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COLLIGNON PAGES LIBRES 1
TRANSISTORIANA
23 05 2123
J’écoutais les
voix de la nuit
une
chanteuse arabe criait, criait,
voix
trouant la nuit
soie qui se déchire
peine interminable
Amour – crieuse frêle – ta vie ta gorge déchirée
(mon âme vers toi par-dessus les ondes
ton souffle sur mon oreille – Souffle éternel)
d’Arabie
du Monde
Et me voici vingt ans plus tôt
Nuits brûlantes indétachables de Tanger
membres écartés l’oreiller au transistor neuf
faisant
glisser l’aiguille
« I
BUDA-PEST » - « OUNA TANGER » - « ICI PÉkin »
Voix du monde
Jazz tchèque informations
incompréhensibles intonations
si proches
(les stations portugaises,
espagnoles, celles
qu’on
entend le plus)
Consolation
nocturne des exilés
Disques
dédicacés
« Y
ahora, a continuación
de nuestro programa
de
discos dedicados... »
oû
al-illah Mohammed
oû al-illah Khifa
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LIBRES 2
TRANSISTORIANA 23 05
2123
Bribes classiques andaloûs
hachées
de fading
Crêtes aiguës, retombées aux
trous nets
« point zéro »
(injections d’avenir anxieux
« même l’amour ne$
pourra me combler »)
Les voix chères qui s’en
vont…
« La solitude, ça
n’existe pas »
proximité nocturne
des étouffés
gémissements chuintants de
dauphins échoués
des stations mortes
Indicatifs désespérément
jetés de dix secondes
en dix secondes comme un phare en éclats Human
people
here… Human people here… We won’t die,
won’t
die, won’t die, tâ-ti-ti-tâ,
tah-tee-tee-tah
- - -
De
quels rêves seront-nous
poursuivis dans la mortellement
Nous sommes le centre du
monde !
Serrons-nous, l’extérieur
est immense,
Indicatif
en carillon liquide Ave
Maria de
Radio-Vatican
Je tends l’oreille –
Frères, que nous sommes
loin
Mon antenne d’insecte pivote
vers vous-même
L’alphabet morse au
pistolet mitraille - - noyaux d’olives
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TRANSISTORIANA 23 05
2123
Lents endormissements épuisés
d’aube
Clarté dans la poitrine,
puissance, certitude
illuminée
Et
Les premiers moteurs
s’enfoncent en titubant
dans la nuit
Glissement de l’horizon, me
susurrent à
l’oreille
et s’éloignent dans un
bruit de soie qu’on
déchire
soie refermée
soie retissée
à Valéry
à Valéry Larbaud
Valéry le soufflé
Valéry l’apeuré, Valéry le
cireux
Valéry
Larbaud l’asthmatique
19 05 2123, 3h 30, nuit
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LIBRES 4
IDEM
Mai-juin 2128
Temps refusé juste l’espace
Qui s’enfle, gonfle, comble la totalité du présent, puisse la
terre entière s’imbiber, n’être conscience que du moi
Consultant
le passé couché sur les carnets ne plus se souvenir de rien
vu G. très agité, parlons avec animation
quelle animation ? chair et sang ignorés mais demeurent
demeurent
demeurent
Dès l’enfance est conçu cet
album en bandes où sont consignés les actes et les pensées
secrètes et de ceux qui m’entourent
Consultation
d’
Aujourd’hui
cela représente un enfant, serrant un gros volume à même ses
genoux
Avec son nom encore son espoir
et son sexe
Je me souviens de tout mon
avenir
J’aurai
vécu
de bons moments
Un long martyre un cri
Mes seuls bons moments où je me
trouvais seul
Perdu le temps
Le meilleur souvenir d’amour
est cette baise contre un mur branlant de terrain vague avec une pute
à Tanger de mon âge mon slip aux chevilles et les souliers broyant
les tessons de bouteille dans le noir
Petit miroir où se voit un
volume de larmes et d’écorchures
Désirs de meurtres en quelque
sorte
Se souvenir de tout à la fois
bander le ressort en bombe vers l’Avenir une boule une mèche
Reprendre
à Zéro, père et mère présents chaque nuit dans les rêves de
20 à 35 ans quinze années d’enfance supplémentaire du rab de
peur
S’il
est vrai qu’en vieillissant je dois revoir l’enfance avec si
grande netteté, si ces jours doivent surgir au temps de l’agonie
nous nous débattrons Père et moi
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LIBRES 5
JOUISSANCE ABSOLUE 32 02 23
Changement
d’emploi du temps est jouissance absolue. Le condor tient Robert
Grant en ses griffes, gen Himmel nach,
et
ton
sourire au bord du verre : tous soufflaient dans le tube de
verre pour imiter le lion de la Goldwyn Meyer.
Le Grec vient chaque nuit,
moustaches tombantes, accablé. Il joue de l’orgue : assis,
tête branlante, dox voûté, perplexe – son doigt lève une note
comme un lièvre et le canon s’engage et les ogives tremblent et
l’organiste se fait aveugle, tel est l’idéal constitutif de
l’organisme : du même bois que les tirasses et geignant du
fond des poumons.
COLLIGNON
VERANTWÖRTLICH 32
03 16 6
« Responsable ».
« Qui doit répondre ». Sur le qui-vive. Qui m’a
complimenté, fait honte ? Adepte je suis non du confucianisme,
oui bien du confusionnisme : dès ma première volonté,
l’engourdissement me gagne le cerveau, merde aux Sartriots disant :
« Imagine tes ailes, et tu voleras ! » Veux-tu
penser ? le sommeil te prendra.
Au culte du héros succède la
fourmi.
Bientôt sera exalté celui
qui trouve sa case sur le damier. Jamais je n’ai entendu la moindre
discussion instructive. Ballotter d’un os de son crâne à l’autre.
Qu’est-ce que le groupe ?
COLLIGNON
LE GRECO 32 03 18 7
Si je pense, si j’affronte, je dors. Attention fragile.
Sachant qu’il y eut
rupture. Que l’odeur m’a quitté, comme l’homme du Sud en
Islande, relent de moût, de chocolat – lui en voouloir encore, de
ces détours de temps perdu -fuis, vieux robinet, jusqu’au Greco,
j’ai toujours préféré Zurbarán.
Le Greco fällt
mir nichts ein, ne
me dit rien. L’homme tombé sera hissé sur le trône, qui
n’est que du bois, du velours, des dorures. L’homme se laisse
accaparer, un disque qui tourne et le voilà distrait, il capte tous
les bruits, la volonté s’en va avant d’être venue.
Je ne peux plus lutter contre
l’Enfant.
Tous ont choisi l’enfant.
Je compte les minutes et me
lamente.
Greco ?
… a trouvé la solution. Ne
m’intéresse pas.
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