FRAGMENTS
Ce
n'est pas la fille qui me fait peur ; c'est une main qui me retient
de l'intérieur. Si je surmontais cette “crampe”, il me semble
qu'une vague d'indifférence molle me submergerait ---> interdit
surmonté ---> castration effective.
Il
faudrait que j'avance le bras.
Apprendre
à l'autre la masturbation ou la voir pratiquer ---> désir de
partager avec l'autre (sexe) la culpabilité de l'onanisme.
Quand
je la vois faire, je lui dis d'arrêter, par peur qu'elle devienne
idiote - ! ? -
Désir
de manger l'autre (penser aux phantasmes où je me voyais mangé). Je
me précipite avec la bouche (léger dégoût, style “faut y aller”
- en diminution maintenant) pour éviter un contact avec le sexe.
C'est
une conjuration.
Entrave
posée au développement sexuel ordinaire.
Régression
à la sexualité infantile.
Paralysie
: je dois réellement me forcer. Véritable panique. Je sens, de
plus, que cette panique, un accès de raison,
me
ferait dire : “Et puis non, n'y allons pas.”
Avec
E., je n'ai jamais eu cette paralysie, même au début.
Conception
de la vie – Conception de la littérature
La
vie comme un don – La littérature comme un don.
“Soyez
parfaits comme votre père céleste est parfait”
Le
présent. Le présent éternel. Je suis le soleil qui réchauffe ses
enfants.
Le
sage n'a pas besoin des autres. Il trouve en soi l'atma, le brahma,
sa force.
Editions
: sans arrêt
Je
lis Arnaud Desjardins.
Renoncer
me fait frémir. J'ai besoin que ce soit très progressif.
Balancer
mon carnet vert ? Peut-être un jour, en emménageant, facile.
A
Elias
Fels ?
en cours de réintégration dans un vaste cycle.
Je
souhaite : liberté – extension indéfinie de l'ego. Pour cela,
détruire l'ego afin de s'en faire un nouveau.
Réussir
d'abord, renoncer ensuite.
Pourquoi
est-ce que je veux écrire ? Réaction de défense contre
l'engourdissement qui me gagne. Servir. Prendre la résolution de
brûler ces papiers.
“Voyez
ce que vous pouvez attendre en fonction de ce que vous pouvez
donner”.
“Une
femme supporte un mari brutal.”. “Accepter sa destinée, car
c'est toujours celle qui vous convenait le mieux” - au fond, je
n'ai aucune idée de révolte. Mais je voudrais bien ne pas tourner à
la passivité. Préjugé : quand on Est, on ne pense plus à rien. Or
j'aime la diversité, le tumulte de mes pensées. Ce que je veux ? la
Liberté, qu'on me foute la paix.
Servir
: ça
c'est facile ; renoncer à mon moi, à mes tics...
C'est
normal au début. Quand quelqu'un meurt, je crie “Liberté !”
même si ça n'a aucun rapport. Je veux ça, et aussi 1) laisser un
nom 2) baiser 3) du fric. Comme tout le monde. Mais avant que je
renonce, je voudrais un tout petit peu.
Echec
professionnel : impensable ; ma profession est de servir, justement.
Mais
autre obstacle :
il
faut parler
à
ces femmes avant de les toucher.
Problème
des relations humaines
-
de
la conversation.
Progrès
fictivement constatés : - je sais marcher (plier le genou, mes pas
moins grands)
- j'ai moins peur des élèves
- je sais répondre à n'importe qui sur n'importe quoi, reprendre sur le dernier sujet abordé.
A
faire : - parler le premier (et pas uniquement avec les yeux)
-
pousser la conversation jusque sur le terrain physique
- ne pas être frappé d'impuissance ou de brutalité au dernier moment.
Et
je peux très bien écrire pour
servir.
☼
arrière-pensée
: ainsi mon moi sera satisfait par la gloire.
Il
faudrait plutôt savoir : par quoi puis-je le mieux servir ?
Ecrire
n'est pas si mal.
