Singe Vert N° 23 Profs bâillonnés

Professeurs remis en cause, professeurs bâillonnés, professeurs bafoués, professeurs tabassés –debout ! on veut vous faire crever, redressez-vous, regimbez-vous, affirmez votre appartenance à la prêtrise, au mandarinat, lancez le baroud d'honneur, que l'espoir justement rejaillisse au sein même du plus grand désespoir! Secouez les sales mensonges, les infectes calomnies du grand brame journalistique!

Nous que le sentiment de l'extrême indignité de la race humaine a poussés dans les sentiers escarpés de la pédagogie, à notre tour de délirer, profs humiliés, profs traînés dans la boue. D'abord il n'est pas vrai que le peuple veuille l'instruction. Finissons-en avec cette connerie. Le peuple n'a pas besoin de rédemption, il n'a rien demandé le peuple, il ne veut pas se prendre la tête le peuple, il veut du pain et des jeux, le peuple veut passer de Roland Garros à l'Euro-Deux Mille, de l'Euro-Deux Mille au Tour de France, et c'est tout!

Le drame de la démocratie, c'est qu'elle n'est pas appliquée. Il faut donner la parole à tout le monde: certes, à condition que ce "tout le monde" soit informé. Or que voyons -nous ? Une avalanche de bons conseils parfaitement inapplicables et parfaitement nuisibles prodigués la bave ou la guimauve aux lèvres par toute une flopée de gens parfaitement incompétents, essentiellement des politiciens

"J'ai assisté à des conseils de classe, je sais comment ça se passe" - à combien de conseils de classe? deux, trois? moi, à trois cents et plus. Qui s'y connaît le mieux? Et n'est-ce pas tout de même un comble que de me prétendre que justement, moins on s'y connaît, plus on est apte à la critique, parce que les connaisseurs se sont englués dans un système et manquent de fraîcheur?

Moins vous vous y connaissez, plus vous êtes extérieurs à la chose, et plus vous êtes capables d'apporter du nouveau? C'est quoi, cette théorie? Alors moi, je m'y connais mieux en chirurgie que le chirurgien ? On marche sur la tête. Vous rétorquez: "Voyez le nucléaire! Le citoyen n'est pas informé!" -certes, et il réclame de l'être. Mais sans information, il est absurde de gueuler a priori. Alors informez-vous, et ne vous contentez pas des avis éclairés du petit cancre qui s'étonne de s'être fait saquer avec 5 sur 20 alors que toute la classe du professeur vachement incapable obtient la moyenne (pas mal, pour un prof incapable, non ?)

Il y a des bavures dans les conseils de classe? Faut-il détruire la police parce qu'il s'y produit des bavures? Moi je n'ai vu dans les fameux conseils de classe que des profs, une quinzaine, très embarrassés, qui font tout ce qu'ils peuvent, chacun des quinze, et l'un calmant l'autre en cas de crise de parano, pour sauver le plus d'élèves possibles. Il est faux et scandaleusement calomnieux que les profs désirent perpétuer la classification sociale. Ou saquer les élèves d'origine étrangère.

Je n'ai jamais vu quinze profs écumants de rage tous ligués pour saquer un élève de couche sociale défavorisée pour obstinément le pousser à la misère et à la rue. C'est une décision collégiale, et mûrement pesée. Et toujours remise en cause par les familles, ce que nos réformateurs de bistrot omettent bien soigneusement de dire.. Les parents ont en fait tous les pouvoirs.

Tout le monde passe en classe supérieure désormais, au moindre froncement de sourcils des parents. Sauf quand l'élève désire devenir pilote de chasse avec quatre en maths et quatre en techno, et vient gueuler partout que l'école n'a pas été capable de lui attribuer de meilleures notes. L'école est chargée de préparer à la vie, on nous le serine sur tous les tons. Et paraît-il elle ne sait pas le faire. Mais elle montrera bien en face au petit con qui veut devenir l'élite des pilotes qu'il faudrait peut-être un peu, on ne sait jamais, à tout hasard, se remuer le cul pour avoir des résultats bêtement scolaires, pour commencer...

