller. L'herbe est très humide (voir le tour de La Sauve Majeure, que j'ai fait avec Françoise).
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