Vouloir
baiser “pour servir” par exemple... Après laisser tomber, mais
d'abord...
Ecrire
: expression du moi, ex-pression,
ensuite,
débarras. Ne pas avoir peur – toutes les tendances sadiques, etc :
cela me libèrera – mais cela risque d'entraîner d'autres vers les
mauvaises voies.
Fric
: peut-être ce dont je me passerais le plus aisément (rester du
moins dans mes limites actuelles ; mais si je n'avais pas une
femme...)
Ma
femme est à sa manière l'instrument de la volonté de Dieu. Tout se
brouille un peu.
Il
faut un maître... encore un psychiatre ?
Le
problème le plus intéressant pour moi (j'y reviens toujours) : la
création littéraire.
Avant
baiser.
Car c'est ma
justification.
Mon
ego
en a besoin.
Il
doit s'en purifier, au moins.
Plus
tard
Voilà.
Il paraît que je suis fait pour écrire. C'est O'Storpe qui l'a dit.
Et O'Storpe, c'est quelque chose (intercaler le passage sur lui) –
un double, mais distingué, britannique et tout, futur raté comme
moi – conjurons ! conjurons ! Comme je lui disais hier : “Patrick,
tu es tellement beau, que si j'avais le courage d'être pédé”
(suivez-bien mon intonation je vous prie) “je te sauterais aux
couilles ! - Génial...” (Il ricanait) … Génial...” Flatté,
gloussant. “Je t'agrandis tes cartes géographiques, je te les
reproduis sur soie, je te trouve un imprimeur, c'est l'imagination
pure”... “Tu ferais des conférences.” ...Que je me souvienne
seulement que je suis un mortel, un artiste mortel. Un Victor Hugo
mortel. Faites que je digresse moins. Faites que... Faites que...
“C'est
l'enfance qui va resurgir devant vous bonnes gens, un pays qui sort
de l'eau, tout plat, tout géométrique, sous forme de carte.
Géographie à plat. Ce ne sont pas des souvenirs que je vais
raconter avec la pointe d'assaisonnement à l'ail façon Pagnol.
C'est du sérieux.
C'est
le
plus sérieux. “
Première
carte. Arkhangelt. Epaisse comme un limon. Molle comme un berceau.
Mes armées sillonnèrent
ce royaume, déchiré, attaqué par une mondiale Coalition – venue
du Sud, du Soleil, du Père ? J'avais inventé d'autres pays plus au
sud, “au Sud du Sud” ; mais de sanglantes batailles avaient eu
raison d'eux tous (à Ste-Françoise-le-Lac) – là, je vous
l'accorde : Françoise, c'est ma cousine, qui m'a si l'on peut dire
dépucelé ; le lac, symbole sexuel évident ; la bataille des
culpabilités – nous tournions autour des tonneaux debout, sous les
gouttières : “Dis Aline, on les recommencera nos cochonneries ? -
Tais-toi, si tu veux qu'on puisse les refaire !”
...Les
escargots volants, la pulvériseuse, le char... Tout cela
s'expliquera. Il y avait – il était une fois une arme, terrible,
très efficace, mais aussi, très imprécise. Visait-on un groupe,
celui du milieu s'abattait, les deux autres restaient indemnes. Mais
je vous expliquerai plus tard ce qu'était la pulvériseuse.
VRAC 30
08 2020
On
met du temps à devenir jeune (Picasso)
N'ouvre
pas si tôt tes remugles entrecuissiers : je ne mérite pas d'être
sauvé. Je chie sur tous les Rédempteurs. Sauvetage obligatoire.
Demandez et il vous sera accordé. Tendez la main on vous hissera.
Trois fois.
Ah,
ce n'est pas moi qui écris ; ah, ce n'est pas moi ; vous allez voir,
petits merdeux superficiels.
Défoulons-nous
d'abord. Souillons. Soyons grands ensuite. « Et on te couronne
pour ça ? » Ma mère, ma con de mère, confinée dans son
« Bonnes Soirées » confite au Guy Lux... Ne te retourne
pas dans ton cercueil, ça fait de la poussière, et ça pue...
