LES PATHETIQUES

EXERGUE Transpositions inutiles. Ce livre ne sera ni édité ni lu. Je le dédie au petit gouffre. To the little chasm. CELA PEUT DEVENIR ABSTRUS À FORCE DE RETOUCHES Chacun de nous, piéton de l’aube, sur son petit sentier des Landes. Seul et silencieux, alerte ou ralenti selon sa vie. Je n’ai jamais compris pourquoi ces deux montres tintent, l’une après l’autre, tout à lz fin de Pour quelques dollars de plus. Certains veulent y déceler une négligence du scénario. TEXTE 1. Les pignons de l’impasse Marie Alacoque (1647-1690) se pressent fendus par le faîte en longs logements contigus, vestiges d’une cité ouvrière comme il s’en construisait encore entre les deux guerres. ,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,, 2 -Les logements présentent donc, de part et d’autre, l’aspect d’un long corridor élargi au fond en chambre et salle d’eau. Le tout aboutissant au minuscule carré feuillu dénommé «jardin », sous tonnelle adossée au mur général d’enceinte, où nous tenions jusqu’à six à table. Et comme d’un jardin l’autre tout s’entend, nous parlions à voix basse. Vvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvv 3. Pour accéder aux logis ainsi serrés côté droi, le gauche dédié aux jardins familiaux, le visiteur trébuche et tangue sur un sol parsemé de débris domestiques. Les chats vous fixent avant de filer s’aplatir sous les treillages des lots potagers à main gauche, alignements de fèves et de salades, miroirs de ces vies besogneuses, populaires et délatrices à l’occasion par courrier à qui de droit, pour nuisances nocturnes et pianistiques. N’appréciant pas davantage son embonpoint chaloupé. Il n’est jusqu’à ma démarche d’échalas qui n’alimente leurs soupçonneux fantasmes. À l’extérieur pour gagner son logis son pas rampant, sa silhouette chaloupée, indisposaient les gens : un anormal, un dépressif . jjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjj 4. Jean-Benoît occupe l’avant-dernier logement. Au fond de l’impasse, l’herbe piétinée permet juste, en braquant bien, le demi-tour : le pare-choc rase le mur en palissadé d’un préau, où se rouille une Simca sans âge. Excellent endroit pour pisser avant d’aller sonner, sans m’essuyer les doigts, chez Jean-Benoît, le Carillon de Westminster. Sa main est molle et grasse. Ainsi que le souffle court et les inflexions nasales d’un homosexuel drogué. Bien se rappeler que ce n’est pas en ricanant que l’on accède à la littérature : il y faut dit-on de la Transposition, Un orgue d’intérieur au fond à droite et dans l’ombre. Deux chaises, un guéridon jonché de partitions et de publications paroissiales ; par dessus, en équilibre instable, une soucoupe de noix de cajou en équilibre ; au mur trois rangs de vierges, et la Boule à neige Lourdes 99. Un soupçon d’encens parmi les tentures. Ttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttt 5 L’atmosphère suinte ici d’encaustique et de crasse autour des escadrons de bibelots, de madones poisseuses et de pietà sur consoles murales, jusqu’à ce chromo de Fatima punaisé au mur, le même que je prie aussi  chez moi puisque l’Église militante nous abreuve par la poste des mêmes chromos. dont les frais d’affranchissement excèdent pour finir le prix de nos offrandes. ,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,, 6 Le jour où j’ai reçu 20 autocollants contre l’avortement je les ai renvoyés verteme ; ne consevanbt précisément que cette Vierge aux larmes de cire. Je la prie aussi bien en latin qu’en grec. Jean-Benoît, dans son antre, prie pour lui et moi. Certains parlent d’autosuggestion. Moi je préfère croire. J’ai retrouvé chez Benoît l’équivalent de ce logis de sacristain juste au-dessus du carillon de Saint-Sulpice décrit par Joris-Karl Huysmans dans Là-Bas jjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjj 7 Après un long silence de dix jours, Benoît me relance Il a cru que je décrocherais aussitôt. Je ne l’ai fait que le lendemain, répondant à sa voix lente. Il me propose de l’entendre à l’orgue pour vêpres. Me redemande son lecteur en piteux état, bien assez bon dit-il pour enregistrer « à travers l’air, à l’ancienne ». Il a parlé de moi au clergé, me prêtant une grande culture et (tenace ineptie) de l’« originalité » Je dénigre les hommes par paresse. ,n,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,, 8 La seule intrusion d’Arielle en ce repaire donna lieu à d’incessants battements de fenêtre (j’étouffe ah j’étouffe) où Jean-Benoît feignit de craindre l’intrusion du petit chat ; réfractaire aux arpèges, Arielle m’avait entraîné dans sa fuite avant d’avoir suffoqué. Je n’y suis plus retourné que seul, en mission. « Ne feins pas l’amitié » dit le Pasteur, mais que peut-on faire ? Marie-Pascale, humaniste chrétienne, m’avait fait jurer de lui rendre le goût de vivre. NNNBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBB Jean-Benoît pour qu’il soit bien dit partout en moi-même que jamais je n’abandonne personne. ( Cependant les grands esprits déplaisent à Ma Condescendance : ils se suffisent, ce qui autorise ma propre suffisance envers ces grands esprits en question. Ni moi ni lui ne sommes de grands esprits.) Envers les femme, méfiance, et hostilité latente. En revanche, douceur et patience avec les chiants, car eux aussi ont leurs raisons. Les convertir en créatures fréqnentables implique une tolérance de tous les