Inconséquences de Cécile

Nous aussi nous avons lutté contre le racisme et le sexisme, on voit le résultat, mais justement, ce n'est pas notre résultat, il n'y aura jamais de résultat définitif, et rien du tout n'est à regretter, et là, comme je suis au micro, je me fais l'effet de composer un édito de Sud-Ouest Dimanche.
    D'ailleurs on me le proposerait je le ferais. Quitte à me faire virer tout de suite. Cécile Duflot insiste, s'accroche, sort par la porte et revient par la fenêtre, bataille en ce moment pour qu'on ne profite pas de l'état d'urgence pour modifier la constitution, ce qui lui semble contradictoire et antidémocratique. Et chacun de gueuler, et chacun de s'engueuler. Nous ne voulons pas que notre chambre des députés se transforme en champ de bataille au sens physique du terme, comme parfois en Turquie ou en Ukraine. Je pense, même si elle n'est qu'un fétu de paille dans le tourbillon, que Cécile Duflot résiste, qu'elle lutte contre le courant, que ses convictions sont sincères et que son but n'est pas de prendre le plus d'argent possible dans les caisses comme disent les vrais pourris.
    Quel courage ne faut-il pas pour s'élever sur une muraille glissante, pour négocier sans cesse, pour garder sa confiance en la nature humaine, pour braver les accusations de banalité, d'inutilité, d'aveuglement, d'insignifiance. En ce moment, des citoyens essayent de persuader les immigrés de rester en France, de persuader les municipalités de les abriter, de dépister parmi les arrivants les éléments dangereux, qui existent dans tous les milieux, de garder le sens de la responsabilité et de l'honneur. Et si on tape sur un Arabe parce qu'il et Arabe, sur un juif parce qu'il et juif, sur un noir parce qu'il est foncé, j'espère avoir non pas même le courage, mais le réflexe de le défendre, parce que même avec un cocard dans la gueule, je voudrais pouvoir continuer à me regarder dans la glace, et si je suis commun, si je suis répandu à des millions d'exemplaires, si je suis banal, tant mieux, et j'emmerde les démons extérieurs, sans oublier les démons intérieurs.
    A la fin de son ouvrage, Cécile Duflot confie son désarroi, mais se revitalise dans le terreau de sa jeunesse militante :
    "Pendant des mois, j'ai fait le pari qu'il en serait autrement." (elle parle de l'incohérence du président). "En vain. Il a fait le choix délibéré de penser que sa pratique solitaire du pouvoir produirait les résultats qu'il escomptait. Cette pensée magique, je ne pouvais y souscrire ; ces choix, je ne pouvais les partager.
    "J'avais cru au François Hollande de 2012 ; je ne me retrouve plus dans le président de la République de 2014.
    "Il reste trois ans pour tracer un autre chemin, pour écrire une nouvelle page de l'histoire de la gauche, qui ne soit pas celle du diptyque "promesses électorales/ renoncement dans l'exercice du pouvoir". Ces deux dernières années, j'ai eu la démonstration que nous sommes au bout du système présidentiel, qui permet à un homme de diriger seul pendant cinq ans, sans tenir compte de l'avis de son peuple.
    "Aujourd'hui, la crispation est extrême, la personnalisation suscite de l'agacement." Rappelons que le texte date du mois d'août 2014. "Il faut passer à la VIe République et redonner du poids au Parlement. Je pense qu'on ne reviendra jamais sur l'élection au suffrage universel du président du chef de l'Etat. Mais on doit en finir avec ce Parlement qui doit se soumettre ou se démettre, obéir aux décisions du Président, lequel n'a de compte à rendre à personne en revanche. Ce système ne fonctionne plus, il crée de la frustration et des tensions.
    "A nous, parlementaires socialistes, écologistes, radicaux et communistes, de réorienter le quinquennat." - oui, mais si le peuple ne croit plus, non plus, au Parlement ? Donc, nous sommes au bord du précipice, on respire calmement, on ne pousse pas. "Et maintenant ?" (titre du dernier chapitre). "Ma mère était écologiste à une époque où cela signifiait d'abord être à contre-courant, attentif à des questions qui ne préoccupaient guère le plus grand nombre. Le marketing ne tentait pas encore de surfer sur une tendance de fond en la réduisant à un argument de vente. Cela n'avait rien d'une mode. Lutter contre l'épuisement des ressources naturelles, préserver l'environnement, être vigilant sur le risque nucléaire : j'ai grandi avec ces convictions maternelles.
    "Avant d'être une politique, l'écologie fut donc pour moi un mode de vie, une sagesse nécessaire."  Très salutaire rappel, retour aux racines dans le sens sain du terme. "Cardinale," (la sagesse) "elle ne résume cependant pas mes convictions : j'ai milité à la Jeunesse ouvrière chrétienne, parce que la foi, fondatrice dans ma construction, ne faisait sens que mise en actes dans un engagement social. J'ai été bénévole et écrivain public en prison parce que la condition humaine m'intéresse jusque dans les lieux de privation  de liberté. C'est par l'action et parce que mon esprit commençait à tirer des leçons de l'expérience que la politique est venue me trouver peu à peu." Respect, honneur au courage malheureux, et serrons-nous les couDES. Cécile Duflot, De l'intérieur, Voyage au pays de la désillusion

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