(...bis...)
L'addition
s'allonge ! quel compte à régler ! quelle horreur !
Tu
t'es laissé avoir par le sommeil et la facilité.
Sois
puant.
Le
chien, ma fille, le chien, ma femme, et mes parents larmoyants
suppliants à l'arrière-plan : déterrez-moi tout ça !
déchampignonnez-le moi ! Et pourtant c'est vivant... mais ça pue
comme une grille d'égout, où passent, dans les eaux de vaisselle,
les immondices streptocoqués. Je déteste tout le monde sauf moi ?
Mon mépris de moi n'est pas sincère. Je ne me sens même pas
dégueulasse – parce que je mens. Il existe une autre vérité –
merde aux lénifiants.
Dans
15 jours, j'y verrai plus clair.
2020/2021
?
La
haine, d'abord : le fruit de la haine, l'amour.
Si
tu crois être immortel, prends garde, tu es un con. Si tu crois que
tu écris, tu es un con. Si du haut de ton heure matinale, tel jour,
tu te vois, tu te considères en train d'écrire, tu es un con. Car
rien de tout cela ne pèsera plus qu'un nuage de poussière au jour
du Jugement. Amen.
La
radio gueule, et Thérèse est dedans. Les chansonnettes pour
Thérèse. Je hais ceux qui me font du bien, en me cernant, en me
dictant de leurs faces enlarmées ce que je dois faire.
Tu
ignores que faire le Mal sauve plus que faire le Bien, car le Bien
est identique, et le Mal multiple. Malheur à qui s'abandonne en
chemin !
Car
ce que je dénie, et conchie, c'est ce que j'aime. Malheur aux cons
catéchumènes qui en sont restés aux préjugés d'antan !
16
– 10 – 2020
J'aime
surtout rêver. Une douce lumière d'après-midi joue sur mes pages.
Douce également la musique. Éviter
l'élégie.
Tantôt
d'une méthode, tantôt d'une autre. Ils s'obstinent longtemps, même
et surtout si c'est inadapté, si c'est inefficace. La pipe s'ils en
ont se fume, l'inspiration traîne, parfois jusqu'au talent. Et de
reprendre sans cesse, de récrire en mieux. A d'autres, qu'ils
ignorent, d'assiéger les maisons de passe à livres, de nouer
d'appréciables connaissances, ce que les miens ne savent pas faire.
De se faire publier. Mais ceux que j'aime ne sont pas de ceux-là.
Ils n'osent habiter nulle capitale, ils n'oseraient paraître. Et
c'est à longueur d'heures qu'ils écrivent, glanées parmi leurs
emplois du temps besogneux, nourris de ce qu'ils ne peuvent, ne
savent écrire.
Je
songe à Marcel Proust qui raconte en trois tomes comment il s'est
enfin décidé à composer ; à Joachim Du Bellay, qui explique
tout au long sa manière d'être inspiré. Mais Joachim fut seigneur,
et Marcel riche. Ceux dont je parle se consolent en se penchant sur
eux, sur leurs liasses provinciales d'impuissants sympathiques dont
les rêves alimenteront quelques jeunes suiveurs. D'autres pipes, la
lumière s'intensifie, l'esprit s'émousse, l'auteur s'arrête,
retourne à ses briques, à ses copies, touche à ses limites, dans
une époque aussi noire qu'une autre. Il sait qu'aux temps constants
de décadence chacun perd. Il admet difficilement qu'une seule page
suffise. S'il savait qu'il la referait, il songerait à l'humanité.
Voici pour finir le moment crucial. Fini de baguenauder de la
quéquette. Il faut s'attaquer à un sujet, sortir de soi. Un courant
d'air qu'ils supportent mal.
X
Il
était une fois un schizophrène (bis).
Il
exerçait le doux métier de professeur et lassait tout un chacun de
ses nombrileries. Il voulait ne jamais quitter l'œuf. Écrire sans
effort, au fil de la plume. Et s'indignait qu'on vînt le lui
reprocher. Comment écrire sans souffrir ? Comment oser dresser
son flûtiau parmi les grands arrachés des puissants trombones ?
