Les sales tentations
HARDT
VANDEKEEN « LE SINGE VERT » N° 2 2 - 7
LES
SALES TENTATIONS
...Celle
du viol, par exemple. Tous les jours tu en lis un dans les journaux.
Et comme tu es un homme (c'est écrit sur ta carte d'identité) tu te
poses des questions : qu'est-ce qu'il prend à un mec, à un mec
comme moi, grand, fort et généreux (les chevilles...) - de se ruer
sur une femme et de lui faire subir ça
?
Dutroux, par exemple (tout de suite le cas extrême) - "donnez-le
moi, qu'il gueulait le grand Belge à la télé, "donnez-le moi"
(que j'en fasse de la charpie, que je les lui broie à petit feu
entre deux pierres TRES rugueuses) - un violeur n'est pas un homme.
Déjà un enquêteur - un essayiste - a commencé son livre comme ça
: "On devrait leur couper les couilles". Les violeurs
déconsidèrent, disqualifient les hommes.
Les
mâles. L'espèce humaine. C'est à cause de ces cons-là que les
femmes, forcément, d'emblée, se méfient. Même de moi quand je
leur adresse la parole dans la rue - demandez un renseignement, dans
la rue, pour voir - je n'aborde jamais une femme dans la rue ; Marie
M. s'est vu demander l'heure, elle a aussitôt ouvert son parapluie à
la gueule de l'homme éberlué en criant « Ça va pas, non ? »
Seulement moi je me dis - c'est ça, la tentation - « ce mec,
le violeur, combien de fois s'est-il fait refuser ? » Levée de
boucliers. IMMEDIATE : "Vous n'allez tout de même pas vous
apitoyer sur le violeur ? il
y a des putes !" Le
viol légal, en quelque sorte... Mais les putes, c'est pas
grand-chose.
C'est
un peu pour les hommes comme la masturbation pour les femmes ; levée
supplémentaire de boucliers : "On ne fait pas ça nous Monsieur
! » - comme dans les années 50. Mil huit cents... Cependant
nous vivons dans une époque évoluée, où pour peu qu'on la pousse
un peu, une femme digne de ce nom admettra très bien, sans
difficulté, qu'elle se.. enfin... de temps en temps... le manque,
vous comprenez... Oui. Quand une femme est en manque, elle.. comment
dirais-je... - ...pour beaucoup d'hommes hélas, les détraqués par
exemple, ceux qui aiment la recherche (pas la chasse ! je n'ai pas
dit la chasse !) - le va-et-vient solitaire ne suffit pas. Eh oui. On
est comme ça.
Une
femme attendra une semaine, un mois, un an, dix ans - en trichant un
peu, avec soi-même - un homme, un détraqué (voir plus haut), un
obsédé, recherchera plutôt, même imparfait, même payant, un
contact, un vrai, avec un vrai corps. Et peu importe si ce n'est pas
pour la vie, avec un salaire, deux gosses et un trois-pièces
cuisine... Et c'est là que tout se complique. Parce que la femme,
là, en face, celle que vous voulez courtiser - elle voit très bien
dès le premier mot où vous voulez en venir - cette femme-là, elle
rêve d'amour, de tendresse, de sentiments profonds et partagés,
avec un bon salaire et le trois pièces cuisine de tout àl'heure.
Elle ne le dira pas, parce que ça n'est pas à la page, mais dans le
fond...
Et
elle dit non, bien sûr ; ou "peut-être" ; ou "plus
tard" ; ou (un peu dépassé) "j'ai la migraine".
Elle
est libre.