Que la famille gueule ou pas... Mais si la famille gueule, eh bien qu'il passe, votre petit génie! Il aura trois l'année prochaine, par la faute des profs -évidemment! Ben voyons! On se demande d'ailleurs ce que l'école est encore capable de faire. Eh bien dans la vie, c'est tout simple: celui qui travaille réussit, celui qui ne travaille pas échoue. Le voilà, le "système scolaire", le "carcan" dont nous sommes "prisonniers", pauvres bourreaux que nous sommes; et quelles que soient les réformes, ce seront toujours les mêmes élèves qui réussiront, et non pas les fils de riches, c'est encore de la calomnie pure et simple. Il paraît que c'est avilissant, que ça ne donne pas "l'égalité des chances".

Il est exact que celui qui ne travaille pas échoue. Point. Mais les réformateurs de café du commerce veulent prendre par la main le pauvre, petit nélève qui ne veut rien faire afin de se livrer avec lui à un travail de psychologie sauvage. Il faut le réduire à l'infantilisme et lui promettre qu'il aura une bonne nonote sans avoir bossé. Désolé. C'est nous, à l'Instruction Publique, c'est nous qui le formons à l'âge adulte, et non pas les dorloteurs irresponsables.

Vous en ferez quoi, de votre petit malheureux qui sera passé de classe avec 8 de moyenne de la sixième à la terminale, qu'il aura été interdit de faire redoubler, qu'il aura été interdit d'orienter prématurément? Un minable qui exigera les mêmes droits que l'élève brillant avec 16 de moyenne, au nom de l'égalité des chances? Qui se faufilera dans une entreprise où il continuera, vous croyez vraiment ça, à en imposer au patron avec des petites mines de victime qui n'a pas eu de chance?

Et vous irez gueuler chez le méchant patron parce que votre progéniture se sera fait engueuler? Il faudra qu'il se trouve une autre place, qu'il joue en bourse, qu'il magouille, tout le monde magouille, tout le monde triche, peut-être qu'il a de l'avenir dans notre belle société contemporaine après tout, tout le monde trompe son monde, mais là comme ailleurs ce sont les plus forts qui gagnent, et pas les petits bébés prolongés par les gnagnasseries de leurs papa-maman. Même chez les malfrats, ils se feront raplatir.

Mais il paraît (vox populi, vox merdae !) que nous ne sommes que des profs qui parlons de profs et que nous ne connaissons pas "la réalité!" Les "Sacro-Saints Parents ont applaudi la proposition visant à apprendre à ces cons de profs rabougris ce que c'était que le monde extérieur, ce que les Phâmilles étaient n'est-ce pas tellement plus à même de leur révéler!

Toujours cette logique aberrante du "je m'y connais moins bien que vous donc je m'y connais mieux" ! Attendez Monsieur que je vous arrête –quel est votre métier? Gendarme? vous discutez donc entre gendarmes de problèmes de gendarmes, vous ne voyez qu'un tout petit bout de la réalité, le monde n'est pas une course poursuite entre les gendarmes et les voleurs –Madame ? vous faites quoi dans la vie? Assistante sociale? vous croyez vraiment que vous avez une vision totale de la vie?

Et toi, qui es-tu? éditeur, toujours dans tes papiers? toi, boursier, toujours dans les opérations de bourse? toi, plombier? à toujours voir des tuyaux? et toi? chanteuse? tu rigoles? Bref au nom de quoi les profs seraient-ils les seuls à ne pas s'y connaître, la seule profession privée d'honneur, de lucidité, des petits tas de poussière, quoi, des caricatures de 1848, alors que les textes, les situations étudiées en classe représentent justement par les propriétés inépuisables que permet la forme écrite de balayer toutes les possibilités de la réalité?