instants. inépuisable, ainsi que le renoncement à toute gratification personnelle. Lkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkk J’amadoue Benoît avec des Blockflöten en bois de prunier tirées de mon bric-à-brac. Il pourrait en vérifier la justesse, mais ne le fait pas (de notre côté, le ralliement à Dieu n’est pas inconcevable). Pour Benoît , les soins quotidiens de l’âme et du corps sont exclusivement dévolus à sa propre mère, de l’astiquage des tomettes jusqu’aux frais alimentaires. La mort d’un premier fils jadis avait jeté la mère sur le second fils. La mort à son tour, quinze ans plus tard, de cette icône octogénaire, avait réduit ce dernier aux négligences ménagères, voire sanitaires. Notre ultime visite rue Marguerite avait confirmé les propriétés dérapatoires des prospectus, jonchant le sol, dans l’attente d’une illusoire classification. Ainsi vivaient, prétendait-il, les vieux Polonceau qu’il avait bien connus jadis, dont les chiens compissaient la cuisine sur trois épaisseurs de journaux déployés (ou bien Gisèle fille de Pol et ses chats incontinents 18 rue Morel) J’amadoue Benoît avec des Blockflöten en bois de prunier tirées de mon bric-à-brac. Il pourrait en vérifier la justesse, mais ne le fait pas (de notre côté, le ralliement à Dieu n’est pas inconcevable). Pour Benoît , les soins quotidiens de l’âme et du corps sont exclusivement dévolus à sa propre mère, de l’astiquage des tomettes jusqu’aux frais alimentaires. La mort d’un premier fils jadis avait jeté la mère sur le second fils. La mort à son tour, quinze ans plus tard, de cette icône octogénaire, avait réduit ce dernier aux négligences ménagères, voire sanitaires. Notre ultime visite rue Marguerite avait confirmé les propriétés dérapatoires des prospectus, jonchant le sol, dans l’attente d’une illusoire classification. ,nnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnn10 Le passé de Jean-Benoît La belle-mère et l’épouse de Jean-Benoît se sont jetées main dans la main d’un 5e étage après invocations au Soleil ou Alpha du Grand Chien - quel homme, quel gendre survivrait à cette folie ? la famille maquille le drame en choc frontal motorisé, mais l’enfant Marie-République, ce jour-là, pressentit la catastrophe à tous ces silences. Où se trouvait Benoît son père? Pourquoi n’a-t-il rien presenti ? Marie-République, devenue adulte, n’a jamais consulté la presse d’époque ni remis en question la version familiale. Aujourd’hui rendant visite à son père en sa retraite, il ne l’a bercée que de modes et de decrescendos, d’alternances de titulaires d’orgues et autres vaines préséances, tandis qu’à sa droite debout République absorbait entre lassitude et vénération les émois d’un nombril d’artiste. Il s’avisa plus tard qu’au soir même de cette visite elle avait assuré la fécondation d’un fils qu’elle nomma Isaïe. Il fut alors question qu’elle emménage au 15 rue Filiale chez Benoît, avec son compagnon Nelson le Philippin. L’encombrement d’un gendre et d’un nourrisson braillard rebuta notre musicien sujet d’ailleurs à l’insomnie. Le trio familial se rabattit impasse Marie sur l’ancien refuge, juste libéré. J’entrevis un jour le Philippin Nelson en fond d’impasse, tenant par les jarrets son fils cul nu au-dessus des herbes. Je me suis arrêté net pour éviter d’être aperçu. Ou bien nous aurions échangé les propos suivants : Je passe ici par hasard et j’ai poussé jusqu’à vous » « On sent la présence féminine » aurais-je ajouté (« tout est clair, aéré, bien rangé », (l’épouse République aurait souri). J’aurais cherché des yeux le piano droit ; supposé qu’ils l’aient conservé j’aurais dit au passage vous pratiquez ? Puis je ne reste pas merci, je suis venu à l’improviste et j’aurais pris congé. Je serais reparti à l’entrée de l’impasse. X Benoît engendra cinq enfants de femmes différentes. Il ne revoit plus ceux du premier lit, séquestrés par des Huguenots (de vrais adultes à présent les éduquent). A LES ENFANTS DE JEAN-BENOÎT Je ne connais de ses enfants que République, vingt ans, des yeux en boutons de bottes et des seins au taille-crayon. Elle parle de cette voix lente et blanche particulière aux patients sous Xéplion. Je l’envie. Peut-être pour ses seins. Elle se tient extatique à côté du siège où le musicien ne s’entretient qu’avec lui-même, soupesant les mérites respectifs de ses partitions . Le soir même elle engendrait un fils, dans ce logis-boyau qu’elle occupa juste après lui. Impasse Marie, Alacoque. Il fut un temps où République et son amant de Port-au-Prince avaient envisagé de se cloîtrer chez Benoît, au bas du Cours Abzad, pour y « refonder famille », rue Commerciale, où ce dernier succédait à son défunt père. Mais tout nourrisson normalement constitué  développant à intervalles imprévisibles une nuisance décibélo-pulmonaire hors de tout contrôle, le couple résolut de se cantonner au Corridor de Haute Ville – impasse Marie A. kkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkk hhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh Benoît reste inquiet de mes textes en projet. Il me tend sur mon fauteuil d’osier six ou huit feuilles, raclées jusqu’à l’os, où le lecteur se voit réduit à décrypter l’enchaînement consolateur des sons - « le reste, écrit le compositeur, n’étant que « vicissitudes et embrouillaminis communs à toutes les familles » - ce que réclame justement le