Cependant ne va pas succomber au piège de la méthode. Noter
successivement n'est pas l'unique salut. Libre à toi de penser qu'un
peu de publicité, qu'un peu d'admiration habituelle, transformerait
tes manuscrits en belles pages au programme. Souviens-toi de la page
sur Céline, parce qu'il faut bien décemment, parler de lui ;
mais trois pages pour les « poèmes unanimistes » de
Jules Romains, normalien, de l'Académie Française ; ainsi se
retrouve-t-on étiqueté dans la vaste armoire à confitures de
l'Histoire.
Survient
soudain le Révolutionnaire, ignorant tout de Proust et de Gide, et
qui te fusille pour tiédeur.
X
Parfum
d'église - Orgue de Haendel
Chaque
heure mûrit et se gâte. Le fiel du temps perdu. L'absence de
souffrance se fait cruellement sentir. Le pain amer de la réflexion
se révèle indispensable. Jamais pourtant le niveau de mon soc ne
s'abaissera au-dessous de la croûte terrestre. Le soc fixe
l'éphémère. L'ennui se déguise en rêve, la musique en pensée
-
30
10 2020
Dépayse-moi.
Dans le temps et dans l'espace. Laisse couler devant moi le fleuve
d'acier où surnage et tourne une sirène bleue. Verse-moi les
rythmes et hache mon rêve, et le soleil qui baisse baisse derrière
la vitre et va m'atteindre. Une vieille solitaire à sa table sphinx
banal ouvre son sac répugnant, chairs supposées molles et moleskine
empestée, comment deux êtres qui s'aiment peuvent-ils se retrouver,
petites ailes errantes, tonne,
juke-box, mâche ta laine de verre. Ombres
passantes ouvrant la porte dont les reflets sans me trouver me
cherchent, la musique de joie tout étrangère, à travers des dix et
quinze ans, à travers les crachouillis d'un transistor tout contre
mon oreille.
Buffet
de gare lieu d'avortements de rêves répugnants sitôt qu'approchés,
peines d'autrui aux parfums d'asticots dans votre main, moment
présent soleil verre acier musique -
Suspendu
aux projets d'autrui, ne suis-je pas coupable de devancer autrui,
d'imposer à l'autre mes projets confus. Force de la double vie,
impuissance face aux barres de fer qui tombent en cage. Le massacre
par le silence. Convoquer l'amitié ou la répudier quand on le veut.
Je serais sûr de trouver quelque chose, si j'étais seul. Idéal
classique : la coïncidence de la pensée et de la forme ;
la recherche de l'Eternel humain par l'étude de soi seul. « Le
vieillard s'intéresse à son nombril ; le jeune, au monde. Le
monde gît au nombril des vieillard. Lao-Tseu.
Lève-toi
descendance, aube crépusculaire.
X
Cinq
heures et quart (je pensais autrefois que c'était 10 minutes, et 15
minutes, un
quart).
Je pense en
Jérémie à
la vitesse de la pensée (la plainte donne des ailes). Nous
regarderions depuis notre trône avec un sourire béat l'estimable
troupeau des humains qui feuilletteraient notre livre. Le livre
unique que notre rêve rêva d'écrire. Un jour tout sera langue
morte, lettre morte. Version de potaches à venir. Jetant parfois
vers le ciel de longs regards humides d'allégresse et de
reconnaissance. Tout l'univers sera peuplé de nos semblables. Comme
ils doivent être heureux, les rédacteurs de la Bible, sur leur
petit nuage chauffant.
Mais
pour offrir à l'Homme un ouvrage à sa mesure, il faut lui demander
ce qu'il préfère. Il paraît que c'est à reconnaître l'autre que
l'on devient adulte ! Comme on doit se sentir humble,
terrorisé ! Cette terreur qui rôde en cercles... Notre cerveau
l'aura captée comme une source d'énergie ; bénéfique et
logique. Les autres me font plus peur que la mort. Que pourrions-nous
leur offrir - qu'ils n'aient déjà dévoré ? en sont-ils plus
avancés ? Forger l'humanité à son image – Dieu lui-même
n'a pas assez tenu compte qu'il n'était pas seul au monde. La
vérité n'est pas belle à regarder. C'est
Jean Rostand qui le dit...
