LA NOUVELLE ARKHANGELSK

C O L L I G N O N


Arkhangelsk

POINTS DE REPÈRES


Bergerac, 29 avril 2119

Siège d'Arkhangelsk. Tout le Sud contre nous, dans le jardin du fond, jadis, Condé-sur-Aisne. De même encore l'année suivante à Pasly, sur l'escabeau d'une salle de classe encore déserte. Je gagne mon galon de lieutenant grâce aux tirs de ma pulvériseuse. Un char d'assaut qui d'un coup de rayon laser réduit en poudre nos plus intrépides adversaires.

Les cultures s'étendent en surface, sans obstacles. Parfois subsiste le paysage d'autrefois : la route de Nouvion aux Étouvelles. La vie des humains se déroule sous terre. Tout s'achète et se vend par distributeurs, jusqu'aux salons complets, jusqu'aux automobiles. Nos entrepôts sont enterrés. Les seules toilettes sont dans la cour d'école. Notre logement n'en a pas. Je chie dans un seau. Je veux être confiseur. Quand je me suis lavé le cul je lance au mur une balle élastique et la rattrape au vol, je joue contre moi-même.

À cette occasion, fasciné par un souvenir de stock-car macérien, nous imaginons une automobile-soucoupe voir Vinci, que nous baptisons ventoréacs. Dans les chiottes duThillot j'imagine un voyage en haute montagne : l'altitude augmente, la température baisse. Les chiottes toujours dans mes rêves. Le plus souvent très sales. Aucun psy ne m'en a délivré. Dans celles de Condé j'invente un personnage plus grand que mon père, 2,10 m, colorié sur une grande feuille, en plus petit... Il n'a pas su résoudre la perspective : les chaussures prolongent la jambe, si bien que Rolstrand se voit juché sur des cothurnes étroitement lacés. Il s'appelle Rolstrand.

Roland, comme mon père, plus R, S, T, de façon à rester prononçables. La grande manie de Rolstrand, consiste à faire respecter une exactitude scrupuleuse. Quiconque se met en retard d'une minute se fait engueuler. Plus tard, je hurle de me faire torcher, le frère et la sœur Lanton écoutent, graves comme des papes, le viol qui se perpètre. Ma mère gueule comme une hystérique, son fils ne doit pas porter de slips sales. C'est une bonne ménagère. Tandis que l'enfant gît dans sa chambre (virage de cuti), il convoque en esprit ses parents, les convainc d'embarquer sur son vaisseau spatial : son pays s'appelle Charabie, où l'on parle charabia. Plus tard ce sera Vulcain. Plus sérieux. Dès qu'ils ont non sans mal accepté, la nourriture manque au rêve : plus rien à montrer, l'essentiel est de prouver que ma planète existe, qu'un Père Noël viendra me délivrer, sur une de ces hirondelles qui en ce temps-là pullulaient.

Un jour le ciel contient un aqueduc orange de nuages ou de traces de réacteurs : il descend vers moi, ma délivrance est proche, je danse et ils seront punis. Puis je m'aperçois que j'imagine. Se procurer Amadou et Coconut globe-trotters. Le jour de la séparation papa chimpanzé tire stoïquement sur sa bouffarde, maman pleure dans un torchon à carreaux. Un roman que j'ébauche est une fugue avec mon père : je fuis ma mère, il fuit sa femme. Nous partons de Nice, où je n'ai pas mis les pieds, et vivons de chasse dans l'arrière-pays, droit au nord.

Je tire à l'arc sans grand succès. Cette fiction se heurte aux réalités - du réalisme. J'invente une ville Charleminvin. Son nom vient d'un roi qui se fait réveiller ; à telle heure moins vingt le serviteur crie dans l'escalier "Charles ! moins vingt !" - l'enfance est conne. Précisement des cartes. Bégaiement des noms : Bébébut, Zézébut, l'un remplacé par l'autre,et les vrais tas de sable au bord de la route se peuplent de lutins, connaissance avec Bibi-Fricotin.


En colonie de vacances (les jolies...) sévit une vague de chaleur. Tous les deux jours pendant la sieste un colon raconte des histoires de cul. Les autres se branlent sous le drap je me fais virer dans un réduit tout blanc je parle tout seul le gros André me dit de la fermer j'peux pas dormir merde !

Mohon Carlepont bataille de Sans-Franska-le-LacVictoire ! Victoire ! Le Sud enfin reflue -


Les années passent et dans mon impatience durent quinze jours : 4007 commence aux vacances de Pâques et s'achève à Quasimodo. Le réajustement du temps par piqûre dans le bulbe rachidien.

Plus tard, les chiottes fraîches de l'école embaument le ciment. Je coïte et cohabite dans le sexe d'Uocquige : celui qui baise sa mère et qui reçoit les coups de queue dans sa poche utérine. Uocquige est un nom zinon : "uo", c'est un mot à l'envers, pour "ou". Le cou, "el uoc" ; le bijou, "el uojib". Jamais je n'ai pu redécouvrir, quelles que fussent les contorsions que j'infligeasse à ce nom, un étymon véritable. Ma mère s'appelait Simone. Il faut tout édulcorer : s donne z, m donne n. En Zinonie, passée une vaste étendue maritime, la langue maternelle se parle à l'envers. Le drapeau d'Arkhangelsk sera aussi édulcoré : bleu-blanc-rouge égale vert-jaune-mauve. Édulcoré mais cruel. Fier-Cloporte joue aux cartes en comptant sans cesse : As, deux, trois, jusqu'au roi. Chaque fois que la carte retournée coïncide avec la carte prononcée à haute voix, elle est éliminée. Chaque carte a fait l'objet d'une liste alphabétique, dans l'ordre hiérarchique descendant : cœur, carreau, trèfle, pique. Ensuite existe un système de grâces. L'une d'elle consiste en une nuit avec une femme.

Plus tard plus tard à Nouvion la salle à manger j'invente les Escargots Volants qui tombent du ciel et vous aspirent à travers leur ventre fendu, j'imagine la Grande Débauche où les filles présentes à chaque mètre s'ouvrent le sexe et se cambrent pour être baisées. Satiété - dégoût : inenvisageables.

Les Waseleï et les Grozyino

La scène se passe chez les Doffémont. Les parents m'ont laissé là. Ou chez les Fourneau. Ça me reviendra. J'écoute tous les jeudis Les vacances du jeudi. Je vous parle d'un temps... De l'autre côté du verre dépoli...

Vive les vacances, les vacances du jeudi

En ce jour de chance

Chantons chantons vive jeudi

Nous aimons l'histoire, la géographie,

Les mathématiques,

Mais on chante aussi ...(CODA)

Je ne comprends presque rien à l'émission, sauf les questions à Monsieur Champagne. "Quelle est la date de la mort de Louis XV ?" Le brave animateur fait semblant de bien réfléchir. Il donne la réponse : 1715 ! Oui, répond le petit tout émerveillé.

Bravo bravo, Monsieur Champagne,

Vous êtes digne d'enseigner (bis) (ou, s'il n'a rien su répondre : "Allons allons... Vous êtes indigne...", etc.)

En plein milieu de cette émission intervient un feuilleton. Sous forme de western. On parle vite, on tire des coups de pistoler, les Indiens font wou wou wou, les femmes font "ah mon Dieu mon Dieu mon Dieu", et ça galope à tire larigo ("deux moitiés de noix de coco vide frottées l'une contre l'autre" – mais je ne comprends rien. J'ai 8 ou 9 ans. Les histoires de covboi ou d'Indien ne m'intéressent pas encore, mais j'ai retenu l'indicatif en anglais -

American ballad

Il ni-aï no ouï shi waï

Il ni-aï no ouï tchi-kim fouoè

Il ni-aï no ouï ki waseleî – groïno

Il ni-aï wade spring frominngo...


Un jour, je retrouverai l'air, les paroles, grâce au moteur de recherche. Je me chantais ça. Ensuite, chaque groupe de syllabe a représenté une famille dominante : les Ilniaï, les Nohouï, les Shiwaï... Derniers en date : les Fapeuli et les Lèvepied. J'avais passé l'après-midi avec Jean Nohain, dans une salle des fêtes parisienne où tout le monde chantait, bien habillé.