lecteur lambda : seul accès susceptible pour lui d’éclairer l’œuvre aux lueurs frelatées de la biographie - « ce qui ne saurait » insiste Benoît « intéresser personne ». Seule raviverait ces reflets défaillants une lointaine cousine aphasique... Légion sont les sujets dépourvus du moindre sens littéraire : «Tu m’as calomnié, caricaturé ! » s’écriraient-ils. « Tu n’as pas le droit de dire cela  ! »- et nous finirions en justice. Tant il est vrai que l’inexactitude infecte le monde factuel, tandis que la littérature exige toutes précisions 12 Benoît craint par-dessus tout d’être reconnu dans « mes écrits », lui ou quiconque de ses proches – qui sommes-nous donc tous, ô gibiers de cercueils ; qui nous soucions de nos vies de cloportes et de leur trace… ô sombres anus, qui répugnez à vous voir portraiturer sur les écrans, agonisez d’injures le pauvre hère qui vous aura publiés en dix-huitième page, où l’on ne va jamais.   X Jean-Benoît ne sait aligner que d’ingénieux exercices pianistique Il s’imagine offrir à l’auditeur des Cascades, des Jaillissements - que lui dire ? (pourquoi ce besoin de médire ? Jean-Benoît m’attire et me rebuteà - on trouve Dieu merci d’autres étalons que moi... X Jean-Benoît s’ouvre à l’épanouissement personnel dans une communauté chrétienne. Certaines personnes bien intentionnées lui ont représenté qu’il s’agissait d’autosuggestion. Moi je préfère croire me dit-il doucement aux anges et à la Sainte-Vierge. Quand je le rejoignis au bas du buffet d’orgues au sortir de la messe, je sentis que le prêtre, à ses mines furtives, apprécierait que je me présentasse, et je ne peux lui exposer, d’emblée, mon incroyance et mon anticléricalisme. De cela même encore ne suis-je pas très assuré. Jésus n’a pas existé : je partage cette certitude avec ceux qui le répètent. Puis-je pourtant communier, sans m’être entretenu auparavant avec ce prêtre ? Quelle est – sur ce point - la position de l’Église ? Car c’est ainsi que l’on appelle à présent la confession. On ne va plus « à confesse ». Or ce n’est qu’à présent que je m’en suis avisé : pourquoi désormais l’assemblée tout entière vient-elle communier ? ...comment ne pas s’en être avisé plus tôt ?   ...Mon Dieu, je ne voyais alors à lui manifester que mon mépris pour lui, se figurant que Jésus descendrait du ciel en soucoupe volante pour juger les vivants et les morts. Si ce prêtre s’était aperçu de mon dédain, ce qui n’aurait su manquer à proportion précisément de ma dissimulation, il se serait senti attaqué, voire humilié, avant sans doute de se ressaisir de façon imprévisible. Quand au flegme mutuel, il en eût sans doute été capable ; pas moi. ...À moins qu’il n’interprêtât mon silence comme une aguicherie ? était-il homosexuel ? et moi ? Jean-Benoît n’est-il pas chimiquement castré ? et moi ? Pourquoi Jean-Benoît m’a-t-il dit ce jour-là « Tu pues » ? « Que tu viennes chez moi m’écouter, soit ; mais que tu viennes ici... » Pourquoi Benoît « n’ose »-t-il pas me confier quelque chose » ? ...même sur écran ! - J’allumerais les hommes. C’est justement ce que je reproche aux femmes. « Écris-moi ! » Il refuse. Pour moi « plus jamais d’émotions », je me le suis promis. « Tu pourrais maîtriser l’émotion » me dit la rumeur, « l’utiliser à tes aspirations, à tes projets ! » - du déminage en somme. ...Qu’il me soit permis d’en douter. plus tard, relisant mes carnets, je m’aperçois que Jean-B. me faisait passer pour un être éminemment cultivé, sensible, affable, très intelligent, très modeste et j’en passe - je me serais dispensé de tout cela, malgré mes frémissements d’échine… Je le prendrais « pour un pédé » se plaint Benoît auprès de mon épouse, ajoutant (me dit-elle) « c’est insupportable » - mais il l’est, pédé - ne me proposait-il pas naguère de nous « faire des bisous » devant des cassettes pornos  ? - hétéros, bien sûr, hétéros, mais on sait bien comment ça finit ces petites branlettes côte à côte ! ...Les femmes font bien moins de manières, j’en suis définitivement et profondément convaincu, n’en déplaise aux Lazarus et autres moralistes à deux balles – toujours est-il que mon mutisme obstiné, en parfaite contradiction avec les vertus dont me submerge Benoît à pleins tombereaux sème une suspicion plus que délétère chez le Père André, avec lequel je déduis de plus en plus que je ne suis pas près de faire connaissance.   Jean-Benoît se dirige alors vers ses admiratrices batraco-bénitériennes, et je m’éclipse en douce pour ne pas le raccompagner chez lui en parlant de Dieu sait quoi – les deux mendiantes sous le porche ont enfin disparu en fin d’office - je n’avais donné qu’à l’une qui non contente de refuser le partage – quelle innocence aussi de l’avoir suggéré… - m’avait plus que lourdement relancé jusqu’en plein le vestibule d’église, alléguant la profonde misère de toute sa maisonnée pour me soutirer un petit geste supplémentaire. J’ai obtempéré en pestant in petto. Que Dieu nous vienne à tous en aide, et le Diable soit de la mendicité. Jjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjj Je ne me suis jamais accoutumé à Jean-Benoît. Il faudrait cesser de placer tout le monde au même niveau d’amour. Pour Dagour j’avai smis trente ans : la sonnerie du téléphone, tous les dimanches de Dieu à 9h20 précises, me faisait hurler de rage, et rien qu’à décrocher, d’un coup, je devenais tout miel – il faut se