A
l'hôtel nous avons jeté Cioran dans la corbeille. Ce sont des suées
d'angoisses – l'humain dévore tous ses livres. Même s'ils la
flattent. Immense est l'Himalaya des clichés, profonds les ravins
humanistes – vue de l'esprit, petit morceau des mémoires – vous,
là, l'ermite ! sur le vrai chemin, vraiment ? les figues
et le riz dans la gamelle ? quelle honte aussi longtemps que ce
n'est pas nous... Le Mont des Pleins d'Allant se tient en face, percé
de carrières à ciel ouvert mais moins que l'autre. Ici tu méprises
quiconque n'est pas toi. Demain matin nous dépendrons d'un véhicule
pour nous rendre à nos lieux de travail. Nous devrons parler au
conducteur – Nietzsche, que ferais-tu ? nous
faut-il donc dissimuler ? nager
dans ses brumes – que le moindre coup d'épée tranche en
tronçons. Et le moi de chair est le seul agissant – le sceptre
d'Aladin retourne dans sa lampe et ferme sa gueule encombrante.
Quiconque le suivra sur ses chemins de liberté, ce Moi génial,
affrontera les cris et les larmes des abandonnés, jusqu'à
l'incarcération, jusqu'à la décollation. Nietzsche divague.
Souffrance
viscérale des angoisses vides : ce que vous faites d'elles ?
cette furie de se taire, ce silence d'autrui ? Silence des
disciples qui n'écoutent plus, pourquoi
répondre disaient-ils
si
vous vous en foutez ? Le
conducteur chantonne une rengaine entre ses dents, la femme que
j'aime est terrassée par le mutisme.
23
mars 2024
Se
peut-il que le vin m'abêtisse à ce point ?
"Rafles
nouées au cœur des forêts mortes" - excellent, gratuit, hors
du monde, à chier.
Se
peut-il que vous hantent seules les fesses en gouttes d'huile d'une
basketteuse.
"Tonner
contre l'injustice" (Flaubert ?) mais l'injustice est loin et le
ventre bien lourd. Le mal que j'ai à simplement me faire.
Trop
de monde et je suis en situation. Je le découvre juste. La route
gèle. Ce sera dur demain. Un ami écrit à son ami. Cela fera de la
littérature.
Corps,
corps sans fin qui montent l'escalier. Ces fesses, ces rires. Qui
atteindre ? Verrou tiré. Nous n'atteindrons que nous-mêmes. Nous ne
violerons que nous.
L'alcool
tisse un voile plus fort. L'alcool renforce le voile réticent.
Femmes, reconnaissance et gloire il sort de tout cela une invincible
immaturité, inébranlable barrière. Ni communication ni
connaissance. Pensées cousues dans le manteau malade du Non-Être.
Je dessinais mon arbre jusqu'aux lisières de la feuille, l'arbre ne
s'arrêtait jamais, sans autres je ne suis rien. Jean que j'aime pour
la frime, Jean pour le décor. D'autres modèleront le nez dans cette
forme informe. Ils parleront plus fort que nous. Une heure pour la
frime, une heure pour soi : raisonnable ?
Quand
le temps presse et que la vie est douce. J'envisageais déjà ce que
je veux bien faire : garnir les boîtes aux lettres. M'envoyer à
tous vents. Semeur perclus aux graines trop pesantes. Jamais les
corbeaux ne veulent ni n'obtiennent de réponses. Pensées dissoutes.
Circulation sous les fenêtres. Rires des basketteuses sur la rue
gelée. Lecteur hochant la tête avec componction. Ni art ni
littérature. Ici n'attendre nulles fondations, jalons, espoirs. Ni
langue. Je pleure et je ricane. Ce sont là nos médailles.