C'est ainsi que la civilisation s'accélérait, de 1450 à 1550, chez l'oncle Jean, à Mohon, qui fait à présent partie de Charleville-Mézières. Si j'avais poussé mille mètres de plus sous la pluie, sur mes pieds en compote, j'aurais pu revoir ce perron d'immeuble où je rejoignais Évelyne Ferry, 10 ans. Moi aussi j'avais 10 ans. Que vouliez-vous me dire ?

Même les notes jetées çà et là ne me suffisent plus. Les jalons sont bien plantés, mais à quoi renvoient-ils ?


"Land- l'Ami-du-Fou ": chambre de location, sous Bussang, au Thillot. Il pleut sans cesse. Impossible de mettre le nez dehors. Dans une cour s'amusent les enfants inconnus. L'un d'eux, grand bâtard famélique, désigne deux splendide Pékinois géants, ou biern Chow-Chow. Le grand débile répète "Pas chienchiens, ça pas chienchiens".Personne ne l'écoute. Qui écoute un fou. Moi je l'écoute, je ferais volontiers commerce avec lui. Mes parents me tirent en arrière : "Ne va pas avec lui...Ne parle pas avec lui... - Pourquoi ? - Parce que, c'est comme ça." Mes parents ont tout fait pour moi : "Ton steak tous les jours !" L'auberge du cheval blanc au Châtelet.

Tout ce qu'il leur était possible de me donner, ile me l'ont donné.

Il a cartographié tout son pays, sa planète entière. Il s'inspirait des cartes magiques, au temps où les livres d'histoire, de géographie, présentaient une science à l'ancienne, où rien ne venait pourrir le texte (plus tard, Fier-Cloporte lisait que les Américains brillaient par leur conformisme, alors que le beau pays de Staline permettait l 'épanouissement de toutes les personnalités. Nous fûmes aveugles jusqu'à vingt ans. Certains le restèrent. Où passe la frontière entre moi et l'autre ?)

Création d'Abaca, "pays juif" : mon Dieu, j'ignorais encore l'existence de l'État d'Israël. Elle ne vint à ma connaissance qu'en 2010 nouvelle ère, en examinant un petit fascicule illustré, retraçant l'histoire de ce territoire héroïque. Pourquoi rattacher cela aux salles de bain sans s, "pour le bain" et non "pour les bains", ô ignares ? Parce que le père de Fier-Cloporte avait menacé de lui "couper la bite" ? Parce que sa mère prenait la première eau du bain, lui-même la deuxième au milieu des parfums féminins douteux qu'il identifia bien plus tard, et son père la troisième eau, la plus sombre et la plus sale ? Une salle de bain... tout un luxe...

Les avalanches d'Océ : comment pouvaient-elles se produire sur un sol absolument plat. Il était une fois ce pays, dont le nom m'échappe, semblable au Groënland : toutes les cartes ne sont que la réutilisation du même matériel géographique, la réinterprétation de pays existants, le calque d'un héros de roman sur le héros d'un autre roman... Il fallait donc imaginer une neige aussi friable qu'un trou sur la plage, recouvert aussitôt qu'un pan s'éboule : un mort par asphyxie, un. Ou bien, des secousses sismiques horizontales, bloquant dans leur neige ceux qui s'étaient dérangés, les sots ! pour déblayer devant leur porte. En ces temps d'écriture, Fier-Cloporte jouissait encore d'une merveilleuse mémoire.

Il pouvait retrouver, entre deux recoins, tel endroit précis de la cour d'école, côté nord, où ce pays étrange et glacé avait surgi. Puis un autre, exactement semblable, même forme, même latitude, mais avec des montagnes : pour qu'il puisse y avoir des avalanches, pour que le réalisme fût respecté. Il n'y a plus de projets. Il n'y a que des surplombs qui s'effondrent sur nous par travail de sape. "N'entre pas dans notre ligne éditoriale". Plus tardif encore : la Crudélitastie, pays des Crudélitastes. On sent le latiniste. "Ces gens-là" se déplaçaient en motos, gueulant leur slogan "À feu et à sang ! À feu et à sang !" sur l'air de taïaut taïaut taïaut ! et nul n'en réchappait, tant Fier-Cloporte avait accumulé de haine puérile.

Les Crudlitastes crucifiaient. Faisaient bouffer leurs victimes toutes vives aux fourmis. Hans-Peter Vaïzeu m'écoutait, la bouche écarquillée, la tête ronde d'un Pierrot blond qui vient de se faire enculer. Il disait : "Quelle imagination ! Quelle imagination Fier-Cloporte !" La mort en eut pour lui : employé de chemin de fer, il périt dans le tunnel de Verzy en 2024 nouvelle ère : vous savez, cet endroit toujours en tunnel, à l'entrée duquel figure une plaque illisible et commémorative, juste au moment où le train se met à accélérer... Sa sœur s'en tira sur un fauteuil roulant, et ne put jamais se marier. En même compagnie que ce jeune futur mort, dont il tâtait les couilles à l'entrée du cimetière, Fier-Cloporte prolongeait sa guerre interminable, s'intitulant "Régent", pour un roi qui ne viendrait jamais.

Fier-Cloporte avait 14 ans. Il ne croyait plus ce qu'il pensait. L'année suivante, "à l'ombre du Bou Kornine", il jouerait pour la dernière fois, en vrai, comme un enfant. Ce camarade-là, lui aussi, était mort, lentement, à l'asile des fous, Hautes-Alpes. Nos vies sont pleines de morts, tout le monde sait cela.


X


Le propre des légendes est de répéter les épisodes, de transformer les variantes en séquences temporelles ; tout se suit dans le temps, afin que toutes les variantes du récit aient leur droit de cité. Y compris dans le domaine géographique : "l'écriture de la terre", la cartographie. Car les vents et les mines ne sont pas de la géographie, mais de l'ennuyeuse physique, de l'ennuyeuse géologie. Donc, Océ/Kito. Arkhangelsk/ Arkingo. Grondard/Grondy. Trois villes qui s'appellent Lé : Lé-sur-Stif, Lé-les-Mines. Trois fleuves en Sibérie : l'Obi, l'Iénisseï, la Léna. Trois fleuves rectilignes sur ma carte, trois deltas. Le troisième "Lé" reviendra plus tard.

Guignicourt. Le plus petit des trois. Le "sur-Aisne". Celui de la chambre et de la salle à manger. Celui où nous aurons l'honneur de revenir. Ne correspond pas à notre ligne éditoriale. Un carnage. C'était au bled de Slip. En bordure d'Isserwiller, qui l'a bouffé depuis. Au sommet des prairies trônaient de petites falaises trapues, les creuttes, où César avait combattu. Et d'en bas, de tout en bas, du haut de son mètre 58, Fier-Cloporte manœuvrait sa petite pulvériseuse, qui réduisait le monde entier, la chair humaine entière, en poudre – en épargnant les matériaux : tout l'humain, rien que l'humain. Cette tactique pressentie fut réalisée, plus tard.

Puis les humanistes s'en mêlèrent, et l'invention fut suspendue. Heureusement qu'on les a, les humanistes.

Conquête d'Arkhangelsk et de Land. Il faut "-lsk" en bout de mot. Dès l'enfance je sais que ce nom restera boiteux. Par l'unique désir de se démarquer. En rétablissant le nom russe, "Arkhangelsk", j'ai l'impression de racheter toute ma faute d'orthographe de jadis. Faute volontaire et normative. D'autre part : a-t-onjamais pu conquérir Land-l'Ami-du-Fou, dans sa ceinture de lacs ? Réservoir des armées du Sud, du Soleil et du Père ? Les seuls traumatismes sont-ils fondateurs ? Ne peut-on écrire que dans la fêlure ? "Interdit aux Normaux", c'est bien cela ?

La création de Choffi et de Prûlé : "ça chauffe", "ça brûle", "Choffi" deviendra "Djunggo", coïncidence avec la Chine, et "Prulé", "Prÿ-lê", avec le fameux y grec norvégien, si imprononçable au non autochtone. Voici un iceberg qui passe, saute dessus, escalade-le, plantes-y le piolet. C'est au point qu'à ce train, les terres seront plus abondantes en hémisphère sud que nord.