Que chacun vienne témoigner de son expérience, d'accord, ouvrons les écoles aux adu1tes, mais ne venons pas dire d'un air dédaigneux "les profs sont dans leur cocon", "ils n'ont pas quitté la mère" et autres imbécillités vexantes, toujours ce mépris qu'on nous tartine à la figure. Entre autres réformes révolutionnaires, moi le Singe Vert je suis absolument pour la mixité de tous les âges en toutes classes.

Tu verrais un peu s'il y aurait de l'indiscipline dans les classes, tiens. T1 leur dirait, l'adulte: "Moi aussi à votre âge je me suis laissé entraîner à ne rien foutre ~ je sors de dix ans de chômage et de galère." Ca impressionnerait. Et à la moindre tentative de déconnage, l'adulte te mettrait une grosse tête au petit morveux, et nous ne rencontrerions plus le moindre problème de discipline. Et ce ne serait pas parce qu'on serait adulte, Messieurs des Syndicats, qu'on se livrerait automatiquement à la pédophilie ou au trafic de drogue

Nous avons vu à "Ca se discute" un jeune homme de 19 ans qui se levait à onze heures et qui attendait en se roulant les pouces que les copains rentrent du boulot pour les rejoindre au bistrot. Illettré, et promettant de s'en sortir. Et la mère qui allait écumer les Anpe à sa place. Nous aussi, les profs, nous connaissons ces crises de travail "Je vais travailler pendant les vacances".

Ca ne marche ,jamais, tas d'incompétents. Encore un qui a été élevé à la sous-Dolto, "fais ce que tu veux mon petit ça t'épanouira", bravo la mère, des coups de pied au cul se perdent; la Singe Vert ne mâche pas ses mots. Pourquoi flatter la flemme et l'ignorance, pourquoi prostituer le nom de liberté, pourquoi flatter la puissance qui veut vous détruire? Par fascination. La puissance intellectuelle a toujours été fascinée par la puissance de Bêtise, parce que cette dernière ne s'embarrasse pas du raisonnement ni du cerveau, mais court immédiatement au plus facile. A tous ceux qui prétendent que le nombre de fils du peuple est insuffisant parmi les étudiants de l'université, je dirai qu'ils n'ont jamais vu le "bon élève" du peuple se faire persécuter par toute une classe, qui lui chipe ses cahiers, qui lui brise ses stylos, qui le brocarde et l'insulte dans les couloirs, qui le huent quand il veut prendre la parole, qui le tient à l'écart dès qu'il a obtenu une bonne note, qui le rançonne et le précipite du haut de l'escalier dès qu'il se refuse à passer ses devoirs à l'ensemble de la classe.

C'est ça le peuple. La populace. La pègre. Ca vous ne l'avez pas vu, doux rêveurs, vous n'avez jamais mis les pieds dans une classe de "pauvres enfants du peuple", fiers de leur connerie et tenant à la perpétuer comme leurs parents. Le peuple, c'est les Deschiens. C'est de ces cons-là que vous allez vous inspirer pour diriger le pays? Le mouvement que je représente n'a rien à voir avec l'extrême droite traditionnelle qui flatte le peuple de façon immonde, qui fait croire aux ignorants qu'ils en savent plus que les autres afin de mieux les tromper

Nous ne vou1ons pas tromper 1e peup1e ignorant; nous voulons l'ignorer. Il veut des jeux? qu'on lui fasse une chaîne de .jeux. Il veut du pognon? Qu'on lui en donne. Mais qu'il n'ait aucun droit au gouvernement. D'ailleurs c'est déjà fait. Je vais vous le dire, moi, pourquoi l'on n'élit que des profs, des avocats et des banquiers. C'est parce que les bouchers-charcutiers, les jardiniers et les femmes de ménage n'ont rien dans la cervelle, juste un petit pois, et qu'ils seraient. bien emmerdés de proposer quoi que ce soit de cohérent ou de sensé pour .l'avenir de la nation.