connaître jusqu’au fond de son calice, dût-on dégueuler - c’est dans Bossuet. « Avec un autre vocabulaire ». Un autre encore, Nudru, m’aura pris quarante années… Où est la cohorte qui va ululant de chaire marxiste en chaire sartrienne qu’on ne fait jamais rien malgré soi ? Pour d’autres raisonneurs, moins sévères, il existe un nuancier infini de complaisances à soi-même... Il est impossible de ne se fier qu’à nos comportements concrets, sans ouvrir la voie au ressenti. « Si vous n’aimiez pas cette action, vous ne l’auriez pas faite» - ô simplisme des simplistes… Où seraient les regrets de l’abstinence, les remords du gâchis ? Nous resterions ensevelis sous les débris des équations… ,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,, A 15 X Jean-Benoît me recontacte, fait observer le temps qui s’est écoulé depuis notre dernier office. Je me promets d’y revenir, sans m’y juger tenu, car mes simagrées m’emmerdent. Les clients de bistrot communient aussi à grandes claques dans le dos tandis que leurs femmes reviennent prier en cuisine. La prochaine fois ce sera moi qui le relancerai. Il faudra bien que je le lui rende, en mains propres, ce Traité des colonnes égyptiennes, palmées, papyriformes. L’auteur en mourut de méningite (Champollion, 1790 – 4 mars 1832) - la jaquette du volume m’avait trompé, toute méthylène et minium, ainsi que la Grammaire, descriptive et phonétique – des hiéroglyphes – Doré, Garnier, Du Bellay, autant de belles morts… ;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;; Mon épouse Arielle et Benoît parfois s’isolent au jardin, chez Marie-Pascale, pour tirer quelques bouffées - peut-on vivre sans vie sexuelle s’interrogeait Benoît dans le jardin, à l’aplomb d’un grand mur de tôle. Tétant sa clope. Arielle aligne les lieux communs. Il est vrai que la pénétration manque d’amatrices. À moins que le coït ne devienne obligatoire. Elles appellent cela « fidélité ». Arielle tire sur sa sèche. X ...Jean-Benoît n’a rien de prêt ce jour. Je me dérobe, coincé entre deux rendez-vous médicaux. « Je t’avertirai dit-il quand mon prochain disque sera prêt ». J’attends toujours. Ouf. Le vieux lecteur de cassettes qu’il m’a donné, il me le réclamait en retour (mais « reprendre, c’est voler »). ùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùù PSYCHIATRIE Tous les mois, Jean-Benoît se fait administrer une injection. Peut-être s’agit-il pour une fois d’une avancée franche de la médecine. Peut-être Jean-Benoît s’est-il vu privé de ses droits civiques. Après l’injection, le patient se sent mieux, passée une grosse journée de fatigue Un demi-siècle plus tôt ils auraient hurlé dans leur camisole. Le lithium est le seul miracle neurologique depuis le Largactil. Je l’ai lu sur internet. Les injectés se supportent rarement l’un l’autre. ,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,, VERSION À RABATTRE SUR LA SUIVANTE BIEN MEILLEURE Nous l’avons vu se verser ce soir-là du rouge sur la nappe et l’estomac qu’il portait imposant. Il s’en est bouleversé, non point tant pour le dommage que pour l’image. Un autre soir je le soutins pas à pas, claudiquant, jusqu’à la Trattoria Bretonne [sic]. Plus tard encore je l’ai visité au « Foyer des Anciens ». Il comprenais ce que je disais. Naguère encore il pouffait obligeamment lorsque je débitais l’histoire de cul préalable à tout dialogue. Plus tard enfin je l’ai visité au « Foyer des Anciens ». Il comprenait ce que je disais. Ne répondant plus, non sans visibles efforts, que par un « oui » ou « non » faiblement expirés. Il portait à mon départ son index à la tempe : je t’ai bien reconnu. J’entends encore ce septuagénaire au volant regard droit devant lui qui m’avait confié son impuissance, si brutale, si définitive, « comme une nouille contre un mur » dit l’Indien. Kkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkk A, repère 33 ? Jean-Benoît, aux claviers, empile arpèges, arpèges, et renversements. Il ne procédait pas ainsi dans ses premiers essais. Nous en sommes venus à regretter ces fraîcheurs et naïvetés d’autrefois. Dix ans ans passés, le premier charme rongé jusqu’à l’écorce, nous épions toujours la moindre fissure où pointerait tant soit peu d’oxygène. De subtils écarts de motets suffiraient pourtant, pour commencer : l’auteur peaufine et corrige insatiablement au plus près de ce qu’il croit l’harmonie naturelle. Benoît fait raccorder son épinette : il en sort un phrasé plus profond ; son disque suivant sera donc (« extraneuf ») , tout nouveau ». Prêtons l’oreille, à l’affût du moindre ornement –l’obstination porterait-elle ses fruits ? - espérant, croyant deviner d’infimes variations : «  La Sainte Vierge »confie Jean-Benoît, sans en révéler davantage. Quant au gendre Nemrod, compagnon de Marie-République, il admire, en s’en foutant. Mystère de ces communions pieuses familiales, en alignements de prie-Dieu. L’urgent serait de sacrifier ses dreadlocks rasta au prix du au premier emploi venu. Comprenons l’employeur. Comprenons aussi le chômeur. si nous compatissons pour le postulant, nous comprenons aussi l’employeur. Mais la naissance a changé la donne : le rebelle Principortin, éduqué chez les Frères Pélerins, désormais salarié d’Occident, bine et bêche coiffé de frais ; et le dimanche pousse la brouette jusqu’au fond de l’impasse Alacoque. Si je les visitais, tout seul, je m’exprimerais ainsi : « Bonjour ! puis-je présenter mes respects à Madame votre compagne? » (inclinaison vers Marie et son Fils Yakov ; j’aurai fait semblant de m’égarer dans le quartier. Mais on ne s’égare pas impasse Alacoque ; il faut bien qu’on y soit venu exprès. Le corridor meublé sentirait « l’ordre et la propreté, sinon « le luxe et la volupté ». Je poursuivrais comme suit : « Je suis souvent venu ici écouter votre père ». Nous parlerions du Pleyel désormais descendu Ville Basse et du parfum d’encens toujours détectable ici. Puis je repartirais sans avoir excédé ni les 20 minutes, ni le couple ni l’enfant. Bbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbb version plus complète encore La mère Celle de Jean-Benoît (la « mère de » n’étant qu’une ignoble scatologie) portait le beau prénom d’Ilona, qu’elle tenait d’une souche hongroise. Un soir où nous dinions tous chez Marie-Pascale, nous avons cru sentir un délicat relent de pisse cuite émanant de ladite Budapestoise, lorsque je compris à mon grand soulagement qu’il provenait émanait d’un court-bouillon de poiscaille en cuisine. Plus tard, Ilona évoqua le décès de son fils aîné, frère de Benoît. Un petit péteux d’Ashkénasie l’interrompit tout net : où avez-vous trouvé ce joli bracelet ? - ...Chez Budma répondit-elle imperturbable, Karlova utsa. J’ai failli souffleter cet avorton. Nous reparlerons de ce personnage . Ilona mourut l’année suivante. Maurice espaça ses visites, sans toutefois les interrompre. Il s’affalait encore imprudemment à la fin des repas sur le grand voltaire. Nous l’avons vu pourtant se servir abondamment de rouge à même la nappe et l’estomac qu’il pordait imposant. . Il s’en bouleversa, non point tant pour le dommage que pour le point d’image. Un autre soir (nous avions en ce temps quelques vestiges de sociabilité) j’ai soutenu ces pas vacillants sur le trottoir, en claudiquant, jusqu’à la Pizzeria Pippo Pippi. Plus tard encore je l’ai retrouvé au « Foyer des Anciens ». Il comprenait ce que je disais doucement. Naguère il émettait encore un pouffement quand je lui resservais mes histoire de cul. Mais depuis sa dernière attaque, il répondait d’un faible « oui » ou « non » d’un souffle à bout d’halaine. Il pointait à mon départ un index impératif sur sa tempe, qui signifiait je t’ai reconnu. Ou pour confirmer que la tête n’allait plus, sinon le cœur. Je repense à lui, qui me confiait, valide encore, son impuissance, si tôt, si irrémédiable, « comme une nouille contre un mur » comme on dit loin de Chandigard. Nous nous retrouvions dans ce salon propre et bien blanc où vingt-cinq vieux dont dix-huit vieilles torchés tous en 12mn chrono exhibaient leurs fragments tordus sur leurs fauteuil comme autant de ceps de vigne ou de Communards convulsés entre quatre planches. Jjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjj Benoît craint par-dessus tout d’être reconnu dans « mes écrits », lui ou quiconque de ses proches – qui sommes-nous donc tous, ô gibiers de cercueils ; qui nous soucions de nos vies de cloportes et de leur trace… ô sombres anus, qui répugnez à vous voir portraiturer sur les écrans, agonisez d’injures le pauvre hère qui vous aura publiés en dix-huitième page, où l’on ne va jamais.   Aucune correspondance ce 14 05 25car JJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJ A Dwell, nouveau Pathétique ici abordé, perché dans son sixième, n’apprécie pas plus Benoît à l’épinette qu’au piano, capté sur mes ondes. Il le trouve ridicule. Emprunté, niais, benêt. Dwell peint des cubes et des visages. Effrayants. Coiffés de gros bérets, gibiers psychiatriques. La seule femme représentée, marquée d’un triangle rouge. est sa mère. Elle a mis deux ans à mourir. hbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbb 16 Du Bellay mourut en heurtant sa table du front, un 1er janvier – apoplexie disait-on. Dans le gros volume égyptien, je vois des relevés de fûts renflés, centimétrés ; plus de minium, juste du gris, du bistre, et des hommes en sarouel pour les proportions. ,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,, Benoît descend la rue de Pskov. Non plus à pied comme tant de fois, mais suite à son installation en ville basse, près des Victoire : son père, veuf de fraîche date et perclus de remords (pourquoi?) libère son appartement conjugal en bas de côte . Le survivant s’est retrouvé placé Dieu sait par qui « en établissement », près de la Tabacalera. Une ère s’achève. En ces temps révolus Benoît jouait de nuit en sourdine, mais les basses infiltraient le sommeil des nuls, qui ne concevaient pas qu’on pût ainsi pianoter jusqu’à pas d’heure. Le vrai Benoît vivra toujours en Haute-Ville, impasse Marie, malgré l’écho atroce et plat de sa longue cellule. qqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqqq Cette vaillance s’est diluée ; ceux qui me blâment ignorent l’énergie que j’y ai mise. Laisser-aller ne suffit pas : couler à fond en effet, pour me borner à l’expérience personnelle, nécessite autant d’efforts pénibles que la brasse ou la planche, n’en déplaise aux ricaneurs. L’ego d’en haut disparaît, aspiré par la raréfaction de l’air ; l’ego d’en bas disparaît par l’abîme. La fausse note est que le descendant garde le remords de n’être pas monté ; tandis que jamais le grimpeur n’aspire à descendre. Dans cette même optique, transformant nos incapacités en consciences, nous