Te souviens-tu du long espace des grillages à St-Crépin, patron de Soissons et des Cordonniers ? L'enfant veut trop ressembler aux adultes. Il se fait traiter de connard, de l'autre côté du grillage, par un connard de cinq ans. Il imagine la dynastie des Drapeaux, c'est le nom de famille. "Michel 1er Drapeau, 3926-4002. Aucune originalité. Juste des transpositions laides. Puis venait le pont, juste reconstruit. Je revenais à pied, furax et contracté, jusque chez moi : 5 ou 6 kilomètres ? Pourquoi tant de confusions avant que je ne décidasse l'emploi de mes carnets ? Qui m'a fait inventer les lutins ? Je le sais : la certitude absolue que rien ne changerait jamais, que je ne verrais ni la terre ni la lune, et que cette prison ne saurait s'agrandir que par une dilatation des cellules, des tas de sable.

Il y avait des lutins, esprits malfaisants de légendes, grimpant sur le sable, nichés dans les anfractuosités de briques ou de meulières, l'Aisne en produit des deux, lutins qui terrorisaient Brigitte G. Elle pleurait comme une fille appelez l'ambulance ! disais-je, les filles ça pleure, ça crie, ça se banle en internat par batteries de six, puis on les admire, puis on ne les revoit plus, plus rien, que des abandonnées, des pincements de cœurs et de queues tels qu'on n'en verra plus.

L'émotion prime la physiologie. Condé-sur-Aisne. Condé-les-Loups,où tout le monde s'était dénoncé mutuellement à la Gestapo, à la Milice, Lacombe Lucien. Des noms oubliés. Résultants de codes perdus trois tours à gauche, sixième lettre... "Opriytut", "prille tütt"; "Dutembourg" – Luxembourg à quoi bon ? Seule aventure l'enfance démolitrice comme tous, comme tous, ô Beaucéant. Aboudepètedanslenez, con comme Dorothée. Premières cartes grossièrement tracées au dos du jeu de construction. Ponsard me pétait dans le nez. Son trou du cul était couleur des minuscules follicules des culs d'artichauts, violet-mauve pointu.

Ce serait de me battre avec une batterie entière, une boxe entière mais :refusé. Plus au nord, falaises plus raides, concerts de batterie, moi au centre tous les amis plein-la-gueule, ami tom-tom, ami caisse-claire, il suffit de, "y'a qu'à", pour finir tu toubillonneras en hurlant, tapant jusqu'aux crises mortelles, méningites et valvules qui sautent. Mes paents n'ont pas voulu. Haine du cercueil précoce. Dans la cuisine ma mère me lave jusqu'aux premiers poils. Fallait pas maman fallait pas. Me nettoyer tout seul par-dessous le cul avec sanglots, retour d'enterrement et correspondant écœuré en allemand, il fallait donc que je crapahutasse, wir gehen in die Stadt. Des classements de classes jusqu'à Tanger, après abandon officiel de tout ça, de toute cette cage mécanique arithmétique, juste un calque du monde adulte, rien de moi, rien de mon cru, en est-il ainsi pour tous ?

Listes de nom propres, notes, classements, ordres alphabétiques, noms impossibles à

jeux-de-motter, Pavogrivist chez nous pas de veaux grévistes impossile à trouver. Je me souviens de mes contorsions folles sur le palier, où j'offrais ma gorge pantelante au Père qui remontait du rez-de-chaussée. Je gueulais :"Vous voulez l'envoyer là !" - au cimetière, derri-ère le jardin de la mère Dufour. Tous les mélodrames sont ignobles. Tanger, rue Balzac. Une activité cérébrale forcenée, juste avant de mourir, puis le feu d'artifice s'éteint, électroencéphalogramme plat, mort.

Autrefois j'étais chef de guerre. Mes aides de camp se suivaient par ordre alphabétique. Ils devaient mourir vite, pour le renouvellement. Abajernard, Abampouquoi, Abancroube, Abaobi. Dans la cave, mon ami Marcel me cognait sur la tête, à m'en donner le vertige. Et nous faisions des piqûres d'eau dans les gros sacs gonflés de patates. Regarde cette terre brûlée où l'on s'est battu. Où l'on s'est crevé les yeux. Seuls les noms ont changé. Je les ai tous trahis. Nous ordonnons que la ville de Polnareff soit rasée jusqu'au sol, pour cause de modernisme.


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Bataille de Ste-Françoise-le-Lac (redressement, victoire) à Carlepont (Oise).

Aile gauche : Gal McIntosh - 27e corps d'armée, 12 000 hommes ; Gal McGovern, 28e corps,

retraite anticipée, massacres du gué St-Michel

(29-5) et d'Arnouville-la-Petite

Armée de Khangellet

(troupes auxiliaires)

18 000 hommes

GalMcDonald VIIe corps, Ve corps, IVe corps

VILLE DE POLNAREFF

(Gal Palon)

Gal McDougal

Batterie d'Arnec

Bombardement du 27 - 5


Entrevue du 25-5 à "Général-Ennemi"

Incursions paysannes

(sous le patronage de saint Joseph)

x St-André

Maro-la-Villar x Galouville x

Pétiville x


- reddition à Khangellet le 31 – 5

-massacres de Macintosh le 1er – 6

- McDonald et Mqcintosh rasent la ville à l'exception de la bibliothèque et du centre

historique (?)


2018 08 19 3h45 - 4h30


Fascination de mots...

Polissement de syllabes et phonèmes

radieux comme Émancar,

flûtés comme H¨wüist


Il était un plateau baptisé : "Gihi" – nomination de seconde main, épigone venu après

Invention riche aussitôt effacée remplacée

(sur un indicatif en anglais Ilniaÿ, Nohouÿ, Chiwaï, Tchickhimfrey, Waseleÿ, Waziyno)

Sapin ministre de la justice

- le Gihi était jaune – de blé, ou désert, mais jaune, relief "200 à 500m.", d'un beau safran clair. Un dessèchement, des soleils verticaux tombant droit sur l'horizontal du plateau – genoux fléchis sur la poussière jaune, impalpable, sable ou froment.

Mais passé le rebord, serpentante et vertigineuse perspective, la Tranchée Fertile, où se succédaient à se toucher les bourgs le long de l'eau nourricière sans renoncer le moins du monde à leur individualité comme des ganglions de canal lymphatique. Trois champs mitoyens séparaient Vulras de Vriluin, Vriluib d'Aboncourt, ainsi de suite au long du Gihi (champs et prés) sans que nul propoteur (nécessairement) véreux ne se fût avisé de souder sacrilègement deux ou plus de ces Communes, d'autant plus jalouses de leur autonomie, de leur folklore, d'un déplacement d'accent, d'une certaine cuisine, voire d'une façon particulière de se fleurir, d'accueillir l'étranger aventuré sur ce plateau, non moins hasardement descendu vers les oasis – qu'elles se pressaient flanc à flanc de part et d'autres des graviers méandreux du Gihi.

Et pour que la symétrie, loi infuse et qui ne devait se rencontrer qu'en traçant les cartes, ne perdît pas ses droits et continuât à régir, avec de subtils accommodements décrispants, la cartographie arkhangélique, il existaitégalement à l'est un autre plateau, l'Oghona, prononcé avec l'accent sur le premier "o", tandis qu'un son vélaire, sonore et doux comme un gamma contemporain, voilait le "g".

Et plateaux de rivaliser de records de chaud l'été, de froid l'hiver.

C'était en 2001nouveau style. Mes parents m'avaient expédié à Belleu, toponyme inventé par un rustaud chasseur sachant sinon chasser du moins à peine aboyer en meute – en Colonie de Vacances. Idyllique période, où nous devrons biennous étendre... Sieste... Irrémédiable – irrévocable – et de façon non moins irrévocable, tous les deux jours, un quart d'heure environ avant la Lecture du Moniteur, ces jours-là seulement, Locquignon – quel nom grand Dieu ! - se faisait chasser du dortoir, et assigné à clef dans une petite pièce nue d'un seul lit.

La chaleur était torride.