Si nous avions écouté le Peuple, nous en serions encore à la peine de mort en public précédée de tortures. Il faut gouverner par décrets. Malheureusement c'est impossible, et celui qui proposerait cela serait aussitôt renversé par l'émeute. Mais pourquoi ne pas instaurer un examen de connaissances pour tous ceux qui veulent bénéficier du droit de vote? Un jour nous serons submergés par le peuple, qu'il soit de France ou d'un autre pays, car ils se valent tous.

Nous venons des profs se faire traîner dans la rue avec une pancarte au cou, se faire rouer de coups, se faire tuer comme au Cambodge on assassinait tous ceux qui savaient lire. Uniquement par ce qu'ils sont profs. Si nous voulons éviter cette barbarie, si nous voulons éduquer le peuple, établissons une barrière de respect autour du savoir, de quelque nature que ce soit.

Il n'y a plus désormais que les banques et la rue. Les instruments de la démocratie sont brisés. Nos esprits deviennent confus. J'aimerais que seuls les gens intelligents aient le droit de s'exprimer, c'est-à-dire les gens qui pensent comme moi (ici, on rigole, car c'est de l'humour). Il me suffirait d'avoir avec moi quelques milliers de personnes qui gueulent, et je me sentirais fort.

Un jour un José Bové surgira parmi les profs, et foutra le feu aux rectorats. Les réformes nous sont imposées de l'extérieur, toutes, par un panel d'incompétents de comptoirs de bistrots. Ils n'ont jamais mis les pieds dans une classe, j'entends pour faire la classe, pas pour faire l'inspecteur

Avant de partir à la retraite, j'aurai assisté à la nuit du Quatre Août de l'Enseignement. Ca y est les réformateurs, ça y est les Braves Gens, vous pouvez pavoiser: l'école a baissé culotte. On va enfin remplacer les profs -ouh ! ouh ! -par Internet. Ils seront juste chargés de fournir en pâture à l'Entreprise de Bill Gates des générations de décervelés qui se contenteront d'aller chercher des documents sur le Réseau (en français: le Net); et ils viendront exiger leur dix-huit.

J'ai osé mettre un zéro à un élève qui avait pompé sur un manuel. Argument du réformateur de Comptoir de service: "Oui, mais ça prouve qu'il a cherché à s'intéresser à la matière au lieu de ne rien foutre". L'école apprend à travailler, pas à pomper. Pourquoi est-ce que je me fatigue, moi pauvre couillon, à lire au bac avant le début des épreuves que toute tentative de fraude sera sanctionnée?

J'ai osé écrire sur la copie qu'elle ne correspond[ait] pas au niveau culturel habituel de l'élève" - les parents qui me tombent sur le paletot! L'élève n'a le choix qu'entre la médiocrité et la tricherie, on lui dénie le droit au progrès! Certes, braves parents, certes, mais est-ce qu'on passe d’un seul coup de 8 à 18? Est-ce que d'un seul coup, là, comme ça, vous allez me courir le 100 mètres en dix secondes? C'est devenu inimaginable, on admet que le sport c'est fatigant, qu'il faut s'user un peu à faire de l'entraînement, mais on n'admet pas qu'il faut aussi s'entramer, et combien p1us intensément, p1us ingratement, sans résultats immédiatement tangibles, en ce qui concerne le travail intellectuel?J'ai osé écrire sur la copie qu'elle ne correspond[ait] pas au niveau culturel habituel de l'élève" - les parents qui me tombent sur le paletot! L'élève n'a le choix qu'entre la médiocrité et la tricherie, on lui dénie le droit au progrès! Certes, braves parents, certes, mais est-ce qu'on passe d’un seul coup de 8 à 18? Est-ce que d'un seul coup, là, comme ça, vous allez me courir le 100 mètres en dix secondes? C'est devenu inimaginable, on admet que le sport c'est fatigant, qu'il faut s'user un peu à faire de l'entraînement, mais on n'admet pas qu'il faut aussi s'entramer, et combien p1us intensément, p1us ingratement, sans résultats immédiatement tangibles, en ce qui concerne le travail intellectuel?