Aucune femme n'est obligée d'assouvir les désirs de tous les clebs
en rut
Elle
sait qu'elle peut tenir une semaine, un mois, trois mois - voir plus
haut - elle
est libre tout de même non, pauvre imbécile ! Surtout
que de toute façon elle jouira tout de même mieux en prenant
calmement tout son temps avec elle-même qu'avec un Chevalier-Sabreur
du quart de seconde. Putain de différence. Seulement le mec qui ne
sait pas s'y prendre (certains disent s'y
engluer)
commence, à la cinq centième fois, à se décourager. "Il ne
sait pas s'y prendre". "C'est facile" (c'est les
femmes qui disent cela : "C'est facile". Les hommes aussi,
d'ailleurs - quoique...)(Sondez un mec, un peu, pour voir ? ) -
l'homme donc, disais-je, celui qui ne sait pas s'y prendre, enfin pas
très bien (il y en a. ; des tas...) - se met à se poser des
questions ; dans l'histoire, le sexe inférieur, c'est lui.
Alors
il se traîne chez les putes, ou tout seul, chez lui, à l'abri -
etc... A la six centième fois - là, je fais exprès - il s'aigrit.
Il disjoncte. Et il y en a même qui violent. Aucune excuse. Un viol,
c'est un crime. Jusqu'à vingt ans - ça compense toutes les fois où
le violeur a été relaxé. Ou relâché... Mais la tentation, la
sale tentation dont je parlais au début, c'est d'aller tout de même,
en se faufilant bien, sans être vu, dans un tout petit couloir
dérobé de la prison, lui porter des oranges... - Ah non alors là
permettez c'est inadmissible ! Vous allez trop loin ! Merde, qu'il
aille se faire soigner ! un violeur, c'est un malade ! » - bon,
c'est par où, le sens du poil ? voilà... voilà... calme... vous
savez, moi, j'ai 53 ans, trente-et-un an de mariage, ce n'est plus
mon problème - et dans le temps, j'étais très aimable avec les
putes, parce qu'elles me tiraient une belle épine du pied, elles me
disaient parfois : « Avec toi c'est sympa, parce que tu nous
parles,
au moins... »
Il
paraît qu'ensuite, le client ne parle pas mais se tire vite fait,
«parce qu'il se sent coupable ». Pas du tout. C'est fini. On
n'a pas forcément joui (la femme n'est pas là pour ça, elle a
d'autres moyens). Et puis, post
coitum homo animal triste. Maintenant
que je sais que les femmes me prennent pour un potentiel violeur, je
ne leur parle plus; je ne les regarde plus ; "jamais dans le
cadre professionnel !" - comme ledit cadre professionnel vous
prend les 3/4 de la vie on ne risque plus de perdre son temps à
draguer. Jamais on ne parle d'amour. Des fois qu'on se fasse
poursuivre pour harcèlement. Les femmes passent raides, souriantes,
au bureau, vachement aimables, "fraîches et efficaces",
décolletées jusqu'au nombril, la jupe au ras des trompes -
sacrilège ! sacrilège ! comment osez-vous parler des femmes ! -
bref
la
vie sans amour n'est plus qu'un avant-goût du cimetière. Voilà
le résultat, messieurs les violeurs. Encore que je ne sois pas bien
sûr, tout de même, que ce soient vraiment eux qui aient commencé -
Ta gueule. A la niche. Allez couché, le pit-bull.
SUITE
Cher
Monsieur,
Dans
votre journal, une expression m'a profondément troublé : vous dites
que "des chaînes de télévision accessibles à tous projettent
après minuit des films où la pornographie la plus atrocement
vulgaire le dispute à l'esclavagisation de la femme, à la
chosification du corps, à la bestialisation de l'amour".(J.F.K.)
- ah non ! vous n'allez pas vous y mettre aussi ! "La
pornographie, c'est l'érotisme de l'autre"! Laissez-moi je vous
prie contempler au sein de la nuit les merveilleuses images de mes
contes de fées, juste compensation d'une réalité suffocant sous la
chape de plomb qui nous est infligée par le puritanisme féminin !