Je parlais à haute voix, commentais la température : "Plateau de Gihi, 25°, 30, 35°" - parfois une petite rémission, magnanimement concédée – le climat change vite ici vous savez – alors surgissait dans la lucarne l'ignoble tronche bouffie, en brosse, du moniteur André – "surgie de nulle part" – Tais-toi ! Mais tais-toi donc ! - grognon et endormi.

Gros plein de soupe.

Alors je m'allongeais entre mes quatre murs blanc crème – et je poursuivais, à voix basse, interminablement, mes entretiens sur la chaleur...

J'aimais aussi une petite fille, dans le monde interdit – tête anguleuse, membres d'allumette, comme brisés – insecte gracieux disloqué. Toutes tes petites camarades, tous les garçons, se moquaient de toi. J'imaginais des entretiens de consolation. D'instinct j'aimais les disgraciés. Le temps de l'enfance me sépare encore de la mort.


*

À moi. L'histoire d'une de mes folies.

Haine des femmes. Construction descriptive intitulée : "Les bourdons". Les hommes y sont ces insectes inutiles décimés par les abeilles aus premiers froids.

J'ai rêvé sur Théople.

Terminé avec femme, enfant, foyer.

C'est ainsi que j'ai visité ma vie.


*


Classé sur deux colonnes mes lieux d'habitation, de retour – ceux où mon âme revenait sans cesse, lieux fondateurs auxquels je croyais :

- chambre de Condé-sur-Aisne

- village de Nouvion-le-Vineux

- chambre des Cœuillots en 65

- Libos, Tours surtout – Belvès.

Et force m'était d'inclure à cettte liste l'obligatoire, le mortifère Bordeaus.

À BORDEAUX se rattachaient des lieux minables : "dans Bordeaux", représentant la matérialité de toutes les rues de la ville – et l'atroce Jardin Public (où la résonance même de l'air se trouve étouffée, comme aux Enfers grecs – lumière difuse où passent éternellement des ombres rongées du regret d'en haut) – figures géométriques – ce que les vieillards appellent réussites ou crapettes ; monsieur, madame Tout-le-Monde – les "personnes fondues" rôdant aux limbes de la création écrite.

Ici je me retrouve dans cet état de petite boule qui tourne avant le big-bang qui ne vient jamais le bing-bang de la rage éternellement repoussé...

Avant Bordeaux j'avais vécu, ma vue avait été nette, explicative – à présent j'attends de crever ou de vivre. Comme tout le monde (y a-t-il une vie avant la mort et ce genre de chose) – mais dans les années 75 nous pouvions encore tracer la carte d'avant CHINON illuminée par Jehan de Tours, Deutschland und Drogen, Clermont-des-Morts – je remontais à l'infini. Je classifiais. Voici mes royaumes :

- la ville d'About-de-Pète dans le nez, infantile, moins poétique assurément que Rosebud.

- Ilsso

- Arkhangelsk

- Opriytut (je ne me souviens plus ; à 82 ans, peut-être...)

PRÜLÉ et ses départements

- Je ne sais plus quelle île contenant un lac, lequel enfermait un lac où se trouvait une île, etc.

- le Pays des Archipels

- Tous les plans cadasraux, les cartes figées.

- Villes de Bebbuth, de Sans-Frantzka aux combats de géants ; la Crudélitastie, presqu'île dont les supplices tenaient lieu de constitution.

- La ville même d'Arkhangelsk est sans cesse assiégée, enjeu d'une Guerre Mondiale, ferment de Haine, Vengeance et Volupté, où je disposais d'un Q.G., d'un monde entier de vingt-cinq étages en profondeur.

- Océ : île en forme de Groënland, où survenaient sans cesse des avalanches horizontales ou tassements de neige.


À cette structure géographique se superposait-mêlait une construction historique : l'époque de la Grande-Débauche (il existait aussi une Seconde Grande Débaudhe, après la mention "Listes d'Exécutions" – où les femmes attendaient les hommes en bords de chemins, cambrées et sexe largement ouvert... la belle époque ce serait ! ...J'ai persisté et j'ai signé.

Nous avions inventé la dynastie des Drapeau, les "Drapeaudiens", avec les souverains Miehel Ier, II, III, IV... Puis une période de Régence, dont je n'ai souvenir.

À compter de 1957 ("2004" nouveau style), nos années ont retrouvé une durée normale, comme indiqué plus haut, par injection dans le bulbe rachidien, qui modifiait la perception du temps.

Tout se terminait, fatalement, par une dictature sans fin. D'ailleurs c'est la vie.

X


La colonne "Anecdotes – Errances sentimentales" comprenait uniquement "petite fille recueillie", "viols", "mariage" – piteuse fin ? piteux début ?

Les faits de "Civilisattion", outre les vingt-cinq sous-sols, mentionnait aussi les concerts de batterie en cage, les ventoréacs (automobiles à réaction) et les séances de stock-car (je n'en ai jamais vu...)

Tout se terminait, en bas à droite, par la mention du fameux sketch de Fernand Reynaud : Les Œufs pas cassés – mystère...

Nous avions donc prévu tout un sycle d' Errances. Un si beau titre me fut bien sûr ravi par Jacques Lacarrière – disons : "que la société a bien adopté" – mes rubriques en étaient

glises – Harmoniums – Chiottes (riche voisinage) – Rencontres ("même imaginaires" spécifiais-je : étaient mentionnées "Villars" et "Bourdeilles", puis venaient "Châteaux", "Chambres d'Hôtel", "Départs".

Sous la rubriques "Haltes" : Brie, repas sous les pins (je m'en souviens à peins) ; Bergerac ("la troupe de petites filles" - ??? ), St-X. en Corrèze. Donzac "dans le fossé" (?), Monprimbland : je ne me souviens de rien. Nous avions cru pourtant que c'étaient les structures de nos êtres... à préserver à tout prix des attaques extérieures, et préserver encore...

Restaurants : Ribérac, Sarlat, Valence/Baïse, Miradoux, Beaumont ; Cimetières : Sempesserre, Beaumont encore, Saulzet-le-Froid... Ne subsistent que les noms "2" et "8"...

J'avais entrepris encore (quelle confiance ! quelle cohérence !) (voilà ce que j'étais !)(qui peut encore affirmer "Tu es cet homme !" (?), et qui aurait bien pu t'en priver...) - entrepris de répertorier les cantons les moins peuplés, afin de rencontrer le moins d'humains (nous faisons cela dans la Salle des Profs de C...,, soit en septante-trois septante-quatre...

Jacqueline, tiens, m'admirait pour cela. Comme elle en avait peu à admirer !) Nous nous sommes baisés, c'était merveilleux (ellipse) Cette liste, la voici, jusqu'à la Saône-et-Loire (en anglais, le Seven- One).

Les chiffres sont, comme vous – d'époque :

Ain = Izernore, 2126 h.

Aisne = Aubenton, 4458 h.

Allier =Neuilly-le-Réal, 5314 h.

Basses-Alpes (parfaitement, Basses-Alpes) = Senez, 261 h.

Hautes-Alpes = Barcillonnette, 318 h.

Alpes-Maritimes = Coursegoules, 949 h.

Ardèche = Valgorge, 954 h.

Ardennes = Omont, 2257 h.

Ariège = Quérigut, 674 h.

Aube = Chavanges, 2702 h.

Aude = Mouthoumet, 1355 h.

Aveyron = St-Chély-d'Aubrac, 1197 h.

Bouches-du-Rhône = Stes-Maries-de-la-Mer, 2244 h.

Calvados = Cambremer, 4048 h.

Cantal = Champrs/Tarentaine, 3485 h.

Charente = Brossac, 3145 h.

Charente-Maritime = Tonnay-Boutonne, 3601 h.

Cher = La Chapelle d'Angillon, 3314 h.

Corrèze = Lapleau, 2847 h.

Corse = Olmi-Capella, 765 h.

Côte-d'Or = Grancey-le-Château, 1427 h.

Côtes-du-Nord = Mûr-de-Bretagne, 4103 h.

Creuse = Gentioux, 2207 h.

Dordogne = Monpazier, 2244 h.

Doubs = Amancey, 3123 h.

