Hommage à mon pote, au noble sens du terme
J'avais
caché l'objet du délit, qui me fusillait les oreilles de son
tic-tac nocturne, dans l'épaisseur d'une pile de chemises, oubliant
à
mon départ de
le remettre au chevet du lit. Jamais je n'ai vu Serge, pas même aux
funérailles, auxquelles mon
ami ne
souhaitait
personne, hormis la très proche famille, comme
il était
de
règle dans l'antiquité : « Les
funérailles ont
eu lieu
le »
(tant ),
avait-il rectifié sur son faire-part. Il fut enterré à
St-Meyreuil,
son village natal, au-dessus des vieux
bassins houillers
encore exploitées pendant la guerre, et
jusqu'en 2003. Son
père y avait travaillé. Lui-même n'y
resta pas
plus de six semaines,
le temps que sa mère le soustraie
à cette profession mortifère,
pour
le faire étudier,
au
moins jusqu'au niveau d'instituteur.
Kosta
m'a dit, simplement : « C'était pas marrant ».
Impossible d'en tirer autre chose. Sa mère avait fait 95 ans. Je lui
disais : « Ça
te donne de l'espoir ». Il me répondit un
jour « J'abrège »,
quand
je voulus savoir pourquoi
il se remettait à fumer.
Il avait alors 85
ans. Les choses n'ont pas traîné. Tumeur,
puis chute,
sur l'arcade sourcilière, et bonne humeur pendant le jour
suivant.
En
fin de journée, comme
il arrive, l'hématome
gagnant
et
obstruant le centre de la parole, il
devint aphasique.
Puis il
passa la
main sur son
visage,
« comme s'il demandait
que
je lui ferme les yeux » me dit sa veuve
au
téléphone. « Il a toujours été très amoureux, jusqu'au
bout. Je le sentais me serrer le pouce très fort. Il s'est éteint à
l'hôpital, au secteur des urgences. »
Elle
avait
des sanglots dans la voix, je répétais sans cesse oui,
oui, ne
pouvant endiguer ce flot pressé
de
confidences soudaines. « A la fin de son roman W H.,
le
héros fait sa sieste « et ne (sent)
pas la nécessité de se réveiller ». Elle m'a
répondu
« c'est vrai ».
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