Il est vrai que plus personne ne veut être intellectuel, maintenant, n'est-ce pas, depuis que des intellectuels ont présidé à la fabrication d'Auschwitz et de Hiroshima, il ne faut surtout plus apprendre à se servir de son cerveau ? .~ttends, encore plus con! "Votre culture habituelle" ! Ne voilà-t-il pas que mes parents se mettent en tête, sous prétexte qu'i1s sont d'origine étrangère, que je veux défavoriser celui qui n'a pas la culture dupeuple dominant, le peuple français!

Et c'est reparti pour la confusion entre le mot "culture" en français, et le mot "Kultur" en allemand t Quand je me brosse les dents, c'est ma "culture" occidentale t Mais nous ne parlons pas de la même chose, braves ignares t Si je vais passer un diplôme étranger dans un pays étranger, il est bien évident que je vais me faire raplatir comme un malade! Mais je ne vais surtout pas mendier l'indulgence sous prétexte que je suis d'origine française!

Si j'ai un mètre vingt-cinq en levant les bras, je ne vais pas demander une indulgence de l'équipe de baskett pour me permettre de marquer des paniers! Je rêve! Toujours cette infantilisation, cette victimisation ! Et attendez la perfidie! C'est un collègue du supérieur qui s'apitoie, qui rédige la lettre pour ces pauvres immigrés persécutés par le misérable professeur xénophobe du secondaire!

Et qui envoie ça au rectorat, tenez-vous bien, pour que je puisse me faire taper sur les doigts et tirer les oreilles; Au fou! C'en est au point où je vais demander à chaque élève où travaillent chacun de leurs parents, afin de pouvoir moi aussi déstabiliser les fameux parents qui ont tous les droits, et de les faire virer de leurs entreprises. On flatte, on flatte, et on s'en prend plein la gueule à présent, dès que tu élèves la voix il y a des gens pour porter plainte parce qu'on leur manque de respect, non mais c'est quoi ce système?

Oignez vilain, il vous poindra. Poignez vilain, il vous oindra.

Les gens ne sont plus capables désormais de supporter quoi que ce soit, ils viennent pleurer dans les bras de la justice ou de la psychiatrie. On envoie des psys sur les lieux des catastrophes, soit, mais on en vient à consoler des gens qui ont perdu tous leurs biens dans la tempête de décembre 99, à quand des suivis psychiatriques pour les personnes qui ont reçu des contraventions injustifiées?

Civilisation de mauviettes! Ce qui ne veut pas dire que je suis contre les consolations et le réconfort, mais pourquoi confier cela à des corps professionnels spécialisés? Ces enfants victimes de catastrophes, ces accidentés de la route, n'ont donc pas d'amis, de parents? Eh bien non, il paraît que non, bon, d'accord, nous sommes dans une société où tout le monde se sent abandonné.

Tout le monde se plaint, tout le monde est victime. Les profs aussi, d'accord. Oh vous arriverez toujours à m'avoir, c'est facile, tous les raisonnements sont possibles, on peut tout dire sur n'importe quoi, je n'ai pas de solution moi, je suis d'ailleurs bien le seul. Tous les autres ont des solutions en pagaïe. Nous croulons sous les solutions. La démocratie, on vous dit.Tout le monde se plaint, tout le monde est victime. Les profs aussi, d'accord. Oh vous arriverez toujours à m'avoir, c'est facile, tous les raisonnements sont possibles, on peut tout dire sur n'importe quoi, je n'ai pas de solution moi, je suis d'ailleurs bien le seul. Tous les autres ont des solutions en pagaïe. Nous croulons sous les solutions. La démocratie, on vous dit.