Drôme = Rémuzat, 1270 h.

Eure = Lyons-la-Forêt, 4140 h.

Eure-et-Loir = La Fert-Vidame, 2101 h.

Finistère = Ouessant, 1814 h.

Gard = Alzon, 1015 h.

Haute-Garonne = Lanta, 3049 h.

Gironde = Captieux, 2665 h.

Hérault = Le Caylar, 903 h.

Ille-et-Vilaine = Le Sel, 4549 h.

Indre = Bélabre, 4739 h.

Indre-et-Loire = Le Grand Pressigny, 6368 h.

Isère = Clelles, 1315 h.

Jura = Les Bouchoux, 1812 h.

Landes = Sore, 1923 h.

Loir-et-Cher = Selommes, 3535 h.

Loire = St-Jean-Soleymieux, 4397 h.

Haute-Loire = Pinols, 1782 h.

Loire-Atlantique = Rougé, 4277 h.

Loiret = Cléry-St-André, 4427 h.

Lot = Lauzès, 1651 h.

Lot-et-Garonne = Houeillès, 1440 h.

Lozère = Le Massegros, 956 h.

Maine-et-Loire = Gennes, 6164 h.

Manche = Isigny-le-Buat, 3537 h.

Marne = Sompuis, 2749 h.

Haute-Marne = Auberive, 2357 h.

Mayenne = Le Horps, 4259 h.

Meurthe-et-Moselle = Arracourt, 1315 h.

Meuse = Varennes-en-Argonne, 1983 h.

Morbihan = Groix, 3161 h.

Moselle = Vic-sur-Seille, 4428 h.

Nièvre = Brinon-sur-Beuvron, 3395 h.

Nord = Cassel, 8992 h.

Oise = Froissy, 4602 h.

Orne = Bazoches-sur-Hoëne, 3072 h.

Pas-de-Calais = Bertincourt, 6904 h.

Puy-de-Dôme = Herment, 1935 h.

Basses-Pyrénées = Montaner, 2373 h.

Hautes-Pyrénées = Bordères-Louron, 1029 h.

Pyrénées – Orientales = Sournia, 1286 h.

Bas-Rhin = Saales, 3264 h.

Haut-Rhin = Lapoutroie, 7995 h.

Rhône = Monsols, 4854 h.

Haute-Saône = Saulx, 2755 h.

Saône-et-Loire = Mont-St-Vincent, 2924 h.

Sarthe = à jamais suspendu ; les chiffres ont bien changé depuis ce temps -là.

(pour vous, pour moi, pour la curiosité, chiffres cette fois-ci non plus de 1973, mais de 2020 :

Sarthe, Le Mans 1 dont Rouillon, 22791 h. Beaucoup de cantons se sont vu regroupés ; nous n'en tiendrons plus compte pour les départements restants, l'impression d'isolement se trouvant complètement sacrifiée sur l'autel de la "mise à la page"...)

Ces cantons, qui sont donc les moins peupls, se situaient le plus souvent à la périphérie de chaque département. Lequel se définit comme une somme de plusieurs "pays". Or, ces anciens "pays" sont séparés les uns des autres par des zones de moindre densité, où la matière de l'un se raréfie, sans que l'autre se condense encore.

Une exception notoire était celle de Lanta, très proche de Toulouse, par attraction de métropole.

Jacqueline 2 m'admira beaucoup de chercher ainsi les territoires où je serais le moins possible infesté d'humains... Depuis, ma misanthropie n'a cessé de croître, à proportion, perversement, de mon respect de l'Adam Universel. Si en effet nous sommes tous, autant que nous sommes, portions et totalité de l'Adam, si l'Humanité porte le nom d'Adam, à quoi bon rechercher à tout prix la préservation de chacun de ses spécimens ?

En effet nous sommes tous immédiatement remplaçable, substituables, par le dynamisme même de la masse. Donc la guerre est licite. "C'est de la petite espèce" disait Napoléon, retournant du pied un cadavre d'Eylau – ma foi...

Quant au répertoire qui va naître, il ne touchera que les poètes ou moi : tous ceux qui professent le culte de l'inutile, de la musique du mot, des souvenirs vains.

Tentative non pas de classement, mais de répertoriage, catalogue de nos évasions autour d'Agen à Mobylette ® , à une époque où tout ce qui tant soit peu se rapportait à mon métier me semblait haïssable. À la moindre heure de liberté, je filais à 45kmh autour de la Perle du Midi, hantant des lieux où de l'avis du guide Michelin strictement rien n'était à voir.

J'essayais donc de raccrocher, à chaque bourg ou village , le vague souvenir d'une anecdote, d'une impalpable particularité (la complaisance envers soi-même vous sera immanquablement jetée à la gueule par des gens qui, justement, n'éprouvent de complaisnce qu'envers leur propre personne).

Les souvenirs se seront presque tous évanouis.

Nous les avons vaporisés partout.

Clermon-Dessous parmi les ruines ? ... où voyons-nous des ruines ?

...des crêperies

(...à quatre-vingts ans, juste supposer que revienne en surface tout ce que selon Bergson sera imprimé indélébile dans les circuits de mon cerveau...)


Gaujac-St-Médard

- chemin de boue sans fin... quel tracteur ?...

(l'angélus de dos sur mon fond d'harmonium - avec une vraie corde, une vraie cloche) Pluie.

Laroque-Timbault- les Tricheries

l'ivrognesse et son débile

odeur de crime (effectivement commis)

bien avant 2010...


St-Robert

classe-promenade de petites filles non loin de moi couché dans l'herbe


Cuq, FALS

-villages morts, comme "bétonnés"

- harmonium "en expression" - ?


St-Vincent-de-Lamontjoie

et son clocher séparé aimé de Ginette


Gimbrède

- harmonium, porte sculptée, la pluie, la vieille, le balcon à linge.


Perville (ce dont je me souviens le mieux)

- les soldats croisés

- lecture de Beckford sous l'abri près du cimetière) (cf. Le Corbeau du Puch)


Sempesserre

cimetière et tombes de généraux


Mansonville

- "Ah c'qu'on est bien sur l'herbe'

- Les trois centenaires

- l'incendie criminel


Andiran

- petite chapelle de la vierge appartenant à une ferme (la chapelle, pas la vierge)

...Remontons à 1968/69 :

En voiture autour de Libos avec mon père ou Arielle

Monsempron

- rues de l'Étoile Polaire et de l'Angle Droit

- cimetuère : Alexis Théodomante (s'il y est encore...)


Condezaygues

- cimetière en longues marches gazonnées

- mon père me dit qu'il ne saurait pas ce qu'il ferait si je mourais (j'apprends que l'on souhaite toujours la mort de ceux qu'on aime, pour les apercevoir en leur entier ; dans Camus ?)


(Monségur) (le reste en blanc : j'ai tant fantasmé sur celui-ci que j'en ai tiré un roman, refusé partout, que je ne reprends plus jusqu'a ma mort comme j'avais pensé).


Cuzorn :

- montée interne jusqu'au clocher : vertige. Mon père continue seul.


Bonaguil

- Photo de la petite fille de Madagascar (souvenir parfait ; les petites filles étaient les seuls éléments du sexe féminin à ne pas se foutre de moi)


Moncabrier

- magnifique place à arcades

- maison miteuse de l'instituteur, poêle, tuyau...

St-Chaliès

Immense cimetière plus peuplé que l'agglomération

Gavaudun

- Le donjon et sa plate-forme, où je lis à haute voix du Phèdre de Racine

- St-Sardos-de-Laurenque et les enfants du catéchisme


Bonnenouvelle

- église très rudimentaire, sol défoncé

- un seul tombeau orgueilleux


St-Aubin

- photos devant le clocher, narthex "en âtre"

- et sur la bascule

- renards enragés


St-Marcel

- le retour d'Agen en stop à pied

- les lumières s'éteignent, tous les chiens se mettent à aboyer

(cf. "Monségur 47") ("Les enfants de Montserrat)

- vers Agen : je suis (en stop) d'origine danoise, n'aime pas les femmes. L'autre se dit pied-noir.