Aujourd'hui posthume. Plan bien net et emploi du temps.
L'autocar
est reparti avec ses basketteuses. Après quelques chansons
innocemment paillardes, elles s'assoupiront. Un autre jour elles
danseraient, les hanches à craquer les falzars, J'aimerais être
l'une d'entre elles, ou l'un d'entre n'importe qui. Que je sache en
quoi je ressemble, ou diffère. Je ne suis pas gauchiste, ni
collectiviste, je veux juste être regardé, juste être (mon odeur
s'évanouira, ainsi que notre obscénité) - faites que nous
comprenions tous un jour.
29
avril
2022
Je
ne parle bien que de moi. Arielle portraiture à l'atelier une jeune
femme. Je reste seul pour garder Giulia. Tout y passerait, du coq à
l'âne, en une interminable récapitulation. Un document paraît-il.
Qui n'intéresserait personne. Renoncer à écrire est si dur !
C'est là que se situe la dignité. Les pages s'allongeraient à
l'infini. Comme un long chemin creux défoncé par les tracteurs. Je
sentis alors une bouffée pince-cœur. C'était mon noviciat. Maggy
s'asseyait volontiers sous un arbre, « pour rêver à son
ombre ». Nous nos promenions loin de tous, de prairie en
fourré, et toujours chastement.
Même
je me souviens qu'elle refusait de desserrer les dents pour nous
embrasser. Ma langue butait contre ses incisives. Je n'ai jamais rien
osé de plus que la serrer tout habillée dans l'herbe contre moi.
C'est elle, et non mon père seulement, que je cherche dans les
odeurs d'herbe foulée, dans les brindilles que je tourne entre mes
dents. Les promenades avec mon père datent de plus loin. Et ce
frémissement de la résurrection que j'ai senti dans le chemin,
c'éait Maggy qui me l'avait donné, le souvenir de Maggy, et non
celui de mon père. Tout cela n'intéresse que moi. Qui peut le dire.
Qui relit ces interminables confessions enfouies dans les commodes de
famille. Combien de vies de femmes, en particulier.
Je
suis une femme. Ou bien, une quinquagénaire. « Tu parles comme
à 50 ans » Qui a bien pu me donner cette âme défleurie…
Qui m'a placé dans l'âme cette plainte perpétuelle,Cet apitoiement
sans relâche. Sans avoir pu connaître Henri Miller ni Charon. J'ai
serré la main de Béjart sur les marches du Grand Théâtre de
Bordeaux. Nous avons frôlé le grand monde Arielle et moi. Nous
avions 22 ans. Puis les névroses ont exigé leur tribut. Celle
d'Arielle, et la mienne. Ainsi donc cette femme, ce modèle est
venue. Elle s'est poliment penchée sur le petit lit où reposait
dans la pénombre l'ombre de Sonia. Je suis seul à présent dans le
foutoir intitulé « salon », parmi le feutrement
intermittent des voitures, et du frottement de mes chaussettes sur le
radiateur éteint.
Ariel
est descendue chercher le transistor : le tourne-disque a
grillé. Vie délibérément choisie, médiocre choisie. Médiocre
universel, œuvre géniale. Le parfum terne que chacun souhaite.
Humains enfouis, humains à plaindre. Somnolents, bâillant. Si
je tenais le marteau-piqueur, je n'écrirais pas. Qu'est-ce qu'un
« personnage » ? est-ce que je me ressens ?
Niveau gratte-peau. Pleurez,
doux alcyons, pleurez – à
mon commandement : ouin-in-in-in
– j'entends
là-haut des airs d'opéra, un chien à quelques rues… Je ne
m'appartiens pas – le passé m'appartient. Ce n'est pas moi,
empaqueté. Ma mémoire. Je suis responsable. Moment délicieux.
Vérifier la fermeture de la porte – pas d'idées nouvelles. En
plein été je porte un pull léger.