Ce qui fait, pour en revenir à ce que je disais tout à l'heure, qu'il suffira désormais de reproduire le même document par paquets de cinq pour obtenir une bonne note. D'ailleurs il n'y aura plus de note, ce sera encore plus simple. L'année prochaine, ce seront les parents d'élèves qui mettront les notes. Et l'année d'après, ce seront les élèves eux-mêmes. Vive la médiocratie. Ils devront faire un dossier dans l'année.

Du début à la fin de l'année, ils devront établir UN dossier. Bravo la variété. Et le prof devra diriger une multitude de dossiers. Et il devra noter chaque étape du dossier. Nous aurons alors le choix entre le dossier indigent, fabriqué par l'élève qui manquera de documents, ou l'élève flemmard, voir supra, ou le dossier supercomplet et vachement technique, par l'élève qui aura tout ce qu'il faut à la maison, autrement dit le fils de riches, ou le travailleur.

Et rebelote. Réformateurs en chambre...

Deuxième partie

Comme la Bible ou Nietzsche, je propose ma richesse, mon incohérence et mon incongruité, ensuite que chacun en tire ce qui l'arrange, puise au feu irresponsable qui m'anime, et que personne ne tue qui que ce soit en mon nom, qui est bien commun et bien laid. Ce qui n'a pas été le cas ni de la Bible ni de Nietzsche. Mais moi au moins, je dis que je me contredis, je dis que je suis fou.

Et il m'est impossible de placer tout cela dans la bouche d'un personnage littéraire, car la littérature m'a refusé sous les traits anonymes de dizaines d'éditeurs, qui se croient investis, justement, de la science infuse et me refusent obstinément -ils ont d'ailleurs parfaitement raison, non pas sur le plan littéraire, mais sur le plan commercial. .Mais pourquoi n'aurais-je pas le droit de crier mes angoisses moi aussi? Il est si facile hélas de tirer de mes propos telle ou telle phrase, pour ensuite prétendre que je suis fasciste et crier haro avec délices!

Trouvez-en un autre, trouvez-en un seul autre, qui crie comme moi "Je me trompe !" Qui réponde à celui qui objecte de garder ça pour soi "Pourquoi devrais-je me taire, alors que ma poitrine est en feu ?" Pourquoi devrais-je me faire soigner, alors que tant de fous ont la parole, et celui qui prétend avoir raison est déjà, rien que pour cela, fou dangereux et meurtrier. La musique seule pourrait exprimer ce que je ressens, or je suis nul en matière de musique.

J'en appelle au journal de Nijinsky, j'en appelle au journal de Gogol. Oui mais, gnagnatera-t-on, ils étaient Nijinsky, ils étaient Gogol! Eh bien, j'étais, moi, Singevert, professeur de collège, et je n'ai pas plus déshérité de la nature humaine que ces deux-là, que ces deux génies-là. Ce n'est pas parce que je n'ai pas rencontré les bonnes personnes aux bons moments que je doive être estimé moins qu'un autre.

Ne croyez pas ce que je dis, écoutez-le seulement. Je jure que j'étais sincère. Je jure que je ne souhaite pas le pouvoir. Le paradoxe consiste en ceci: je dénie le droit à l'émergence de monsieur Tout-le-Monde parce qu'il est trop con, et je me place, ou la vie m'a placé, dans la position de ce monsieur Tout-le Monde que les Eues Supérieurs, que les Mandarins empêchent de s'exprimer (je n'ai jamais pu avoir l'agrégation, motif: "professeur ridicule"), et qui voudrait clamer au monde entier qu'il est au contraire sinon plus intelligent (je ne comprends pas Malraux, ce qui fera beaucoup rire, car est-ce un critère 7) mais au moins plus lucide?

Or, la lucidité est-elle compatible avec l'incohérence? Oui, comme la Pythie de Delphes, me voici promu oracle... Et je ne fermerai pas ma gueule, car tous ceux qui veulent me la fermer sont ceux qui voudraient confisquer la parole à leur profit. Ou qui se satisfont de leur obscurité. Crevez, obscurs. Je n'ai plus rien à perdre.

sv

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