Penne d'Agenais

- grand froid. N.D. de Peyragude

- calvaire : vue plongeante sur le cimetière


Cazideroque

- fille et femme (Coulanges) du fossoyeur de là-bas ("Quand on s'appelle Coulanges, on n'a pas la moyenne" : la mère est venue me voir ; je m'étais sans doute mal exprimé, mais je suis tout de même capable de distinguer un devoir personnel d'un devoir qui ne l'est pas).


Dausse

- Le rucher au pied de Puycalvary

- Photo de mon père dévalant un talus


Tournon d'Agenais

- petit jardin avec vue

- photos avec mes parents

Perricard

- L'église, et l'élève Saint-Pierre au catéchisme (???)

Fumel

- La nuit, Libos-Fumel avec transistor

- Halètement des hauts-fourneaux

- Télé couleur Jeux Olympiques

St-Avit

- reconstruit en pierres dorées

- chien enragé : partons


AUTOUR DE BERGERAC

(Le demi-tour de Dordogne à vélo par le sud)


Bridoire

- château, prairie en contrebas

- chapelle-tombeau du marqis

- les armoiries sur le coussin de la 2CV


Beaumont

- "Banlieue Sud-Est" conseillé par moi à une lectrie hésitante ; cela doit coïncider avec l'intervention soviétique en Tchécoslovaquie (août 1968)

- "Chez Barjou" (lieu-dit)

- " Carnet Tchèque" (dans le "Canard Enchaîné")


Lavalade

- halte


Biron

- tour du château

- la châtelaine à sa fenêtre (tiens, comme pour Jean-Jacques Rousseau)



Cadouin

- repas (que peut donc bien avoir de si remarquable un repas ? Je

me souviens du carnet de voyage en Écosse de Jacqueline Especel, où ne figuraient que les menus qu'elle avait ingurgités).


AUTOUR DE BELVÈS


St-Marcory

- église dans l'herbe

- petite vieille épiante


Vielvic

- Ponzio ; vieux pédé. Il m'avait tâté les couilles aux chiottes, style vieilles planches au fond du jardin. Comme il était affolé que je le caftasse !

- Avec Taury

- Avec Anne : les récits de Ponzio au sanatorium de Clairvivre (Périgord). Infirmier, il bourrait les cadavres avec des paquets entiers de coton hydrophile - un récit faire, par devoir de mémoire.


Montferrand du Périgord

- photos casques motos

- château à murailles dorées

- bien plus tard, le son ferrugineux de l'angélus, tandis que les enfants soignent les chevaux sur la petite place...


Beaumont du Périgord

- dîner, danse, semi-soûlographie avec Taury (qui danse en bandant avec ma femme ; heureux temps !) - la cliente du restaurant, qui m'avait cligné de l'œil. Comment la rejoindre ? Elle profitait de l'inattention de son mari !Plus tard (1990 – 2037) : mes pleurs sur ma nullité...


St-Cyprien

- Le pédé qui ne pouvait conduire ; il m'avait pris en stop, et se demandait ce que je pouvais bien faire là, en stop, au milieu bientôt de la nuit...

- Château de Fages, froid horrible.


Urval

Son harmonium à la tribune – tout cela recouvert de tant d'autres choses encore...


Les Eyzies – Thonac

À pied la nuit, les chiens qui hurlent.

L'hôtel encore ouvert – "Habituellement à cette heurre-ci nous sommes fermés" – et, je m'en souviens, le château de Sheïla dans les environs.


Sireuil- La Roque Meyrals

et son château sous lapluie glaciale – éblouissements de froid.


Commaque

Avec Alain Ussel, escalade intérieure de la tour. Parvenons sur le pourtour du donjon. Les pierres branlent un peu. Au moindre faux mouvements nous étions précipités.


AUTOUR DE BERGERAC (suite)

depuis chez Lacombe

Issigeac

- le cadre – puis le chien qui me poursuit roue de Naussanes ; et depuis, tant de choses, au point d'en faire un lieu mythique (cf. "Blattes, Blattes")



Molières

- les cerises ???

- verre pris chez le forgeron

- descente sur Calès


Retour à Mussidan

26 km à pied en poussant mon vélo dégonflé, tout en m'imaginant un avenir de maquereau.


2° brefz aller-retours avec parents ou Arielle

Queyssac :

- village resserré autour de son église.


Campsegret :

- pédalo sur étang artificiel

- petite île

- casse-croute sur bancs


Pomport :

- la cure

- le curé joue aux boules


St-Georges-de-Blancaneix :

- Horrible petit cimetière à croix de bois


St-Jean-d'Eyraud :

- consommons petit café-épicerie*

- autour de l'église


Aubeterre / Dronne

- église-grotte

- emprunt d'un stylo chez un vieux (souvenir parfait)


Peurouse :

- orphelinat, chapelle, vent arbres...


Liorac :

- église-grotte

- accueil du curé portugais voisin de chez nous.


...Ainsi s'achève ce prélèvement de reliques...


FRAGMENTS D'UNE INVERSION DES SEXES





...marin, mais, c'est une dame, pas un monsieur ! Regarde le marin Michel, il reste à la maison, parce que c'est un monsieur , vois ?"

Le garçon trépigne : c'est pas vrai... c'est pas vrai...

Il se met à bouder sur le bras du fauteuil.

- Ah ! il me donne bien du souci tu sais ! se plaint Mario. Je me demande si plus tard il rouvera une fille qui veuille de lui... Tu n'as pas déjà une petite amie ?

Le garçon, déjà revenu de son chagrin, fait non et sourit de la tête.

"Voyons, la petite Claudine à l'école ? Tu ne l'aimes pas ? Elle n'est pas gentille ?

- Si, mais je ne veux pas me marier avec elle ! Je veux pas me marier du tout

- Tu ne veux pas avoir des enfants ?

- Non, y sont méchants, j'en veux pas. J'veux être marin.

- Sale gosse !" - Mario rugole, se lève : "On ne s'ennuie pas chez toi, mais il est bientôt midi, ma femme va rentrer, elle va se demander ce que j'ai bien pu faire, adios !"

Les deux hommes se font la bise, Mario disparait avec son môme.


X

...glossant dans les travées pour gagner la sortie, Jean-Martin se penche vers A.B. : "Tout de même, elle a raison, cette femme..."

Dans la rue, ils se sont retrouvés côte à côte :

"Il me semble qu'il y a quelque chose d'absurde dans tout ça. Tous ces arguments pourraient exactement se retourner comme une crêpe...

- Tu la connais ?

- Comme ça;

- Je la trouve sympathique.

- Tu tournes autour de toutes les femmes...

- ...mais j'aurai bientôt l'âge de me marier !

- Et "après" ?... tu continues ?

- "Continuer" ?

- Tes études ?

- Pour quoi faire ? Elle aura un métier ! (" Formid !" écrit Anne J.)

- Toi aussi ? vraiment les gars je ne vous comprends pas... (...)

(Ils arrivent dans un bistrot, A.B. retrouve des amis pour parler chiffons, Jean-Martin s'en va, écœuré : sa future femme, au moins, le laissera travailler)...

COLLIGNON ARKHANGELSK


LE TEXTE SUIVANT N'EST QU'UNE IMAGINATION MORBIDE D'ADOLESCENT ET NE SAURAIT EN AUCUN CAS PASSER POUR UNE APPROBATION IDÉOLOGIQUE ET ENCORE MOINS POUR UNE PROPAGANDE. MERCI D'EN TENIR COMPTE.



Voici à présent un exemple de déclamation adolescente ; il est à noter que l'auteur de ces lignes accuse déjà 24 ans, le 24 avril 2117 :

"Mon Dieu que j'aime à me retrouver seul dans une chambre d'hôtel ! J'y trouve, d'emblée, que tout est parfait, au mieux de mes désirs. Le lit défoncé ? (j'y plonge sitôt mon étape achevée) ; le plafond s'orne-t-il d'une ampoule pendouillant à un fil ? Peu importe : désormais je me trouve en tête-à-tête avec moi-même, dans un lieu impersonnel, qui devien aussitôt la plus confortable retraite de bernard-l'ermite, car je l'envahis en entier.