Dès
que vous proposez à une femme un peu de tendresse, même le plus
poliment, le plus courtoisement, le plus respectueusement du monde,
la voilà toutes griffes dehors, déclenchant un véritable tir de
barrage contre l'espèce de bite à pattes (c'est ainsi que nous
sommes catalogués dès que nous avons l'audace de sortir du strict
cadre des conventions socio-professionnelles) qui se permet d'oser
profaner la Huitième Merveille du Monde, leur cul ! (appelons les
choses par leur nom...) Et que les professionnel(le)s du "c'est
facile" et du "il n'y a qu'à" veuillent bien
remballer leur langue de bois !
La
femme fait payer, soit avant (c'est clair et net), soit après (il
faut alors promettre implicitement de consacrer 101% de son temps à
"s'occuper d'elle, s'occuper d'elle, s'occuper d'elle"
(Simone de Beauvoir, "les Mandarins"). Comme dit Jacques
Brel, "Les putains, les vraies, c'est celles qui font payer pas
avant, mais après"... Pour ne pas avouer qu'elles éprouvent du
désir, elles sont même prêtes à prétendre qu'elles ont besoin d'
"être amoureuses" pour faire l'amour : ben mon vieux, si
on devait attendre d'éprouver de l'amour pour le faire, nous ne le
ferions pas souvent... Ces femmes, toutes animées de bons
sentiments, prêtes n'en doutons pas à faire interdire la
pornographie et la prostitution, je les considère comme
indirectement responsables des agressions sexuelles qui nous
scandalisent tous. Voir les sommes explosives de frustrations qui
fermentent dans les esprits des détraqués. Si l'on pouvait
réellement compter sur la collaboration amoureuse des femmes,
certains ne seraient pas aussi tentés de se rabattre sur le passage à
l'acte,l'agression...
Pourquoi serait-ce donc toujours à nous, les hommes, d'endosser la
responsabilité de ces crimes ? Quant à l'esclavagisation de la
femme : ces actrices, que je sache, sont majeures, consentantes et
(grassement) payées. Les hommes d'autre part, ces bourreaux, ne
sont-ils pas, par hasard, aussi rabaissés (si rabaissement il y a)
que leurs partenaires ? Quand ma femme et moi faisons l'amour,
sommes-nous vulgaires ? Qui de nous deux avilit l'autre ? Verra-t-on
des femmes un jour porter plainte parce que leur mari fait l'amour
"sans les aimer suffisamment"? J'en ai plus qu'assez de
cette dichotomie : les femmes angéliques victimes d'un côté, les
hommes affreux dominateurs esclavagistes vulgaires de l'autre.
Angéliques,
les femmes ? ravagées par la masturbation comme elles sont ? allons
donc ! les dernières en tout cas à s'arroger le droit de nous
faire la morale... Laissez-nous donc regarder nos films érotiques
nocturnes en toute quiétude...
Bien
à vous, Signé : PITBULL
DEUXIEME
SUITE
Lecteurs,
jugez de mon embarras : il me faut atténuer, annuler
l'effet des pages qui précèdent, alors que la seule sincérité de la
mauvaise foi les a dictées : si j'étais femme en effet (ce qu'à
Dieu ne plaise : interrogé un jour par une amie, si je désirerais vraiment devenir femme, et pressentant à son regard qu'elle
était sur le point de m'initier à une confrérie bien plus
redoutable encore et plus restrictive que celle des Frères en
Virilité, je lui répondis "Je n'ai pas envie de passer d'une
prison à une autre") - je me comporterais très exactement de la
même façon que la femme actuelle. Il me serait en effet
l'effet des pages qui précèdent, alors que la seule sincérité de la
mauvaise foi les a dictées : si j'étais femme en effet (ce qu'à
Dieu ne plaise : interrogé un jour par une amie, si je désirerais vraiment devenir femme, et pressentant à son regard qu'elle
était sur le point de m'initier à une confrérie bien plus
redoutable encore et plus restrictive que celle des Frères en
Virilité, je lui répondis "Je n'ai pas envie de passer d'une
prison à une autre") - je me comporterais très exactement de la
même façon que la femme actuelle. Il me serait en effet
rigoureusement impossible de
supporter la brutalité rêche de l'horrible organe que les hommes
trimballent là, au bas du ventre ; si j'étais femme, je serais
lesbienne, ce qui fait bien rire autour de moi.