adoptons la méthode «en tache d’huile », sans chronologie ni logique. Nombreuses sont les demeures dans la maison de mon père. ;:;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;; Pour pimenter ma visite, j’amadoue Benoît avec des Blockflöten, tirées de mon bric-à-brac. « Ne reste pas longtemps » me dit-il - ce sera « plus jamais » - m’aurait-il démasqué ? les faibles s’enhardissent ; allez donc vous crever pour obtenir leurs grâces - ils vous claquent entre les doigts. Le dernier accueil que j’ai reçu de lui, souriant et apprêté, attestait de sa clairvoyance, sous ses allures de lamantin enchifrené. ;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;; Au fond du logis, impasse Marie, s’ouvre un jardin carré grand aux dimensions d’une table, où nous avons tenu à six un jour d’été avec Marie-Pascale et ies parents de Jean-Benoît (courage) - sa mère nous avait disposés sous la tonnelle, à l’abri du soleil, entre les maigres espaliers de vigne. kkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkk L’orgue (une rareté) reste muet au fond à droite ; il n’en joue qu’en retour d’oreillette. Pour l’écouter en toute plénitude, je devais quant à moi gagner les Prémontrés de St-Norbert. J’assiste aux messes en récitant tous les répons ; mécréant mais serein. Sans aborder toutefois le curé ni qui que ce soit. Benoît m’avait taillé une réputation de culture et de grande sensibilité. Mais, dans ma crainte d’exhiber mon mépris des légendes sulpiciennes et de ceux qui y prêtent foi, j’affichais mes distances J’ai peur de montrer mon rejet des mythologies chrétiennes, et de ceux qui y prêtrent foi. J’exhibe donc un mépris d’incroyant, que je ne ressens pas : je ne suis pas certain de ne pas croire, comme dit l’autre. X Il existait, profond dans le Béarn, une petite laide bien boulotte et rouge qui jouissait sous un kiosque au milieu de la foule sans que nul ne le sût. Le bulbe convexe dudit édicule asphyxiait le chœur, empêchant toute dispersion du son. Soudain tutti fortissime rou-bou-droun-boudroun ta brahiola tis vroundoun – les basses gonflaient là-dessous et la petite femme aux formes généreuses dardait à la ronde les éclairs d’un improbable orgasme où l’orphéon et l’assistance étaient conviés en pure perte. De même j’observais de ma station debout les communiants retour d’autel, guettant la grâce dans leurs paupières basses ou leurs mains jointes dis un seul mot et je serai guéri. À supposer que l’admission au sacrement soit devenue moins stricte, je le repousse encore à mon agonie, si j’en ai une. XDDFFDFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFF Me revient à ce propos Anne de Nancy an centre d’un amphi d’audition. Elle me soutient qu’au grand jamais les huissiers, physionomistes en diable, n’introduiraient dans les gradins quelque auditeur que ce fût dont l’allure leur eût semblé tant soit peu suspecte : « Ils te repéreraient sans hésiter ». - Tout de même, à supposer… - ...il n’y a rien à supposer… - ...qu’un exalté soudain se mette à vociférer (disons) le dièze, merde, le dièze ! - ...je lui tendrais l’alto à bout de bras comme ça : tu veux le faire ? Juste ce que je veux entendre. vcvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvv Le plus souvent j’écoute le piano droit de Jean-Benoît, dont les arpèges se heurtent durement à la cloison gauche. L’épinette, qu’il se met à toucher plus souvent sous mes yeux, me correspond de mieux en mieux ; le peu que j’en aie joué délecte Jean-Benoît, malgré le malaise proprement tactile de son regard sur mes doigts - les professionnels se sont aguerris aux épiages des jurés de concours (la caméra zoome sans lassitude sur ces articulations si étrangement mécaniques). Pour ma part je reprends mes vieux thèmes d’ « Espagne exotique » (Fandango de Soler, que je ne suis jamais parvenu à massacrer intégralement. Grimpé un jour jusqu’à lui en tribune en pleine impro de sortie. Il me renvoie d’un signe au sol de nef que je ne devais pas quitter. Je suis redescendu me réjouir les tympans, de dos comme recommandé, le son épars autour de moi. Aux offices suivants j’ai juste salué d’en bas, retourné vers lui, Jean-Benoît de la main ; il me répond de même sans se retourner dans son rétromiroir de buffet d’orgue. kkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkk Prenant un autre jour mes libertés avec mon instructrice aveugle, je lui suggère grossièrement de moins effleurer mes phalanges afin de contrôler mes placements. Ces gros doigts boudinés m’importunent jusqu’à la répugnance. Elle rompt dans la semaine : sa sœur et elle aveugles toutes deux ne demandaient l’une après l’autre que les services d’une queue qui ne fût pas de piano. Mon Dieu ! les deux sœurs aveugles… passer par la plus laide pour se farcir la plus alerte ! J’en avais été avisé par un collègue dont les allusions éthérées n’avaient pas allumé ma lanterne. J’étais à mille lieues de supposer à des femmes des idées aussi merveilleuses ! Que j’étais veule ! Ô vies enviables !