Ici, ni oncle Léon ni tante Alice qui me lorgnent par-dessus leur moustache. Les voisins ? J'ignore qui ce peut bien être ; leur voisinage, à supposer qu'il soit discret, vous confirme dans votre responsabilité. S'ils ne le sont pas, ce n'est plus de la promiscuité, mais une délicieuse indiscrétion : tel se bouche les oreilles en écoutant le couple du dessous qui se casse àla gueule la même vaisselle, tendra l'oreille pour surprendre les secrets de la Chambre 3. Me voici donc à Aubeterre. Pourquoi Aubeterre ? Parce qu'il m'a été donné d'effectuer le tour de la Charente à vélo. Êtes-vous sportif ? pas le moins du monde. Mais parti le matin de Bergerac, il a fallu 6 bonnes heures au Cloporte pour 61km 754, avec dix minutes de repos par heure, pied à terre devant la moindre taupinière. La paresse a joué son rôle dans ces mollesses molletières. Passons à plus archaïque : novembre 2010 n.s., une espèce de relique (mis à part les bredouillis d'enfants): Hitler en tête, carrément. De libertate instinctuum. Du lourd. Du très lourd. Du documentaire, sans aucune intention apologétique, encore moins prosélyte.

D'abord, se mettre "à la place" des assassins, des putains, des voleurs, ce qui fait beaucoup de monde dans le même panier. Leur point commun ? "Se trouver toujours une excuse". Pour les putains, c'est l'inceste... "Même l'acte gratuit est excusable", mais ne me tuez pas s'il vous plaît merci pas moi non pas moi. Se représenter un assassin la veille de sa condamnation à mort. Discours bouleversant face à la Cour d'Assises. Très édifiant pour sûr. Du jamais vu. À la lettre.

Face à tous les préjugés humanitaires, à toutes ces lois brimantes, un univers d'Hommes Libres, sachant que "le droit chemin n'est pas le seul". On s'en serait douté.

Le Cloporte poursuit ses élucubrations (c'est un alexandrin)

La vie (suivez bien) se trouvant toujours menacée (par la liberté du voisin), chacun lutterait pour la conserver. Elle cesserait donc d'être sans valeur (massacrons-nous Folleville).

Petite incursion chez Albert Camus, version À Deux Balles : ce qu'il y a de plus absurde dans le monde, c'est qu'il soit absurde. Il est absurde que tout soit absurde. D'où la nécessité d'une Providence. Pas con. Incompatible cependant, semble-t-il ! avec un accomplissement par le massacre. Peut-être la débauche serait-elle plus efficace ?

...Liberté Sexuelle !

Permission de l'inceste entre frère et sœur, entre père et fille : quelle prodigieuse fécondité d'invention ! personne n'y avait jamais pensé ! Gigantesque illumination sur l'autoroute de la Liberté ! (par souci de parité, l'inceste entre mère et fils doit nécessairement compléter cette salvatrice Trinité !) - bien évidemment, gouines et pédés s'empresseront de constituer le socle nourricier, le soubassement inébranlable – pardon - de cette Pyramide du Crime et de la Liberté, au sommet de laquelle ils ne sauraient toutefois prétendre.

L'homosexualité, c'est de la petite bière.

Qui viole un œuf viole un bœuf.

Imparable.

Allons plus loin dans l'épanouissement personnel ("la recherche du bonheur", c'est trop américain, trop particulariste) : les relations sexuelles (gentilles, sans meurtre ni torture) avec les petites filles (on n'est pas des brutes, tout de même) (ni desAméricains, merde) – pour que les fillettes, initiées très tôt à la pratique, n'aient plus ce dégoût instinctif de la femme pour "la chose"(à propos de dégoût, et pendant que j'y pense, peut-être serait-il pertinent de suggérer au lectorat, s'il en reste, que ce serait un bon moment pour dégueuler un litre ou deux ; si si, je vous assure, ça vous ferait le plus grand bien).

...Le jour donc où se baiser en pleine rue sera devenu aussi naturel que d'y manger du pain d'épice, une immense bataille aura été gagnée, celui de l'Homme contre Dieu.

L'Homme aura reconquis le paradis terrestre (autre alexandrin).

OBJECTION ("Votre Honneur", oui, bon...)

À ce stade, l'horreur aura transformé l'auditoire en immense beuglement inarticulé, la raison ayant brisé toute logique, les instincts s'étant mués en réflexes reptiliens, aussi violemment que chez les ignobles assassins qui ont lynché à mort un pauvre pédopsychiatre en s'imaginant lire "pédophile" sur sa plaque professionnelle.

Humor verloren, Alles verloren.

HUMOUR PERDU, TOUT EST PERDU.

Nous nous adressons ici à un public hautement cultivé, à qui une masse de crétins ne sauraient imposer sa crétinerie bestiale. Les monstres n'ont jamais eu besoin de stimulants pour commettre leurs monstruosités.

....à ce stade évoqué plus haut, tout plaisir sexuel sera devenu naturel et nous n'y penserons plus.

Il est agréable d'y penser, et de désirer.

Il est plus agréable de baiser que de manger parce que c'est défendu.

Il est agréable que le plaisir soit un péché.

Tout péché est plaisir.

Détruire le sentiment de péché serait détruire le sentiment de révolte, introduire le repos dans la lutte.

PRÉCONISATION / HÉSITATION

1. Transformer les péchés, en particulier celui de la chair, en quelque chose de naturel. C'est la vie uniforme.

2. Exalter le péché et la révolte poussés au paroxysme.

3. (peu intéressant) – par le n° 1 poussé àl'excès (bienfaisant) en arriver à supprimer tout plaisir sexuel et peut-être tout plaisir. Faire de la "vie plate" un idéal. Un nirvanah ?


Et, en dessous :

De Hitleri apologia

Je ne pensais alors qu'au manipulateur de foules.

Se la jouer petit Lautréamont.


Un jour de désœuvrement, Bett Buttrock griffonna, comme à l'accoutumée, d'immuables profils de caricatures. Mais ce jour-là, au lieu d'unir d'un coup sec la nuque au larynx, comme au couperet, il lui prit fantaisie d'enchaîner sur un autre front, un nez, des lèvres, ainsi de suite plusieurs fois, vers le bas.

Le profil humain prolongeable à l'infini.

Ce nez, "un cap, une péninsule"

Cette orbite une baie.

Il écrase son mégot sur le cendrier rotatif.

Je pose mon stylo – ici à gauche au quart de la feuille.

D'abord je trace des côtes il n'a jamais aimé la mer. Dessine une grande île qui tient toute la page 3108 2121 les contours de la feuille commandent les lignes à tracer.

De hautes montagnes barreraient le chemin vers la mer ; les cours d'eau convergeraient vers un grand bassin central.

En tout cas, une côte.

Il avait longtemps rêvé, comme un enfant d'autrefois, sur les cartes. Souvent suivi des yeux chaque recoin, minutieusement chaque estuaire. Il a su qu'une côte n'est jamais gratuite. Qu'elle obéit, face aux marées, à des lois géométriques et organiques : rigueur, unité des grands axes, avec des caprices mineurs, des caps effilés jusqu'à l'éraflure, un trait dissimulant un infini de dentelures au gré d'un rapprochement de loupe – mais toujours : l'Architecture – pourtant le Kamtchatka – l'isthme centre-américain – en tout cas :

- éviter les tracés "à la serpe" (ou trop mousses)

- multiplier les anfractuosités, rugueurs et aspérités

- écarter lescontours disgracieux, les disparates criants.

Dissimuler. Faire croire au fragment. Que le lecteur s'oblige à croire à la partie d'un tout ; rattache mon motif à quelque vaste continent.


Il descendit d'abord vers la marge gauche – échancrure nord-ouest laissant libre cours aux fleuves, aux alluvions, aux grands reliefs

L'effleurait aussi l'éventualité d'une double, quadruple déchirure (trop visiblement factice) – un couple plus sournois unité/dispersion, sécurité/risque.

Un fragment d' île en forme de croix

ou bien, d'un seul tenant, le continent sans mer

dépourvu de barrière devant l'invasion, le découpage, les affrontements politiques, climatiques – au point de multipluer les frontières - effrayant, en vérité.

De vastes courants d'air, d'autre part, des voisins, partout, épiant.