Mme
de
Staël déclara un jour qu'elle n'aimerait rien tant que de devenir
un homme ; que l'unique chose qui l'arrêtât, c'était de de n'avoir
pour partenaire que les femmes. Réfléchissez encore à cette
apparente boutade sur les "lesbiennes" : elle signifie "Au
fond, je ne veux pas devenir femme du tout". Comme l'a dit je ne
sais plus qui en effet, la vie d'une belle femme dans la rue
correspond à celle d'un lapin le jour de l'ouverture de la chasse.
Ce à quoi, si j'étais intégriste, je répliquerais qu'elles
n'auraient
qu'à
se transformer en laiderons, puisque de toute façon elles seraient
bien décidées à ne rien accorder de leurs faveurs ; ce à quoi les
femmes avisées
répondraient
qu'elles voudraient être belles pour elles-mêmes ; à quoi je
répondrais à mon tour en les renvoyant à leur indécrottable
narcissisme, ainsi qu'à leurs phalanges agiles. Avez-vous compris
pourquoi les islamistes veulent transformer les femmes en sacs de
linges, au corps invisible ? Vous souvenez-vous de l'émission
lointaine sur les roses d'Ispahan, où l'on apercevait partout, dans
les roseraies, sur les chemins, d'immenses cercueils verticaux, comme
autant de blattes dressées sur leurs pattes de derrière, 52% de la
population : les femmes ? La "vedette invitée", invitée
justement à émettre un avis favorable, exotique et lénifiant sur
ce beau reportage, répondit que c'était là faire indirectement la
propagande du port du voile, de l'enterrement vivant des femmes de
l'Iran.
En
ne le dénonçant pas, le reporter s'en était fait complice. Tête
de Sylvain Auger, qui n'avait cherché comme d'habitude qu'à faire
plaisir... En fait, je hais la différence ; je trouve inadmissible
de ne pas avoir le corps de l'autre, du moins les avantages que je
lui suppose (masturbation fréquente et inaperçue, homosexualité
non moins fréquente et inaperçue), tout en refusant les
inconvénients, bien réels ceux-là (se garder à droite, se garder
à gauche) - comment une femme peut-elle se sentir en sécurité
auprès d'un homme ? Me voici à présent tombé dans l'excès
inverse : je propose de supprimer tous les hommes à la naissance,
tout juste capables qu'ils sont de déclencher les guerres et les
violences de toutes sortes.
On
peut donc se passer des hommes. Mais "si l'on avait attendu
après les femmes pour faire la révolution, disait Gramsci, on en
serait encore à l'âge de pierre." Bon, ça me reprend. Il est
vrai (ou imaginé ? ) que mes sourires aux femmes, dès qu'elles ont
compris où je voulais en venir, se sont toujours soldés par des
moqueries ; mais la femme risque pire : le viol, la torture. Je
pourrais peut-être considérer la femme comme une personne, cela me
changerait, et non plus seulement comme un objet dont la seule
présence est un refus offensant de mes désirs, voilà, j'aurais pu
y penser plus tôt. Dirait Donald. Et, disait Stendhal (la citation
est mon péché mignon, prouvant au passage un manque total de
maturité), "si je tenais enfin entre mes bras l'objet de mes
désirs, qu'en ferais-je, qu'en ferais-je ? " - eh bien donc !
je retourne à ma vie conjugale et professionnelle, des culs plein la
tête et des soupirs plein les bourses.
Vous me direz que je pouvais aussi bien garder ça pour moi, et que
vous n'en avez rien à foutre. Je répondrai, ayant décidément
réponse à tout, ce qui s'appelle aussi n'avoir réponse à rien :
tant d'autres m'imposent ce dont je n'ai, moi, strictement rien à
cirer, que je peux bien me permettre moi aussi de délirer, ça rime.
La rime, y a que ça de vrai...
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