… Et moi coincé dans ce couloir sans acoustique à me garer des mains froides d’un gros lard, au ventre mou ! ““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““““ Laisse courir tes mains sur l’épinette et tu trouveras la grâce. Benoît s’assombrit : « ...ralentis les dessus » - rien de plus facile que de mal jouer de l’épinette. Benoît ne me l ‘aura cédée que trois ou quatre fois. Compositeur il me convaincra plus aux cordes pincées que frappées. Il pense, à part lui, le contraire. Il ne sera pas le seul à s’être mépris : Voltaire appréciait ses propres tragédies. Hhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh DU PHYSIQUE ET DES VÊTEMENTS de Jean-Benoît Son abdomen tombe mollement sur la ceinture. Benoît grignote des noix de pécan, mouchetant sa barbe Debussy de miettes, avec ou sans moustache selon l’humeur. Il tolère mes larcins répétés avant d’autres écuelles renouvelées de mains de maître. Offrd’atroces nectars sirupeux en canettes à la menthe. Ne renonce jamais même fin juin aux chemises àgros carreaux gentleman farmer mauve et bleu sans jamais la moiondre transpiration. Mâchonne en revanche un mégot dont les Vichy masquent mal un relent de goudron. Il m’en offre aussi, que je décline. ………………………………………………………………………………………………………. J’ignore à quelle occasion Jean-Benoît s’est lié avec Marie-Pascale, venue s’installer rue Filiale en face. Sans doute s’est-elle présentée en visite de voisinage : les trois Mansaut, père, mère et fils, l’ont accueillie avec bienveillance. BBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBBB Marie-Pascale Nous l’appelons Sœur Marie-Pascale par manière de plaisanterie. Alternant régimes et festins avec une égale franchise, un égal échec. Agnostique hésistante, elle s’est composé un minestrone très personnel de rites salutaires ou protecteurs, que d’aucuns n’hésiteraient pas à qualifier d’apotropiques ou propitiatoires, s’étant laissé aller à prier l’Univers, un jour, d’écarter des falaises une montgolfière alourdie d’elle-même. Dans son salon elle a pris place et submerge l’interlocuteur d’une volubilité syllabique. Reçoit des femmes pour la nuit et se ferait hacher plutôt que de l’admettre - quel homme en effet voudrait de ce faciès rouge brique de colonel britannique? parfois je l’emmène au « Luxembourg de 9h 8 ». Je laisse aller sur le trajet la main le long de mon levier de vitesses, à la toucher : mécaniquement son genou se retire, ce qui ne prouve rien. nnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnn Nous étions invités le plus souvent chez elle, car j’ai depuis longtemps convolé en justes noces avec Arielle. Dans l’appartement luxembourgeoisement rangé de Marie-Pascale, la conversation doit toujours s’échauffer deux bons quarts d’heure avant que les antennes sociales se déploient. Alors nous échangeons, sur Dieu ou le bien-vivre, ou l’une de ces connaissances absentes et très âgées dont elle dit du bien tout en contant leurs mésaventures : qui choisit ses amis ? Quelles relations Marie-Pascale entretient-elle avec cette « Louise la Malgache », si envoûtante  ? pourquoi le petit ami de cette Louise, avorton jaunâtre, tire-t-il toujours après lui ce vieux matou teigneux ? ce petit ami précocement chauve se fait appeler d’Entragues, essaye dans ma baignoire ses maquettes de navires, et n’y reviendra plus ; je ne puis m’empêcher pourtant d’aimer ce gringalet, glabre et superficiel « Nerval s’est pendu ». D’Entrague d’afficher une vive compassion : « Quand cela ? - En 1855 ». Son Ignorance se fige : hors de l’informatique, point de salut. . « Chaque matin je me rends à mon travail, dit-il, comme à mon bac à sable ». D’Entragues interrompt la maman de Benoît, évoquant la mort prématurée de son fils aîné, il la coupe : où donc avez-vous trouvé ce joli bracelet ? » la main me démange pour lui claquer la gueule. nbnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnn 18 Cependant Benoît reste sous curatelle, toujours incapable de gérer ses comptes, allant jusqu’à présenter les pièces sur sa paume ouverte : « Servez-vous !» - marque infaillible du déclassement – le geste large, grand seigneur et bras tendu. La serveuse interdite se sert au creux de la main, au centime près. Mon père aussi se fait picorer de la sorte. Ainsi procèdent les curatélaires ou les empêchés - dyscalculie, incapacité pratique ? ...civique ? Possède-t-il encore le droit de vote ? X Jean-Benoît vit sous la férule financière d’une tutrice. La charognarde lui dispute le chiche et strict nécessaire. Il la traite en son absence et devant moi de grosse gouinasse, ce qui est le pire qui se puisse trouver, si l’on peut dire, dans sa bouche si policée... « Répète vieille gouinasse » – il le répète les yeux luisants, la bave aux lèvre vieille gouinasse avec une volupté bestiale grosse gouinasse en grasseyant à pleine glotte - « ça se réglera à la baston » - la baston, Benoît ? ...quand le dernier gringalet te réduirait en chich-kebab ?... Il ressort sur le seuil, me commande du pain et du tabac. (Sur un parking, un mendiant aux dents pourries me crachote: « Gardez-vous bien, monsieur, de vous faire mettre en tutelle, fût-ce par votre petit-fils ; je suis réduit à mendier »). lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll Désormais en bas de côte, Benoît ne daigne ni décrasser ni ranger. Ses chiottes puent. J’y arrose des moucherons qui me remontent dans les narines. Un jour les Services Sociaux viendront l’embarquer ; mise en danger de soi-même et d’autrui. Marie-Pascale, toujours cylindrique, évoquant l’opportunité d’une remise en état, ne fût-ce que pour l’hygiène, s’entendit signifier que « la question « n’ [était] pas à l’ordre du jour ». Marie-Pascale se le tint pour dit et ne revint plus. Ouf. Il y