Il voulait, d'un coup d'œil, embrasser son royaume.

Pas question de république.

Il n'était que partie d'un tout.

Sans se sentir ligoté aux 4 points cardinaux par des fleuves issus de nulle part – sans presqu'île d'où pouvait surgir l'ennemi comme le long d'un manche – imprimant au stylo traceur un tremblement étudié.

  1. Il incurva la côte vers l'Est – cela ressemblait, à l'envers, à la côte chinoise. Puis reprenant la direction Sud-Ouest :côte rectiligne, échancrures rocheuses en fjords superposés. S'enfonçant de nouveau résolument vers l'Est. Découpant un vaste golfe, une matrice, une panse – avec une grosse île en plein milieu.

    Toute la partie sud resterait continentale.

Elle serait conquise. Par l'île.

Le Sud est fait pour être conquis.

Que deviendrait un Sud conquérant l'île ? membre rabougri. À la merci des griffes inconnues.

Tandis qu'un Royauùe insulaire, fût-il chassé de ses possessions méridionales, et Butt se promettait de longues rivalités, d'inextinguibles revanches, un tel royaume pourrait toujours se suffire à lui-même.

Butt obéissait aussi à un mouvement plus logique : on se cerne, d'abord, sous la forme d'une île, puis on prend pied sur terre. Et à supposer que le Nord eût survécu en autarcie, ce n'en était pas moins le Continent Méridional qui fournirait les matières premières, et les produits d'industrie lourde fabriqués sur place. Une fois résolu le stade de la domination. Il fignola son île avec idolâtrie, en caps, en estuaires ; il faudrait bien attribuer des noms à toutes ces baies, à tous ces promontoires, comme Adam – tout juste s'il attribua aux côtes sud une ligne vague et molle, agrémentée d'une mangrove. Il piqueta certains secteurs d'un semis d'îlots et de récifs, se réservant au nord, pour finir, un cap très effilé. Pour les cours d'eau, ce fut plus simple : les sources partaient des massifs; au sud coulaient de longs fleuves en fin de parcours, dont les embouchures se situaient à fond de golfes, non sans un certin décalge de propos délibéré.

Le delta méridional devint un chancre au sein duquel s'épanouissait un lac à cinq déversoirs.

La carte présentait déjà fière allure : une île découpée, en pointes effilées, plus encore au nord-est, en léger déhanché. La solidité du sud, économique et morale, révélait une contrée sérieuse et réfléchie.

Et comme jeté par-dessus tout cela, un écheveau de cours d'eau : torrents du nord, dont l'étroitesse interdisait


toute espèce de méandres, tandis que le Midi traçait des arabesques zébrées de longs convois de bois et de minerais.

Des frontières déroulèrent leurs festons, poussant ici une pointe, décrochant là de quelques kilomètres, afin de donner lieu à d'épineux casus belli.

Restait le nom du pays. Mais avant tout l'emplacement de la capitale. Ce serait une surprise. Ainsi que la langue du lieu, dont dépendrait la toponymie : fleuves, montagnes indiquées pour l'instant par des cours supérieurs en éventails confluents.

Le français n'était pas si malsonnant.

L'anglais fut écarté pour laideur irréfutable.

L'espagnol n'eut pas l'honneur d'une hypothèse.

La plus forte attirance fut attirée par l'allemand, l'arabe et le russe, par leurs sonorités, à la fois franches et souples. La lanngue après tout de ce royaume pouvait bien rappeler ces trois-là ensemble, sans préjudices des variations et fantaisies qu'il y introduirait.

Ainsi parsema-t-il son espace de noms de villes, de motagnes et de fleuves.

Il y en eut de français, comme Finécaud, Nubincourt, volontairement gauches, pas plus étranges cependant que Mussidan ou Pignicourt, dont l'usage constant finissait par gommer le burlesque. "Meilleurs" fit son apparition sur la côte nord-ouest, à titre de port très fructufiant, sans aucun rapport étymologique avec le comparatif. Il s'agirait d'un aboutissement phonétique inattendu, formant deux homonymes à partir desquels se serait développé toute une légende .

"Isaac", "Moratan", "Tropard" pouvaient parfaitement se référer à l'implantation de juifs réfugiés, le deuxième suscita le vaillant "Mort-à-Temps", prononçable aussi bien à l'anglaise qu'à l'espagnole. "Tropard" eût été bien plat sans ce parchemin attestant une origine germanique : on y lisait, bien distinctement, la graphie "Tropphardt", à grande profusion de consonnes.

Il répartit les cercles rouges marquant les villes sur trois caps, convergeant au centre d'une baie particulièrement contournée, au point de former trois fjords convergents. La capitale donc, Tropard-Tropphardt, à la pointe d'un de ces promontoires, témoignerait de l'indissoluble union entre deux ethnies, la française et l'allemande, inexorablement bilingue. Ouverte sur l'océan, mais à la fois retranchée derrière ses caps, ses chenaux. Les autres noms témoignèrent tous de cette dualité de civilisation. Par la force des choses, le Royaume de Tropphardt virait polyglotte : des noms primitifs, "Ntizbla" au "n" entravé, Vavamak vaguement polynésien, "Ellès" égaré sur la cpote nord-est, "Ploslo-Wook", "Auraa"- polonais, grec, anglais, slovaque, hébreux, voir aborigène d'Australie.

Les villes tombaient sous ma pointe au hasard, s'écartant peu, après correction, des côtes ou des rivières, voies mremières de communication. Le seul vaste golfe méridional reçut le long de sa côte est une vaste agglomération longiligne, entre mer et collines ; le cercle rouge ne suffisait plus. Il fallut tracer un long polygone capricieux rproduisant les limites du peuplement urbain, puis le rayer de traits rouges obliques, à la façon des atlas pour "villes de plus d'un million" ("1 M").

Mais alors, Tropphardt n'était pas assez important pour une capitale. Cependant son prestige historique la maintiendrait dans ce statut. "Païn" (nom de la nouvelle cité) ne serait qu'un vaste conglomérat privé d'âme, du moins jusqu'à date récente. On la ceindrait de faubourgs, le long de la corniche tortueuse parallèle au chemin des crêtes.

Vers le sud, Païn se prolongerait d'une autre ville, car nous savons sombien ces métropoles se réservent, comme les vieillards, un dernier sursaut : on croit Lille achevée, puis c'est Roubaix, puis c'est Tourcoing. Notre nouvelle ville aurait pour nom "Joghé", avec le "gh" sémitique en "r" grasseyé.

Comme il faudrait bien assurer l'infrastructure économique de cette côte contaminée à l'est par l'industrie et donc fatalement promis à l'industrialisation à l'occident, Butt plaça, à l'angle sud-ouest, la ville indigène de Ziwé. Seul la pointe nord-ouest conserva quelque peu de sauvagerie. Il est vrai qu'en compensation de tant de richesse, l'arrière-pays se transforma sans rémission en un désert savaneux, sans routes. Buut concéda même, vers le sud-est, une seconde concentration industrielle, sur un gisement de fer et de houille.

Pour faire bonne mesure – il fallait bien donner raison aux adultes, aux actifs, aux hommes d'affaireè une conurbation s'allongea sur les deux rives inférieures de la Nflis – qui non sans insolence avait conservé son appellation négro-tchèque – jusqu'à la mer.

"Kombal" fut me grand port exportateur du sud, vers le nord. C'était là que le sort avait désigné la première capitaleutt avait retourné la feuille et piqué le stylo au hasard ; au recto, cela correspondait à la pleine mer, comme d'habitude. Il traça donc le cercle rouge, le baptisant "Sylvie Vartan", aussi sotte que voluptueuse, dont il aurait bien fait ses délices. Il entoura cette métropole d'une côte aussi contournée, aussi dentelée qu'il avait pu.

La deuxième fois, le stylo aveugle indiqua un lieu particulièrement veule et indécis ; un peu à l'écart d'une rivière. Il avait renoncé à y fonder autre chose qu'une cité ordinaire ; ensuite, se ravisant, il l'avait augmentée d'une nébuleuse de faubourgs, aboutissant au sud-ouest à "Gottdab"



















 

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