X
22
04 30
Prendre
la plume assombrit. Je viens de lire un court chapitre sur le donjon
de Bassoues dans le Gers. Il me semble sentir encore les chaleurs des
étés, les bourdonnements des insectes. L'herbe odorante. Autres
fadaises. Sensations désormais sans communication. Brume et
désuétude.
22
05 20 salle 11
La
salle froide et sans germes. Pieds d'enfants ammoniaqués,
d'avant-hier. Carte géologique aux rouges et bleus crus-chauds.
Simple espace où viendront se caser les rêves multiples et
agrandissants.
22
06 07
Jean-Paul
Lascassier aligne des mots. « L'écrivain déteste les mots » :
titre ? Qui demande nos histoires ? nos ennuis ?
L'extase de la puissance ! disaient-ils ! D'où vient le
mal rongeur de Jean-Paul ? de son corps ? il faut bien
manger, bien dormir. Ô légions étrangères si épanouies !
Les tourments qu'on écrit seront-ils nécessairement les plus
légers ? C'est pour que l'on dise plus tard pauvre
de lui – qu'il a souffert…
22
08 10
Très
vite comme on se soûle. Que j'écrive. Journal
d'Anaïs
Nin. Qui vit ce qu'elle rêve au moment même. En telle compagnie.
J'ai mon Miller, j'ai mon Artaud. Je vis dans la dissimulation. Elle
ne souhaitait pas qu'on lise. Quinze mille pages. Pas avant trente
ans. En être encore à me laisser guider par le dernier à parler
fort. Je voudrais tout récrire. Plus encore à mon écoute, à mes
envies – chemin de perdition.
22
08 11
June
ignore ce qu'est la sincérité, vit dans le reflet des autres. Oui,
j'ai joué. Après avoir lu je récris, désormais je signe –
errances épuisantes au milieu de la ville. À grandes enjambées
entre les bassins à flot – pavés, rails interminables serpentants
et cisaillés venus des murs d'usine et disparaissant – préférer
le discours d'un hindou à tout voyage en Inde – survivre plutôt
en personnage qu'en homme « et j'ai horreur de ce qu'écrit
Henry, ce qui nous fait rester en alerte, pour enregistrer » -
ce sans quoi nous n'existerions pas – d'où vient ce qui nous
éveille ? « ...et nous joignons nos mains » - ces
gestes impossibles entre hommes -la main d'O'Letermsen pendant
derrière le fauteuil et mon cul tandis qu'il conduisait de l'autre
Tu
es si beau que si j'étais pédé je te … - Génial, répétait-il,
génial ;
pourquoi
n,'écris-tu pas ? tu as peur... »
« June
n'atteint pas le même centre sexuel de l'être que l'homme. Cela,
elle ne le touche pas. Qu'émeut-elle donc en moi ? » -
tout fixer à mesure, citation
2101 – profiter
du matin, coincé ente l'éveil imminent de l'enfant et l'envie
physiologique de pisser.
Toujours
l'obsession du Jugement. L'odieuse adolescente obsession de la
postérité (ce n'est pas le texte primitif ; ce n'est jamais le
texte primitif). Je vivrai en 52, en 62, et je serai lu. Moi qui me
relis, je crève de gêne June est une personnalité développée
jusqu'à ses extrêmes limites. J'admirais ce « savoir-blesser »
qu'elle avait, qu'elle n'a plus à présent que nos dents sont
tombées je
suis prête disait-elle
à
m'y faire sacrifier. Critique
des mots et des jours disparus. Ma petite se réveille dans le
vacarme des autobus. Quand trouverons-nous enfin ce qui nous faut à
la campagne. June magnifie tous ceux qu'elle voit, en fait-elle
autant de nous dès qu'elle cesse de nous voir, dois-je le croire ?
(Le
Prince vit encore. Ô ciel, puis-je le crère ? - Il arrive,
Princesse, et tout couvert de glaire)tant
de chaleur, tant d'influence et d'importance accordée à des gens
sans emploi et qui peut-être ne sont que des sots…
Je
ne pourrais me passionner ainsi que pour les personnages d'un roman.
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