aurait beaucoup à dire sur Marie-Pascale. Mais la vraie littérature ne se définit que par la transposition. Mais je vous emmerde. nnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnn LES PARENTS DE JEAN-BENOÎT Le père Le père de Benoît, architecteDPLG, m’établit un devis bloc en main dans le Vieux Bâtiment. Il y fait un froid à découper le beurre. Maurice (c’est son nom) me régale de surcroît d’un bouquet anecdotique de bonnes manières tirées d’un Rothschild (Nadine de), indispensable « pour aller (un jour) dans le grand monde ». Fort dépité de ne pas recevoir en guise de rétribution  le dîner gastronomique escompté Au Plat d’Argent ; pour économiser mes faibles dispositions sociales (qu’eussé-je pu dire de toute une soirée ? ) (ainsi que ma bourse), je lui offris, de la main à la main, le Boito Camillo Traité du Patrimoine qu’il n’ouvrira jamais, comme si j’avais voulu lui enseigner le métier. J’en profite pour acheter Senso, du même, en italien. Nbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbb Benoît eût souhaité que je la visite ; aurais-je mérité d’être parrain ? intercesseur auprès de saint Isaac, moine et martyr, ou bien le fils même d’Abraham, fêté le 20 décembre comme son père ? – moi qui ne crois ni Dieu ni Diable ni survie. J’entends consciente.  Ils ne se rendent même pas compte qu’ils sont morts (entendu après le Bataclan). Il existerait pourtant vingt longues secondes après l’arrêt cardiaque, avant que le commun des mortels ne perde définitivement connaissance. La théorie de la réincarnation bafouant toute raison humaine - quel idéal chrétien, grand Dieu ! eusssé-je pu transmettre ? Est-il bien rationnel de nous imaginer ressuscitant aux extrémités des univers multiples, le Multivers… ...L’enfant de Port-au-Prince aurait sarclé ses plates-bandes et sa femme briqué tant et plus l’intérieur à larges aspersions de bicarbonate. « Nous irions ensemble » proposait Benoît, s’imaginant avoir déceler en sa fille une invincible attraction pour moi. Quand elle a dit « Monsieur C. » elle a tout dit ». Mais Jean-Benoît soudain ne s’est plus exprimé sur ce sujet. République avait trouvé dans sa cellule trinaire l’exact enclenchement de son engrenage affectif. Ainsi tourna court ma mission. GGGGGGGGGGGGGGGGGGGGGGGGGGGGGGGGGGGGGGGGGGGGGGGGGGG R 33 Alkan dès 20 ans se retire de la vie publique, manifestant une forte misanthropie, se consacre à la composition. Albéric Magnard fut le second de ces grands méconnus. Il périt dans l’incendie de son manoir en 14. Jean-Benoît reste un obscur parmi les obscurs. Artistiquement, il ne vaut rien, ces lignes dussent-elles se lire. Aucune chance qu’il les croise. J’y veillerai. Son évolution semble infime : une Méthode rose, première à troisième année sans cesse ressassée. Clavecin bien tempéré, moins Bach, moins le clavecin (premier prix 4000 €). Benoît mourrait de chagrin s’il soupçonnait quoi que ce fût. Qu’est-il devenu ? quelqu’un de très sain, grâce à nos soins sans doute. Embaumé par lui-même de son propre vivant. Sa mère tournant ses pages par dessus son épaule prépubère. Ne feins pas l’amitié. Trop tard. Benoît offre ou vend ses cassettes. Ma greffe à Benoît n’a pas pris. Que se passerait-il s’il me découvrait ? , hjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjj Un jour notre trentenaire letton fit irruption à l’asile. Découvrant, tout rideau tiré, ces corps ratatinés entre la sonde et les pilules – sans animation sportive ni même ludique ou participative, ô honte ! il se mit à hurler - précipitant le personnel entier dans les derniers sous-sols de l’incompétence – crevoir ! morgue obscène ! – Ivars devint à tout jamais persona non grata ; J.B. aussitôt alerté par l’administration décocha par courrier un jet du plus beau fiel : Recevez, monsieur, l’assurance de mon plus profond mépris - au guichet je me suis empressé de préciser que je n’étais pas ce monsieur Aftals. Cccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccccc PATZARAS : être masculin combien différent. Autant d’épitaphes d’Ausone (310-395), à tous ceux de sa famille ou de ses connaissances. Il y a quelque chose de pathétique et de fascinant dans ces attachements macabres, dont le Bas-Empire ne sentait que la piété. PATZARAS peignait en bedonnant, rouergat de Rodès jusqu’à la moelle. Votre cancer est guéri, monsieur Patzaras. Rentrez chez vous. Et soignez bien votre diabète. Ainsi l’Église livrait-elle ses victimes au bras séculier. Vous avez toute l’équipe médicale au complet, du médecin-chef au dernier vide-bassin, au pied de votre lit. Vous ne mourrez plus du cancer mais de ses suites. L’avocat de Thierry le L. postillonna Quiconque soutiendra que mon client est mort du sida sera poursuivi ! » - justes quelques petites métastases bien tenaces. Toujours un mort de moins pour les statistiques hospitalières. Devant Patzaras tout le monde parafe bruyamment au bas de la page à grandes envolées de coudes. Il avait fini par dépérir, naguère gros et gras, rongé d’une atroce fatigue : « Qu’est-ce que j’ai donc, disait-il, à toujours m’endormir comme ça ? » Nous avons brûlé sa grande carcasse, après la bénédiction de notre tolérante Église. Un connard nous a dit, au bistrot : « Il a eu sa vie ! » Oui-da mon salaud, arrête de boire. Nous n’allons pas nous empoigner en pleine terrasse.

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